Bulletin JSA – Janvier 2014

Bulletin rédigé par Maître Philippe CALIOT

SELARL PICOT VIELLE & ASSOCIES
Avocat au Barreau de BAYONNE
3 avenue Foch
64100 BAYONNE


ÉDITORIAL

REPORT DE LA DURÉE MINIMALE DE TRAVAIL DU SALARIE A TEMPS PARTIEL

Le Ministre du Travail annonce le report au 30 juin 2014 de la durée minimale de travail du salarié à temps partiel fixée à 24 heures par semaine.

La loi de Sécurisation de l’Emploi du 14 juin 2013 comporte une série de mesures visant à mieux protéger les salariés qui travaillent à temps partiel notamment en instaurant une durée minimale hebdomadaire de travail de 24 heures à compter du 1er janvier 2014 pour les nouveaux contrats (art. L 3123-14-1 du Code du Travail).

Une convention ou un accord de branche étendu peut fixer une durée de travail inférieure à cette durée minimale à condition de comporter des garanties quant à la mise en œuvre d’horaires réguliers ou permettant au salarié de cumuler plusieurs activités afin d’atteindre une durée globale d’activité au moins égale à 24 heures par semaine (art. L 3123-14-3 du Code du Travail).

De plus, les horaires de travail du salarié doivent être regroupés sur des journées ou des demi-journées régulières ou complètes (art. L 3123-14-4 du Code du Travail).

Plusieurs accords de branche ont déjà été conclus notamment dans l’enseignement privé (le 18 oct. 2013), dans les centres sociaux et socio-culturels (le 14 nov. 2013) et dans le secteur sanitaire, social et médico-social à but non lucratif (le 22 nov. 2013).

Mais le Ministre du Travail par un communiqué du 10 janvier 2014, au motif que dans près de la moitié des branches concernées par l’obligation de négocier, les négociations ne sont pas achevées, a estimé qu’il serait souhaitable de prolonger jusqu’au 30 juin 2014 la période transitoire qui courait jusqu’au 1er janvier 2014 (date d’entrée en vigueur de la durée minimale de 24 heures hebdomadaire en l’absence d’accord) pour permettre la poursuite des négociations.

Il ajoute qu’une disposition législative en ce sens serait intégrée au projet de loi relatif à la formation professionnelle.

Dès lors, dans les secteurs où un accord de branche étendu n’a toujours pas été conclu, il devrait pouvoir être possible prochainement de conclure un contrat de travail à temps partiel d’une durée inférieure à 24 heures hebdomadaire en vertu de la disposition législative, à effet rétroactif, annoncée par le Ministre du Travail et ce jusqu’au 30 juin 2014.

Mais dans l’attente de cette éventuelle disposition législative il convient de s’en tenir à la réglementation en vigueur et de conclure des contrats à temps partiel d’une durée minimale de 24 heures par semaine sauf demande écrite et motivée du salarié ou accord de branche étendu autorisant une durée inférieure.

Dans le prolongement de ces quelques observations sur le temps de travail, sachons nous en distraire quelques instants pour vous souhaiter, chers lecteurs et chères lectrices, une très bonne année 2014. Et nul besoin d’un texte préalable, légal ou conventionnel, pour attester de la sincérité de ces vœux !

ACTUALITÉS

LE RECOUVREMENT DES MAJORATIONS DE RENTE VERSÉES PAR LES CPAM AUPRÈS DES EMPLOYEURS EN CAS DE FAUTE INEXCUSABLE.

Depuis le 1er avril 2013, les sommes versées à la victime à titre de majorations de rentes et d’indemnités en capital prévues en cas de faute inexcusable ne sont plus récupérées par la Caisse sous forme de cotisations AT/MP supplémentaires mais d’un capital.

Cette récupération s’effectue dans des conditions qui sont précisées par un décret n° 2014-13 du 8 janvier 2014.

La Caisse doit désormais se référer en application de l’article D 452-1 du Code de la Sécurité Sociale issu de ce décret au barème utilisé pour l’évaluation des dépenses à rembourser aux caisses d’assurance maladie en cas d’accident du travail imputable à un tiers (art. R 454-1 du CSS).

Ce capital sera recouvré dans les mêmes conditions et en même temps que les sommes versées au titre de l’indemnisation des autres préjudices dont le salarié peut obtenir l’indemnisation en cas de faute inexcusable.

LES DÉLAIS DONT DISPOSE LE COMITÉ D’ENTREPRISE POUR RENDRE UN AVIS

Dans le cadre des consultations prévues à l’article L 2323-3 du Code du Travail modifié par la loi de Sécurisation de l’Emploi du 14 juin 2013, les délais dont dispose le Comité d’Entreprise pour rendre son avis sont fixés par accord entre l’employeur et le Comité d’Entreprise.

En l’absence d’accord, le décret n° 2013-1305 du 27 décembre 2013 fixe les délais dans lesquels les avis du CE sont rendus.

Le délai est en principe d’un mois (art. R 2323-1-1 du Code du Travail).

A l’expiration de ce délai, le CE est réputé avoir rendu un avis négatif (art. L 2323-3 al. 4 du Code du Travail).

Ce délai d’un mois est porté à :

– deux mois en cas d’intervention d’un expert ;
– trois mois en cas de saisine d’un ou plusieurs CHSCT ;
– quatre mois si une instance de coordination des CHSCT a été mise en place.

L’avis du ou des CHSCT est transmis au CE au plus tard sept jours avant l’expiration du délai accordé au CE pour rendre son avis.

Ces nouveaux délais s’appliquent uniquement aux consultations pour lesquelles la loi n’a pas prévu de délais spécifiques (Art 2323-1 du Code du travail).

JURISPRUDENCE

RAPPEL DE SALAIRE POUR HEURES SUPPLÉMENTAIRES : LES JUGES DU FOND ONT DÉSORMAIS UN POUVOIR SOUVERAIN D’APPRÉCIATION

Par quatre arrêts du 4 décembre 2013, la Chambre Sociale de la Cour de Cassation, réunie en formation plénière, considère désormais que les juges du fond, n’ont plus à préciser dans leurs décisions, les modes d’évaluation ou de calcul qu’ils ont appliqués pour évaluer le montant d’un rappel de salaire pour heures supplémentaires.

Il leur suffit de faire référence, sans plus de précisions, à l’examen et à l’analyse, des éléments apportés par les parties.

Les juges du fond n’ont donc désormais plus à indiquer ni le nombre exact d’heures supplémentaires retenu (Cass. Soc. 12 déc. 2012 n° 11-23.769) ni le mode de calcul retenu ainsi que le raisonnement adopté (Cass. Soc. 13 oct. 2004 n° 02-43.274).

Ces quatre arrêts consacrent ainsi le pouvoir souverain des juges du fond dans la fixation du montant de la créance salariale dont les décisions ne pourront plus être cassées au motif d’une appréciation forfaitaire.

La seule obligation qui pèse désormais sur le juge du fond est purement formelle à savoir indiquer « avoir apprécié l’ensemble des éléments de preuve qui lui étaient soumis ».

Le contrôle de la Cour de Cassation est dès lors très réduit en raison de ce pouvoir souverain d’évaluation du juge du fond, ce qui devrait conduire à limiter fortement le nombre de pourvois sur cette question.

LICENCIEMENT A LA SUITE D’UNE INAPTITUDE ET EXTENSION DU DROIT A RÉPARATION DES SALARIES PROTÉGÉS

Un salarié non protégé licencié à la suite d’une inaptitude peut agir en annulation de ce licenciement devant le juge judiciaire s’il estime que cette inaptitude a pour origine un harcèlement moral qu’il a subi (Cass. Soc. 24 juin 2009 n° 07-93.994) et ce sur le fondement de l’article L 1152-3 du Code du Travail qui prévoit la nullité de la rupture du contrat de travail intervenue en méconnaissance des dispositions relatives au harcèlement moral.

En application du principe de la séparation des ordres de juridictions, le salarié protégé ne peut dans un tel cas demander au juge judiciaire d’annuler l’autorisation de licenciement délivrée par l’administration.

Il n’est pas non plus autorisé à demander au juge administratif d’annuler cette autorisation car l’administration saisie d’une demande d’autorisation de licenciement pour inaptitude n’a pas à rechercher l’origine de cette inaptitude (CE 20 nov. 2013 n° 34 0591).

Par contre, il peut demander au juge judiciaire des dommages-intérêts tant au titre des agissements de harcèlement moral subis qu’au titre de la perte d’emploi.

En effet, l’attribution de dommages-intérêts pour perte d’emploi n’a pas été jugé contraire par la Cour de Cassation au principe de séparation des pouvoirs entre les deux ordres de juridiction car pour délivrer l’autorisation de licenciement, l’administration n’a pas à faire porter son contrôle sur l’existence d’un harcèlement (Cass. Soc. 27 nov. 2013 n° 12-20.301).

Une solution identique devrait trouver à s’appliquer lorsque l’inaptitude consécutive à un accident du travail ou une maladie professionnelle résulte d’une faute inexcusable par l’employeur et reconnue comme telle par le TASS. En effet, dans ce cas, le salarié non protégé, a la possibilité de demander à l’employeur devant la juridiction prud’homale, une indemnisation complémentaire visant à réparer la perte de son emploi (Cass. Soc. 17 mai 2006 n° 04-47.455).

L’EMPLOYEUR PEUT-IL ROMPRE DE MANIÈRE ANTICIPÉE LE CDD POUR REFUS DE CHANGEMENT DES CONDITIONS DE TRAVAIL ?

La Cour de Cassation par deux arrêts rendus le 20 novembre 2013 (n° 12-30.100 et 12-16.370) transpose aux salariés en CDD la jurisprudence, posée pour les salariés en CDI, selon laquelle le refus d’un simple changement des conditions de travail ne constitue pas à lui seul une faute grave (un changement de lieu de travail situé dans le même secteur géographique dans l’une des affaires ; une mutation du service des marchés publics à celui des affaires générales dans l’autre affaire).

En conséquence, en l’absence de circonstances particulières entourant ce refus, la faute grave n’est pas établie et l’employeur ne peut rompre de manière anticipée le CDD.

LE REÇU POUR SOLDE DE TOUT COMPTE RÉDIGE EN TERMES GÉNÉRAUX EST PRIVE D’EFFET LIBÉRATOIRE

Le reçu pour solde de tout compte est doté d’un effet libératoire pour les seules sommes qui y sont mentionnées (art. L 1234-20 du Code du Travail).

Cet effet libératoire avait été supprimé par la loi de Modernisation Sociale du 17 janvier 2002 puis rétabli par la loi de Modernisation du Marché du Travail du 25 juin 2008.

Dans un arrêt du 18 décembre 2013 n° 12-24.985, la Cour de Cassation reprend sa jurisprudence antérieure à la loi du 17 janvier 2002 en privant un reçu pour solde de tout compte rédigé en des termes généraux d’un effet libératoire.

Dans cette affaire, la salariée qui n’avait pas dénoncé dans le délai de six mois le reçu pour solde de tout compte rédigé en termes généraux, a pu solliciter diverses sommes tant au titre de l’exécution que de la rupture du contrat de travail et notamment des dommages-intérêts pour harcèlement moral et une indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse.

 

Bulletin rédigé par Philippe CALIOT, Avocat au Barreau de BAYONNE, membre de la SELARL PICOT VIELLE & Associés
3 avenue Foch – 64100 BAYONNE

Bulletin JSA – Décembre 2013

Bulletin rédigé par Maître Patrick CHAVET
AVOXA
Département Droit Social
5 allée Ermengarde d’Anjou
CS 40824
35108 RENNES CEDEX 3

Éditorial

SANTÉ AU TRAVAIL : ET SI L’ESSENTIEL ÉTAIT AILLEURS ?

A une époque où beaucoup d’entreprises s’indignent de ce que les Services de Santé au Travail-SST sont trop souvent incapables de répondre à leurs obligations, le Conseil d’Etat en rajoute en prononçant l’annulation partielle du décret simple n° 2012-137 du 30 janvier 2012, pris en application de la loi du 20 juillet 2011 portant réforme de l’organisation de la médecine du travail- CE 17 juillet 2013 n°358109 JO 24 juillet 2013.

Suivant l’article L 4624-4 du Code du travail (issu de la loi du 20 juillet 2011) : «— des décrets en Conseil d’État précisent les modalités d’action des personnels concourant aux services de santé au travail —».

Dans sa décision du 17 juillet 2013, le Conseil d’Etat juge que les articles du décret du 30 janvier 2012 relatifs :

• à l’établissement par le médecin du travail d’une fiche d’entreprise ou d’établissement,
• au rapport annuel d’activité du médecin du travail,
• au dossier médical en santé au travail,

ont pour objet de préciser les modalités d’action des personnels concourant aux services de santé au travail. Par conséquent, ces modalités d’action auraient du être prises par décret en Conseil d’État et non par décret simple.

Jusqu’à la publication d’un nouveau décret pris en Conseil d’Etat, il ne peut donc être exigé du médecin du travail d’établir ou de mettre à jour les fiches d’entreprise, les dossiers médicaux et les rapports annuels d’activité.

La CFE-CGC n’est pas en reste, qui s’est fendue d’un recours gracieux contre l’arrêté du 20 juin 2013 fixant le nouveau modèle de la fiche d’aptitude.

Critique n° 1 : la fiche d’aptitude liste les origines de la visite de reprise. Cette mention laisse croire que c’est le médecin du travail qui doit déterminer si l’inaptitude est d’origine professionnelle ou non.

Réponse du Directeur Général du Travail-DGT : seule l’origine de la visite de reprise est renseignée et non celle de l’inaptitude. La décision reconnaissant ou non le caractère professionnel de la maladie ou de l’accident continue de relever de la Cpam.

Critique n° 2 : la 2ème visite de reprise est sous la rubrique «visite à la demande du médecin du travail», or c’est à l’employeur de convoquer le salarié à la 2ème visite.

Réponse du DGT : si l’employeur est responsable de l’organisation effective de la 2ème visite de reprise, celle-ci est déclenchée par la mention «à revoir dans 15 jours» portée par le médecin du travail sur la fiche émise à l’issue du 1er examen médical. C’est donc bien le médecin du travail qui apprécie l’opportunité d’un 2nd examen.

Critique n° 3 : le cas de l’inaptitude avec réserves ou restrictions n’est pas envisagé clairement.

Réponse du DGT : la réglementation ne prévoit que deux cas, l’aptitude ou l’inaptitude.
Les réserves et/ou demandes d’aménagement de poste doivent être portées soit dans les conclusions, soit dans l’espace réservé à l’aptitude.

L’essentiel est bien ailleurs, dans la recherche de solutions permettant aux SST de remplir leurs obligations légales.
En autorisant les DIRECCTE à décerner aux SST des agréments «aménagés» et adaptés à leurs moyens (par exemple, accepter d’organiser des visites d’embauche uniquement si la période d’essai est concluante), le législateur trouve certes une parade mais qui place nécessairement les entreprises dans des zones d’inconfort et de risques. En effet, autant les SSTsont soumis à des obligations de moyens, autant les entreprises sont tenues à une obligation de sécurité de résultat.
Face à cette situation, nombre d’entreprises réfléchissent à internaliser leur Service de Santé au Travail.
Les Services de Santé Autonomes ont peut-être de beaux jours devant eux.

Actualité

CHSCT : ÉVOQUER UN RISQUE GÉNÉRAL DE STRESS N’EST PAS SUFFISANT POUR JUSTIFIER LE RECOURS À UN EXPERT

Trois CHSCT de la Société Snecma ont désigné un expert, au titre du risque grave, pour «rechercher les facteurs de risques et analyser les accidents et les conditions de travail des situations et accidents liés au stress et/ou aux situations stressantes, et aider le CHSCT à avancer des propositions de prévention des risques professionnels et d’amélioration des conditions de travail».

Pour annuler les délibérations désignant l’expert, la Cour d’appel a relevé que les CHSCT, qui s’étaient fondés sur le risque grave pour actionner l’expertise, faisaient état du risque général de stress lié aux diverses réorganisations mises en œuvre dans l’entreprise, mais ne justifiaient pas d’éléments objectifs susceptibles de caractériser un risque avéré.

Après avoir rappelé que le risque grave, visé par l’article L. 4614-12, alinéa 2 du Code du travail, s’entend d’un risque identifié et actuel, la Cour de cassation valide la motivation retenue par la Cour d’appel.

Le recours à un expert pour risque grave par le CHSCT est soumis à l’existence d’un risque identifié et actuel. Ne faire état que d’un risque général de stress suite à diverses réorganisations de l’entreprise ne suffit pas. Il en résulte que le CHSCT ne doit pas se borner à faire état d’un risque général. Il ne doit pas se contenter d’affirmations générales sans apporter de faits précis, circonstanciés et vérifiés.

Il appartient au CHSCT de constater et de définir les risques avérés dans le périmètre de l’établissement et avant de diligenter un expert en raison de ces risques.
Cass. soc. 14 nov. 2013, n°12-15.206 F-D

NULLITÉ DU LICENCIEMENT PRONONCÉ EN RAISON D’UNE ATTESTATION DÉLIVRÉE AU BÉNÉFICE D’UN COLLÈGUE

Aux termes de l’attendu de principe au visa des articles 6 et 10 de la convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales : «en raison de l’atteinte qu’il porte à la liberté fondamentale de témoigner, garantie d’une bonne justice, le licenciement prononcé en raison du contenu d’une attestation délivrée par un salarié au bénéfice d’un autre est atteint de nullité, sauf en cas de mauvaise foi de son auteur».

En l’espèce, l’employeur reprochait au salarié licencié pour faute grave d’avoir établi une fausse attestation en faveur d’un salarié engagé dans un litige contre l’entreprise, et d’en avoir parlé à ses collègues de travail. S’appuyant sur la liberté d’expression, le salarié demandait l’annulation de son licenciement.

La Cour d’appel avait validé le licenciement, considérant que le salarié avait «été licencié pour avoir rédigé une fausse attestation et informé ses collègues de travail de son intention de témoigner en faveur d’un autre salarié, en donnant ainsi une publicité à son opposition envers sa direction, de sorte que le licenciement ne reposant pas sur une atteinte à sa liberté de témoigner, il n’y avait pas lieu de l’annuler».

La Cour de cassation rappelle que la liberté de témoigner est une liberté fondamentale, garantie d’une bonne justice. Seule la mauvaise foi du salarié pourrait légitimer le licenciement de l’auteur d’une telle attestation.

Cet arrêt constitue une nouvelle illustration de la jurisprudence de la Cour de cassation aux termes de laquelle un licenciement portant atteinte à une liberté fondamentale peut, même en l’absence de texte, être annulé, le salarié pouvant, de ce fait, demander à être réintégré dans l’entreprise.
Cass. soc. 29 oct. 2013, n°12-22.447 FS-P+B

ALTERCATION ENTRE SALARIÉS AVEC UN CUTTER ET OBLIGATION DE SÉCURITÉ

En application de l’article L.4122-1 du Code du travail : « […] il incombe à chaque travailleur de prendre soin, en fonction de sa formation et
selon ses possibilités, de sa santé et de sa sécurité ainsi que de celles des autres personnes concernées par ses actes ou ses omissions au travail».

La Cour de cassation a été amenée à considérer qu’au cours d’une altercation, le fait pour un salarié de pointer un cutter, lame sortie, en direction d’un autre salarié caractérise un manquement à l’obligation de sécurité justifiant son licenciement.

Cet arrêt rappelle que si l’employeur est tenu à obligation de sécurité, le salarié également. Son comportement ne doit pas être susceptible de mettre en danger ses collègues de travail.

En l’espèce, le salarié arguait que son comportement trouvait sa cause dans un prétendu harcèlement dont il se disait victime de la part de son employeur, ainsi que du stress et du climat relationnel dégradé qu’il subissait, argument qui n’a pas été retenu par la Cour de cassation.

Cependant, la gravité de la faute commise par le salarié aurait pu être atténuée en raison d’un non respect par l’employeur de sa propre obligation de sécurité.
Cass. soc. 30 oct. 2013, n°12-20.190

SALARIÉ LICENCIÉ APRÈS AVOIR DÉVOILÉ SON HOMOSEXUALITÉ = PRÉSOMPTION DE DISCRIMINATION

Un salarié soutenait que son supérieur hiérarchique, un mois après avoir appris son homosexualité, lui avait retiré un dossier contrairement à la volonté du client concerné et que, deux semaines après ce retrait, il l’avait convoqué à un entretien préalable à son licenciement pour faute grave.

Pour la Cour de cassation, ces éléments sont suffisants pour laisser supposer l’existence d’une discrimination fondée sur l’orientation sexuelle du salarié, quand bien même le salarié ne rapportait aucun propos, mesure ou décision la laissant supposer.

Au visa des articles L. 1132-1 et L. 1134-1 du Code du travail, la Cour de cassation rappelle que «lorsque le salarié présente des éléments de fait constituant selon lui une discrimination directe ou indirecte, il appartient au juge d’apprécier si ces éléments dans leur ensemble laissent supposer l’existence d’une telle discrimination et, dans l’affirmative, il incombe à l’employeur de prouver que ses décisions sont justifiées par des éléments objectifs étrangers à toute discrimination».

Conformément au mécanisme de la charge de la preuve en matière de discrimination, dès lors que les éléments de faits apportés par une victime présument de l’existence d’une discrimination, il incombe alors à l’employeur de prouver que ses décisions – en l’espèce, le retrait de dossier et le licenciement – étaient justifiées par des éléments objectifs étrangers à toute discrimination.

Il appartiendra à la Cour d’appel de renvoi d’appliquer ce mécanisme et donc à l’employeur de prouver que le licenciement n’était pas fondé sur l’orientation sexuelle du salarié. A défaut, la rupture du contrat sera nulle et l’intéressé pourra obtenir sa réintégration dans l’entreprise et les salaires dont il a été privé depuis son éviction.
Cass. soc. 6 novembre 2013 n°12-22.270 F-D

 

Bulletin rédigé par Patrick CHAVET, Avocat à la Cour et les membres du Pôle Droit Social d’AVOXA
AVOXA – Département Droit Social – 5 allée Ermengarde d’Anjou – CS 40824 – 35108 RENNES CEDEX 3

Bulletin JSA – Novembre 2013

Bulletin rédigé par Maître Fabrice VIDEAU

VOCA CONSEIL
8, rue Alfred Kastler
UNICITE
14000 CAEN


EDITORIAL

BABY LOUP : LEVONS LE VOILE

Décembre 2008, au retour d’un congé parental, la directrice adjointe d’une crèche « BABY LOUP » refuse d’enlever son voile islamique intégral dans des conditions houleuses.

Elle sera licenciée au nom de la « neutralité philosophique, politique et confessionnelle » de la crèche, principe figurant dans le règlement intérieur opposable aux salariés de l’association.

19 mars 2013 : Après avoir été validé en première instance et en appel, le licenciement est annulé par la Cour de Cassation (Cass. soc. 19 mars 2013, n°11-28845 à mettre en parallèle avec un autre arrêt du même jour n°12-11690).

Au visa de l’article 9 de la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales, la Haute Cour rappelle que les restrictions à la liberté religieuse doivent être justifiées par la nature de la tâche à accomplir et répondre à une exigence professionnelle essentielle, déterminante et proportionnée au but recherché.

Selon la Cour, les principes de neutralité sont applicables à l’ensemble des services publics, y compris ceux assurés par des organismes de droit privé.

Mais tel n’est pas le cas d’une crèche privée, en dépit de sa mission d’intérêt général.

17 octobre 2013 : sur renvoi de la Cour de Cassation, la Cour d’Appel de Paris hérite du litige.

L’enjeu est de taille : celui de pouvoir appliquer le principe de laïcité au sein d’organismes de droit privé, dont les entreprises.

A sujet exceptionnel, audience exceptionnelle : l’audience est dirigée par le Premier Président de la Cour d’Appel, en présence du Procureur Général, lequel requiert pour la validation du licenciement et donc contre la décision rendue par la Cour de Cassation.

La décision du 27 novembre 2013 est attendue avec impatience.

Si elle est ressaisie, ce qui est fort probable, la Cour de Cassation statuera alors en Assemblée Plénière (les plus hauts magistrats des 6 chambres), pour rendre une décision de principe qui fera date.

La difficulté de ce dossier, au-delà de l’enjeu philosophique, politique et sociétal de ces décisions, vient du fait qu’il repose sur un débat juridique biaisé.

En, effet, la lettre de licenciement pour faute grave litigieuse est, pour l’essentiel fondée sur le fait que la salariée avait contrevenu aux dispositions du règlement intérieur de l’association en portant un voile islamique.

Pour valider le licenciement, la Cour d’Appel de Paris doit donc valider le règlement intérieur de l’association.

Or, celui-ci pose comme postulat général que la liberté de conscience et de religion de chacun des membres du personnel ne peut faire obstacle au respect des principes de laïcité et de neutralité prônés par l’association.

A l’aune des libertés fondamentales (dont la religion) sacralisées par le droit européen et le Code du travail (notamment les articles L1121-1 et L1132-1), il est de principe constant que nul ne peut apporter de restriction aux libertés individuelles et collectives, qui ne soit justifiée par la nature de la tâche à accomplir ni proportionnée au but recherché.

C’est ce principe qu’a rappelé la Cour de Cassation en mars 2013, réservant toutefois l’hypothèse des employeurs (publics ou privés) en charge d’un service public.

Sur la base de ces principes, il est à ce jour juridiquement acquis qu’un règlement intérieur ne peut comporter d’interdiction générale et absolue à une liberté fondamentale, y compris celui d’une crèche animée par un louable souci de totale neutralité pour le bien-être des enfants qu’elle prend en charge.

L’arrêt de la Cour de Cassation crée néanmoins une situation troublante, puisqu’une telle interdiction, fondée sur le principe de laïcité, serait admise et justifiée dans l’enceinte d’une crèche municipale…

A moins que ses parents fassent expressément le choix d’une prise en charge par un organisme confessionnel, il est difficile d’accepter que l’intérêt supérieur de l’enfant, principe fondamental également consacré en droit européen, soit à géométrie variable, et subisse l’aléa de la nature de l’institution qui le prend en charge.

En statuant sur ce principe d’intérêt supérieur de l’enfant, ou en qualifiant de mission de service public l’activité de prise en charge d’enfants en bas-âge, les magistrats ont la possibilité d’apporter une réponse circonstanciée au dossier « Baby Loup ».

Il n’est toutefois pas évident qu’une réponse soit donnée aux autres entreprises, où la question du port de signes religieux distinctifs reste très sensible.

ACTUALITÉS

INAPTITUDE : NOUVELLES PRÉCISIONS

CDD

Depuis mai 2011, il est possible de rompre de manière anticipée un CDD pour cause d’inaptitude médicale et impossibilité de reclassement.

La Cour de cassation précise que cette procédure est exemptée d’entretien préalable. Mais attention, les recherches de reclassement s’appliquent !
Avis Cour de cassation 21 octobre 2013, n°15013

CHSCT

Lors d’une procédure de licenciement pour inaptitude d’origine professionnelle, la consultation des délégués du personnel est obligatoire.

Mais faut-il pour autant consulter également le CHSCT ?

Non, répond la Cour de cassation car aucun texte n’impose une telle consultation.
Cass. Soc. 9 octobre 2013, n°12-20690

Attention toutefois à l’article L4612-11 du Code du travail qui impose de consulter le CHSCT sur les mesures prises en vue de faciliter la mise, la remise, ou le maintien au travail des accidentés du travail, notamment sur l’aménagement des postes de travail.

DIF

Le licenciement pour impossibilité de reclassement suite à inaptitude constatée par le médecin du travail est notifié sans préavis. Malgré cette situation, la Cour de Cassation précise que l’employeur doit informer dans la lettre de licenciement le salarié de la possibilité de demander pendant un délai équivalent au préavis que le salarié « aurait effectué s’il avait été apte », à bénéficier d’une action de bilan de compétences, de validation des acquis de l’expérience ou de formation en mobilisant son droit à DIF.
Cass. Soc. 25 septembre 2013 n 12-20310

ANNUALISATION ET ACCORD DU SALARIE : AVANT 2012 LE RISQUE PERDURE

2010 : la Cour de cassation décide que « l’instauration d’une modulation du temps de travail constitue une modification du contrat de travail qui requiert l’accord exprès du salarié ».
Cass soc 28 septembre 2010, n 08-43161

Tollé chez les employeurs et réaction législative le 22 mars 2012 pour sécuriser rétroactivement les dispositifs d’annualisation : Selon le nouvel article L3122-6 du Code du travail, « la mise en place d’une répartition des horaires sur une période supérieure à la semaine et au plus égale à l’année prévue par un accord collectif ne constitue pas une modification du contrat de travail. »

Confrontée à l’application de ce nouveau texte, la Cour de cassation résiste :

L’article L3122-6 « n’a ni caractère interprétatif, ni effet rétroactif ».

Il n’est donc « applicable qu’aux décisions de mise en œuvre effective de la modulation du temps de travail prises après publication de ladite loi ».
Cass. Soc. 25 septembre 2013 n°12-17776

FORCE PROBANTE DU MAIL DANS LE CADRE D’UN CONTENTIEUX PRUD’HOMAL

Le code civil prévoit un régime particulier encadrant la validité et l’authenticité des courriers électroniques.

Les articles 1316-1 et 1316-4 du code civil imposent ainsi que le courriel soit établi et conservé dans des conditions de nature à en garantir l’intégrité.  Celui-ci doit également comporter une signature électronique résultant d’un procédé d’identification fiable …

La Cour de Cassation, dans une décision du 25 septembre 2013 vient de préciser que ces dispositions ne sont pas applicables dans le cadre d’un contentieux prud’homal.

Il est en effet constant qu’en matière prud’homale, la preuve est libre. Elle peut donc être rapportée par tous moyens. Dès lors, les courriels versés aux débats n’ont pas besoin d’être authentifiés.

Ces courriels doivent néanmoins être fiables.

Pragmatique, la Cour de Cassation a déjà rappelé qu’il est possible de « modifier un mail existant ou de créer de toute pièce un mail anti daté » (Cass. Soc. 22 mars 2011 n°09-43307).

Au juge de faire preuve d’esprit critique, et d’écarter les courriels dont l’authenticité n’est pas établie.
Cass. Soc. 25 septembre 2013, n°11-25884

QUAND LA DATE DE CONNAISSANCE DES FAITS S’IMPOSE TANT A L’EMPLOYEUR QU’AU SALARIE

En matière disciplinaire, l’employeur qui décide de ne sanctionner qu’une partie des fautes reprochées à un salarié ne peut ultérieurement s’appuyer sur des faits non sanctionnés pour le licencier.

En effet, selon les juges, en sanctionnant par une mise à pied qu’une partie des faits portée à sa connaissance, « l’employeur avait épuisé son pouvoir disciplinaire et ne pouvait plus prononcer un licenciement pour sanctionner toute ou partie d’autres faits antérieurs à cette date dont il avait connaissance »
Cass. Soc. 25 septembre 2013 n°12-12976

Hasard du calendrier (?), la Cour de Cassation adopte un raisonnement similaire pour les prises d’actes de rupture.

Ainsi, un salarié qui prend acte de la rupture de son contrat de travail ne peut pas invoquer un manquement de l’employeur dont il n’a eu connaissance qu’après la date à laquelle il a formalisé la rupture de son contrat de travail.
Cass. Soc. 9 octobre 2013 n°11-24457

Cette dernière décision n’allait pas de soi.

En effet, il est acquis que l’écrit par lequel le salarié prend acte de la rupture de son contrat de travail au soutien de manquement reproché à son employeur rendant impossible la poursuite du contrat ne « fixe pas les limites du litige ».

Depuis 2005, la Cour de Cassation invite les juges du fond à examiner l’ensemble des manquements de l’employeur invoqués dans le cadre du contentieux prud’homal, même s’ils n’ont pas été précisés dans la lettre de prise d’acte (Cass. Soc. 29 juin 2005 n° 03-42804).

De là à admettre l’ensemble des manquements de l’employeur, sans condition de date, il  n’y avait qu’un pas, que la Cour de Cassation a refusé de franchir.

En effet, selon la haute juridiction, lorsque les faits invoqués n’ont été connus du salarié que postérieurement à la prise d’acte, « ceux-ci ne peuvent être pris en considération pour justifier la rupture ».

Bulletin rédigé par Maître Fabrice VIDEAU, Avocat associé
VOCA CONSEIL, 8 rue Alfred Kastler – UNICITE – 14000 CAEN

Bulletin JSA – Octobre 2013

Bulletin rédigé par Maîtres Pascale ROUVILLE et Mélanie THOMAS-COTTEAUX et Yoann GONTIER
EPONA CONSEIL
19 rue Alfred Kastler
76130 MONT ST AIGNAN


Éditorial

L’INÉVITABLE PRISE EN COMPTE DES RISQUES PSYCHOSOCIAUX

Si jusque-là, le signe RPS a été plutôt utilisé pour appréhender des situations dramatiques de suicides ou tentatives de suicide au travail,es juridictions s’en emparent désormais pour statuer sur des situations beaucoup plus communes du quotidien des entreprises. Ainsi, dans le cadre de son obligation de santé et sécurité (qui, rappelons-le constitue une obligation de résultat à la charge de l’employeur),l’entreprise doit désormais s’assurer que le salarié ne subit pas des conditions de travail génératrices de stress.

Ce qui relevait avant des conditions estimées normales par l’employeur (notamment conflits entre collègues, tensions en cas de surcharge de travail, …) doit désormais être revisité à la lueur de décisions récentes qui ne permettent plus à l’employeur de se dédouaner des conséquences de ces situations de stress.

C’est ainsi que la Cour de cassation, dans un arrêt du 17 octobre 2012, a requalifié la prise d’acte de rupture de son contrat de travail d’une salariée en licenciement sans cause réelle et sérieuse au motif que l’employeur, informé d’un conflit entre elle et sa supérieure hiérarchique (sans grief particulier de part et d’autre), n’avait pas pris les mesures appropriées pour apporter des solutions à cette situation conflictuelle (Cass. soc. 17 octobre 2012, n°11-18.208).

En l’espèce, l’Inspection du travail avait sollicité que soit mise en œuvre une médiation que l’entreprise n’avait pas initiée.

La Haute Juridiction a estimé qu’il s’agissait là d’un manquement suffisamment grave pour requalifier la démission en licenciement sans cause réelle et sérieuse.

Ainsi, désormais, l’employeur ne peut plus ignorer les conflits entre salariés et se doit de mettre en œuvre les dispositifs appropriés pour les résoudre.

Un arrêt du 13 mars 2013 de cette même juridiction, aborde un autre aspect des RPS : l’épuisement professionnel.

Une salariée nouvellement embauchée est licenciée dix mois plus tard, pour absences prolongées et répétées, perturbant l’organisation et le bon fonctionnement de l’entreprise.

La salariée a contesté son licenciement, mettant en exergue une situation de stress permanent et prolongé, avec la fixation d’objectifs importants, ainsi qu’un manque de stabilité du personnel notamment du fait de l’embauche de stagiaires.

La salariée n’avait informé ni son employeur, ni la médecine du travail, de la situation de surcharge de travail et de stress qu’elle rencontrait.

La Cour de cassation va casser l’arrêt de la Cour d’appel de Lyon qui avait débouté la salariée, au motif que la dégradation de son état de santé due à un épuisement professionnel était « susceptible de caractériser un lien entre la maladie de la salariée et un manquement de l’employeur à son obligation de sécurité ». (Cass. soc. 13 mars 2013, n°11-22.082).

Il convient de rappeler que la maladie ne peut faire l’objet de discrimination et que toute rupture du contrat de travail y faisant référence, se voit sanctionner, en,cas de condamnation, par la nullité de la rupture intervenue.

De façon beaucoup plus dramatique, la Cour de cassation vient de statuer sur la responsabilité d’une entreprise en matière de faute inexcusable relative à un salarié dont le suicide avait été provoqué par un stress important dû :

– à une inadéquation entre les connaissances requises du salarié et les fonctions occupées,
– en l’absence de formation par l’équipe en place,
– et malgré un changement de poste à terme avec des conditions de travail moins stressantes,
– mais sans toutefois contrôler les horaires de ce salarié.

La Cour de cassation a jugé en l’occurrence que l’employeur n’avait pas pris les mesures suffisantes pour préserver la santé du salarié et valide la faute inexcusable à l’encontre de l’entreprise (Cass. soc. 19 septembre 2013 n°12-22.156).

Les partenaires sociaux, conscients des enjeux notamment en termes de risques financiers et d’efficacité au travail, ont conclu le 19 juin 2013, un accord national interprofessionnel portant sur l’amélioration de la qualité de vie au travail et de l’égalité professionnelle. Au-delà de la déclaration d’intention des organisations patronales et salariées, il en ressort quelques mesures concrètes.

Ainsi, le thème de la qualité de vie au travail devra désormais être abordé de façon transversale dans le cadre du regroupement des différentes négociations obligatoires, et intégrera notamment la conciliation entre vie professionnelle et vie personnelle, sujet de plus en plus prégnant dans notre droit social.

Au-delà des RPS, un nouveau sigle apparaît : QVT (qualité de vie au travail), dont il faudra également tenir compte pour l’avenir…

Actualité

PAS DE CIGARETTE ÉLECTRONIQUE SUR LE LIEU DE TRAVAIL

Faute de disposer d’études scientifiques concordantes sur les risques liés à l’utilisation de la cigarette électronique, l’Institut National de Recherche et de Sécurité (INRS), préconise à l’employeur d’en interdire l’usage sur le lieu de travail, au titre de son obligation de sécurité de résultat, au moyen du règlement intérieur de l’entreprise.

L’interdiction de « vapoter » sur le lieu de travail pourrait également être imposée par voie de note de service pour les entreprises de moins de 20 salariés, non soumises à l’obligation d’établir un règlement intérieur.

L’absence d’études avérées sur l’éventuelle toxicité de ce nouveau produit, notamment vis-à-vis des « non-vapoteurs », devrait, en effet, conduire l’employeur à la prudence.

Rappelons que la Cour de cassation a, dans un arrêt de 2005, validé la prise d’acte d’un salarié de la rupture de son contrat de travail aux torts et griefs de l’employeur, pour cause de tabagisme passif (Cass. soc. 29 juin 2005, Société ACME Protection/Lefebvre).

LICENCIEMENT ÉCONOMIQUE :

Points de contrôle de la Direccte dans le cadre de l’homologation du document unilatéral

La loi du 14 juin 2013 a réformé en profondeur la procédure de licenciement économique d’au moins 10 salariés dans les entreprises de plus de 50 salariés.

La DIRECCTE est désormais chargée de valider l’accord collectif ou d’homologuer le document unilatéral établi par l’employeur, qui fixe le plan de sauvegarde de l’emploi (PSE).

Lorsqu’un accord collectif valant PSE est conclu, l’Administration exerce un contrôle restreint.

En revanche, à défaut d’accord collectif ou en cas d’accord ne portant pas sur l’ensemble des points devant y figurer, l’autorité administrative effectue un contrôle plus poussé du document unilatéral établi par l’employeur.

A cet égard, la DIRECCTE vérifie notamment que les efforts préalables de formation et d’adaptation, ont bien été respectés.

En effet, l’article L. 6321-1 du Code du travail prévoit dans les entreprises et les Groupes d’entreprises employant au moins 50 salariés, l’organisation, dans l’année qui suit le 45ème anniversaire, d’un entretien professionnel au cours duquel l’employeur informe le salarié, notamment sur ses droits en matière d’accès à un bilan d’étape professionnelle, à un bilan de compétences ou à une action de professionnalisation.

Cette disposition a été reprise dans de nombreux accords de branche, mais également dans des plans d’action ou accords relatifs à l’emploi des seniors, dont certains sont encore en vigueur.

Il convient donc de veiller à ce que de tels entretiens de 2nde partie de carrière soient bien organisés.

A défaut, l’employeur risque de se voir opposer par la DIRECCTE, un refus d’homologation de son document unilatéral.

Jurisprudence

FAUTE D’OBJECTIFS FIXÉS AU SALARIÉ POUR SA RÉMUNÉRATION VARIABLE, CELLE-CI EST DUE EN TOTALITÉ

Confirmation de jurisprudence : faute pour l’employeur de préciser au salarié les objectifs à réaliser ainsi que les conditions de calcul vérifiables, servant de base au calcul de sa rémunération variable, cette rémunération doit être payée intégralement (Cass. soc. 10 juillet 2013,n° 12-17.921).

IMPOSSIBILITÉ DE RENONCER PAR AVANCE À CONTESTER UNE RUPTURE CONVENTIONNELLE HOMOLOGUÉE

Par un arrêt du 26 juin 2013, la Cour de cassation s’est prononcée pour la première fois sur l’impossibilité pour les parties de renoncer, dans la convention de rupture conventionnelle, à toute contestation relative à cette rupture. (Cass. soc. 26 juin 2013 n° 12 – 15 208, Rizzo/Sté Impérial Palace).

La convention de rupture conventionnelle comportait une clause ainsi rédigée : « les parties renoncent irrévocablement à toutes autres actions ou prétentions de quelques natures que ce soit qui résulterait de l’exécution ou de la cessation du contrat de travail ».

La Cour de cassation a jugé que cette clause devait être réputée non écrite (ce qui permet au salarié, malgré la signature de cette convention, de saisir le Conseil de Prud’hommes de demandes relatives à l’exécution ou la rupture du contrat) mais ne remettait néanmoins pas en cause la validité de la rupture du contrat de travail, la convention de rupture restant pour le surplus valable.

La Cour de cassation a rappelé dans ce même arrêt que l’existence d’un litige antérieur entre l’employeur et le salarié ne remet pas en cause automatiquement la validité de la rupture conventionnelle (déjà en ce sens Cass. soc. 23 mai 2013 n°12-13865).

Le contrôle du juge porte néanmoins sur le consentement du salarié qui doit être libre et non vicié.

LES TESTS SALIVAIRES DOIVENT ÊTRE PRÉVUS PAR LE RÈGLEMENT INTÉRIEUR

Pour la première fois à notre connaissance, une juridiction valide la possibilité pour l’employeur de dépister la consommation de drogues par ses salariés, mais l’encadre de façon stricte.

Ainsi, dans un jugement du 20 septembre 2013, le Conseil de Prud’hommes de Grenoble a jugé que l’employeur ne peut pas avoir valablement recours à un test salivaire, dès lors que cette possibilité n’est pas prévue par le règlement intérieur de l’entreprise (obligatoire dans les entreprises d’au moins 20 salariés).

Un salarié est surpris par son supérieur hiérarchique en train de fumer ce qu’il suppose être du cannabis. Il lui est alors proposé, ce que le salarié a accepté, de réaliser un test salivaire, lequel s’est avéré positif.

Sur la base de ce seul élément, l’employeur licencie l’intéressé pour faute grave.

Le Conseil de Prud’hommes juge que « si l’employeur peut utiliser le test salivaire pour détecter l’usage de produits stupéfiants, c’est à condition que cette possibilité figure au règlement intérieur, que le salarié ait été informé de ce dépistage [et] qu’il s’adresse aux salariés dont l’usage de la drogue présente un risque pour sa propre sécurité ou la sécurité d’autres salariés, [de sorte que le test salivaire] ne peut donc [pas] être généralisé» (CPH Grenoble, 20 septembre 2013, Délégués du personnel CGT/ SAS STMicroelectronics Crolles).

Ce faisant, la juridiction prud’homale transpose la jurisprudence, désormais bien établie, de la Cour de cassation en matière d’éthylotest.

Ainsi, le recours à ce mode de contrôle n’est autorisé que dans les conditions suivantes :

– être expressément prévu par le règlement intérieur de l’entreprise (dès lors bien évidemment que la société est soumise à une telle obligation),
– être limité aux salariés dont la consommation d’alcool (ou de produits stupéfiants par analogie) présente des risques pour sa propre sécurité ou pour celle de son entourage,
– le salarié doit être informé de sa possibilité de refuser de se soumettre au contrôle,
– et de demander une contre-expertise,
– et la personne qui effectue le contrôle doit se conformer scrupuleusement aux modalités définies dans le règlement intérieur.

A défaut, la preuve obtenue au moyen du contrôle effectué, est irrecevable et le licenciement prononcé sur ce seul fondement, est privé de cause réelle et sérieuse.

Bien que la Cour de cassation ne se soit, pour l’heure, pas prononcée sur ce point, il apparaît opportun pour les employeurs de tenir compte de cette décision et de mettre à jour leur règlement intérieur.

SUR L’UTILISATION PAR UN SALARIÉ DU MATÉRIEL INFORMATIQUE MIS À SA DISPOSITION PAR L’ENTREPRISE

L’outil informatique mis à disposition des salariés par l’employeur est présumé être utilisé à des fins professionnelles.

Cette présomption a pour conséquence que l’employeur peut consulter librement :

– les connexions Internet durant le temps de travail ;
– le fichier informatique contenu sur une clé usb connectée à l’ordinateur du salarié (Cass. soc 1 février 2013, n°11-28649) ;
– les courriels ou fichiers non identifiés comme personnels.

En effet, de jurisprudence constante, les courriers adressés par un salarié à l’aide d’outils informatiques mis à disposition par l’employeur ainsi que les fichiers enregistrés sur le disque dur de son ordinateur de travail, sont présumés avoir un caractère professionnel et peuvent donc être consultés par l’employeur hors la présence du salarié (Cass. soc. 9 juillet 2008, n°06-45800), et éventuellement constatés par huissier de justice.

Néanmoins, le salarié dispose d’une liberté lui permettant d’utiliser de manière raisonnable l’ordinateur à titre personnel.

Ainsi, dès lors qu’un fichier est intitulé «personnel», l’employeur ne peut en prendre connaissance en dehors de la présence du salarié.

Les juges acceptent donc l’utilisation de ces modes de preuve pour sanctionner les salariés.

En effet, si un fait relevant strictement de la vie privée d’un salarié, ne peut par principe être considéré comme fautif, un tel fait peut néanmoins justifier :

– un licenciement non disciplinaire s’il cause un trouble caractérisé dans l’entreprise,
– un licenciement disciplinaire lorsque ce fait se rattache à la vie professionnelle du salarié.

Deux décisions récentes viennent illustrer ces principes.

Ainsi, la Cour de cassation a jugé le 19 juin 2013 que le mail transféré de la messagerie personnelle du salarié sur l’ordinateur de travail est présumé professionnel. (Cass.soc 19 juin 2013, n°12-12.138, Sté Young et rubicam/X)

L’employeur peut donc contrôler hors la présence du salarié, les courriers et fichiers transférés sur l’ordinateur de travail du salarié depuis sa messagerie personnelle et non expressément identifiés comme personnels.

Le lieu de stockage prime donc sur l’origine du fichier.

La Cour d’Appel de Pau a quant-à elle considéré comme justifié le licenciement pour faute d’une salariée en raison de ses connections quasi quotidiennes, à plusieurs reprises dans la journée et durant les heures de travail, sur des sites internet extra-professionnels (FACEBOOK, HOTMAIL …) et ce, au détriment de la qualité de son travail. (CA PAU, 13 juin 2013 n°11-02759, Sté BPS Pays Basque/C.)

A noter que la salariée contestait être l’auteur des connexions et faisait valoir que d’autres salariés avaient pu se connecter depuis son ordinateur.

Argument non retenu par les juges qui rappellent que la connexion à FACEBOOK et au compte de messagerie personnelle de la salariée nécessite un mot de passe qu’elle pouvait seule utiliser.
Bulletin rédigé par Pascale ROUVILLE et Mélanie THOMAS-COTTEAUX, Avocats et Yoann GONTIER, Juriste
ÉPONA CONSEIL – 19, rue Alfred Kastler 76130 Mont-St-Aignan

Bulletin JSA – Septembre 2013

Bulletin rédigé par Maître Anthony PEILLET

Maître Anthony PEILLET
Avocat à la Cour
1 ter rue du Languedoc
31000 TOULOUSE


Editorial

L’INAPTITUDE PHYSIQUE DU SALARIE ENCORE ET TOUJOURS EN DEBAT

Le licenciement pour impossibilité de reclassement faisant suite à une déclaration d’inaptitude est une source abondante de contentieux.

L’extrême sévérité des juridictions dans l’application des textes, à toutes les étapes de la procédure de reconnaissance de l’inaptitude, doit conduire l’employeur à être particulièrement vigilant.

Un tel licenciement s’articule autour de deux points fondamentaux : Un avis d’inaptitude établi par le médecin du travail et une recherche de reclassement sincère aboutissant à une impossibilité de reclasser.

Si la recherche de reclassement, au regard des exigences jurisprudentielles, fait généralement l’objet de toutes les attentions, la validité du constat d’inaptitude au poste est un élément tout aussi important.

Le constat d’inaptitude peut intervenir uniquement lorsque le médecin du travail a procédé à une étude de poste ainsi que des conditions de travail et procédé à deux examens médicaux espacés de deux semaines (sauf cas de danger immédiat où une seule visite médicale peut suffire, cf. article R. 4624-31 du code du travail).

Pour un salarié ayant fait l’objet d’un arrêt de travail d’au moins 30 jours, ces deux visites médicales doivent, en principe, intervenir après l’arrêt de travail : à l’occasion d’une visite dite de « reprise » et une seconde visite espacée de deux semaines (cf. articles R. 4624-22 et R. 4624-31 du code du travail).

La loi du 20 juillet 2011 relative à l’organisation de la médecine du travail et son décret d’application du 26 janvier 2012, ont introduit une nouvelle modalité de déclaration d’inaptitude.

Depuis le 1er juillet 2012, l’inaptitude au poste peut être également constatée après un seul examen médical au moment de la reprise du travail, si une visite médicale -dite de pré-reprise – est intervenue durant l’arrêt de travail et dans les trente jours précédents (cf. article R. 4624-31 du code du travail).

La nouveauté est donc qu’il est possible de constater une inaptitude même si une seule visite médicale s’est tenue après l’arrêt de travail (alors même qu’il n’y a pas de danger immédiat pour la santé du salarié).

L’erreur serait alors de croire que toute visite médicale de pré-reprise peut caractériser le premier des deux examens médicaux requis en principe pour constater valablement une inaptitude au poste.

Sensibilisée sur ce point, l’Administration vient d’apporter des précisions de tout premier ordre (cf. Réponse ministérielle. n° 19879 : JOAN Q, 3 sept. 2013, p. 9330).

Une visite de pré-reprise est obligatoire uniquement pour les salariés en arrêt de travail depuis plus de trois mois.

Elle doit être organisée par le médecin du travail à l’initiative du médecin traitant, du médecin conseil des organismes de sécurité sociale ou du salarié (cf. article R. 4624-20 du code du travail).

Selon l’Administration, cette visite de pré-reprise est la seule autorisant le médecin du travail à constater une inaptitude lors de d’un examen unique survenant après l’arrêt de travail.

En d’autres termes, si l’arrêt de travail est d’une durée inférieure à trois mois, les visites de pré-reprises à l’initiative du salarié, de l’employeur ou du médecin du travail ont pour seule portée d’apprécier les capacités du salarié en perspective d’un retour au poste.

Si une inaptitude est à prévoir, il faudra impérativement que le salarié soit, comme auparavant, examiné après son arrêt de travail, dans le cadre d’une visite de reprise et d’un second examen médical espacé de deux semaines.

Même si la réponse ministérielle apparait contestable, la prudence commande de suivre la position exprimée.

Plus que jamais, les employeurs sont invités à contrôler précisément les circonstances dans lesquelles surviennent les visites médicales de leurs salariés.

Actualités

LA REFORME DU CHÔMAGE PARTIEL

En période de crise ou d’évènement imprévu impactant le niveau d’activité, le recours au  chômage partiel est un premier niveau de réponse susceptible de préserver les emplois.

Les salariés ainsi dispensés temporairement d’exécuter tout ou partie de leur travail, bénéficient d’un maintien de salaire composé d’aides étatiques et d’une participation de l’employeur.

Si la volonté des précédents gouvernements a été d’ouvrir les possibilités de recours au chômage partiel, la multiplicité des régimes ajoutée à la complexité de la législation, ont rendu le dispositif particulièrement opaque.

La loi relative à la Sécurisation de l’Emploi du 14 juin 2013 a revu en profondeur le dispositif en vue de le simplifier sensiblement et de le rendre plus attractif (cf. Loi 2013-504 du 14 juin 2013, JO du 16, p. 9958).

Les dispositions légales ont été complétées par un décret du 26 juin 2013, un arrêté du 1er août 2013 et une circulaire du 12 juillet 2013 (cf. décret n°2013-551, arrêté du 26 août 2013 -JO 6 septembre p. 15084, et circulaire n°2013-12), de sorte que le nouveau dispositif est à ce jour pleinement opérationnel.

1. Une fusion des régimes antérieurs

Les différents régimes existants sont remplacés par un dispositif unique dit «d’activité partielle ».

Les motifs de recours à l’activité partielle sont identiques à ceux qui existaient pour le chômage partiel (conjoncture économique, difficultés d’approvisionnement en matières premières, sinistre ou intempéries de caractère exceptionnel notamment).

Exception : il n’est plus possible de demander la prise en charge des salariés n’ayant pas acquis suffisamment de droits à congés payés au moment de la fermeture de l’entreprise.

2. Un dispositif plus souple et une prise en charge financière améliorée

Les périodes d’inactivité peuvent être utilisées pour mettre en œuvre des actions de formation (le type de formation concerné est désormais totalement libre).

Le recours à l’activité partielle peut aller jusqu’à 1000 heures par an et par salarié, quelles que soient les modalités de réduction de l’activité.

L’aide publique consiste en une allocation de 7,74 € par heure chômée, le montant de l’allocation étant porté à 7,23 € par heure pour les entreprises de plus de 250 salariés.

En contrepartie, les employeurs verseront aux salariés concernés une indemnité représentant 70 % du salaire horaire brut (environ 85 % du salaire net) lorsque le salarié n’est pas en formation.

L’indemnité est portée à 100 % du salaire horaire net pour les heures chômées pendant lesquelles le salarié est en formation.

Le calcul du nombre d’heures devant être indemnisées est désormais unique : il s’agit de la différence entre la durée légale du travail (ou celle stipulée au contrat) et le nombre d’heures travaillées effectivement sur la période.

3. L’octroi des aides publiques emporte d’autres engagements

L’employeur devra s’engager à maintenir l’emploi durant la période de recours à l’activité partielle.

Si l’employeur a déjà eu recours à l’activité partielle au cours des trois dernières années, il devra souscrire d’autres engagements spécifiques déterminés au cas par cas avec l’Administration (maintien de l’emploi durant une période plus longue, actions spécifiques de formation, actions en matière de gestion prévisionnelle des emplois et des compétences notamment).

4. Une procédure simplifiée et sécurisée

Sauf cas de sinistre ou intempéries de caractère exceptionnel, l’employeur doit adresser une demande d’autorisation préalable à laquelle l’Administration répond dans un délai maximum de 15 jours.

Une absence de réponse dans le délai emporte autorisation implicite.

DU CONTRÔLE DE LA DIRECCTE SUR LES LICENCIEMENTS POUR MOTIF ÉCONOMIQUE

La loi relative la Sécurisation de l’Emploi du 14 juin 2013 a introduit plusieurs réformes, la plus symbolique concernant le droit des « grands » licenciements collectifs pour motif économique (licenciement de 10 salariés ou plus dans une entreprise de plus de 50 personnes imposant la mise en place d’un Plan de Sauvegarde de l’Emploi).

La procédure de licenciement de 10 salariés ou plus dans une entreprise de moins de 50 salariés a été modifiée dans une moindre mesure, l’essentiel de la réforme ayant trait aux pouvoirs de contrôle préalable de l’Administration sur le projet de licenciement qui lui est transmis.

Une difficulté est immédiatement surgie du fait de la rédaction d’un texte relatif à ce contrôle de l’Administration (cf. article L. 1233-53 du code du travail).

Pris à la lettre, le contrôle de l’Administration devrait désormais concerner toutes les procédures de licenciement pour motif économique, qu’il s’agisse d’un licenciement individuel ou collectif et quel que soit l’effectif de l’entreprise.

Pour les « petits » licenciements économiques (moins de 10 salariés), le paradoxe est que l’Administration est censée exercer un contrôle sur un projet de licenciement, alors que les modalités de notification par l’employeur d’un tel projet à l’Administration n’ont pas été fixées concrètement.

Le Ministère du Travail vient de se positionner sur cette question.

Selon lui, ce n’était ni dans l’esprit des partenaires sociaux ni dans celui du législateur de modifier le régime des « petits » licenciements économiques et l’Administration du travail n’exercera donc pas de contrôle préalable sur les procédures de licenciement concernant moins de 10 salariés.

Un document technique serait en préparation.

Il reste qu’à ce jour, il n’y a toujours pas de position officielle et qu’en toute hypothèse, une note technique du Ministère du Travail ne liera pas le juge.

La prudence imposerait donc de notifier à l’Administration un projet de licenciement.

CONCILIATION : LE BARÈME DES INDEMNITÉS FORFAITAIRES EST PUBLIE

La loi de Sécurisation de l’Emploi tente d’encourager le règlement amiable des litiges.

Lors de l’audience de conciliation, les parties peuvent mettre un terme à toutes les contestations relatives à une rupture de contrat, à charge pour l’employeur de verser une indemnité forfaitaire fixée dans un barème (cf. article L. 1235-1 du code du travail).

Le décret fixant le montant des indemnités forfaitaires vient d’être publié (cf.  Décret n° 2013-721 du 2 août 2013 : JO, 7 août 2013 et article D. 1235-21 du code du travail).

– pour une ancienneté inférieure à 2 ans : 2 mois de salaire ;
– entre 2 ans et moins de 8 ans d’ancienneté: 4 mois de salaire ;
– entre 8 ans et moins de 15 ans d’ancienneté : 8 mois de salaire ;
– entre 15 ans et 25 ans d’ancienneté : 10 mois de salaire ;
– pour une ancienneté supérieure à 25 ans : 14 mois de salaire.

Ce barème ne comprend pas les sommes qui seraient dues du fait de la rupture du contrat (salaire, indemnité de préavis, indemnité de licenciement notamment).

Jurisprudence

PAIEMENT DES AMENDES POUR EXCÈS DE VITESSE (SUITE)

Par un arrêt du 17 avril 2013, la Cour de cassation a rappelé que si l’employeur paie les contraventions liées à l’utilisation par ses salariés de leur véhicule professionnel, il ne peut pas en obtenir le remboursement auprès d’eux (cf. notre précédent bulletin).

La décision peut choquer de prime abord. Mais au-delà de la logique des textes, elle vise surtout à endiguer la pratique contestable suivant laquelle l’employeur ne dénonçait que rarement le salarié contrevenant pour lui éviter un retrait de points et, à terme, un retrait de permis.

La Chambre Criminelle de la Cour de cassation a précisé de son côté que l’employeur, en tant que titulaire de la carte grise du véhicule de société, est redevable du paiement des amendes uniquement si l’auteur de l’infraction n’est pas identifié.

En d’autres termes, les employeurs ont l’alternative à deux branches suivante :

–    Soit dénoncer le salarié contrevenant qui assumera les conséquences de l’infraction, y compris le paiement l’amende.
–    Soit ne pas dénoncer mais il sera alors impossible de demander un remboursement du coût de l’amende au salarié (cf. Cass. Crim n°12-87.490 et article, L. 121-3 du code de la route).

LEVÉE D’UNE CLAUSE DE NON CONCURRENCE : ALÉAS DE LA POSTE

Les clauses de non-concurrence prévoient généralement la possibilité pour l’employeur de délier le salarié de son obligation, à charge pour l’employeur de se manifester suivant des formes et dans un délai déterminés.

Quid lorsque l’employeur a bien adressé une lettre dans les formes et les délais fixés, mais que la Poste a égaré le courrier ?
La Cour de Cassation estime que l’employeur a valablement délié le salarié et qu’il n’est donc dû aucune indemnité de non-concurrence.

La solution aurait été certainement différente si la clause contractuelle avait subordonné la levée de l’obligation de non-concurrence à la réception du courrier idoine (cf. Cass. soc. 10 juillet 2013, n°12-14.080).

UN CDD A TERME PRÉCIS PEUT ÊTRE RENOUVELÉ POUR LA DURÉE D’UN CONGÉ MATERNITÉ

Le contrat à durée déterminée peut être à terme incertain (par exemple pour la durée d’une absence maladie).

Ce contrat n’est pas renouvelable, à l’inverse du contrat à durée déterminée à terme certain (dit de date à date).

La Cour cassation reconnaît, dans son arrêt du 25 juin 2013, la possibilité de combiner les deux types de contrats.

Un contrat de date à date peut faire l’objet d’un avenant de renouvellement, même si cet avenant ne comporte pas de terme précis.

Autre enseignement de cet arrêt : l’avenant de renouvellement à terme incertain suit totalement le régime applicable aux contrats à terme incertain.

L’avenant devra donc prévoir impérativement une durée minimale.

S’agissant d’un avenant conclu « pour la durée du congé maternité » cette exigence est, aux yeux du juge remplie, puisque le congé maternité implique par nature une période minimale de suspension du contrat du salarié remplacé (cf. Cass. soc. 25 juin 2013 n° 11-27.390).

L’employeur aurait certainement été sanctionné s’il s’était agi du remplacement d’un salarié malade et si l’avenant de renouvellement n’avait pas expressément précisé sa durée minimale.

Par souci de sécurité juridique, il vaut mieux préciser la durée minimale d’emploi, chaque fois que l’on a recours à un contrat à terme incertain ou à un avenant à terme incertain.

L’INDEMNITÉ FORFAITAIRE POUR REMBOURSEMENT DE FRAIS DOIT ÊTRE SIGNIFICATIVE

L’employeur a l’obligation de rembourser le salarié des frais qu’il a exposés pour les besoins de son activité.

Par souci de simplification, il est possible de prévoir que la prise en charge des frais s’opérera  par le versement d’une indemnité forfaitaire.

Pour cela, il faut impérativement prévoir, par écrit, le versement d’une indemnité forfaitaire clairement distinguée de la rémunération (Cf. notamment Cass. Soc. 25 mars 2010 n°08-43.156).

La Cour de cassation a récemment apporté des précisions sur cette indemnité forfaitaire.

Selon la Cour régulatrice, l’indemnité forfaitaire ne droit pas être manifestement disproportionnée au regard des frais réellement engagés.

Le principe d’une indemnisation forfaitaire ne semble  donc pas remis en cause, même s’il apparait a posteriori que le forfait était défavorable à tel ou tel moment.

Ce devrait être le cas uniquement lorsque cette indemnisation apparait clairement dérisoire par rapport aux frais engagés réellement.

Quoi qu’il en soit, une vérification du montant de l’indemnité forfaitaire pour frais s’impose dès la conclusion du contrat mais aussi durant l’exécution du contrat, si l’évolution de l’activité du salarié devait l’amener à exposer sensiblement plus de frais (Cf. Cass. Soc. 20 juin 2013 n° 11-23.071 et 11-19.663).

L’ABUS DE CONFIANCE COMMIS PAR UN SALARIE DURANT SON TEMPS DE TRAVAIL

Dans un arrêt remarqué du 19 juin 2013, la Cour de cassation énonce que «l’utilisation, par un salarié, de son temps de travail à des fins autres que celles pour lesquelles il perçoit une rémunération de son employeur constitue un abus de confiance ».

L’espèce était assez accablante pour ce salarié prothésiste dans un centre de rééducation fonctionnelle, qui utilisait son temps de travail pour fabriquer, contre rémunération, des prothèses pour un autre prothésiste (Cf. Cass. Crim. 19 juin 2013 n°12-83.031).

Bulletin rédigé par Maître Anthony PEILLET, Avocat à la Cour
1 ter rue du Languedoc – 31000  TOULOUSE

 

Bulletin JSA – Juillet – Août 2013

Bulletin rédigé par Cabinet BASILIEN BODIN ASSOCIES

Cabinet BASILIEN BODIN ASSOCIES
6 rue Colbert
CS 91115
80011 AMIENS cedex 1


Éditorial

LE CHSCT, UN INCONTOURNABLE DE LA GESTION DU PERSONNEL

Le Comité d’Hygiène, de Sécurité et des Conditions de Travail qui a pus longtemps être considéré comme le parent pauvre des institutions représentatives du personnel, a vu ces dernières années ses fonctions et donc son importance s’accroître.

Il devient désormais un élément incontournable de la gestion du personnel.

Créé sous sa forme moderne en 1982, dans la mouvance des Lois AUROUX, le CHSCT qui globalement est demeuré le même pendant 20 ans a vu son rôle reprendre de l’importance il y a une dizaine d’année (cf Loi du 17 Janvier 2002) lorsqu’à la suite des premiers procès « amiante», la responsabilité des entreprises a été accrue, notamment par l’apparition de la faute inexcusable et une révision à la hausse des obligations de l’employeur en terme de santé et sécurité du personnel par le passage d’une « simple » obligation de moyen à une obligation de résultat en la matière.

Le « document unique » mis en place ensuite dans le même esprit nécessitait également, a priori,lors de son élaboration, une collaboration accrue avec le CHSCT faisant de celui-ci une véritable force de proposition.

Ce mouvement s’est poursuivi et concrétisé ensuite par la loi du 9 Novembre 2010 ayant pour objectif avoué une réforme des retraites et la prise en compte de la pénibilité du travail pour certains salariés mais dont l’obligation à nouveau accrue de prévention et de maintien en bonne santé du personnel qui en découle en pratique, a porté en avant le rôle des institutions représentatives du personnel en la matière et a fortiori, celui du CHSCT, premier concerné par le sujet.

Cette tendance, désormais inéluctable, voire souhaitable d’une manière générale en terme de santé publique, a à nouveau été confirmée par des dispositions de la loi sur la sécurisation de l’emploi du 14 Juin 2013 qui viennent de renforcer le rôle des CHSCT en permettant de les fédérer en quelque sorte pour traiter d’un problème commun via une instance de coordination.

L’ensemble de ces mesures fait ainsi du CHSCT sous certains aspects un véritable «concurrent» du Comité d’Entreprise.

La multiplication en droit français des institutions représentatives du personnel et le chevauchement à bien des égards de leurs compétences respectives rendent désormais délicate la recherche de l’institution idoine devant être consultée sur telle ou telle question.

Souvent, la consultation doit être multiple et alors gare aux règles de préséance et à l’ordre des consultations qui, s’il n’est pas respecté, fera capoter toute la procédure.

A ce titre, il est à souligner que bien souvent le CHSCT a le pas sur le Comité d’Entreprise.

D’ailleurs, cet enchevêtrement et la confusion qui peut en résulter ont amené certains (de plus en plus nombreux) à souhaiter, voire à militer pour une réforme des institutions représentatives du personnel qu’ils veulent voir en quelque sorte fusionner.

Ceci est sans doute une autre histoire et les esprits, voire les forces en présence n’y sont peut-être pas encore prêts.

En attendant, n’oublions pas la place désormais privilégiée qu’il convient de réserver au CHSCT en matière de prévention de la santé et de sécurité des salariés et d’une manière plus générale, dans la gestion du personnel.

Actualité

DÉBLOCAGE EXCEPTIONNEL DE L’ÉPARGNE SALARIALE

La Loi du 28 Juin 2013 complétée par la circulaire du 4 Juillet 2013 permet aux salariés de bénéficier, sous conditions, d’un déblocage exceptionnel de la participation et de l’intéressement pour financer l’achat d’un ou plusieurs biens, en particulier dans le secteur de l’automobile, ou la fourniture d’une ou plusieurs prestations de services.

1) Sommes concernées

Les sommes concernées sont les suivantes :
– les droits au titre de la participation aux résultats de l’entreprise affectés, en application des articles L. 3323-2 et L. 3323-5 du code du travail, antérieurement au 1er janvier 2013,
– les sommes attribuées au titre de l’intéressement affectées à un plan d’épargne salariale, en application de l’article L. 3315-2 du code du travail, antérieurement au 1er janvier 2013.
Sont exclues de cette possibilité les sommes qui ont été affectées à des fonds investis dans des entreprises solidaires et les sommes affectées à un plan d’épargne pour la retraite collectif.

Lorsque, en application de l’accord de participation, les sommes distribuées ont été affectées à l’acquisition de titres de l’entreprise ou d’une entreprise qui lui est liée, ou de parts ou d’actions d’organismes de placement collectif en valeurs mobilières, ou placées dans un fonds que l’entreprise consacre à des investissements, le déblocage de ces titres, parts, actions ou sommes est subordonné à un accord conclu dans les conditions prévues aux articles L. 3322-6 et L. 3322-7 du même code (modalités d’adoption d’un accord de participation).

Un dispositif équivalent est prévu pour l’intéressement.

A noter que lorsque le plan d’épargne salariale a été mis en place à l’initiative de l’entreprise dans les conditions prévues par le code du travail, le déblocage susvisé des titres, parts ou actions, le cas échéant pour une partie des avoirs en cause, peut être réalisé dans les mêmes conditions.

2) Modalités pratiques à respecter

Pour bénéficier d’un déblocage anticipé des sommes susvisées, le salarié doit effectuer une demande entre le 1er juillet et le 31 décembre 2013.

Le déblocage ne peut avoir lieu qu’en une seule fois.

Le montant des sommes débloquées et versées est limité à un plafond global de 20 000 €, net de prélèvements sociaux.

3) Obligations des entreprises

Dans un délai de deux mois à compter de la promulgation de la loi, l’employeur doit informer les salariés de cette possibilité de déblocage exceptionnel.

Il devra ensuite déclarer à l’administration fiscale le montant des sommes débloquées en application de la loi (cette déclaration pouvant être effectuée par l’organisme gestionnaire).

4) Obligation du salarié

Le salarié qui aura bénéficié d’un déblocage exceptionnel devra tenir à la disposition de l’administration fiscale les pièces justificatives attestant de l’usage conforme des sommes débloquées.

PRIME DIVIDENDES

Le 15 Juillet 2013, le ministère du travail a rappelé que la prime de partage des profits était toujours en vigueur même si le dispositif va être remanié dans le cadre d’une négociation plus large sur l’épargne salariale.

Rappelons que la mise en place de cette prime est en principe obligatoire dans les entreprises qui versent aux associés ou actionnaires des dividendes dont le montant par part sociale ou par action est en augmentation par rapport à la moyenne des deux exercices précédents (des dispositions particulières étant prévues pour les groupes).

LE TEMPS PARTIEL REVU PAR LA LOI SUR LA SECURISATION DE L’EMPLOI

La loi sur la sécurisation de l’emploi du 14 juin 2013 publiée au JO du 16 juin 2013, dans un volet destiné renforcer les droits des salariés et lutter contre la précarité, vient notamment encadrer le recours au temps partiel.

En effet, outre le fait d’imposer à certaines branches des négociations sur le temps partiel, elle impacte directement les entreprises en venant fixer une durée minimale au contrat de travail à temps partiel, modifier le régime des heures complémentaires, encadrer la possibilité d’augmenter la durée de travail du temps partiel par avenant, organiser les interruptions de travail en cours de journée et aménager la priorité d’emploi.

a. Une durée minimale imposée

Les contrats à temps partiel conclus à compter du 1er janvier 2014 devront respecter une durée minimale de 24 heures par semaine.

Pour les temps partiels organisés sur une période supérieure à la semaine, la durée minimale s’établira selon les cas à :
– l’équivalent mensuel de cette durée de 24 heures hebdomadaires (104 heures par mois),
– l’équivalent calculé sur la période prévue par l’accord sur l’aménagement du temps de travail sur une période supérieure à la semaine et au plus égale à l’année.

Pour les contrats en cours au 1er janvier 2014, un régime transitoire est prévu jusqu’au 1er janvier 2016.

En effet, pour ces contrats, en l’absence de convention ou d’accord de branche étendu fixant une durée inférieure à 24 heures, cette durée minimale de 24 heures ne sera applicable qu’aux salariés qui en font la demande.

L’employeur pourra cependant refuser de faire droit à cette demande à la condition de pouvoir justifier cette position par un motif lié à l’activité économique.

Dès le 1er janvier 2016, tous les contrats à temps partiel conclus avant le 1er janvier 2014 fixant une durée inférieure à 24 h/semaine devront faire l’objet d’un avenant fixant la durée à au moins 24 h, sauf cas de dérogation limitativement prévus par la loi.

b. Des majorations dès les premières heures complémentaires

Dès le 1er janvier 2014, chacune des heures complémentaires accomplies dans la limite du dixième de la durée du temps de travail donnera lieu à une majoration de 10%.

Pour les heures excédant le dixième, le taux de majoration reste fixé à 25 %, sauf convention ou accord de branche étendu prévoyant un taux de majoration différent, qui ne pourra, en tout état de cause, être inférieur à 10%.

c. Des compléments d’heures par avenant temporaire

Désormais, une convention ou un accord de branche étendu pourra prévoir la possibilité d’augmenter ponctuellement, par avenant, la durée du travail prévue par le contrat.

Dans ce cadre, les heures de travail effectuées au titre du complément d’heures ne seront majorées que si l’accord collectif le prévoit. Dans le cas contraire, seules les heures accomplies audelà du complément d’heures prévu par avenant seront des heures complémentaires et, à ce titre, majorées à 25%.

d. Un aménagement de la priorité d’emploi

Jusqu’à présent, les salariés à temps partiel qui demandaient à passer à temps complet étaient prioritaires pour l’attribution d’un emploi à temps plein ressortissant à leur catégorie professionnelle ou d’un emploi équivalent.

Désormais, une convention collective ou un accord de branche étendu pourra prévoir la possibilité pour l’employeur de proposer au salarié à temps partiel un emploi à temps complet ne ressortissant pas à sa catégorie professionnelle ou un emploi non équivalent.

e. La fin des dérogations aux interruptions d’activité sans contreparties

Jusqu’à présent, un accord de branche étendu ou un accord d’entreprise pouvait déroger au principe selon lequel les horaires de travail à temps partiel ne peuvent comporter, au cours d’une même journée, plus d’une interruption d’activité ou une interruption supérieure à 2 heures.

Désormais, cette dérogation n’est aujourd’hui possible que si l’accord collectif définit les amplitudes horaires pendant lesquelles les salariés doivent exercer leur activité et leur répartition dans la journée de travail et s’il fixe des contreparties spécifiques, en tenant compte des exigences propres à l’activité exercée.

Jurisprudence

ATTENTION À FORMER SES SALARIÉS

Une Cour d’appel avait rejeté la demande de dommages et intérêts pour violation de l’obligation de formation formulée par un salarié au motif que celui-ci avait été recruté sans compétence ni expérience au poste d’opérateur de lignes auquel il avait été formé par l’employeur, que son expérience lui permettait désormais de prétendre à des postes similaires dans l’industrie mécanique, que son poste de travail n’avait connu depuis son embauche aucune évolution particulière nécessitant une formation d’adaptation, et qu’il lui appartenait par ailleurs de demander à bénéficier d’un congé individuel de formation ou du droit individuel de formation.

Cette position est censurée par la Cour de cassation qui relève qu’en 16 ans d’exécution du contrat de travail, l’employeur n’avait fait bénéficier le salarié, dans le cadre du plan de formation de l’entreprise, d’aucune formation permettant de maintenir sa capacité à occuper un emploi au regard de l’évolution des emplois, des technologies et des organisations, peu importe que le salarié n’ait jamais fait de demande en ce sens. (Cass. soc., 5 juin 2013, n°11-21255)

RUPTURE CONVENTIONNELLE

Le contentieux de la rupture conventionnelle est assez abondant, qu’il porte sur la forme ou sur le fond de la rupture.

La Cour de cassation apporte de nouvelles précisions en la matière.

D’une part, il n’existe aucun délai à respecter entre l’entretien entre les parties et la signature de la convention de rupture.

D’autre part, l’existence d’un différend au moment de la conclusion de la convention de rupture n’affecte pas automatiquement sa validité (sous réserve notamment du consentement des parties).(Cass. soc., 3 juillet 2013,n°12-19268)

Un autre arrêt ne manquant pas d’intérêt a été rendu en la matière le 26 juin 2013, puisque la Cour de Cassation précise qu’une clause prévoyant dans une convention de rupture la renonciation à tout recours en justice doit être réputée non écrite.

Cependant, la Haute juridiction précise que cette clause n’affecte pas la validité de la rupture. (Cass. soc., 26 juin 2013, n°12-15208)

RÉINTÉGRATION D’UN SALARIÉ DE RETOUR DE CONGÉ PARENTAL

Selon les dispositions de l’article L. 1225-55 du Code du travail, à l’issue du congé parental d’éducation, le salarié retrouve son précédent emploi ou un emploi similaire assorti d’une rémunération au moins équivalente.

Les juges en concluent que la réintégration doit se faire en priorité dans le précédent emploi.

En l’espèce, au retour de son congé parental, un salarié avait été muté dans une nouvelle agence.

L’employeur justifiait sa décision par la mise en œuvre d’une clause de mobilité présente dans le contrat de travail du salarié.

Cette position est censurée par les juges qui relèvent que l’emploi précédemment occupé par le salarié était disponible au retour de son congé parental d’éducation.

Il devait donc retrouver ce poste, peu important la stipulation d’une clause de mobilité dans le contrat de travail. (Cass. soc., 19 juin 2013,n° 12-12758)

REPRISE DE VERSEMENT DU SALAIRE DU SALARIÉ INAPTE

La Cour de cassation rappelle qu’à l’issue du délai préfixe d’un mois prévu par l’article L. 1226-4 du Code du travail, l’employeur a l’obligation, en l’absence de reclassement ou de licenciement du salarié déclaré inapte, de reprendre le paiement du salaire.

En conséquence, il ne peut substituer à cette obligation le paiement d’une indemnité de congés payés non pris, ni contraindre le salarié à prendre ses congés.(Cass.soc., 3 juillet 2013, n°11-23687)

LE RETRAIT DU PERMIS DE CONDUIRE HORS TEMPS DE TRAVAIL

La Cour de Cassation vient de rappeler que le retrait du permis de conduire hors temps de travail ne pouvant motiver un licenciement disciplinaire, celui-ci sera nécessairement déclaré sans cause réelle et sérieuse.

En effet, dans l’hypothèse comme en l’espèce où l’utilisation d’un véhicule était indispensable à l’exercice des fonctions du salarié, seul un licenciement pour trouble objectif au fonctionnement de l’entreprise aurait pu être envisagé.

Dés lors que l’employeur se place sur le terrain disciplinaire pour motiver la lettre de rupture, le licenciement doit être déclaré dépourvu de cause réelle et sérieuse. (Cass. soc., 10 juillet 2013,n°12-16878)

PAIEMENT DES AMENDES POUR EXCÈS DE VITESSE

Appliquant le principe d’interdiction de la compensation entre le salaire et les dettes du salarié, la Cour de Cassation a rappelé dans un arrêt du 17 avril 2013 que si l’employeur paie les contraventions liées à l’utilisation par ses salariés de leur véhicule professionnel, il ne peut en obtenir le remboursement de la part de ces derniers. (Cass. soc., 17 avril 2013, n°11-27550)

Bulletin rédigé par le Cabinet BASILIEN BODIN ASSOCIES

Bulletin JSA – Mai – Juin 2013

Bulletin rédigé par
Nathalie LENFANT
Avocat associé
RAVEL ASSOCIES
4 rue de l’Arcade
75008 PARIS


1.    EDITOTIAL

INTERROGATIONS D’UN AVOCAT EN DROIT SOCIAL SUR LE « VÉRITABLE » RÔLE DE LA CHAMBRE SOCIALE DE LA COUR DE CASSATION NOTAMMENT À L’OCCASION DE SA JURISPRUDENCE SUR LE FORFAIT ANNUEL EN JOURS …

Chacun aura constaté la voie empruntée depuis quelques années déjà par la Cour de cassation : « créateur de droits nouveaux », « redresseur de torts », prétendus « torts » pourtant généralement issus de la représentation nationale ; voie d’autant plus empruntée depuis la montée en puissance de « l’Autre Cour », le Conseil constitutionnel avec la création de la fameuse QPC (Question Prioritaire de Constitutionnalité).

Le forfait annuel en jours n’est encore qu’une illustration de plus. Depuis le tsunami du 29 juin 2011, qui a déjà laminé le forfait annuel en jours de plusieurs conventions collectives (Chimie, Commerce de gros, Aide à domicile en milieu rural, Habillement et récemment Bureaux d’études (Cass. Soc. 24 avril 2013, n° 11-28398 : Les dispositions conventionnelles « ne sont pas de nature à garantir que l’amplitude et la charge de travail restent raisonnables et assurent une bonne répartition, dans le temps, du travail de l’intéressé, et, donc, à assurer la protection de la sécurité et de la santé du salarié »)), chacune des branches professionnelles craint pour la validité de son forfait et pour son opposabilité aux salariés des entreprises relevant de son champ d’application. L’enjeu est grand : rappel de salaire pour heures supplémentaires, dommages et intérêts pour travail dissimulé, prise d’acte de la rupture du contrat de travail aux torts de l’entreprise, demande de résiliation judiciaire,  etc.

La Chambre sociale de la Cour de cassation a-t-elle mesuré les impacts de cette jurisprudence, de surcroît, rétroactive ? qu’elle justifie par un droit à la santé et un droit au repos, droits qui sont au nombre des exigences constitutionnelles et européennes, certes ! Sous prétexte d’une relation de travail nécessairement déséquilibrée, et de vouloir, dés lors, contrebalancer le pouvoir « diabolisé » de l’employeur, les juges ne sortent-ils pas de leur rôle ? Passons !

Mais la règle du jeu est-elle pour autant aujourd’hui claire ? Malheureusement, non. Et cela contrevient à sa mission républicaine de donner à la loi son sens, son efficacité et ce sans jamais empiéter sur les prérogatives du législateur. En affirmant que les accords de branche ou d’entreprise relatifs au forfait annuel en jours doivent aujourd’hui contenir « des stipulations assurant la garantie du respect des durées maximales de travail ainsi que des repos, journaliers et hebdomadaire », la Cour de cassation ne s’arroge-t-elle pas, au mépris des textes (ici L.3121-39 du Code du travail) voire de nos principes républicains, un pouvoir normatif qui ne lui appartient pas ? Un pouvoir, de surcroit, teinté d’arbitraire par méconnaissance de la réalité économique, de la dimension organisationnelle du travail, voire de la capacité (et du devoir – L.4122-1 du code du travail) de chaque salarié de  prendre soin de sa santé et de sa sécurité ?

En lisant l’article de Bernard Boubli, Conseiller doyen honoraire à la Cour de cassation, publié dans la revue Lamy social, une vague d’espoir m’a envahie.  Article destiné aux juristes mais aussi à ses pairs, le Conseiller Boubli pose une des vraies questions : «En quoi la liberté d’organisation du temps de travail est-elle un risque pour la santé ? ». Il poursuit  : « Les universitaires, les magistrats sans bureau fixe, qui en font usage sont-ils systématiquement exposés ? » « La situation des salariés en forfaits jours devrait être familière aux universitaires et aux magistrats car elle est voisine de leur statut. L’agent reste maître de son temps, dans la mesure du plafond que lui assigne l’accord et dans le respect du repos quotidien, du repos hebdomadaire et des conditions dans lesquelles les congés sont pris dans l’entreprise. Dans ce cadre, il consacre le temps qu’il estime utile aux tâches qui lui sont confiées à condition toutefois de se soumettre aux contraintes collectives qu’impliquent ses attributions. ».

Espoir peut être ! Et si, pour faire comprendre les contraintes et les organisations de nos entreprises aux magistrats, nous ne devions pas, finalement, à l’instar du Conseiller Boubli, leur parler d’eux mêmes pour aboutir à nos fins?

2.    ACTUALITES

La consécration d’un droit d’alerte en matière sanitaire et environnemental par la loi du 16 avril 2013 relative à l’indépendance de l’expertise en matière de santé et d’environnement et à la protection des « lanceurs d’alerte » (Loi n° 2013-316 du 16 avril 2013, JO 17 avril, p. 6465).

La loi pose comme préalable que « toute personne physique ou morale a le droit de rendre publique ou de diffuser de bonne foi une information concernant un fait, une donnée ou une action, dès lors que la méconnaissance de ce fait, de cette donnée ou de cette action lui paraît faire peser un risque grave sur la santé publique ou sur l’environnement.

L’information qu’elle rend publique ou diffuse doit s’abstenir de toute imputation diffamatoire ou injurieuse ».

Le législateur a ensuite fixé les conditions d’exercice de ce nouveau droit d’alerte et la protection attachée aux « lanceurs d’alerte » (articles L. 4133-1 à L. 4133-5 Code du travail)

Qui peut donner l’alerte ?
Le travailleur alerte immédiatement l’employeur s’il estime, de bonne foi, que les produits ou procédés de fabrication utilisés ou mis en œuvre par l’établissement font peser un risque grave sur la santé publique ou l’environnement (art. L. 4133-1 Code du travail).

Le représentant du personnel au comité d’hygiène, de sécurité et des conditions de travail qui constate, notamment par l’intermédiaire d’un travailleur, qu’il existe un risque grave pour la santé publique ou l’environnement en alerte immédiatement l’employeur (art L. 4133-2 Code du travail).

Comment se matérialise l’alerte ?
L’alerte est consignée par écrit dans des conditions déterminées par voie réglementaire. Le décret n’est pas paru à ce jour.

Quelles sont les conséquences de l’alerte ?
L’employeur informe le travailleur qui lui a transmis l’alerte de la suite qu’il réserve à celle-ci (art. L. 4133-1 Code du travail).

L’employeur examine la situation conjointement avec le représentant du personnel au comité d’hygiène, de sécurité et des conditions de travail qui lui a transmis l’alerte et l’informe de la suite qu’il réserve à celle-ci. (art L. 4133-2 Code du travail).

En cas de divergence avec l’employeur sur le bien-fondé d’une alerte transmise en application des articles L. 4133-1 et  L. 4133-2 Code du travail ou en l’absence de suite dans un délai d’un mois, le travailleur ou le représentant du personnel au comité d’hygiène, de sécurité et des conditions de travail peut saisir le représentant de l’Etat dans le département.

Le comité d’hygiène, de sécurité et des conditions de travail est informé des alertes transmises à l’employeur en application des articles L. 4133-1 et L. 4133-2 Code du travail, de leurs suites ainsi que des saisines éventuelles du représentant de l’Etat dans le département en application de l’article L. 4133-3 Code du travail.

Quelle protection pour les « lanceurs d’alerte » ?
Le travailleur qui lance une alerte bénéficie de la protection prévue à l’article L. 1351-1 du Code de la santé publique, à savoir : « Aucune personne ne peut être écartée d’une procédure de recrutement ou de l’accès à un stage ou à une période de formation professionnelle, ni être sanctionnée ou faire l’objet d’une mesure discriminatoire, directe ou indirecte, notamment en matière de rémunération, de traitement, de formation, de reclassement, d’affectation, de qualification, de classification, de promotion professionnelle, de mutation ou de renouvellement de contrat, pour avoir relaté ou témoigné, de bonne foi, soit à son employeur, soit aux autorités judiciaires ou administratives de faits relatifs à un risque grave pour la santé publique ou l’environnement dont elle aurait eu connaissance dans l’exercice de ses fonctions. Toute disposition ou tout acte contraire est nul de plein droit.».

En cas de litige relatif à l’application de cet article, dès lors que la personne établit des faits qui permettent de présumer qu’elle a relaté ou témoigné, de bonne foi, de faits relatifs à un danger pour la santé publique ou l’environnement, il incombe à la partie défenderesse, au vu des éléments, de prouver que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à la déclaration ou au témoignage de l’intéressé. Le juge forme sa conviction après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d’instruction qu’il estime utiles.

Ainsi, le législateur a choisi d’offrir aux « lanceurs d’alerte » la même protection que celle accordée aux salariés qui dénoncent des faits de harcèlement moral ou sexuel, avec la même sanction (nullité de la mesure) et un aménagement de la charge de la preuve.

Toute personne physique ou morale qui lance une alerte de mauvaise foi ou avec l’intention de nuire ou avec la connaissance au moins partielle de l’inexactitude des faits rendus publics ou diffusés est punie des peines prévues au premier alinéa de l’article 226-10 du Code pénal (dénonciation calomnieuse).

Tout employeur saisi d’une alerte en matière de santé publique ou d’environnement qui n’a pas respecté les obligations lui incombant en application des articles L. 4133-1 et L. 4133-2 du Code du travail perd le bénéfice des dispositions du 4° de l’article 1386-11 du Code civil. L’article 1386-11 précité est relatif à la responsabilité du fait des produits défectueux et dispose dans son alinéa 4 que le responsable peut être exonéré de sa responsabilité s’il démontre que «l’état des connaissances scientifiques et techniques, au moment où il a mis le produit en circulation, n’a pas permis de déceler l’existence du défaut ».

De nouvelles obligations pour l’employeur
L’employeur organise et dispense également une information aux travailleurs sur les risques que peuvent faire peser sur la santé publique ou l’environnement les produits ou procédés de fabrication utilisés ou mis en œuvre par l’établissement ainsi que sur les mesures prises pour y remédier (article L. 4141-1 Code du travail modifié).

Le CHSCT est réuni en cas d’événement grave lié à l’activité de l’établissement ayant porté atteinte ou ayant pu porter atteinte à la santé publique ou à l’environnement (article L. 4614-10 Code du travail modifié).

3.JURISPRUDENCE

Un délégué syndical élu sur la liste d’un syndicat peut ensuite être désigné par un autre syndicat.

En l’espèce, un salarié avait été élu membre du comité d’entreprise et délégué du personnel puis désigné délégué syndical au sein d’un  établissement de l’entreprise sous l’étiquette syndicale CNT. Par la suite, il avait été désigné délégué syndical CFTC au sein de cet établissement. Le salarié a alors démissionné de son mandat de délégué syndical CNT mais a conservé ceux d’élu au comité d’entreprise et de délégué du personnel. L’employeur avait sollicité l’annulation de la désignation de ce salarié en qualité de délégué syndical par le syndicat CFTC aux motifs notamment que cette désignation créait un conflit d’intérêts

La Cour de cassation a suivi les juges du fond en estimant que « dès lors qu’un salarié remplit les conditions prévues par la loi pour être désigné délégué syndical, il n’appartient qu’au syndicat désignataire d’apprécier s’il est en mesure de remplir sa mission, peu important que ce salarié ait précédemment exercé des fonctions de représentant d’un autre syndicat ou qu’il ait été élu lors des dernières élections sur des listes présentées par un autre syndicat» (Cass. Soc. 17 avril 2013, n° 12-22.699).

Appréciation de l’audience des syndicats catégoriels. La Cour de cassation précise que si les statuts d’un syndicat lui permettent de présenter des candidats dans tous les collèges électoraux, son audience doit être appréciée tous collèges confondus et ce même s’il n’a présenté des candidats que dans le second collège (Cass. Soc. 27 mars 2013, n° 12-27733 FS-PB).

Les limites de la liberté des parties quant à la rédaction du protocole préélectoral. La Cour de cassation précise qu’un protocole préélectoral ne peut pas exclure de l’éligibilité au CE et de la possibilité d’y être désigné représentant syndical des salariés qui remplissent les conditions légales pour en être membres (Cass. Soc. 20 mars 2013, n° 12-11702).

Précisions sur le CHSCT
La nullité du scrutin est encourue dès lors que l’employeur ou ses représentants sont présents lors des opérations de dépouillement de l’élection des membres du CHSCT. En l’absence de textes en la matière, la Cour de cassation précise que la présence de l’employeur ou de ses représentants lors des opérations de dépouillement constitue une irrégularité entraînant nécessairement la nullité du scrutin. En l’espèce, un représentant de l’employeur avait signé le procès-verbal des résultats en qualité de « Président » tandis qu’un autre représentant de l’employeur avait participé aux opérations de dépouillement (Cass. Soc. 17 avril 2013, n°12-21.876).

Faute de dispositions conventionnelles contraires, le collège désignatif du CHSCT est constitué de tous les membres élus du comité d’établissement et de tous les délégués du personnel élus dans le périmètre de ce comité (Cass. Soc. 17 avril 2013, n° 12-19825).

Il appartient au collège désignatif de fixer lui-même le mode de scrutin à adopter pour la désignation des membres de la délégation du personnel au CHSCT  et notamment le vote par correspondance (Cass. Soc. 17 avril 2013, n° 12-25249).

Quand doit-on envoyer la demande d’autorisation de licenciement ?
La Cour de cassation précise que l’employeur doit solliciter l’autorisation de procéder au licenciement auprès de l’inspecteur du travail dès lors que le salarié bénéficie d’une protection à la date d’envoi de la convocation à entretien préalable, peu important que l’envoi de la lettre de licenciement intervienne après l’expiration de la période de protection (Cass. Soc. 26 mars 2013, n° 11-27964 FS-PB).

La Cour de cassation dit non aux « ranking par quotas ».
La Haute Cour a estimé pour la première fois que le système d’évaluation appelée «ranking par quotas » consistant à demander aux évaluateurs de respecter un pourcentage prédéterminé de salariés à affecter à chaque catégorie en fonction de leurs performances professionnelles était illicite (Cass. Soc. 27 mars 2013, n° 11-26539).

Précisions sur le contrat de travail
La CJUE s’oppose à ce que les contrats de travail transfrontaliers soient rédigés exclusivement dans une langue. Appelée à se prononcer sur la validité d’une réglementation qui imposait à tout employeur ayant son siège d’exploitation sur un territoire de rédiger les contrats de travail à caractère transfrontalier exclusivement dans la langue officielle de ce territoire, la Cour rappelle qu’une telle rédaction est contraire à l’article 45 du Traité européen et au principe de libre circulation des travailleurs. Elle considère qu’une telle rédaction entraine la nullité du contrat, laquelle peut être relevée d’office par le juge (CJUE, grande chambre, 16 avril 2013, n° C‑202/11).

La Cour de cassation réaffirme la licéité des clauses de changement de direction. Les parties peuvent valablement prévoir une clause dans le contrat de travail selon laquelle le salarié peut rompre le contrat de travail en cas de changement de direction, de contrôle, de fusion-absorption ou de changement significatif d’actionnariat entraînant une modification importante de l’équipe de direction, à la condition que cette clause soit justifiée par les fonctions du salarié au sein de l’entreprise et qu’elle ne fasse pas échec à la faculté de résiliation unilatérale du contrat par l’une ou l’autre des parties (Cass. Soc. 10 avril 2013, n° 11-25.841).

Le principe d’égalité de traitement ne fait pas obstacle au bénéfice d’avantages individuels acquis aux salariés nouvellement embauchés. L’employeur peut, sans méconnaître le principe d’égalité de traitement et en vertu d’un engagement unilatéral, faire bénéficier aux nouveaux salariés d’avantages individuels acquis résultant de la dénonciation d’un accord collectif intervenue avant leur embauche (Cass. Soc. 24 avril 2013, n° 12-10197 12-10220).

Bulletin rédigé par Maître Nathalie LENFANT, Avocat associé
RAVEL ASSOCIES, 4 rue de l’Arcade – 75008 PARIS

Bulletin JSA – Avril 2013

Bulletin rédigé par
Maître Annette PAUL

10 avenue Alsace Lorraine
38000 GRENOBLE


Éditorial

LE JUGE ET LE FAIT RELIGIEUX DANS L’ENTREPRISE

QUE FAUT IL RETENIR DES RÉCENTS ARRÊTS DE LA COUR DE CASSATION DU 19 MARS 2013 ?
(Cass soc n°11 28.845 et n°1211.690)

Qu’un employeur doit toujours et encore se garder de vouloir appliquer de grands principes pourtant républicains et tirés de la Constitution au sein de son entreprise,les «leçons de morale » étant du seul pouvoir de l’Etat.

Les Hauts Magistrats ont jugé fondé le licenciement d’une salariée de caisse de sécurité sociale motivé par le port d’un bonnet islamique. La Haute Cour a précisé que les salariés de droit privé, assumant la gestion d’un service public (ici la sécurité sociale) étant soumis à l’obligation de neutralité/ laïcité instaurée par l’article 1 de la constitution, toute violation de la clause du règlement intérieur « interdisant le port de vêtements ou d’accessoires positionnant clairement un agent comme représentant un groupe,une ethnie, une religion….. » constitue un motif de rupture du contrat de travail ; Tel est le cas lorsque le salarié, soumis au droit privé, manifeste une croyance religieuse par des signes extérieurs, en particulier vestimentaires, en raison des contraintes spécifiques résultant du fait qu’il participe à une mission de service public.

Par contre, ce « principe de neutralité» ne peut être évoqué pour faire échec aux protections des libertés fondamentales des salariés soumis au code du travail dans les entreprises du secteur privé.

La Haute Cour exige en effet, chaque fois qu’une restriction à une liberté individuelle est mise en place par un employeur privé, qu’elle soit prévue par le Règlement Intérieur et soit objectivement déterminante et proportionnée au but poursuivi.
Dès lors que cette exigence n’est pas satisfaite, le licenciement fondé sur le non respect de la clause du Règlement Intérieur n’est pas valable.

C’est bien la portée générale du Règlement Intérieur de la crèche BABY LOUP qui est sanctionnée par la Haute juridiction, et rien d’autre. Soit l’application stricte d’un principe juridique énoncé de longue date.

En effet, le licenciement de la salariée portant un voile islamique était motivé par le non respect de la clause du règlement intérieur de la crèche érigeant une règle générale de laïcité et neutralité applicable à tous les salariés de l’entreprise. Interdiction générale et imprécise donc invalide pour les Hauts Magistrats.

L’employeur doit ainsi, à la lumière de ces arrêts, vérifier et (faire) valider que les clauses de son règlement intérieur ou contrat de travail correspondent effectivement aux exigences lui permettant de restreinte la liberté de ses salariés.

Il devra pouvoir justifier que cette restriction est bien proportionnée au but poursuivi, ce qui implique de prendre en compte la nature de la tâche à accomplir par le salarié (L 1121-1 et L 1321-3 du code du travail).

L’employeur devra également porter une attention toute particulière à la rédaction de la lettre de licenciement, qui ne manquera pas de préciser ces aspects et leurs conséquences au cas d’espèce.

Actualités

LE CALCUL DE LA PARTICIPATION EST AFFECTÉ PAR LE CRÉDIT D’IMPÔT COMPÉTITIVITÉ ET EMPLOI

L’administration fiscale a précisé, le 15 mars 2013, les conséquences du nouveau crédit d’impôt pour la compétitivité et l’emploi (CICE), instauré par la dernière loi de finances rectificative pour 2012.

L’imputation ou le remboursement du CICE augmentera le bénéfice pris en compte pour le calcul du montant de la réserve de participation en cas de bénéfice imposable, dans le cas contraire, le remboursement du CICE n’aura aucun impact sur la réserve de participation, puisqu’aucune participation n’est due dans ce cas en application de la formule légale de participation.

Le CICE bénéficiera donc indirectement aux salariés par une augmentation de la part de la participation versée.

Par contre le CICE n’aura aucun impact sur la valeur ajoutée de l’entreprise, puisqu’il diminue la part «charge de personnel » mais augmente le résultat courant avant impôt, soit deux paramètres pris en compte dans le calcul légal pour la détermination de la réserve spéciale.
BOI-BIC-PTP-10-10-20-10-20130315 et BOI-BICPTP-10-10-20-30-20130315

BARÈME INDEMNITÉS KILOMÉTRIQUES 2013

Le barème des indemnités kilométriques publié par l’administration fiscale le 19 mars est identique à celui de l’année précédente. Ce barème est donc gelé depuis maintenant trois ans.

Ce barème est désormais plafonné à 7 CV au lieu de 13 CV précédemment, en application de la loi de finances pour 2013 (n°2012-1509 du 29 décembre 2012).

Il convient d’en tenir compte pour la détermination de la part exonérée de cotisations sociales des indemnités forfaitaires kilométriques versées par l’employeur, puisque le barème fiscal constitue la limite d’exonération pour le remboursement forfaitaire.

Jurisprudence

LA COUR DE CASSATION VALIDE LES AVANTAGES CATÉGORIELS DE PRÉVOYANCE

La Cour de cassation a jugé qu’en raison des particularités des régimes de prévoyance couvrant les risques maladie, incapacité, invalidité, décès et retraite, l’égalité de traitement ne s’applique qu’entre les salariés relevant d’une même catégorie professionnelle.

Ce principe a été clairement posé dans trois arrêts portant sur la réclamation de salariés non cadres se prévalant des avantages accordés aux cadres en matière de mutuelle d’entreprise qui bénéficiaient d’une prise en charge plus avantageuse de leur participation au dispositif et d’autres se prévalant d’un régime de prévoyance complémentaire maladie-invalidité institué au profit des seuls cadres de l’entreprise.

La Haute juridiction estime qu’il n’y a pas violation du principe d’égalité de traitement puisqu’il convient en la matière d’analyser la situation des salariés à l’intérieur d’une même catégorie professionnelle. L’employeur doit s’assurer que, au sein d’une même catégorie professionnelle, tous les salariés placés dans une situation identique bénéficient du même avantage.

La Cour rappelle cependant qu’en matière de préavis et d’indemnité de rupture, une différence de régime entre les travailleurs relevant de catégories distinctes mais se trouvant dans la même situation doit reposer sur des raisons objectives et pertinentes, tenant notamment à la spécificité de la situation des salariés relevant de chacune des catégories, dont les conditions d’exercice des fonctions, l’évolution de carrière ou les modalités de rémunération.

La seule existence de textes conventionnels distincts ne suffit pas à le justifier, dès lors que les salariés sont placés dans une situation identique au regard de cette catégorie d’avantage.
(Cass. soc., 13 mars 2013,n° 11-20.490 FS-PBR, n 10-28.022, 11-23.761 FS-D)

DURÉE DU TRAVAIL ET PAUSE LÉGALE OBLIGATOIRE

La Cour de cassation vient de préciser les modalités de l’obligation d’accorder un temps de pause de 20 minutes dès lors que le temps de travail quotidien dépasse 6 heures, obligation issue de l’article L 3121-33 du code du travail.

– La pause légale ne se fractionne pas : il s’agit d’une seule pause d’une durée au moins égale à 20 minutes.
– Dès lors que la durée journalière de travail est d’au moins 6 heures, y compris lorsque cette durée est atteinte de manière exceptionnelle, la pause de 20 minutes doit être accordée.
– Il appartient à l’employeur de démontrer le respect de cette obligation, c’est-à-dire qu’elle doit, en présence d’horaires individualisés, apparaitre dans les décomptes journaliers de temps de travail.
(Cass Soc 20 février 2013 n°11-21.599 ; 11-26.793 ; 11-28.612)

L’ARRÊT MALADIE N’EST TOUJOURS PAS CRÉATEUR DE DROIT À CONGÉS PAYÉS EN DROIT FRANÇAIS

La Cour de cassation maintient sa position : un salarié ne peut prétendre au paiement d’une indemnité compensatrice de congés payés au titre d’une période de suspension du contrat de travail pour maladie ne relevant pas de l’article L.3141-5 du Code du travail.

La Cour de cassation estime que la directive européenne directive « temps de travail » n° 2003/88/CE du 4 novembre 2003 ne peut s’appliquer directement à un litige entre particulier, puisque la loi nationale comprend des dispositions contraires.

En effet, si la directive, à la lumière de l’arrêt Dominguez de la CJUE du 24 janvier 2012, prévoit que « tout travailleur, qu’il soit en congé de maladie pendant ladite période de référence à la suite d’un accident survenu sur le lieu du travail ou ailleurs, ou à la suite d’une maladie de quelque nature ou origine qu’elle soit, ne saurait voir affecter le droit au congé annuel payé d’au moins quatre semaines du travailleur concerné» le Code du travail français- article L. 3141-3 – ne permet pas à un salarié d’acquérir des congés payés durant une période d’arrêt maladie.

Il conviendra donc pour rendre obligatoire l’application de cette directive que le législateur modifie le texte national.
(Cass. soc., 13 mars 2013,n° 11-22.285 FS-PB)

RENONCIATION A LA CLAUSE DE NON CONCURRENCE ET DISPENSE DE PRÉAVIS.

La Cour de cassation vient de préciser que l’employeur qui entend renoncer à une clause de non concurrence doit notifier sa décision au plus tard à la date de départ effectif du salarié lorsqu’il dispense celui-ci de l’exécution de son préavis, et ce nonobstant des stipulations ou dispositions contraires.

Ainsi, lorsque l’employeur accède à la demande d’un salarié démissionnaire de le dispenser d’exécuter une partie de son préavis, il doit renoncer à la clause de non concurrence au plus tard le dernier jour d’exécution du contrat de travail. S’il y renonce postérieurement y compris avant la fin du préavis, cette renonciation tardive ouvre droit pour le salarié au paiement de la contrepartie financière.
(Cass. soc., 13 mars 2013, n° 11-20.490 FS-PBR, n 10-28.022, 11-23.761 FS-D)

Bulletin rédigé par Maître Annette PAUL
10 avenue Alsace Lorraine 38000 GRENOBLE

Bulletin JSA – Mars 2013

Bulletin rédigé par
Maître SCHWACH Jean-Christophe
SCP LEXOCIA
5 rue de Berne
67300 SCHILTIGHEIM


Éditorial

INAPTITUDE DU SALARIÉ : UNE NOUVELLE INCERTITUDE

Lorsque le reclassement d’un salarié reconnu inapte est impossible, le contrat peut être rompu.
Cependant, le chemin qui mène à cette rupture est long et semé d’embuches.

Il convient bien évidemment de respecter la procédure et de s’assurer que les visites médicales ont bien eu lieu dans les formes et les délais requis.

Dans le cadre de la procédure de constatation de l’inaptitude, l’employeur doit souvent se heurter à des avis du Médecin du Travail qui nécessitent des précisions et qui rendent les recherches de reclassement plus difficiles.

Il est vrai que la jurisprudence a durci sa position quant aux obligations de l’employeur en matière de reclassement et de preuve de la loyauté et du sérieux de ses recherches.

Cette procédure se trouve également fragilisée par la possibilité pour le salarié de contester son inaptitude, ce qui pourrait remettre en cause la procédure de licenciement.

Depuis le 1er juillet 2012, la contestation de l’avis d’inaptitude doit être adressée par le salarié à l’Inspection du Travail dans un délai de deux mois par lettre recommandée avec accusé de réception.

Compte tenu de ce nouveau délai (aucune limite dans le temps n’existait avant), une question se pose : l’employeur doit-il attendre la décision de l’Inspecteur du Travail avant de licencier le salarié ?

La Cour de Cassation a affirmé dès 2004 que l’employeur n’était pas tenu d’attendre la réponse de l’Inspecteur du Travail pour prononcer le licenciement avec un risque : l’annulation de l’avis du Médecin du Travail privera de cause réelle et sérieuse la rupture avec versement au salarié d’une indemnité au moins égale à 6 mois ou à 12 mois si l’inaptitude est d’origine professionnelle.

Dans une réponse du 22 janvier 2013, le Ministre du Travail recommande d’attendre la décision de l’Inspecteur du Travail et de laisser s’écouler le délai de recours de deux mois avant de licencier.

En pratique, l’employeur va donc reprendre le versement du salaire à l’issue du délai d’un mois puis mettre en œuvre la procédure de licenciement.

Comme le souligne la doctrine, si cette réponse est pragmatique, elle ne résout pas tous les problèmes :
– il est rappelé que le salarié n’a pas l’obligation d’informer son employeur de son recours,
– l’Inspecteur du Travail dispose lui-même d’un délai de deux mois à compter de sa saisine pour se prononcer,
– sa décision peut faire l’objet d’un recours hiérarchique dans un délai de deux mois.

Ainsi, l’employeur qui suivrait la recommandation du Ministre du Travail ne serait toutefois pas à l’abri d’une annulation de l’avis d’inaptitude, avec pour conséquence l’absence de cause réelle et sérieuse du licenciement.

Actualités

LE CONTRAT DE GÉNÉRATION : DÉFINITIVEMENT ADOPTÉ PAR LE PARLEMENT

L’insertion des jeunes et le maintien des salariés âgés dans l’emploi sont désormais facilités grâce au contrat de génération.

Dès lors, devra être réalisé un diagnostic préalable à l’accord ou au plan d’action qui sera établi pour trois ans maximum.

Il comportera notamment des engagements en faveur de la transmission des savoirs et des compétences, des éléments relatifs à la pyramide des âges mais aussi concernant l’amélioration des conditions de travail des salariés âgés et de la prévention de la pénibilité.

Ces engagements seront associés à des objectifs chiffrés et des missions de formation.

Les modalités de mise en œuvre de ce contrat, destiné aux entreprises de droit privé, dépendent de leur effectif puisqu’une distinction est à opérer entre les entreprises d’au moins 300 salariés, les entreprises de 50 à 300 salariés et celles de moins de 50 salariés.
(Loi du 1er mars 2013, JO du 3 mars)

LOI DE FINANCEMENT DE LA SÉCURITÉ SOCIALE POUR 2013

RUPTURE CONVENTIONNELLE :
– Assujettissement des in¬demnités de rupture conven¬tionnelle au forfait social dès lors qu’elles ne sont pas soumises aux cotisations et contributions sociales (Article L 137-15 du CSS modifié)

FAUTE INEXCUSABLE :
– Article L 452-3-1 nouveau du CSS : La reconnaissance de la faute inexcusable emporte dorénavant l’obligation pour l’employeur de verser les sommes dont il est redevable même si la décision reconnaissant l’AT ou la MP lui est inopposable. (Cette mesure vise à tenir en échec la jurisprudence de la Cour de Cassation. 2ème civ. 1er juillet 25010 n° 09-14- 576)
> Dispositions applicables aux actions en reconnaissance de faute inexcusable engagées à compter du 1er janvier 2013
– Article L 452-2 modifié du CSS : Remboursement à la CPAM, en capital, des majorations de rentes et d’indemnités en capital versées à la CPAM
> Applicable pour les majorations versées à compter du 1er avril 2013
> Les modalités seront précisées par décret
> Suppression de la majoration de rente remplacée par une prestation complémentaire pour recours à tierce personne à compter du 1er mars 2013 et selon un décret à paraître.

Jurisprudence

UNE RUPTURE CONVENTIONNELLE SIGNÉE DANS UN CONTEXTE DE HARCÈLEMENT MORAL EST NULLE

La loi du 25 juin 2008 crée ce nouveau mode de rupture du contrat de travail qui est issu d’une double préoccupation : réduire les freins à l’embauche et mettre fin à l’hypocrisie du licenciement convenu par les deux parties dans le seul but de permettre au salarié de bénéficier de l’assurance chômage.

Depuis sa mise en œuvre, la rupture conventionnelle fait l’objet de divers contentieux.

Par une décision récente de la Cour de Cassation, toute signature dans un contexte de violence morale est à proscrire.

La rupture conventionnelle étant supposée intervenir d’un commun accord, elle doit être libre¬ment consentie par le salarié.

En conséquence, si la signature intervient dans une situation de troubles psychologiques la nullité est encourue.
(Cass. Soc., 30 janvier 2013, n°11-22.332 FS-PBR)

CUMUL DE L’INDEMNISATION FORFAITAIRE POUR TRAVAIL DISSIMULÉ

Dans une situation de travail dissimulé, l’indemnité forfaitaire de six mois de salaire, prévue par la loi est cumulable avec l’indemnité conventionnelle de licenciement en cas de rupture de la relation de travail.

Auparavant, l’employeur n’était redevable que de la plus élevée des deux.
(Cass. Soc., 6 février 2013, n° 11-23.738 FP-PBR)

LA CLÉ USB : OUTIL DE LICENCIEMENT

Lorsqu’elle est connectée à un outil informatique mis à la disposition du salarié par l’employeur pour l’exécution du contrat de travail, la clé USB est présumée utilisée à des fins professionnelles.

Dès lors, l’employeur peut accéder aux fichiers enregistrés sur celle-ci sans l’accord et la présence du salarié.

Il est donc valable de dire que l’employeur est dans son bon droit lorsqu’il s’en sert comme motif de licenciement si le salarié y a stocké des informations confidentielles concernant l’entreprise.

La seule exception pour le salarié, serait de nommer au préalable les fichiers comme étant personnels.
(Cass. Soc., 12 février 2013, 11- 28.649, n° 11-28.649 FS-PB)

RUPTURE DE LA PÉRIODE D’ESSAI

Tant que la rupture intervient avant le terme de l’essai, l’inobservation du délai de prévenance légal ne peut être sanctionnée par une requalification en licenciement.
(Cass. Soc., 23 janvier 2013, n° 11-23.428 FS-PB)

LE MESSAGE LAISSÉ SUR LE RÉPONDEUR D’UN SALARIÉ EST UN MODE DE PREUVE

Cette solution est une transposition de la jurisprudence sur les SMS.

En effet, qu’il s’agisse d’un SMS ou d’un message laissé sur le répondeur téléphonique personnel d’un salarié, la Cour estime que le régime est identique.

La retranscription des messages vocaux n’est pas un procédé dé¬loyal et constitue bien un mode de preuve parfaitement recevable
(Cass. Soc., 6 février 2013, n° 11-23.738 FP-PB)

REFUS DE RÉTROGRADATION

Le salarié jouit d’un droit au refus s’agissant de la rétrogradation disciplinaire, tout en permettant à l’employeur de prendre, par la suite, une sanction substitutive pouvant aller jusqu’au licencie¬ment pour faute grave.

Cependant, cette procédure disciplinaire doit impérativement prendre en compte le délai de prescription qui est de deux mois.

En effet, la convocation du salarié à un entretien préalable en vue d’une autre sanction disciplinaire doit alors intervenir dans les deux mois suivant le refus.

En 2011, la Cour de Cassation avait déjà précisé que le refus du salarié interrompt le délai de prescription de l’article L 1332- 4 du Code du Travail, de sorte qu’un nouveau délai court à compter de la date du refus.
(Cass. Soc., 15 janvier 2013, n°11-28.109 FS-PBR)

PRISE D’ACTE DE LA RUPTURE ET VIOLENCES ENTRE SALARIÉS

Tout salarié victime de violences physiques ou morales ou de harcèlement au travail est autorisé à prendre acte de la rupture de son contrat.

Cette prise d’acte sera nécessairement jugée justifiée car l’employeur est regardé comme ayant manqué, du seul fait de la survenance de ces évènements, à son obligation de sécurité de résultat ; même s’il a pris des mesures pour faire cesser les agissements en question.

Cette solution implique que l’employeur prévoit et prévienne les errements et comportements déviants de ses salariés.

Au caractère quasi impossible de cette tâche, s’ajoute le fait que l’employeur sera toujours tenu pour responsable.
(Cass. Soc., 23 janvier 2013, n° 11-18.885 FS-PB)

MANQUEMENT D’ORDRE PROFESSIONNEL

Le salarié peut désormais invoquer, à l’appui d’une prise d’acte de la rupture, des manquements d’ordre professionnel, commis à son égard par l’employeur en dehors du temps et du lieu de travail.

La preuve de ce manquement, suffisamment grave pour faire obstacle à la poursuite du contrat de travail, devra être rapportée par le salarié ; à la condition, en revanche, que les griefs invoqués à l’appui de la prise d’acte soient en lien étroit avec l’activité professionnelle.

Ce qui n’est pas autorisé dans l’entreprise ne l’est pas davantage en dehors.
(Cass. Soc.,23 janvier 2013, n° 11-20.356 FS-PB)
Bulletin rédigé par Maître Jean-Christophe SCHWACH 
SCP LEXOCIA – 5 rue de Berne – 67300 SCHILTIGHEIM

Bulletin JSA – Janvier 2013

Bulletin rédigé par
Olivier ROMANI & Virginie POULET-CALMET

Avocats associés
SELARL POLI-MONDOLONI-ROMANI & Associés
39, Boulevard Carabacel – 06000 NICE


 

1 EDITORIAL

RÉFLEXIONS SUR UN CONCEPT À GÉOMÉTRIE VARIABLE : LE GROUPE EN DROIT DU TRAVAIL

Aucun texte ne définit positivement le groupe: le juriste ne peut donc se référer qu’à des notions variables d’un droit à l’autre, ainsi qu’à une jurisprudence riche mais hétérogène.
Une définition négative du groupe par référence à des notions voisines (unité économique et sociale, groupements d’employeurs…) ou une définition purement économique apparaît rapidement décalée et/ou insuffisante.
Tenter de définir le groupe en droit du travail impose, assurément, de maîtriser les définitions de filiale, de participation, de contrôle, de comptes consolidés fixées par le Code de commerce (L233-1, L233-2, L233-3, L233-16) et de les dépasser puisque le juge social est presque toujours indifférent à la nature juridique des liens sociétaires. Identifier le groupe «social» implique, en effet, de régler plusieurs problématiques : la définition du groupe varie-t-elle réellement en fonction de la règle invoquée ? Le groupe est-il une notion passive réduite à un espace d’obligations spécifiques pour l’employeur et de droits pour le salarié ou est-il une notion active entendue comme une entité juridique autonome et directement responsable ?

I – LE CONCEPT DE GROUPE DANS LES RELATIONS COLLECTIVES DE TRAVAIL OU LA RÉSISTANCE RELATIVE DU DROIT DES SOCIÉTÉS.

Les relations collectives de travail empruntent essentiellement au droit des sociétés la notion de groupe et laissent bien plus de marge de manoeuvre aux partenaires sociaux qu’au juge du travail.

A – Groupe et représentation du personnel

Au sein des groupes nationaux, un comité de groupe doit être mis en place par l’entreprise dominante dont le siège est sur le territoire français et les entreprises qu’elle contrôle au sens des articles L233-1 (filiale), L233-3 (contrôle) et L233-16 (comptes consolidés) du Code de commerce, ou sur l’une desquelles elle exerce une influence dominante et dont elle détient au moins 10% du capital lorsque la permanence et l’importance des relations de ces entreprises établissent l’appartenance de l’une et de l’autre à un même ensemble économique : cette influence dominante est même présumée dans certains cas (L2331-1 du Code du travail).
Cette même définition est reprise pour la mise en place du comité d’entreprise européen au sein des groupes transnationaux (L2341-5 du Code du travail).

B – Groupe et négociation collective

Au sein des groupes nationaux, une convention ou un accord de groupe peut être conclu. De quel groupe s’agit-il puisque l’article L. 2232-30 du Code du travail énonce seulement que l’accord de groupe doit fixer «son champ d’application constitué de tout ou partie des entreprises constitutives du groupe» ? L’administration du travail se réfère à la définition applicable au comité de groupe alors qu’une partie de la doctrine privilégie la liberté contractuelle que semble offrir la rédaction générale de l’article L. 2232-30.
C’est ainsi qu’un distinguo peut être opéré entre, d’une part, le domaine d’application de l’accord et, d’autre part, les limites du groupe lui-même. Mais les négociateurs peuvent aller encore plus loin en définissant un périmètre d’application et un périmètre «d’influence» de l’accord :
– pour le premier, les méthodes varient, certains recourent à l’établissement de listes d’entreprises tout en posant les modalités d’entrée ou de sortie de liste ; d’autres raisonnent en fonction de critères objectifs (notamment en pourcentage de participation) ;
– pour le second, il s’agit d’étendre l’application de certaines dispositions à des tiers : c’est notamment le cas en matière de risques psycho-sociaux lorsqu’un mécanisme de détection permet d’identifier un stress subi par le salarié d’un prestataire ou d’un sous-traitant (par exemple accord EADS sur les RPS).
Au sein de dimension européenne ou internationale, les accords groupe conclus à ce jour portent pour l’essentiel sur les questions de mobilité ou de santé au travail. Mais l’on connaît toutefois la faiblesse juridique de ces accords qui n’entrent pas dans les prévisions de l’article 155 du Traité de Rome relatif aux accords entre partenaires sociaux et qui ne vise que les accords à caractère sectoriel ou plurisectoriel.

II – LE CONCEPT DE GROUPE DANS LES RELATIONS INDIVIDUELLES DE TRAVAIL OU LA PRÉÉMINENCE DE LA JURISPRUDENCE SOCIALE.
A – Groupe et exécution du contrat travail

a/ La rémunération
➢ Les dispositifs collectifs de rémunération variable : la négociation annuelle obligatoire n’a pas été envisagée, à ce jour, au niveau du groupe (L2242-8 du Code du travail). Par ailleurs, la négociation triennale dans les entreprises et les groupes de 300 salariés et plus ne vise pas directement les salaires mais seulement la stratégie de l’entreprise ainsi que ses effets prévisibles sur l’emploi et les salaires (L2242-15 1° du Code du travail).
Le «groupe» est cependant envisagé en matière d’intéressement, de participation et de plan d’épargne d’entreprises (pour n’évoquer que les principaux dispositifs) qui peuvent être mis en place «au sein d’un groupe constitué par des entreprises juridiquement indépendantes, mais ayant établi entre elles des liens financiers et économiques» (L3344-1 du Code du travail).
Cette définition large est affectée d’une restriction : «Les dispositifs d’augmentation du capital ainsi que de majoration des sommes versées annuellement par une ou plusieurs entreprises (…) ne peuvent s’appliquer qu’au sein d’un groupe d’entreprises incluses dans le même périmètre de consolidation ou de combinaison des comptes en application des dispositions suivantes : (…) 2° article L. 233-16 du code de commerce (…)».
Les modalités alternatives de mise en place de ces dispositifs dans le groupe, le résultat ou la performance étant mesuré au niveau de ce dernier, sont également sources de complexité dans l’identification du groupe concerné :
– participation : voie spécifique (L3322-6 du Code du travail) ou dérogatoire (L3322-7 du Code du travail) ou de droit commun (L2232-30 et s. du code du travail) ;
– intéressement : voie spécifique (L3312-5 du Code du travail) ou de droit commun (L2232-30 et s. du Code du travail).
➢ La rémunération variable individuelle : la Cour de cassation a posé des principes souvent peu conciliables avec les impératifs et les règles de rémunération définies au niveau du groupe notamment international : d’une part, la fixation d’objectifs par l’employeur entre, sauf clause contraire, dans son pouvoir de direction à la double condition que cet objectif soit réalisable et connu du salarié en début d’exercice ; d’autre part, l’employeur doit communiquer les éléments permettant au salarié de vérifier la conformité de sa rémunération à la règle de détermination.
Aussi a-t-il fallu rappeler que :
– toute rémunération est de source nécessairement normative et doit être payée intégralement même si la défaillance résulte, non de l’entreprise employeur, mais de la société mère (Soc. 14/10/2009) ;
– le principe «à travail égal salaire égal» s’apprécie au niveau de l’entreprise et non du groupe (Soc 14/09/2010 n°08-44180). Il a été jugé qu’au sein d’une UES, cette appréciation était possible à condition que le personnel soit soumis à un statut collectif commun ou que le travail soit accompli dans le même établissement (Soc. 01/06/2005 n°04.42143 – Soc. 02/06/2010 n°08.44152).

b/ La mobilité du salarié intra groupe
Lorsque la mobilité du salarié au sein du groupe n’a pas été anticipée, deux situations peuvent se présenter :
– en cas de modification de la situation juridique de l’employeur, le transfert du contrat de travail s’opère, selon le cas, de manière légale ou conventionnelle. La CJUE a jugé que «le cessionnaire d’une entité économique appartenant à un groupe de sociétés peut être tenu de reprendre à son service des salariés contractuellement liés à une autre société du groupe et mis à disposition de l’entité». (21/10/2010 affaire Heineken n°C-242/09) ;
– lorsque l’employeur souhaite muter un salarié dans une autre filiale du groupe auquel il appartient, l’accord du salarié doit être obligatoirement obtenu (de manière tacite ou expresse selon que la cause est ou non économique et dans le respect des procédures idoines).
Or, la jurisprudence n’a toujours pas clairement tranché la question de savoir s’il s’agit d’une modification ou d’une novation du contrat travail par changement d’employeur. En pratique, il est important de préciser que le contrat de travail initial n’a pas été rompu mais seulement transféré et de prévoir une clause «de retour».
Cette mobilité dans le groupe peut-elle être l’objet des prévisions contractuelles (clause de mutation ou de mobilité intra groupe) ? À cette question, la Cour de cassation a répondu – protectrice du principe de libre exercice d’une activité professionnelle – qu’un salarié ne pouvait accepter par avance un changement d’employeur (Soc. 23/09/2009 n°07-44200) : la rigueur de cette solution a pu surprendre au cas d’espèce puisque la clause litigieuse stipulait que le salarié pouvait être amené à exercer ses fonctions dans toute autre société du groupe, la mise en oeuvre de la clause devant donner lieu à la rédaction d’un nouveau contrat de travail auprès de la société d’accueil.
Enfin, cette règle semble transposable à un accord collectif sur la mobilité dans le groupe et ce, même si une clause «relais» était également prévue dans le contrat de travail.

B – Groupe et rupture du contrat travail

a/ Groupe et élément causal du motif économique : les règles sont désormais bien fixées et régulièrement rappelées par la jurisprudence en dépit de variantes dans la formulation :
– les difficultés économiques : lorsque l’entreprise appartient à un groupe, les difficultés économiques doivent être vérifiées au niveau du secteur d’activité du groupe dont elle relève (Soc. 26/06/2012 n°11-13796 et 21/11/2012 n°11-13919);
– la sauvegarde de la compétitivité : le bien-fondé de la réorganisation, qu’elle soit justifiée par des difficultés économiques ou par la nécessité de sauvegarder la compétitivité de l’entreprise, s’apprécie au niveau du secteur d’activité du groupe auquel appartient l’auteur du licenciement (Soc 21/11/2012 n°11-18815) ;
– les mutations technologiques : Soc 24/10/2012 n°11-23418 et 11-23420 ;
– la cessation d’activité de la filiale : Soc 18/01/2011 n°09-69199, 01/02/2011 n°10- 30045 et 16/11/2011 n°11-40071.

b/ Groupe et obligations de reclassement :
➢ Cause économique : en France, l’obligation de reclassement s’inscrit dans le groupe «social» : «Il appartient à l’employeur de rechercher s’il existe des possibilités de reclassement au sein du groupe parmi les entreprises dont les activités, l’organisation ou le lieu d’exploitation leur permettent d’effectuer la permutation de tout ou partie du personnel et de proposer aux salariés dont le licenciement est envisagé des emplois de même catégorie ou à défaut de catégorie inférieure, fût-ce par voie de modification de contrat travail, en assurant au besoin l’adaptation des salariés à l’évolution de leur emploi» (Soc.13/09/2006 n°04-43763 et 31/03/2010 n°09-65134).
Lorsque l’entreprise ou le groupe auquel elle appartient est implanté hors de France, l’employeur doit orienter ses recherches à l’étranger en fonction des voeux émis par les salariés préalablement interrogés (L1233-4-1 du Code du travail- Circulaire CGT n°2001-3 du 15/03/2011).
L’obligation de reclassement ne pèse que sur l’entreprise du groupe qui licencie : il n’y a donc pas de solidarité au titre de cette obligation (Soc. 13/01/2010 n°08-15776).
Lorsqu’une procédure de licenciement est engagée simultanément dans plusieurs entreprises d’un même groupe, chacune d’elles offre en priorité à ses salariés les postes disponibles. Ce n’est qu’à défaut d’aptitude du salarié ou de refus de sa part que l’employeur peut solliciter les candidatures des salariés des autres entreprises du groupe.
Arrêts récents sur ces questions : Soc.01/12/2010 n°09-68380, 13/01/2010 n°08- 15776, 01/02/2011 n°09-69022, 13/12/2011 n°10-21475, 23/10/2012 n°11-13792.
➢ Inaptitude physique : le reclassement est à rechercher dans le groupe qui répond à la même définition qu’en matière économique (Soc. 24/06/2009 n°07-45656) et, le cas échéant, au sein d’un GIE (Soc. 09/06/2010 n°09.10600), au sein des entreprises franchisées d’une même enseigne (Soc. 20/02/2008 n°06.45335), au sein d’une entreprise acquéreur dès que l’achat est annoncé (Soc. 08/04/2009 n°07- 44842) ou au sein d’associations regroupées en fédération (Soc. 06/01/2010 n°08- 44113).
La Cour de cassation a récemment réaffirmé les obligations du juge du fond qui doit procéder à une vérification concrète notamment de la justification du périmètre du reclassement et de la permutabilité du personnel :
– Soc. 21/11/2012 n°11-23303 : «Qu’en statuant ainsi alors qu’elle avait par ailleurs constaté que l’employeur avait produit la liste des embauches intervenues au sein du groupe auquel il appartenait, faisant apparaître la disponibilité d’un emploi relevant de la compétence du salarié au sein de la société Landimat le 10 novembre 2008 à Rouen, la cour d’appel a violé le texte susvisé».
– Soc. 21/11/2012 n°11-23629 : «Mais attendu qu’appréciant souverainement la valeur et la portée des éléments de preuve qui lui étaient soumis, la cour d’appel qui a retenu que l’employeur s’était borné à adresser aux sociétés du groupe un courriel circulaire ne comportant aucune indication relative notamment à l’ancienneté, le niveau et la compétence du salarié et ne justifiait d’aucune recherche personnalisée et loyale des possibilités de reclassement, a, sans être tenue de procéder à une recherche que ses constatations rendaient inopérante, légalement justifié sa décision
– Soc. 21/11/2012 n°11-18293 : «Mais attendu que l’avis du médecin du travail déclarant un salarié inapte à tout emploi dans l’entreprise ne dispense pas l’employeur, quelle que soit la position prise par le salarié, de rechercher les possibilités de reclassement par la mise en oeuvre de mesures telles que mutations ou transformations de postes de travail au sein de l’entreprise et le cas échéant du groupe auquel elle appartient, la recherche devant alors s’apprécier parmi les entreprises de ce groupe dont les activités, l’organisation ou le lieu d’exploitation lui permettent d’effectuer la permutation de tout ou partie du personnel ; qu’il appartient à l’employeur de justifier du périmètre de reclassement et de l’impossibilité, à la date du licenciement, de reclasser le salarié tant dans l’entreprise que dans ce groupe; Et attendu qu’après avoir relevé que l’employeur, qui n’avait pas reçu lors du licenciement l’ensemble des réponses des sociétés interrogées par ses soins, ne démontrait pas en quoi le panel de soixante-quatre entreprises nationales qu’elle avait choisi d’interroger constituait le seul périmètre de l’obligation de reclassement alors qu’il s’agissait d’un groupe comportant cent quarante-six sites sur le territoire français et de nombreuses filiales à l’étranger, la cour d’appel, qui a constaté l’absence de recherche de reclassement, au sein même des services de l’entreprise, au besoin par la mise en oeuvre de mesures telles que mutations, transformations de postes de travail ou aménagement du temps de travail, a, sans modifier l’objet du litige, légalement justifié sa décision.»

***

On ne peut conclure ce tour d’horizon sans évoquer la notion de co-emploi qui apparait comme un élément perturbateur du concept de groupe. Si le groupe ne peut, en l’état actuel, être considéré comme débiteur direct d’obligations à la place de l’employeur, la caractérisation d’un co-emploi peut constituer une sanction devant le juge prud’homal du non-respect par la société mère ou dominante de l’autonomie de la personnalité morale de l’employeur. La jurisprudence abandonne le critère du lien de subordination pour retenir l’existence d’un co-emploi dans le groupe (au sens du droit des sociétés) lorsqu’existe cumulativement une confusion d’intérêts, d’activités et de direction. (Soc 28/09/2011 n° 10-12278 à 10-12325 et Soc 30/11/2011 n°10-22964). La société fille pourra alors aussi rechercher la responsabilité de droit commun de la société mère devant le juge civil (Civ 1re 26 octobre 2011 n° 10-17026 – CA Versailles 31/10/2011 n°10/00578 et T. com. Orléans 1er juin 2012 n° 2010-11170)…

2 ACTUALITÉS

Définitivement adoptée le 3 décembre 2012, la loi de financement de la sécurité sociale n°2012-1404 du 17 décembre 2012 est parue au Journal Officiel du 18 décembre 2012 après validation, pour l’essentiel, par le Conseil Constitutionnel (Décision n° 2012-659 DC du 13 décembre 2012). En voici quelques mesures :

I / HAUSSE DE COTISATIONS
1 / Élargissement de l’assiette de la taxe sur les salaires et création d’une tranche supérieure supplémentaire (Article 13) à effet du 1er janvier 2013

La loi a élargi l’assiette de cette taxe pour y intégrer certains avantages accessoires à la rémunération (sommes allouées aux salariés au titre des dispositifs d’épargne salariale, contributions patronales destinées au financement des prestations de retraite supplémentaire ou prévoyance complémentaire etc.). Elle est donc désormais alignée sur l’assiette de CSG applicable aux revenus d’activité (il n’est toutefois pas fait application de la déduction forfaitaire pour frais professionnels de 1,75 prévue en matière de CSG).
Une quatrième tranche au taux de 20 % est créée sur les «plus hautes rémunérations» soit sur la part des salaires individuels dépassant 150.000 € par an.

2 / Cotisations sur la base du salaire réel pour les particuliers employeurs (Article 14) à effet du 1er janvier 2013

Les particuliers employeurs ne disposent plus de la possibilité de cotiser sur la base d’une assiette forfaitaire mais uniquement sur la base de la rémunération réellement versée à leurs employés de maison. Pour compenser cet alourdissement des charges, une déduction forfaitaire de cotisations patronales maladie, maternité, invalidité, décès a été créée pour chaque heure de travail effectuée dont le montant est fixé à 0,75 euro par heure de travail.

3 / Contribution de solidarité des retraités, préretraités et invalides (Article 17) à effet du 1er avril 2013

Une contribution additionnelle de solidarité autonomie (Casa) sera créée au taux de 0,30 %, à l’instar de celle acquittée depuis 2004 par les employeurs, en contrepartie de la journée nationale de solidarité, travaillée non payée et sera précomptée par l’organisme qui sert le revenu de remplacement en même temps que la cotisation d’assurance maladie et la CSG-CRDS. Sont redevables les personnes dont le montant des revenus de l’avant dernière année est supérieur au seuil retenu pour l’allégement de la taxe d’habitation, qui est aussi celui retenu pour l’exonération de la CSG et de la CRDS. Sont exemptés les titulaires de pensions de retraite ou d’invalidité non redevables de la CSG et la CRDS et les personnes qui se voient appliquer le taux réduit de CSG de 3,8%.

4 / Soumission des indemnités de rupture conventionnelle au forfait social (Article 21) à effet du 1er janvier 2013

Sont soumises au forfait social les indemnités de rupture conventionnelle (au taux de 20 % depuis la 2ème Loi de finance rectificative pour 2012 du 16 août 2012) sur leur fraction inférieure à deux fois le plafond annuel de la sécurité sociale (PASS), soit 74.064 euros pour l’année 2013, alors qu’auparavant elles n’étaient soumises à aucune cotisation sociale sur cette part. Au-dessus de deux PASS, ces sommes resteront soumises à cotisations et contributions sociales. Cette modification ne concerne que les indemnités de rupture conventionnelle versées aux salariés qui n’ont pas atteint l’âge ouvrant droit à la liquidation de leur pension de vieillesse (60 ans reportés à 62 ans).

II / LUTTE CONTRE LA FRAUDE AUX COTISATIONS
1 / Majoration des redressements en cas de constat d’un travail dissimulé (Article 98)

Le montant du redressement de cotisations et contributions mis en recouvrement à la suite d’un contrôle est majoré de 25 % en cas de constat de délit de travail dissimulé.

2/ Sanction de l’absence de mise en conformité à la législation (Article 98)

Le montant du redressement des cotisations et contributions sociales mis en recouvrement à l’issue d’un contrôle est majoré de 10 % en cas de constat d’absence de mise en conformité. Un tel constat peut être dressé lorsque l’employeur n’a pas pris en compte les observations notifiées lors d’un précédent contrôle, que ces observations aient donné lieu à redressement ou non.

III / MESURES RELATIVES AUX BRANCHES FAMILLE, MALADIE, ACCIDENTS DU TRAVAIL ET VIEILLESSE
1 / Rachat de trimestres (Article 82)

Les assurés nés entre le 1er janvier 1952 et le 31 décembre 1955 qui ont, entre le 13 juillet 2010 et le 31 décembre 2011, procédé à des versements pour la retraite, rendus inutiles compte tenu du recul de l’âge légal de la retraite, peuvent obtenir le remboursement des sommes versées.

2 / Recouvrement des prestations AT/MP en cas de faute inexcusable (Article 86)

Les sommes dues au salarié victime d’une faute inexcusable de son employeur lui sont versées directement par la caisse d’assurance-maladie qui en récupère le montant auprès de l’employeur. Une part importante de ces indemnités n’est pas recouvrée par les caisses, en raison notamment de la possibilité pour l’employeur de contester l’opposabilité à son encontre de la décision de la caisse, alors même que la faute inexcusable a été constatée par décision de justice. Afin de remédier à cette situation, la reconnaissance de la faute inexcusable par décision de justice «passée en force de chose jugée» emporte désormais l’obligation pour l’employeur de verser les sommes avancées par les caisses. Cette mesure est applicable aux actions introduites depuis le 1er janvier 2013. A compter du 1er avril 2013, la récupération de la majoration de la rente s’effectuera dans tous les cas sous forme de capital et non plus par application d’une cotisation complémentaire réclamée sur 20 ans maximum. L’entreprise se verra donc immédiatement imputer sur son compte AT, le coût de sa faute inexcusable.

3 / Mise en œuvre du congé de paternité et d’accueil de l’enfant (Article 94)

Le congé paternité devient un « congé de paternité et d’accueil de l’enfant » et est élargi à toute personne vivant maritalement avec la mère, indépendamment de son lien de filiation avec l’enfant. Sont désormais concernés non seulement le père de l’enfant mais également le conjoint de la mère de l’enfant, le concubin ou le partenaire lié par un PACS, de la mère.

3 JURISPRUDENCE

Lorsque les faits reprochés au salarié donnent lieu à l’exercice de poursuites pénales, l’employeur peut, sans engager immédiatement la procédure de licenciement, prononcer sa mise à pied conservatoire. (Cass. soc. 4 décembre 2012 n° 11-27.508 (n° 2598 FS-PB), Association Régie de quartier Behren insertion c/ Loi)
En l’espèce une salariée, interpellée et mise en garde à vue dans le cadre de poursuites pénales pour abus de confiance et usage de faux au préjudice de son employeur, était – pour ces mêmes manquements fautifs à l’origine de l’action pénale – mise à pied à titre conservatoire pendant plus de quatre mois, avant d’être convoquée à un entretien préalable.
Elle se saisissait dès lors de cette situation pour prendre acte de la rupture de son contrat de travail aux torts de son employeur, en soutenant que la notification d’une mise à pied conservatoire aurait dû déclencher l’engagement d’une procédure disciplinaire dans un délai de deux mois.
Alors que les Juges du fond faisaient droit à ses demandes, la Cour de cassation les censure, en faisant une lecture combinée des articles L.1332-3 et L.1332-4 du Code du travail.
Elle rappelle en effet que dans l’attente de l’issue des poursuites pénales concernant les faits fautifs reprochés, l’employeur peut surseoir à la mise en œuvre de la procédure disciplinaire.
Pour autant, il ne saurait être privé de son droit de prononcer envers son salarié une mesure de mise à pied conservatoire puisque la mise en œuvre d’une telle mesure reste indépendante du processus de licenciement que l’employeur ne peut engager avant la décision du juge répressif.
Il n’en demeure pas moins que la seule circonstance que le salarié fasse l’objet de poursuites pénales ne saurait être suffisante pour légitimer une mise à pied conservatoire privative de rémunération pendant de nombreuses semaines, voire (en cas de procédure pénale) pendant plusieurs mois.
Le caractère indispensable ou non d’une telle mesure pour préserver le bon fonctionnement de l’entreprise restera dès lors le seul critère pour agir, a fortiori si le salarié en cause bénéficie d’une protection spéciale ; on s’étonnerait d’ailleurs de l’application de cette nouvelle règle du jeu à des élus ou des représentants syndicaux, eu égard au statut d’ordre public dont ils bénéficient.
L’exclusion, par un plan de sauvegarde de l’emploi, des préretraités et des invalides du bénéfice de l’indemnité additionnelle de licenciement ne constitue pas une mesure discriminatoire ; mais en amont, l’employeur qui envisage un licenciement économique d’un salarié classé en invalidité doit organiser la visite de reprise et tenir compte de l’avis du médecin du travail avant de formuler ses offres de reclassement préalables. (Cass. soc. 5 décembre 2012 n° 10-24.204 (n° 2572 FP-PB), Lloret c/ Sté Nestlé France).
Il est désormais constant que dès lors que le salarié informe l’entreprise de son classement en invalidité deuxième catégorie sans manifester la volonté de ne pas reprendre le travail, l’employeur doit prendre l’initiative de faire procéder à une visite de reprise (Cass. soc. 25 janvier 2011 n° 09-42.766).
Il en va donc de même quand, ayant connaissance du classement en invalidité du salarié, l’employeur envisage son licenciement pour motif économique.
Dans cette hypothèse, il lui appartient de surseoir à cette procédure dans l’attente de l’avis du médecin du travail afin de prendre en compte ses préconisations concernant le reclassement de l’intéressé, faute de quoi il sera considéré comme ayant manqué à cette obligation.
Même si cette solution est parfaitement logique pour garantir un reclassement effectif du salarié, en pratique, dans le cadre de la mise en œuvre d’un plan de sauvegarde de l’emploi, elle risque de poser plusieurs difficultés, par exemple si l’entreprise fait face à une procédure de redressement ou de liquidation judiciaire, qui oblige le mandataire à notifier les licenciements dans un délai extrêmement restreint.
En pareil cas, les liquidateurs n’ont pas toujours le temps de rechercher des solutions de reclassement répondant aux prescriptions de l’article L.1233-4 du Code du travail, a fortiori si l’entreprise fait partie d’un groupe.
Ils ignorent également souvent si tel ou tel salarié bénéficie d’une protection susceptible de faire échec à son licenciement.
Leur demander en plus de savoir si l’un d’entre eux a été placé en invalidité deuxième catégorie, pour organiser les deux visites médicales et chercher à les reclasser ensuite de leur inaptitude, paraît dès lors impossible.
Au-delà, on peut se demander comment concilier cette solution dans l’hypothèse où le salarié, informant au cours de l’entretien préalable son employeur du fait qu’il a été placé en invalidité deuxième catégorie, accepterait immédiatement le contrat de sécurisation professionnelle, avant que le médecin du travail ne statue sur son inaptitude ; au cas d’espèce, en effet, l’employeur avait bien demandé l’organisation d’une visite de reprise, mais ses conclusions étaient intervenues après la notification de la rupture.
En définitive, cette position pourrait conduire les employeurs à exclure les invalides des procédures de licenciement économique collectif au risque de sacrifier l’emploi d’autres salariés.
Ces conclusions sont donc curieuses, et ce d’autant plus que dans le même arrêt, à l’occasion du pourvoi formé par le salarié, la Cour de cassation considérait que les salariés en invalidité pouvaient – du fait de leur situation – être exclus du bénéfice de certaines stipulations inscrites au plan social.
En l’espèce, le plan de sauvegarde de l’emploi leur refusait le bénéfice d’une indemnité additionnelle de rupture.
La Haute juridiction rappelle alors qu’un PSE peut prévoir des mesures réservées à certains salariés, à condition que la différence de traitement soit justifiée par des raisons objectives et pertinentes et que les règles déterminant les conditions d’attribution de l’avantage soient préalablement définies et contrôlables.
Or, tel est le cas des salariés en invalidité dont la situation de précarité financière, après la notification de leur licenciement, sera moindre que celle de leurs collègues ne percevant pas de pension similaire.
Reste que pour ne pas être astreint au versement d’une telle indemnité – qui est au demeurant facultative – l’employeur devra préalablement s’assurer que la procédure d’inaptitude a bien été respectée ; et en définitive, il pourrait être amené à dissocier les mesures pour opter pour ces salariés un « simple »  licenciement pour inaptitude, moins complexe, moins long et au final moins onéreux.
Si le contrat est régi par la loi choisie par les parties, ce choix peut ne pas être exprès et résulter des circonstances de la cause ou porter sur une partie seulement du contrat. (Cour de cassation, civile, Chambre sociale, 4 décembre 2012,  11-22.166)
Un salarié français licencié pour motif économique, alors qu’il travaillait sur des chantiers situés en Allemagne a fait inscrire ses créances au passif de la société française qui l’employait.
En application de l’article 8 bis de la Directive 2002/74/CE concernant le rapprochement des législations des Etats membres relatives à la protection des travailleurs salariés en cas d’insolvabilité de l’employeur et de l’article 9 de la Directive n°2008/94/CE relative à la protection des travailleurs salariés en cas d’insolvabilité de l’employeur portant recodification de l’article 8 bis, l’AGS contestait son intervention au motif que la garantie devait être assurée par les organismes allemands.
Le liquidateur soutenait par ailleurs que la loi applicable au contrat de travail exécuté à l’étranger était également applicable à sa rupture, peu important la compétence juridictionnelle de la juridiction française, le domicile du salarié ou le siège de l’entreprise ; en conséquence en l’espèce, le licenciement du salarié devait être régi par la loi allemande.
La Cour de cassation rejette ces deux positions.
Elle rappelle tout d’abord que si lorsqu’un salarié exerce son activité sur le territoire d’au moins deux Etats membres et que l’entreprise se trouve en état d’insolvabilité, l’organisme compétent pour le paiement des créances salariales est celui de l’Etat où le salarié exerce habituellement son activité, une législation nationale peut prévoir que le travailleur puisse se prévaloir de la garantie salariale, plus favorable, de l’institution nationale ; les garanties françaises étant plus favorables que celles prévues par l’Allemagne, le salarié pouvait être pris en charge par les AGS.
Elle considère ensuite que conformément à l’article 3 de la Convention de Rome du 19 juin 1980, le contrat de travail est régi par la loi choisie par les parties ; toutefois, ce choix peut ne pas être exprès ou total.
En conséquence, dès lors que l’employeur (le liquidateur judiciaire en l’occurrence) avait choisi d’appliquer le droit français à la procédure de licenciement économique du salarié, qui avait accepté, il en résulte que les parties avaient opté pour l’application du droit français à la rupture du contrat de travail.
Peu importe que durant l’exécution du contrat de travail, les parties aient opté pour la mise en œuvre d’une autre législation ; deux régimes peuvent donc – si les parties le souhaitent – coexister, même si en l’espèce, on peut se demander si l’application de la loi française à tout le personnel d’une entreprise soumise à une procédure collective, résultait d’un choix librement consenti.
Bulletin rédigé par Olivier ROMANI & Virginie POULET-CALMET, Avocats associés
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