Bulletin JSA – DECEMBRE 2014

Bulletin rédigé par Maître GAUTHERAT

22 avenue de l’Observatoire
75014 PARIS


Éditorial

COMMENT LES IMPRÉCISIONS DES DISPOSITIONS D’UN ACCORD COLLECTIF PEUVENT CONDUIRE LA COUR DE CASSATION À LE « RÉÉCRIRE »

Première étape d’une nouvelle version de la convention collective.

Des dispositions de la convention collective des personnels des organismes de sécurité sociale, dans sa rédaction antérieure à 1993, prévoyaient en son article 32 l’octroi d’échelons d’avancement à la suite de la réussite à l’examen de cours de cadres.

Ces échelons étaient lus par les partenaires sociaux comme étant une prime d’attente qui devait être supprimée lors de la promotion du salarié.

En effet, l’article 32 prévoyait que ces échelons étaient dus à raison de 4 % à compter du premier jour du mois suivant la réussite à l’examen, mais qu’ils étaient dus une seconde fois lorsque la promotion n’intervenait pas dans le délai de deux ans suivant la réussite à l’examen.

Pour les salariés qui avaient déjà atteint le seuil maximal d’échelons, en l’espèce 40 %, lors de la réussite à l’examen, l’article 32 du texte prévoyait l’octroi d’une prime expressément qualifiée de « provisoire ».

L’article 33 de la convention collective prévoyait que ces primes étaient supprimées lors de la promotion.

Ainsi, lors de cet événement, tous les salariés promus se voyaient attribuer le coefficient correspondant à leur nouvel emploi et conservaient unique-ment les échelons liés à leur ancienneté.

Des salariés ont saisi les juridictions aux fins de s’entendre juger que ces échelons devaient être pérennes malgré leur promotion. Ils avançaient que ces échelons étaient une récompense liée à la réussite à l’examen.

Les demandes de rappel de salaire et de reconstitution de carrière ont été accueillies diversement par les juridictions de fond.

La Cour de cassation a tranché ces différends par un arrêt en date du 25 mai 2011 en retenant que les dispositions conventionnelles étaient claires et que les échelons devaient en conséquence bien être supprimés à l’occasion de la promotion (Cass. soc., 25 mai 2011, N° 09-66660).

Deuxième étape d’une nouvelle version de la convention collective.

Les partenaires sociaux ont négocié en 1992 un nouvel accord portant une nouvelle classification des emplois, entré en vigueur le 1er janvier 1993.

Ce texte prévoyait que, lorsque le salarié a atteint le seuil d’avancement de 24 % dans son emploi, sa progression au sein de cet emploi ne pouvait intervenir qu’en fonction de son ancienneté (échelons conventionnels).

L’article 32 prévoyait toujours que :

– les échelons versés à la suite de la réussite à l’examen s’élevaient à 4 % (deux fois 2 %) ;
– le salarié qui n’avait pas été promu dans les deux ans suivant la réussite à l’examen bénéficiait une nouvelle fois de ces échelons de 4 % (deux fois 2 %) ;
– le salarié qui avait déjà atteint le seuil maximal d’échelons, soit toujours de 40 %, lors de la réussite à l’examen bénéficiait d’une prime, expressément aussi qualifiée de « provisoire ».

L’article 33 prévoyait la suppression des « échelons conventionnels supplémentaires » en cas de promotion.

On aurait ainsi pu penser que les salariés qui relevaient de cette nouvelle rédaction et qui avaient, eux aussi, saisi les juridictions se verraient appliquer la même solution que celle qui avait été décidée le 25 mai 2011.

Tel n’a pas été le cas en définitive puisque, après avoir dit, aux termes d’un arrêt en date du 2 mars 2010 (Cass soc., 2 mars 2010, pourvoi A 08-41.524), que la lecture du nouvel accord devait être identique à celle donnée initialement pour l’accord, la Cour de cassation a modifié sa position.

Elle a en effet estimé que, le nouveau texte conventionnel ne qualifiant pas expressément les échelons liés à la réussite à l’examen visés à l’article 32 d’« échelons conventionnels supplémentaires » et l’article 33 prévoyant que seuls « les échelons conventionnels supplémentaires » devaient être supprimés lors de la promotion, il en résultait que les échelons visés à l’article 32 devaient être conservés malgré la promotion (Cass soc., 7 décembre 2010, n °09-40.261, A 09-40.263 et n °2389, et 27 mars 2013, n °12-13651).

Troisième étape : la finalisation de la nouvelle lecture de la convention collective.

Après ces arrêts, la Cour de cassation a été amenée à statuer à nouveau sur ces mêmes articles 32 et 33 dans leur version antérieure au protocole du 14 mai 1992, entré en vigueur le 1er janvier 1993.

Elle n’a pas procédé à une nouvelle analyse des textes, qui n’aurait pu qu’aboutir à une décision identique à celle qu’elle avait retenue le 25 mai 2011.

Elle a, par contre, utilisé son pouvoir de contrôle des textes conventionnels au regard du principe « travail égal salaire égal ».

Elle en a conclu, selon un arrêt en date du 24 septembre 2014 (Cass soc., pourvois nos S 13-10.233 et T 13-10.234, arrêt n° 1642), comme elle l’avait déjà dit à plusieurs reprises, qu’« au regard du respect de ce principe la seule circonstance que des salariés aient été engagés avant ou après l’entrée en vigueur d’un accord collectif ne saurait suffire à justifier des différences de rémunération entre eux ; et rappelé qu’il appartient à l’employeur de démontrer qu’il existe des raisons objectives à la différence de rémunération entre des salariés effectuant un même travail ou un travail de valeur égale dont il revient au juge de contrôler la réalité et la pertinence ».

En conséquence de cette décision, les salariés relevant des dispositions conventionnelles parfaitement claires et qui emportaient leur débouté peuvent prétendre à un rappel de salaire comme les salariés relevant des dispositions conventionnelles issues de la nouvelle version des dispositions des articles 32 et 33.

On ne peut, au regard de cet exemple, que rappeler qu’aussi difficiles que soient les négociations des accords collectifs il n’est pas possible de laisser subsister la moindre ambiguïté dans la rédaction du texte qui sera signé par les partenaires sociaux.

A défaut, ils resteront à la merci de la lecture que fera la Cour de cassation de leur accord et ne seront pas à l’abri de surprises dont les conséquences financières peuvent être à l’origine de la disparition pure et simple de l’entreprise.

Actualité

La circulaire Nor Jusd 1425137 C du 22 octobre 2014 (BOMJ n° 2014 du 31 octobre 2014) explicite l’obligation du donneur d’ordre ou du maître d’ouvrage d’exercer un contrôle accru sur les conditions d’emploi des salariés détachés de son sous-traitant fixée par la loi contre le dumping social n° 2014-790 du 10 juillet 2014 publiée au JO du 11 juillet 2014.

En effet, deux obligations cumulatives pèsent sur le sous-traitant :

1/ L’entreprise doit adresser une déclaration préalable à l’inspection du travail où débute la prestation ; cette déclaration doit être annexée au registre unique du personnel de l’entreprise qui accueille les détachés et doit être tenue à la disposition des délégués du personnel.

2/ L’employeur est aussi tenu de désigner un représentant de l’entreprise en France, chargé d’assurer la liaison avec l’administration du travail.

Et si, en cas de manquement à l’une de ces deux obligations, est infligée une amende administrative d’un maximum de 2 000 euros par salarié détaché. Cette peine est doublée en cas de récidive en cas de récidive dans un délai d’un an. Le montant total de l’amende ne peut toutefois pas être supérieur à 10 000 €.,

Le donneur d’ordre ou maître d’ouvrage doit de son côté :

1/ Vérifier que son sous-traitant s’est bien acquitté de ses deux nouvelles obligations.

En cas de manquement à cette obligation de vigilance, le donneur d’ordre ou le maître d’ouvrage peut faire l’objet d’une amende administrative d’au maximum 2 000 € par salarié détaché, dans une limite totale de 10 000 €.

2/ Enjoindre son sous-traitant de faire cesser sans délai les pratiques suivantes :

• hébergement collectif incompatibles avec la dignité humaine, (article L4231-1 du code du travail) ;
• non-respect du droit du travail, notamment les dispositions relatives à la durée du travail, ou/et du non-paiement partiel ou total du salaire minimum légal ou conventionnel (article L 3245-2 du code du travail).

Le défaut de vigilance du respect du droit du travail sera puni par une sanction prévue par décret en Conseil d’État.

Celui du non-paiement du salaire emportera la condamnation solidaire avec le sous-traitant du paiement des rémunérations, indemnités et charges dues.

Alors que seule l’infraction d’emploi d’étranger sans titre (article L8256-2 du code du travail) était susceptible d’être aggravée par la circonstance du recours à la bande organisée, cette circonstance peut désormais être prise en compte en cas d’infractions relatives au travail dissimulé :

• au fait de recourir sciemment aux services de celui qui exerce un travail dissimulé ;
• au prêt de main-d’œuvre illicite ;
• au délit de marchandage. (articles L8211-1 1 à 3 du code du travail).

Les peines seront désormais de dix ans d’emprisonnement et de 100 000 euros d’amende.

La loi inscrit ces délits commis en bande organisée à l’article 706-73 du code de procédure pénale, rendant ainsi possible la saisine d’une juridiction interrégionale spécialisée (JIRS) dans les affaires qui sont ou apparaissent d’une grande complexité, et la mise en œuvre de certaines techniques spéciales d’enquête.

Désormais il est possible de recourir aux mesures suivantes :

• l’extension de compétence aux fins de surveillance (article 706-80 du code de procédure pénale) ;
• l’infiltration (articles 706-81 à 706-87 du code de procédure pénale) ;
• les interceptions de correspondances émises par la voie des télécommunications au stade de l’enquête (article 706-95 du code de procédure pénale) ;
• la captation, fixation, transmission et enregistrement de paroles dans des lieux ou véhicules privés ou publics, ou d’images dans un lieu privé (articles 706-96 à 706-102 du code de procédure pénale) ;
• la captation, conservation et transmission de données informatiques (articles 706-102-1 à 706-102-9 du code de procédure pénale) ;
• les saisies conservatoires (article 706-103 du code de procédure pénale) ;
• les perquisitions, visites domiciliaires et saisies de nuit (articles 706-89 à 706-94 du code de procédure pénale).

Jurisprudence

PÉRIODE D’ESSAI ET DÉLAI DE PRÉVENANCE

La poursuite de la relation de travail au-delà de période d’essai en raison de l’existence du délai de prévenance exécuté en partie après le terme de l’essai emporte la requalification de la rupture du contrat en un licenciement sans cause.

L’article L. 1221-25 du code du travail dispose que l’employeur qui décide de ne pas poursuivre le contrat de travail au-delà de la période d’essai doit prévenir le salarié en respectant un délai de prévenance, dont la durée augmente en fonction de la présence du salarié dans l’entreprise.

Que se passe-t-il lorsque l’employeur notifie la fin du contrat tardivement et indique à son salarié que, compte tenu du délai de prévenance de 15 jours, en l’espèce, le contrat prendra fin à une date postérieure à la fin de la période d’essai ?

Doit-on considérer comme l’avait fait la cour d’appel que la notification de la rupture du contrat ayant été effectuée pendant la période d’essai, peu importe que la fin du contrat se situe à une date postérieure à la fin de la période d’essai ? Ou doit-on considérer que la période d’essai, renouvellement inclus, ne peut être prolongée du fait de la durée du délai de prévenance et qu’en conséquence la poursuite de la relation de travail au-delà du terme de l’essai emporte que le contrat est devenu définitif et ne peut être rompu que par le biais d’un licenciement ?

C’est cette dernière solution qui a été retenue par la Cour de cassation aux termes de l’arrêt qu’elle a rendu le 5 novembre 2014. L’arrêt indique en effet, qu’« en cas de rupture pendant la période d’essai, le contrat prend fin au terme du délai de prévenance s’il est exécuté et au plus tard à l’expiration de la période d’essai » et que la poursuite de la relation de travail au-delà du terme de l’essai donne donc naissance à « un nouveau contrat de travail à durée indéterminée qui ne peut être rompu à l’initiative de l’employeur que par un licenciement » (Cass soc., 5 novembre 2014, pourvoi n° G 13-18.114).

LES ARRÊTS DU TROISIÈME TRIMESTRE 2014EN MATIÈRE D’INAPTITUDE

L’obligation de consulter les délégués du personnel en cas d’inaptitude résultant d’un accident du travail ou d’une maladie professionnelle.

L’article L. 1226-10 alinéa 2 du code du travail prévoit que la proposition de reclassement à laquelle est tenu l’employeur doit être précédée de la consultation des délégués du personnel.

La Cour précise que cette consultation est obligatoire même si l’inaptitude ne résulte que partiellement d’une origine professionnelle (arrêt du 15 octobre 2014, n° 13-17.460) et que sa mise en œuvre ne s’impose que dès lors que l’employeur avait connaissance du caractère professionnel de l’accident, connaissance qui n’est pas établie par le seul fait que la Caisse primaire ait reconnu avant le licenciement l’origine professionnelle de l’accident ou de la maladie (Cass soc ., 23 septembre 2014, n° 13-12.228).

Le défaut de consultation est sanctionné par l’octroi d’une indemnité qui ne peut être inférieure à 12 mois de salaire (Cass soc., 15 octobre 2014, n°13-16.958). C’est cette même indemnité qui reste due si en sus de l’absence de consultation l’employeur n’a pas respecté son obligation de reclassement (Cass soc., 15 octobre 2014, n° 13-16.958).

L’absence de deuxième visite médicale en cas d’hospitalisation du salarié après la première visite médicale.

La cour suprême juge que,compte tenu de l’impossibilité d’effectuer la seconde visite médicale, l’employeur ne peut se voir reprocher une violation des dispositions de l’article R. 4624-31 du code du travail et déboute le salarié de sa demande de dommages et intérêts (Cass soc., 23 septembre 2014, n° 13-14.657).

L’indemnité de licenciement due au salarié est toujours l’indemnité conventionnelle de licenciement même si la convention collective ne prévoit que le règlement de l’indemnité légale de licenciement.

La Cour de cassation retient, en effet, que la clause de la convention collective est nulle en raison de son caractère discriminatoire puisque cette différence de traitement est fondée sur l’état de santé du salarié (Cass soc., 8 octobre 2014, n° 13-11.789).

L’effectivité de la recherche de reclassement

La Cour de cassation estime que l’employeur prouve bien qu’il a rempli son obligation de reclassement lorsque toutes les entreprises du groupe lui ont répondu qu’elles ne pouvaient accueillir le salarié (Cass soc., 23 septembre 2014, n° 13-12.663).

Par contre, tel n’est pas le cas lorsque les courriers adressés aux autres entreprises du groupe l’ont été quelques jours à peine avant le licenciement. Ainsi, une entreprise ne peut pas licencier un salarié pour inaptitude et impossibilité de procéder à son reclassement le 29 septembre, alors que ces courriers n’ont été adressés que le 22 septembre (Cass soc., 21octobre 2014, n° 13-16.029).

Bulletin rédigé par Me Dominique GAUTHERAT, Avocat
22 avenue de l’Observatoire 75014 Paris

Bulletin JSA – NOVEMBRE 2014

Bulletin rédigé par Maître ROGGERINI

Avocat
56 Bd Gustave Flaubert
63010 CLERMONT FERRAND CEDEX 1


Éditorial

TRAVAILLEURS DÉTACHÉS : UNE LOI POUR METTRE FIN AUX ABUS !

Régulièrement, la presse s’est fait l’écho des dérives constatées dans l’emploi, sur le territoire national, de travailleurs étrangers dits « détachés ». Ce phénomène n’est pas récent, mais il est en constante augmentation et beaucoup dénoncent aujourd’hui les « distorsions de concurrence » qui en découlent.

Si la libre circulation des marchandises, des personnes, des services et des capitaux est le principe fondateur de l’Union Européenne, très vite, les craintes d’une concurrence déloyale « à bas coût » au détriment de l’emploi, en provenance d’États membres, se sont manifestées.

Pour les apaiser, suite à l’adhésion de l’Espagne et du Portugal, la directive du 16/12/96, fut adoptée avec pour objectif de concilier ce principe de la liberté de circulation et le respect des droits fondamentaux des salariés.

Lorsqu’une entreprise d’un État membre détache temporairement, dans un autre pays, un de ses salariés, cette directive l’oblige à garantir au travailleur détaché l’application « d’un noyau dur » de règles impératives de droit du travail du pays d’accueil relatives notamment à la durée du travail, aux congés payés, aux salaires minima, aux conditions de travail des femmes et des enfants, ainsi que des mesures visant à la santé, à l’hygiène et à la sécurité au travail.

En revanche, en matière de protection sociale, les salariés détachés restent liés au système de protection sociale de leur pays d’origine. Ces travailleurs et leurs employeurs paient donc toutes leurs contributions sociales dans ce pays.

Dans un contexte d’élargissement de l’Union Européenne, de crise économique et financière en Europe et d’augmentation du chômage, les écarts du coût du travail rendent donc particulièrement attractif le recours à des travailleurs détachés. En conséquence, le phénomène s’est amplifié et les cas révélés de fraude ont souvent été instrumentalisés à des fins politiques.

C’est dans ce contexte que le Parlement européen, le 16 avril 2014, adoptait une nouvelle directive aux fins « de renforcer le texte et de mieux faire la différence entre les réelles situations de détachement et les tentatives visant à contourner la loi ».

Le texte donne également aux États membres davantage de marge de manœuvre dans la mise en œuvre des contrôles. (Directive 2014/67/UE du 15/05/2014).

Anticipant la transposition en droit interne de cette directive, la France a voté le 10/07/2014, la loi N° 2014-790 visant à renforcer les contrôles et les sanctions contre les entreprises qui recourent de manière abusive aux travailleurs détachés.

En premier lieu, le texte instaure le principe d’une obligation renforcée de vigilance, à la charge de l’entreprise donneur d’ordre ou maitre d’ouvrage. Ce dernier est en effet dorénavant tenu de vérifier, auprès de l’employeur étranger, qu’il s’est bien conformé à ses nouvelles obligations de déclaration auprès de l’inspection du travail et de désignation d’un représentant sur le territoire national.

A défaut, et si le prestataire de services n’a pas rempli l’une de ces obligations, le donneur d’ordre ou le maître d’ouvrage est passible d’une amende administrative.

L’entreprise qui accueille des salariés détachés sera d’ailleurs tenue d’annexer les déclarations de détachement à son registre unique du personnel.

Deuxième nouveauté : le texte instaure une solidarité financière du donneur d’ordre ou maitre d’ouvrage avec le prestataire.

L’obligation de vigilance et d’injonction, à la charge du donneur d’ordre ou maître d’ouvrage, porte en effet également sur le respect des droits fondamentaux du salarié détaché en matière, par exemple, de durée du travail, congés payés, jours fériés, santé et sécurité, non-discrimination… Ainsi, en cas d’irrégularité, il appartient au donneur d’ordre ou maitre d’ouvrage d’enjoindre le sous-traitant, par écrit, à faire cesser l’infraction et, à défaut de régularisation, de saisir l’Inspection du travail.

Les manquements à ce devoir d’injonction et d’information sont passibles de sanctions qui seront fixées par le décret d’application à paraitre. De plus, dans une telle situation, le donneur d’ordre ou maitre d’ouvrage sera tenu solidairement responsable du paiement des rémunérations, indemnités et charges dues.

La loi s’attache également à ce que le salarié détaché bénéficie de conditions d’hébergement qui ne soient pas « incompatibles avec la condition humaine. » Il fait peser la même obligation d’injonction et d’information en la matière, auprès du maître d’ouvrage ou du donneur d’ordre, qui, en cas de manquement, devra prendre à sa charge l’hébergement collectif des salariés.

Le donneur d’ordre ou maître d’ouvrage voit également sa responsabilité pénale accrue. Elle pourra dorénavant être engagée, en cas d’infraction du sous-traitant, en tant que complice ou co-auteur.

Les sanctions pénales applicables sont d’ailleurs accrues (aussi bien pour les personnes physiques que les personnes morales).

L’article 8 de la loi prévoit en particulier la création d’une nouvelle peine complémentaire, en cas de délit de travail dissimulé, d’emploi d’étrangers sans titre de travail, de marchandage ou de prêt de main-d’œuvre illicite. En application de ce texte, le juge pourra ordonner, pour une durée maximale de 2 ans, l’inscription sur une « liste noire » publiée sur un site Internet dédié du ministère du Travail, des entreprises et prestataires condamnés.

La juridiction pourra également prononcer contre les personnes morales, une peine d’interdiction de percevoir toute aide publique attribuée par l’État, les collectivités territoriales, leurs établissements ou leurs groupements, ainsi que toute aide financière versée par une personne privée chargée d’une mission de service public, pour une durée fixée par le jugement correctionnel dans la limite de 5 ans (Code pénal, art. 131-39 12° nouveau).

L’objectif annoncé de cette loi est de mieux encadrer et mieux contrôler le recours aux salariés détachés. On peut toutefois s’interroger sur les capacités de l’Inspection du travail à assurer les contrôles nécessaires et à déjouer les systèmes sophistiqués mis en place par les fraudeurs. L’annonce du ministre du travail François Rabsamen d’affecter 175 agents à cette mission n’est pas de nature à rassurer.

Bien plus, au-delà des cas de fraude, le maintien du régime social du pays d’origine reste en soit un réel avantage pour les entreprises issues de pays où le coût du travail est relativement bas. L’écart constaté entre les taux de cotisations patronales visant un salarié français et celles concernant un salarié détaché permet en effet à lui seul, un gain de compétitivité significatif.

Sans une harmonisation sociale entre les différents pays membres, aujourd’hui illusoire, le détachement devrait encore longtemps rester synonyme d’optimisation sociale, voire de dumping social.

Actualité

CESSION D’ENTREPRISE : DROIT D’INFORMATION DES SALARIÉS

Le décret précisant les modalités d’application du droit d’information préalable des salariés, en cas de cession d’entreprise, a été publié. Ce nouveau droit, issu de la loi Économie sociale et solidaire, votée cet été, est entré en vigueur le 1er novembre 2014.

Le chef d’entreprise, occupant moins de 250 salariés, qui envisage la cession du fonds de commerce ou de la majorité des parts sociales, actions ou valeurs mobilières de son entreprise, a dorénavant l’obligation d’informer, chacun des membres de son personnel, du projet de cession du fonds ou des titres :

– au plus tard lors de la consultation du comité d’entreprise ou des délégués du personnel, sur le projet, dans les entreprises de 50 à 249 salariés. En l’absence de représentants du personnel constaté par PV de carence, les salariés doivent être informés au plus tard 2 mois avant la cession,

– au plus tard 2 mois avant sa réalisation, dans les entreprises de moins de 50 salariés. La cession peut toutefois intervenir avant l’expiration de ce délai, si chaque salarié a fait connaître au cédant sa décision de ne pas présenter d’offre de reprise.

Le délai de 2 mois s’apprécie par rapport à la date du transfert de propriété.

En conséquence, pour toute cession conclue après le 1er novembre, le droit d’information des salariés s’applique et le chef d’entreprise peut donc être en infraction avec le texte s’il n’a pas pris soin d’anticiper ses obligations.

La question est d’importance, dans la mesure où le défaut d’information autorise tout salarié à demander l’annulation de la cession.

Le décret prévoit simplement qu’une cession intervenant à l’issue d’une négociation «exclusive contractuelle », c’est-à-dire qui a été décidée et organisée dans le cadre d’un contrat conclu avant le 1er novembre 2014, échappe à cette exigence d’information préalable.

Selon les termes du décret, l’information peut être réalisée par tous moyens :

• Au cours d’une réunion d’information des salariés, à l’issue de laquelle ces derniers signent le registre de présence;

• Par un affichage : la date de réception de l’information est celle apposée par le salarié sur un registre, accompagnée de sa signature attestant qu’il a pris connaissance de cet affichage;

• Par courrier électronique, à la condition que la date de réception puisse être certifiée ;

• Par remise en main propre, contre émargement ou récépissé, d’un document écrit mentionnant les informations requises ;

• Par lettre recommandée avec demande d’avis de réception, la date de réception est celle qui est apposée par l’administration des postes lors de la remise de la lettre à son destinataire ;

• Par acte extrajudiciaire ;

• Par tout autre moyen de nature à rendre certaine la date de réception.

La loi prévoit également l’obligation pour l’employeur, en dehors de tout projet de cession, d’informer ses salariés au moins une fois tous les 3 ans sur les conditions juridiques de la reprise d’une entreprise par ses salariés, ses avantages et ses difficultés, ainsi que sur les dispositifs d’aide éventuels dont ils peuvent bénéficier.

Les organisations patronales restent mobilisées contre ce texte, et les difficultés pratiques de sa mise en œuvre dans les PME devraient être à l’ordre du jour de la semaine d’action, qu’elles envisagent début décembre.

Jurisprudence

LE RECOURS AU TRAVAIL DE NUIT DOIT RESTER EXCEPTIONNEL

Après avoir considéré que le recours au travail nocturne n’était pas « inhérent à l’activité » du parfumeur et que le travail de nuit ne peut pas être le mode d’organisation normal au sein d’une entreprise », la Cour de cassation retient que le fait pour un employeur de recourir au travail de nuit en violation des dispositions légales constitue un trouble manifestement illicite.

Elle approuve la décision de la Cour d’appel, qui avait ordonné sous astreinte à la société SEPHORA de cesser d’employer les salariés entre 21 heures et 6 heures du matin. Cass. Soc.24 septembre 2014, n° 13- 24.851 FS-PB.

Quelques jours auparavant, dans un arrêt de rejet de la Chambre criminelle rendu le 02/09/2014, la Cour de cassation rappelle que la mise en place du travail de nuit obéit à une réglementation stricte, et que l’activité de commerce alimentaire n’exige pas, pour l’accomplir, de recourir au travail de nuit.

Elle en conclut que la société exploitant un supermarché qui avait fait exécuter par deux salariés une partie de leur travail au-delà de 21 heures, doit être condamnée pour contravention de mise en place illégale de travail de nuit. Cass. Crim. 2 septembre 2014 n°13-83.30.
Bulletin rédigé par Me ROGGERINI, Avocat
56 Bd Gustave Flaubert 63010 Clermont-Ferrand cedex 1

Bulletin JSA – OCTOBRE 2014

Bulletin rédigé par Maîtres Jean-Philippe ECKERT et Maud GIORIA

SCP ECKERT & OHLMANN
3 Avenue de Lattre de Tassigny
57000 METZ


 

Éditorial

LE PROJET DE RÉFORME DE LA JUSTICE PRUD’HOMALE

Dans une communication au Conseil des ministres du 15 octobre 2014, Monsieur Emmanuel MACRON a déclaré qu’ « il est indispensable d’améliorer le fonctionnement de la justice prud’homale, […] qui souffre aujourd’hui de délais de jugement déraisonnables et d’un taux d’appel très excessif. Une concertation va être engagée immédiatement par les ministres concernés […] avec l’ensemble des parties prenantes. Cette concertation, éclairée en particulier par le récent rapport […] Lacabarats, portera sur l’ensemble de la procédure (conciliation,jugement, appel)».

Le lendemain, le ministère de l’Économie et le ministère des Finances ont diffusé une note suggérant des modifications organisationnelles ou procédurales destinées à améliorer le traitement des litiges individuels en droit du travail et à réduire les délais.

En particulier, il leur apparaît souhaitable de rendre plus effective la phase de conciliation et de développer les modes alternatifs de règlement amiable (arbitrage, médiation), qu’ils soient intégrés ou non à la voie judiciaire.

Pourrait également être expérimentée la mise en œuvre de l’échevinage, système prévoyant une composition mixte des juridictions (entre magistrats professionnels et non professionnels, ces derniers élus par leurs pairs).

L’échevinage est la règle, en matière civile, pour les Tribunaux des affaires de sécurité sociale, les Tribunaux du contentieux de l’incapacité et les Tribunaux paritaires des baux ruraux.

Il a existé en Alsace-Moselle jusqu’en 1982 dans les Conseils de Prud’hommes et y subsiste en matière commerciale.

Le rapport Lacabarats, sur lequel devrait s’appuyer la réforme de la justice prud’homale, formule pas moins de 45 propositions dont les plus importantes sont les suivantes :

– revoir la carte des juridictions prud’homales sur la base des bassins de population et d’emploi,
– rendre obligatoire pour les juges prud’homaux une formation initiale et continue, pour partie commune, sous l’égide de l’Ecole Nationale de la Magistrature, avec le concours de l’Ecole Nationale des Greffes,
– exiger du défendeur un effort de communication préalable à l’audience en cas de preuve partagée,
– transformer le bureau de conciliation en bureau de conciliation et d’orientation,
– permettre le renvoi immédiat au juge départiteur, sans passage par le bureau de jugement,
– instaurer une véritable mise en état,
– rendre obligatoire devant la Cour d’appel la représentation par avocat ou par défenseur syndical et adopter une procédure écrite dans les procédures d’appel.

Reste à savoir si, en l’état de ces nombreuses propositions non hiérarchisées, l’arbitrage se fera en faveur des mesures les plus urgentes et les plus efficaces attendues par l’ensemble des acteurs de la justice prud’homale.

L’essentiel de la question de l’efficacité ne relève-t-elle pas, aussi, des dotations financières imparties aux juridictions et à leurs greffes ?

Mais de cela il ne semble pas être question…

Actualité

DISPOSITIF DE PRÉVENTION DE LA PÉNIBILITÉ

Les modalités de mise en œuvre du nouveau dispositif de prévention de la pénibilité, instauré par la loi n° 2014-40 du 20 janvier 2014 garantissant l’avenir et la justice du système de retraites, viennent d’être précisées par six décrets datés du 9 octobre 2014 en vue de leur application à compter du 1er janvier 2015.

Ces textes :

– définissent l’exposition aux facteurs de risques professionnels :

Pour chaque travailleur exposé au-delà d’un certain seuil à un ou plusieurs risques professionnels, l’employeur doit consigner dans une fiche individuelle dite de « prévention de la pénibilité », la périodicité ainsi que les mesures de prévention prise pour réduire l’exposition à ces risques.

La liste des dix facteurs de risques professionnels est complétée par la détermination des seuils d’exposition, dont l’appréciation se fonde sur une moyenne calculée sur l’année, au-delà desquels l’établissement d’une fiche individuelle de prévention de la pénibilité est imposé.

Ces dispositions sont applicables à compter du 1er janvier 2015 pour ce qui concerne le travail de nuit, le travail répétitif, le travail en équipes postées et le travail sous pression hyperbare et à compter du 1er janvier 2016 s’agissant des gestes et postures pénibles, exposition au bruit, agents chimiques dangereux, vibrations mécaniques et températures extrêmes.

L’attention des entreprises doit être attirée sur la fragilité juridique de cette entrée en vigueur différée au 1er janvier 2016 dans la mesure où le pouvoir réglementaire ne peut retenir une date différente de celle de la loi qui l’instaure au 1er janvier 2015.

– organisent l’information du salarié par l’employeur sur ces expositions :

Sont fixées la périodicité annuelle de l’établissement et de la remise de la fiche de prévention des expositions aux facteurs de risques professionnels et l’information de ces expositions par le document unique d’évaluation des risques professionnels.

– encadrent le fonctionnement du compte personnel de prévention de la pénibilité et le contrôle de l’employeur :

Ce compte permet de capitaliser, sous forme de points, les droits acquis par chaque travailleur exposé à des facteurs de pénibilité. Ces points sont convertis de la façon suivante :

• 1 point ouvre droit à 25h de prise en charge de tout ou partie des frais d’une action de formation professionnelle continue en vue d’une reconversion permettant au salarié d’accéder à un emploi non exposé ou moins exposé à des facteurs de pénibilité,

• 10 points ouvrent droit à un complément de rémunération dont le montant correspond à la compensation pendant 3 mois d’une réduction du temps de travail égale à un mi-temps,

• 10 points ouvrent droit à un trimestre de majoration de durée d’assurance vieillesse (cette demande d’utilisation peut être formulée à partir de 55 ans).

En cas de désaccord sur le nombre de points acquis, le salarié doit au préalable porter sa réclamation devant l’employeur. En cas de rejet de sa demande, il pourra saisir la CARSAT puis éventuellement le TASS.

Le financement du compte personnel de prévention de la pénibilité repose sur les employeurs et la CARSAT ou la caisse de mutualité sociale agricole dispose d’un pouvoir d’investigation afin de contrôler l’effectivité ou l’ampleur de l’exposition aux facteurs de risques professionnels ainsi que l’exhaustivité des données déclarées.

– portent sur les accords et plans d’action conclus en faveur de la prévention de la pénibilité :

Le décret n° 2014-1160 du 9 octobre 2014 abaisse le seuil impliquant l’obligation de négocier, initialement fixé dans la loi du 9 novembre 2010 à 50 %, à 25 % de salariés exposés, et modifie le contenu des accords et plans d’action conclus en faveur de la prévention de la pénibilité.

Il est à noter que Monsieur Pierre GATTAZ, Président du MEDEF, a récemment demandé la suppression pure et simple du dispositif pénibilité en indiquant qu’il était « extrêmement anxiogène pour les TPE et les PME » et qu’il viendrait « surenchérir le coût du travail à une époque où l’urgence est de le baisser ».

Jurisprudence

SUCCESSION DE CDD AVEC UN MÊME SALARIÉ SANS DÉLAI DE CARENCE

Le formalisme du CDD revêt un caractère strict, ainsi qu’en témoigne, une fois de plus, un arrêt rendu le 30 septembre 2014 par la Cour de cassation.

Cette affaire (N°13-18.162) concerne une succession de CDD avec un même salarié, sur un même poste de travail : un salarié est engagé en qualité de caissier, du 21 juin au 3 octobre 2010, dans le cadre d’un premier CDD motivé par un accroissement temporaire d’activité, puis d’une succession de contrats pour le remplacement de salariés absents entre le 25 octobre 2010 et le 27 mars 2011.

Il saisit la juridiction prud’homale d’une demande de requalification.

Constatant que la société n’avait pas respecté le délai de carence « qu’elle était tenue d’appliquer » entre le terme du premier contrat motivé par un accroissement temporaire d’activité, « lequel ne rentre pas dans le champ d’application de l’article L. 1244-1 du Code du travail ni dans celui de l’article L. 1244-4 du même code », et la conclusion du deuxième contrat passé pour le remplacement d’un salarié absent, la cour d’appel de Montpellier a décidé que « ce deuxième contrat, conclu en méconnaissance des textes susvisés, était, en vertu de l’article L. 1245-1, réputé à durée indéterminée ».

Telle est également la position de la Haute juridiction, qui fait une application littérale des textes restreignant la possibilité de conclure des CDD successifs avec un même salarié : une succession de tels contrats, sans délai de carence, n’est licite, pour un même salarié et un même poste, que si chacun des contrats a été conclu pour l’un des motifs prévus limitativement par l’article L. 1244-4 du Code du travail.

Il convient également de rappeler que la possibilité qui est donnée à l’employeur de conclure avec le même salarié des CDD successifs pour remplacer un ou des salariés absents ne peut avoir ni pour objet ni pour effet de pourvoir durablement un emploi lié à l’activité normale et permanente de l’entreprise.

LA RUPTURE CONVENTIONNELLE, EXCLUSIVE DE LA RUPTURE AMIABLE DU CDI

Dans un arrêt rendu le 15 octobre 2014, la Cour de cassation juge qu’il résulte de la combinaison des articles L. 1231-1 et L. 1237-11 du Code du travail que « sauf dispositions légales contraires, la rupture du contrat de travail par accord des parties ne peut intervenir que dans les conditions prévues par le second, relatif à la rupture conventionnelle » (Cass. soc., 15 octobre 2014, n° 11-22.251).

La rupture amiable de l’article 1134 du Code civil ne demeure donc valable que dans les quelques cas autorisés par la loi (rupture du CDD ou du contrat d’apprentissage, départ négocié dans le cadre d’un PSE ou d’un accord collectif de GPEC).

A défaut, la rupture s’analysera en un licenciement sans cause réelle et sérieuse.

DES INFORMATIONS COLLECTÉES PAR UN SYSTÈME DE TRAITEMENT AUTOMATISÉ DES DONNÉES

Constituent un moyen de preuve illicite les informations collectées par un système de traitement automatisé de données personnelles avant sa déclaration à la CNIL.

C’est le principe posé par la Haute juridiction dans une décision du 8 octobre 2014 (Cass. soc., 8 octobre 2014, n° 13-14.991).

La Cour de cassation a depuis longtemps reconnu que les pouvoirs de direction et de gestion du chef d’entreprise l’autorisent à surveiller et à contrôler l’activité exercée par le salarié sur le lieu du travail.

Toutefois, si le système de surveillance comporte l’enregistrement de données personnelles, les salariés et le comité d’entreprise doivent être informés de sa mise en place, et, en principe, une déclaration doit être effectuée auprès de la CNIL.

La Cour avait déjà décidé qu’un système de badges de contrôle des entrées et sorties du personnel, non déclaré à la CNIL, était inopposable à un salarié qui ne pouvait être licencié pour avoir refusé de s’y soumettre (Cass. soc., 6 avr. 2004, n° 01-45.227) ou encore qu’était illicite le recours à un système de surveillance des salariés pour d’autres finalités que celles qui avaient été déclarées auprès de la CNIL et portées à la connaissance des salariés (Cass. soc., 3 nov. 2011, n° 10-18.036).

Au cas d’espèce, une salariée avait été licenciée pour cause réelle et sérieuse en raison d’une utilisation excessive de la messagerie professionnelle à des fins personnelles.

Un dispositif de contrôle individuel de l’importance et des flux des messageries électroniques avait révélé que l’intéressée avait envoyé et/ou reçu au cours des deux derniers mois plus de 1 200 messages à caractère personnel.

Si le dispositif avait bien été porté préalablement à la connaissance du comité d’entreprise et des salariés, en revanche, la déclaration à la CNIL était intervenue tardivement, après la constatation des faits reprochés à la salariée.

Le caractère inédit de la décision du 8 octobre 2014 tient au fait que l’on était en présence, non d’une absence totale de déclaration, mais d’une déclaration tardive, postérieure aux faits constatés, alors que le procédé n’était ni déloyal, ni clandestin puisque l’intéressée avait eu personnellement connaissance de sa mise en œuvre, ni attentatoire à la vie privée puisqu’il n’autorisait que le contrôle des flux de messageries et non celui du contenu des messages.

Pour autant, la Cour de cassation fait de la déclaration à la CNIL une formalité substantielle dont l’inobservation est lourde de conséquences pour l’employeur.
Bulletin rédigé par Mes Jean-Philippe ECKERT et Maud GIORIA, Avocats
SCP ECKERT & OHLMANN – 3 avenue de Lattre de Tassigny 57000 METZ

Bulletin JSA – SEPTEMBRE 2014

Bulletin rédigé par Maître Philippe BODIN

SCP BASILIEN – BODIN Associés
Avocat
4, rue Niépce
60200 COMPIÈGNE


Éditorial

UN MILLION D’EMPLOIS …EST-CE POSSIBLE ?

Le 24 septembre 2014, Pierre GATTAZ, Président du MEDEF, annonçait officiellement son programme pour la création d’un million d’emplois en cinq ans en contrepartie de propositions de réformes détaillées dans un document intitulé «1 million d’emplois … c’est possible !»

Dans ce document, le MEDEF explore douze pistes censées réduire sensiblement le nombre de demandeurs d’emploi parmi lesquelles figurent la suppression de jours fériés, le travail du dimanche, l’adaptation de la durée légale du travail, l’atténuation des seuils sociaux, l’institution d’un salaire inférieur au SMIC pour «les populations les plus éloignées de l’emploi», le recul de l’âge de la retraite, le renforcement de la négociation d’entreprise (celle-ci devant primer sur la loi et le contrat de travail) etc.

CES PROPOSITIONS SONT-ELLES POUR AUTANT RÉALISTES ?

Il est, en effet, illusoire d’espérer de la part du gouvernement qu’il dépose des projets de loi allant dans le sens souhaité par l’organisation patronale.

La mise en œuvre de ces différentes pistes ne peut donc se faire qu’avec le «concours» des organisations syndicales dans le cadre de négociations entre partenaires sociaux.

Or, si l’on se réfère aux diverses réactions syndicales enregistrées après les déclarations de Pierre GATTAZ («Véritable recul social dangereux pour l’ensemble des salariés» pour la CGT, «projet idéologique réchauffé qui ne renouvelle pas le discours sur l’activité et la croissance» pour la CFDT, «provocation» pour la CFE-CGC, «propositions inacceptables» pour FO, rejointe par la CFTC, très «remontée» contre le projet du MEDEF), celui-ci aura manifestement beaucoup de mal à convaincre les syndicats.

Dès lors, et sans vouloir jouer les Cassandre, il est à craindre que ces propositions restent «lettre morte» et que la création d’un million d’emplois sur cinq ans ne soit qu’un vœu pieux.

La réponse à l’interrogation formulée dans le titre de cet éditorial risque donc fort d’être négative.

Jurisprudence

UNE RUPTURE CONVENTIONNELLE PEUT ÊTRE SIGNÉE PENDANT UNE PÉRIODE DE SUSPENSION CONSÉCUTIVE À UN ACCIDENT DU TRAVAIL OU UNE MALADIE PROFESSIONNELLE

La législation protectrice des victimes d’accident du travail ou de maladie professionnelle interdit à l’employeur de rompre le contrat de travail durant la période de suspension, sauf faute grave ou impossibilité de maintenir le contrat pour motif étranger à l’accident ou à la maladie (article L. 1226-9 du Code du travail).

Cette interdiction légale de licencier a été étendue par la jurisprudence à la mise à la retraite, à la rupture de la période d’essai et même à la rupture amiable fondée sur l’article 1134 du Code civil.

Contre toute attente, la Cour de cassation s’est refusée à étendre le champ de l’interdiction à la rupture conventionnelle en estimant qu’une telle rupture peut tout à fait être valablement conclue au cours de la période de suspension consécutive à un accident du travail ou une maladie professionnelle. (Cass. soc. 30 septembre 2014, Catherine X…/ STRAND COSMETICS EUROPE). Les Hauts Magistrats écartent néanmoins cette solution en cas de fraude ou de vice du consentement.

Cette décision prend le contre-pied de la position adoptée par la Direction Générale du Travail dans sa circulaire de 2009 et par la jurisprudence de certaines Cours d’appel.

Rappelons, à cet égard, que l’administration avait estimé que «dans le cas où la rupture du contrat de travail est rigoureusement encadrée durant certaines périodes de suspension du contrat (par exemple, pendant l’arrêt imputable à un accident du travail ou une maladie professionnelle, en vertu de l’article L. 1226-9), la rupture conventionnelle ne peut, en revanche, être signée pendant cette période» (circulaire DGT n° 2009-04 du 17 mars 2009).

Cet arrêt figurera au prochain rapport annuel de la Cour de cassation. C’est dire son importance.

UNE INDEMNITÉ CONVENTIONNELLE PLUS ÉLEVÉE POUR LES CADRES DIRIGEANTS PEUT SE JUSTIFIER

C’est la précision inédite que vient d’apporter la Cour de cassation dans un arrêt du 24 septembre 2014 (Cass. soc. Jacques X… /APAJH 11).

Depuis 2011, la Cour de cassation admet que des avantages conventionnels puissent être modulés entre les salariés selon la catégorie professionnelle sous réserve, néanmoins, que cette différence de traitement soit justifiée par la prise en compte des spécificités de la situation des salariés auxquels l’avantage en cause est accordé.

Ces spécificités tiennent notamment aux conditions d’exercice des fonctions, à l’évolution de carrière ou aux modalités de rémunération.

Le principe posé, restait à savoir quelles spécificités seraient concrètement susceptibles de légitimer un mode de calcul des indemnités de rupture plus favorable pour une catégorie professionnelle déterminée.

Dans l’espèce soumise à la Cour de cassation qui a donné lieu à l’arrêt du 24 septembre 2014, la convention collective applicable prévoyait une indemnité de licenciement plus élevée pour les Cadres dirigeants. Un chef de service (Cadre) avait, lors de son licenciement, demandé à bénéficier des modalités de calcul de l’indemnité prévue pour les Cadres dirigeants, au nom du principe d’égalité de traitement puisque, selon lui, il n’existait aucun élément objectif permettant de justifier une différence de traitement.

Il appartenait donc aux juges du fond, sous le contrôle de la Cour de cassation, de s’assurer de l’existence de raisons objectives et pertinentes à cette différence de traitement.

Dans le cas d’espèce, les juges du fond, puis la Cour de cassation, ont validé l’avantage conventionnel réservé aux Cadres dirigeants en mettant en exergue que ces derniers étaient plus exposés au licenciement que les autres salariés, car directement soumis aux aléas de l’évolution de la politique de la direction générale.

C’est l’une des premières fois que la Cour de cassation,dans son contrôle de l’appréciation portée par les juges du fond sur la justification d’un avantage catégoriel conventionnel, prend position et caractérise explicitement le type de particularité susceptible de fonder une différence de traitement.

Actualité

REMBOURSEMENT DES FRAIS DE SANTÉ

La loi 2013-504 du 14 juin 2013 de sécurisation de l’emploi :

– a posé le principe de la généralisation à tous les salariés, au plus tard au 1er janvier 2016, d’une couverture complémentaire obligatoire de remboursement des frais de santé et de maternité comportant des garanties minimales;
– a prévu que le niveau exact de cette couverture ainsi que les cas dans lesquels les salariés pourraient être dispensés, à leur initiative, de l’obligation d’affiliation seraient définis par décret.

Ce décret a été publié au Journal Officiel du 10 septembre 2014 (Décret 2014-1025 du 8 septembre 2014).

Ce texte précise le niveau minimal des garanties d’assurance complémentaire frais de santé et de maternité comprenant la prise en charge :

• du ticket modérateur sur les consultations, actes et prestations remboursables par l’assurance maladie obligatoire,
• du forfait journalier hospitalier,
• des frais de soins dentaires prothétiques et d’orthopédie dentofaciale, à hauteur d’au moins 25% en plus des tarifs de responsabilité,
• du remboursement des dispositifs médicaux d’optique médicale à usage individuel sous la forme d’un forfait fixé au minimum à 100 € pour les corrections simples, 200 € pour les corrections complexes et 150 € pour les corrections mixtes simples et complexes. Ces forfaits couvrent les frais d’acquisition engagés par période de prise en charge de deux ans (période réduite à un an pour les mineurs ou en cas de renouvellement de l’équipement justifié par une évolution de la vue).

Le décret précise, par ailleurs, les conditions dans lesquelles les assurés peuvent demander à être dispensés de l’obligation d’affiliation à la couverture minimale :

• les salariés embauchés avant la mise en place des garanties,
• les salariés et apprentis sous contrat de travail à durée déterminée ou contrat de mission d’au moins 12 mois, justifiant par écrit d’une couverture individuelle souscrite par ailleurs pour le même type de garanties,
• les salariés et apprentis sous contrat de travail à durée déterminée ou contrat de mission de moins de 12 mois, même s’ils ne bénéficient pas d’une couverture individuelle souscrite par ailleurs,
• les salariés à temps partiel et apprentis dont l’adhésion au système les conduirait à verser une cotisation au moins égale à 10% de leur rémunération brute,
• les bénéficiaires de la CMU complémentaire ou d’une aide à l’acquisition d’une complémentaire santé (la dispense ne jouant que jusqu’à la date à laquelle les salariés cessent de bénéficier de cette couverture ou de cette aide),
• les salariés couverts par une assurance individuelle de frais de santé au moment de la mise en place des garanties ou de l’embauche si elle est postérieure (la dispense ne joue que jusqu’à échéance du contrat individuel),
• les salariés bénéficiant par ailleurs, y compris en tant qu’ayants droit, d’une couverture collective relevant d’un dispositif de prévoyance complémentaire visé par l’arrêté du 26 mars 2012, à condition de le justifier chaque année.
Bulletin rédigé par Maître Philippe BODIN, Avocat
SCP BASILIEN-BODIN Associés – 4, rue NIEPCE 60200 COMPIÈGNE

Bulletin JSA – JUILLET – AOUT 2014

Bulletin rédigé par Maître Jean-Michel CHARBIT

JURIPOLE
Avocat
7 avenue d’Assas
34000 MONTPELLIER


 

Éditorial

LOI SUR LA PRISE D’ACTE : UNE LOI PRISE A LA VA-VITE ?

Une loi du 1er juillet 2014 (n°2014-743) vient d’être adoptée afin d’accélérer la procédure devant le Conseil de prud’hommes concernant les litiges relatifs aux prises d’acte par les salariés de la rupture de leur contrat de travail aux torts de leur employeur.

Cette intervention du législateur s’explique probablement par le fait que la prise d’acte par un salarié n’ouvre pas droit à indemnisation chômage tant que la juridiction prud’homale n’a pas statué et jugé que celle-ci devait produire les effets d’un licenciement sans cause réelle et sérieuse.

Désormais, ces demandes devront être examinées dans un délai d’un mois suivant la saisine par le Bureau de jugement sans phase de conciliation préalable. (article L. 1451-1 du Code du travail)

Ce texte, qui prévoit donc une procédure accélérée analogue à celle des demandes de requalification des contrats à durée déterminée en contrat à durée indéterminée (article L. 1245-2 du Code du travail), pose plusieurs questions.

En premier lieu, comme a pu montrer la pratique en matière de demande requalification des contrats à durée déterminée, ces délais procéduraux ne sont guère réalisables puisque que cela implique que soient accomplies dans le délai d’un mois l’échange des conclusions et des pièces entre les parties, une audience devant le Bureau de jugement et une décision rendue !!

S’il ne peut être reproché au législateur de vouloir accélérer les procédures prud’homales, souvent très longues, il semble que cela relève davantage d’une organisation interne des Conseil de prud’hommes ou par des moyens supplémentaires, mais non pas du législateur, sauf pour celui-ci à adopter des lois réalisables ou en réformant en profondeur la procédure prud’homale.

En second lieu, cette loi pose justement la question de la réduction du périmètre de la phase obligatoire de conciliation, déjà amputée dans quelques domaines.

Il sera rappelé que, outre les demandes de requalification en contrat à durée indéterminée, ne sont également pas soumises au préalable de la conciliation :
– les contestations portant sur le relevé de créances en matière de redressement ou de liquidation judiciaires (article L. 621-128 du Code de commerce),
– les procédures devant la formation de référé ou devant le bureau de jugement statuant en la forme des référés,
– les demandes nouvelles dérivant du même contrat de travail, si elles sont formulées postérieurement à la conciliation ainsi que les demandes reconventionnelles ou en compensation (article R. 1452-7 du Code du travail),
– les demandes réintroduites après une déclaration de caducité de la citation (article R.1454-21 du Code du travail).

Il sera également ajouté qu’échappent à la conciliation :
-toutes autres demandes associées à une demande de requalification, même si elles ne présentent aucun lien (travail dissimulé, heures supplémentaires…), ce qui ne sera pas forcément le cas dans le cadre d’une prise d’acte puisque, par définition, toute demande d’un salarié vient d’un manquement allégué de l’employeur, lequel sera en principe invoqué à l’appui de la prise d’acte,
-les demandes de requalification des conventions de stage en contrat de travail, qui obéissent, depuis une loi du 26 juin 2014, à la même procédure que les demandes de requalification des contrats à durée déterminée et, donc, des prises d’acte.

Cette nouvelle loi sur les prises d’acte marque ainsi une réduction du périmètre de la conciliation. Signifie-t-elle que le législateur entend aller à l’avenir dans ce sens pour généraliser cette suppression de la conciliation ?

En troisième lieu, la question peut se poser de la transposition de cette procédure accélérée aux demandes de résiliation judiciaire, la loi étant muette sur ce point.

Contrairement à la prise d’acte, le contrat n’est en effet pas rompu. Une procédure accélérée permettrait de régler rapidement une relation contractuelle devenue difficile. Le salarié se place très souvent en arrêt maladie ou ne vient plus travailler. L’employeur conserve un salarié avec un risque d’avoir à payer des rappels de salaire jusqu’au prononcé du jugement, s’il omet de le licencier si le salarié ne vient plus travailler sans justifications.

Il semble que les demandes de résiliation judiciaire seraient donc davantage propices à la mise en place d’une procédure accélérée, à supposer que cela soit réalisable.

En définitive, cette loi pose davantage de questions qu’elle n’en règle, ce qui est pourtant l’objectif d’une loi…

Actualité

RUPTURE DE LA PÉRIODE D’ESSAI : PRÉCISIONS SUR NON-RESPECT DU DÉLAI DE PRÉVENANCE

Depuis la loi de modernisation du marché du travail du 25 juin 2008, l’employeur qui souhaite mettre un terme à la période d’essai doit respecter les délais de prévenance suivants :
• 24 heures en deçà de huit jours de présence effective,
• 48 heures entre huit jours et un mois de présence,
• deux semaines entre un mois et trois mois de présence,
• un mois après trois mois de présence. (article L. 1221-25 du Code du travail)

Si le texte précise que le délai de prévenance de l’employeur ne doit pas avoir pour effet de prolonger la période d’essai, renouvellement inclus, au-delà des durées maximales des périodes d’essai prévues par le Code du travail ou les conventions collectives, la loi du 25 juin 2008 n’avait pas prévu de sanction en cas de violation de ce délai de prévenance.

Deux courants de jurisprudence sont apparus :
• considérer que cette violation ouvre droit à une indemnité compensatrice de préavis, soumise aux charges sociales et ouvrant droit à congés (CA Amiens, 5e ch., sect. soc., cabinet B, 13 oct. 2010, n°10/00613),
• considérer que cette violation justifie l’attribution de dommages-intérêts correspondant à la partie non respectée du délai. (CA Bordeaux, ch.soc., sect. B, 21 oct. 2010,n°09/06360)

L’ordonnance n°2014-699 du 26 juin 2014 est venue trancher cette question en disposant que le non-respect de ce délai ouvrait droit pour le salarié à une indemnité compensatrice égale au montant des salaires et avantages que le salarié aurait perçues s’il avait accompli son travail pendant ce délai, indemnité compensatrice de congés comprise (art. L. 1221-25 complété).

RENFORCEMENT DES DROITS DES STAGIAIRES

Les parlementaires ont adopté le 26 juin 2014 une loi encadrant les stages et améliorant les droits des stagiaires.

Les parlementaires ont adopté le 26 juin 2014 une loi encadrant les stages et améliorant les droits des stagiaires.

Parmi les mesures :
• Le renforcement des mesures pédagogiques avec la désignation d’un référent dans l’entreprise d’accueil et au sein de l’établissement de formation,
• La limitation des recours aux stages pour les entreprises : limitation du nombre de stagiaires et limitation des stagiaires par référent, limitations qui seront précisées par décret à venir, durée effective maximale de 6 mois (sans dérogation possible mais avec une période transitoire de 2 ans), suppression du registre des conventions de stage et inclusion dans une partie spécifique du registre unique du personnel,
• Des nouveaux droits pour les stagiaires :
– accès au restaurant d’entreprise,
– bénéfice des titres restaurant accordés aux salariés,
– gratification obligatoire (pour les stages supérieurs à 2 mois) égale à 15% du plafond horaire de la sécurité sociale (à partir du 1er septembre 2015), contre 12,5% actuellement,
soit pour 2014 : 523,26 euros par mois,
– prise en charge des frais de transports dans les mêmes conditions que pour les salariés,
– création de congés : en cas de grossesse, de maternité, de paternité ou d’adoption dans les mêmes conditions que pour les salariés,
– possibilité de validation de la formation en cas d’interruption du stage pour maladie, accident, grossesse, maternité, adoption, paternité ou rupture à l’initiative de l’entreprise,
– application des durées maximales quotidiennes, hebdomadaires et de présence de nuit ainsi que des repos quotidiens, hebdomadaires et jours fériés applicables aux salariés,
• Soumission au contrôle de l’Inspection du travail (pouvoir d’information du stagiaire, des représentants du personnel ou de l’établissement de formation et pouvoir d’amende administrative),
• Contentieux : la procédure accélérée en requalification en contrat de travail devant le Conseil de prud’hommes ainsi que la possibilité d’appeler en cause l’entreprise ainsi que sa condamnation en cas de faute inexcusable de l’établissement de formation.

Jurisprudence

PRISE D’ACTE ET RÉSILIATION JUDICIAIRE : LA COUR DE CASSATION MAINTIENT SON CHANGEMENT DE CAP

Après les arrêts rendus le 26 mars 2014, dans lesquels la Cour de cassation estimait que le ou les manquements de l’employeur devaient non seulement être suffisamment graves mais également et désormais empêcher la poursuite du contrat de travail (Soc., 26 mars 2014, n°12-23.634 ; Soc., 12-21.372 et 12-35.040), la Cour de cassation a maintenu, en matière de modification de la structure de la rémunération, son cap en confirmant ce second critère, proche de celui retenu pour la faute grave, en ne s’attachant donc plus à la nature même du manquement. (Cass. soc., 2 avr. 2014, n° 13-11.187)

Récemment, la Cour de cassation a estimé, dans deux affaires dans lesquelles les salariés avaient demandé la résiliation judiciaire de leur contrat en raison d’une modification de leur rémunération, qu’une telle modification du contrat ne peut justifier la résiliation du contrat aux torts de l’employeur que si cette modification a une influence défavorable sur la rémunération ou si elle concerne une partie importante de cette dernière.

Ces décisions, transposables à la prise d’acte, confirment l’infléchissement de la jurisprudence de la Cour de cassation qui ne considère plus systématiquement qu’une modification du contrat imposée par l’employeur constitue un manquement à ses obligations justifiant la résiliation du contrat à ses torts ou une prise d’acte. (Cass. soc., 12 juin 2014, n° 13-11.448, n° 1173 FS – P + B. – Cass. soc., 12 juin 2014, n° 12-29.063, n° 1167 FS – P + B)

AFFAIRE BABY LOUP : LE VOILE EST LEVÉ

Suite et fin de l’affaire très médiatique de la crèche Baby Loup concernant une salariée refusant d’enlever son voile islamique intégral et licenciée pour faute grave au nom de la neutralité religieuse du personnel de la crèche figurant dans le règlement intérieur.

La Cour de cassation avait dans un premier temps annulé le licenciement (Soc., 19 mars 2013, n°11-28.845) en rappelant que le principe de laïcité était applicable uniquement aux salariés des employeurs de droit privé gérant un service public, ce qui n’était pas le cas d’une crèche.

Lors du renvoi devant la Cour d’appel de Paris, cette dernière a estimé que l’Association est une entreprise de conviction, qui pouvait donc prévoir une neutralité du personnel dans l’exercice de ses tâches emportant l’interdiction de tout signe ostentatoire de religion. La formulation de l’obligation de neutralité dans le règlement intérieur étant suffisamment précise, elle a considéré le licenciement pour faute grave justifié. (CA Paris, 27 nov. 2013, n°13/02981).

L’Assemblée plénière de la Cour de cassation a rejeté le pourvoi et confirmé l’arrêt de la Cour d’appel de Paris en estimant justifié le licenciement pour faute grave considérant que, même si l’Association n’est pas une entreprise de conviction, la limitation à la liberté religieuse prévue dans le règlement intérieur, qui doit être appréciée concrètement au vu des conditions de fonctionnement d’une association de dimension réduite, était suffisamment précise (Cass.ass. plén., 25 juin 2014,n°13-28.369).

Si le litige est terminé au niveau national, la salariée pourrait porter l’affaire devant la Cour européenne des droits de l’homme.

Bulletin rédigé par Maître Jean-Michel CHARBIT, Avocat
Juripôle – 7, avenue d’Assas 34000 Montpellier –

Bulletin JSA – JUIN 2014

Bulletin rédigé par Maîtres Bruno ROY et Sylvie RUEDA- SAMAT

Cabinet RINGLE ROY & ASSOCIES
Avocats associés au Barreau de Marseille
46 rue Saint Jacques
13006 MARSEILLE


 

Editorial

RSE ET DROIT SOCIAL : UNE GAGEURE ?

« L’économie responsable a le vent en poupe » titrait un journal régional à la suite de la réunion des 9ernes rendez-vous de la RSE (Responsabilité Sociétale de l’Entreprise) qui se sont tenus au Palais des Congrés de Marseille le 13 mars dernier.

Un des intervenants interviewé par le journaliste affirmait que 50% des entreprises font de la RSE.

On peut s’interroger sur cet engouement et les raisons profondes qui le soutendent.

A la réflexion, mettre en place une démarche RSE en matière sociale ne doit pas être regardé comme un gadget permettant au mieux de se donner une bonne image et au pire de contourner les institutions représentatives du personnel.

En effet, dans le cadre de la mise en place de son plan stratégique triennal 2011-2014 sur la Responsabilité Sociétale des Entreprises, la Commission Européenne définissait la RSE de la manière suivante : « un concept qui désigne l’intégration volontaire, par les entreprises, de préoccupations sociales et environnementales à leurs activités commerciales et leurs relations avec les parties prenantes ».

La norme ISO 26000 qui est le document de référence en matière de RSE, définit les « parties prenantes » comme « des organismes ou des individus qui ont un ou plusieurs intérêts dans une décision et activité quelconque d’une organisation ”.

Les salariés des entreprises sont donc des parties prenantes dans la mesure où ils ont des intérêts dans les décisions et les activités de leur entreprise.

Cependant, diront certains, quelle utilité de mettre en place la RSE, dans le cadre d’une démarche volontaire, si l’entreprise respecte les exigences légales issues de la loi, de la convention collective, du contrat de travail et des normes internationales et européennes sur les droits fondamentaux ?

La réponse repose sur l’évidence suivante : dans le cadre de la RSE, l’entreprise doit aller au-delà des exigences légales et mettre en place des actions d’amélioration de la « performance sociale ».

Cette démarche volontaire peut s’avérer positive pour l’entreprise.

Bien menée, elle entrainera une amélioration de la motivation du personnel et, partant, de meilleures performances. Elle permettra également de fidéliser ses salariés.

Par ailleurs, elle permettra également à l’entreprise de faire connaître ses valeurs à l’extérieur et de mieux se positionner sur un marché concurrentiel.

Alors pourquoi ne pas s’engager dans une démarche RSE bien moins contraignante qu’une démarche de certification ?

Pour ce faire, sur le plan social, l’entreprise devra se faire aider par un avocat spécialisé qui, après un audit, pourra la conseiller dans sa démarche.

Actualité

LE RAPPORT ANNUEL DE LA COUR DE CASSATION

Le rapport de la Cour de cassation pour 2013 a été présenté à la presse par son Premier Président le 23 mai dernier. Sa lecture est toujours instructive. La Cour met en effet en exergue les arrêts marquants rendus au cours de l’année écoulée.

En ce qui concerne la jurisprudence sociale, la Cour rappelle par exemple sa position sur la prescription du délai de deux mois en matière disciplinaire (Cass. soc., 15 janvier 2013, n°11-28.109 – SAS CHABRILLAC) et son interruption par la notification d’une proposition de modification du contrat de travail. Elle rappelle également l’arrêt Baby Loup sur la détermination des contours de la liberté religieuse (Cass. soc 19 mars 2013, n°1 1-28.845 -Association Baby Loup) ainsi que ses arrêts du 25 septembre 2013 sur l’indemnisation du préjudice d’anxiété pour les salariés ayant été exposés aux poussières d’amiante.

Le rapport de la Cour de cassation, comme chaque année, présente des propositions de modifications législatives qu’il est important de connaître, même si ses vœux restent parfois des vœux pieux.

Cette année, la Cour rappelle tout d’abord ses souhaits antérieurs non suivis d’effet notamment en ce qui concerne la durée de la protection des conseillers prud’hommes salariés et les conséquences d’un licenciement prononcé en méconnaissance de son statut en estimant nécessaire de faire obligation au salarié élu d’informer son employeur de l’existence de son mandat au plus tard au moment de l’entretien préalable afin d’éviter à ce dernier de prononcer, en toute bonne foi, un licenciement en méconnaissance du nouveau statut du salarié.

Elle suggère par ailleurs, pour la première fois, qu’il y ait une adaptation de la législation nationale relative aux congés payés avec la législation européenne et donc une modification des dispositions des articles L.3141-5 et L.3141-26 du Code du travail. En effet, sont contraires au droit communautaire les dispositions qui prévoient la perte des droits à congés en cas de faute lourde ou celles qui limitent l’acquisition des droits à congés à une période ininterrompue d’une année pour les salariés en situation de congés pour cause d’accident du travail ou maladie professionnelle.

INSTITUTION DU DON DE JOURS DE CONGÉS POUR ENFANT GRAVEMENT MALADE(L.N°2014-459 DU 9 MAI 2014)

La loi du 9 mai 2014 (L. n°2014- 459 – JO du 10 mai 2014) crée deux nouveaux articles au Code du travail, les articles L.1225-65- 1 et L.1225-65-2.

Désormais, un salarié peut, sur sa demande et en accord avec l’employeur, renoncer anonymement et sans contrepartie à tout ou partie de ses jours de repos non pris, qu’ils aient été affectés ou non sur un compte épargne temps, au bénéfice d’un autre salarié de l’entreprise qui assume la charge d’un enfant âgé de moins de vingt ans atteint d’une maladie, d’un handicap ou victime d’un accident d’une particulière gravité rendant indispensables une présence soutenue et des soins contraignants. Le congé annuel ne peut être cédé que pour sa durée excédant vingt-quatre jours ouvrables.

Le salarié bénéficiaire d’un ou plusieurs jours cédés bénéficie du maintien de sa rémunération pendant sa période d’absence. Cette période d’absence est assimilée à une période de travail effectif pour la détermination des droits que le salarié tient de son ancienneté. Le salarié conserve le bénéfice de tous les avantages qu’il avait acquis avant le début de sa période d’absence.

La particulière gravité de la maladie, du handicap ou de l’accident, ainsi que le caractère indispensable d’une présence soutenue et de soins contraignants sont attestés par un certificat médical détaillé, établi par le médecin qui suit l’enfant au titre de la maladie, du handicap ou de l’accident.

JURISPRUDENCE

LES EXPERTS COMPTABLES DANS LA TOURMENTE

La Cour de cassation annule les dispositions de la convention collective des experts comptables relatives au forfait jours.

Après d’autres, c’est à la convention collective des experts-comptables de subir le contrôle de la haute assemblée qui, dans un arrêt en date du 14 mai 2014 (n°12- 35.033 – Madame Maryvonne X/Société Audit et diagnostic) annule la Convention de forfait jours au motif que les dispositions de l’article 8. 1. 2. 5 de la convention collective nationale des cabinets d’experts-comptables et de commissaires aux comptes du 9 décembre 1974, «ne sont de nature à garantir que l’amplitude et la charge de travail restent raisonnables et assurent une bonne répartition, dans le temps, du travail de l’intéressé, et, donc, à assurer la protection de la sécurité et de la santé du salarié ».

INDEMNISATION DES CONGÉS PAYÉS NON PRIS MALGRÉ UN DOCUMENT SIGNE PAR LA SALARIÉE DÉCLARANT LES AVOIRS SOLDES

Les conventions légalement formées tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faites dispose l’article 1134 du Code civil.

Ce principe n’est pas appliqué avec rigueur par la chambre sociale de la Cour de cassation.

Une salariée déclarée apte avec réserves à la suite d’un accident du travail, signe avec son employeur une convention de rupture conventionnelle qui est homologuée par l’administration. Dans un document annexe la salariée déclarait avoir soldé l’ensemble de ses congés payés.

Malgré la signature de ce document, elle s’était ravisée et avait réclamé le paiement de l’indemnité compensatrice. Avec raison a estimé la Cour de cassation dans les termes suivants :« Attendu qu’eu égard à la finalité qu’assigne aux congés payés annuels la directive 2003/88/CE du Parlement Européen, concernant certains aspects de l’aménagement du temps de travail, lorsque le salarié s’est trouvé dans l’impossibilité de prendre ses congés payes annuels au cours de l’année prévue par le Code du travail ou une convention collective en raison d’absences liées à une maladie, un accident du travail ou une maladie professionnelle, les congés payés acquis doivent être reportés après la date de reprise du travail ou, en cas de rupture, être indemnisés au titre de l’affidé L. 31-11-26 du Code du travail » (Cass. soc. 28 mai 2014, n°12-28082 – Société Biscuiterie Les Deux Soleils).

L’ABSENCE DE CONVOCATION A ENTRETIEN PRÉALABLE

Un salarié employé dans le cadre d’un CDD est licencié pour faute grave sans avoir été convoqué à un entretien préalable. Le licenciement n’en est pas moins fondé estime la Cour de cassation dans un arrêt en date du 14 mai 2014 (n°13-12.071 – Société Magic Mobil) : « Mais attendu que c’est par une exacte application de la loi que la cour d’appel a décidé que si l’absence de convocation à un entretien préalable constitue une irrégularité de la procédure de rupture du contrat de travail à durée déterminée, elle n’affecte pas le bien-fondé de cette mesure».

MANQUEMENT A L’OBLIGATION DE SÉCURITÉ DE RÉSULTAT

La Cour de cassation (Cass. soc., 28 mai 2014, n° 13- 12.485 – Société Lidl) maintient sa position : c’est à l’employeur de prouver qu’il n’a pas manqué à son obligation: il résulte des articles L. 4-121-1 et L. 4121-2 du Code du travail que l’employeur prend les mesures nécessaires pour assurer la sécurité et protéger la santé physique et mentale des travailleurs et veille à l’adaptation de ces mesures pour tenir compte du changement des circonstances et tendre à l’amélioration de situations existantes.

Il appartient à l’employeur dont le salarié, victime d’un accident du travail, invoque une inobservation des règles de prévention et de sécurité, de démontrer que la survenance de cet accident est étrangère à tout manquement à son obligation de sécurité.

Bulletin rédigé par Bruno ROY, Sylvie RUEDA-SAMAT, Avocats associés au Barreau de Marseille
Cabinet RINGLE ROY & ASSOCIES 46 Rue Saint Jacques – 13006 MARSEILLE

Bulletin JSA – MAI 2014

Bulletin rédigé par Maîtres BASILIEN, BABY, GROS, FREYSSON, ROUVILLE

Avocats aux Barreaux d’AMIENS, LYON, ROUEN


Éditorial

PISE D’ACTE ET RÉSILIATION JUDICIAIRE DU CONTRAT DE TRAVAIL : LA COUR DE CASSATION DEVIENDRAIT ELLE RAISONNABLE

Dans plusieurs arrêts rendus le 26 mars 2014 à propos de demandes de résiliation du contrat de travail et de prise d’acte, la Cour de cassation amorce un changement de cap important.

En effet, jusqu’à présent, la Cour s’attachait à la nature même du manquement pour déterminer s’il y avait lieu ou pas de retenir la rupture du contrat de travail aux torts et griefs de l’employeur.

La Cour retenait donc des faits suffisamment graves pour justifier la prise d’acte ou la demande de résiliation judiciaire.

Rappelons qu’étaient notamment considérés comme tels, le non-respect des salaires minimaux conventionnels, le non-paiement d’heures supplémentaires, l’absence de visite d’embauche ou de reprise, la modification illicite du contrat de travail.

Dès lors que l’un de ces deux modes de rupture était considéré comme justifié, il donnait lieu à une condamnation au paiement de dommages et intérêts pour absence de cause réelle et sérieuse de licenciement et d’une indemnité compensatrice de préavis, ainsi qu’au versement de l’indemnité de licenciement.

Vraisemblablement consciente des excès qu’ont pu engendrer ces modes de rupture (notamment au moment des départs de salariés de l’entreprise pour ce qui concerne la prise d’acte), la Cour de cassation a infléchi sa position en considérant désormais que le manquement de l’employeur, outre sa gravité, doit également empêcher la poursuite du contrat de travail, ou la rendre impossible.

Ainsi, dans l’un de ces arrêts, la Cour rejette la qualification de prise d’acte justifiée, du seul fait de la tardivité des manquements reprochés à l’employeur, ces manquements n’ayant pas été un obstacle à la poursuite du contrat de travail (n°12-23.634).

Dans les deux autres arrêts (n° 12-21.372 et 12-35.040), les salariés demandaient la résiliation judiciaire de leur contrat de travail :

– le premier pour absence de visite médicale de reprise alors que celle-ci provenait d’une erreur des services administratifs de la société, erreur qui n’avait pas été commise lors de ses précédents arrêts ;
– le second pour une suspension provisoire de ses fonctions.

Dans le premier cas, la Cour de cassation a considéré que l’absence de visite médicale « n’avait pas empêché la poursuite du contrat de travail pendant plusieurs mois ». Elle a donc rejeté la demande du salarié.

Dans le second cas, la Cour a estimé que « l’employeur avait commis un manquement rendant impossible la poursuite du contrat de travail ».

C’est donc sur une notion de faute grave, proche de celle utilisée en matière de cause de licenciement, que se base désormais la Cour de cassation pour caractériser le manquement de l’employeur, ce qui apparaît cohérent avec l’exigence d’une réaction immédiate du salarié désormais demandée par la Cour de cassation.

L’effet pervers de ces décisions pourrait amener le salarié à réagir de façon conservatoire à tout manquement de l’employeur, et ainsi solliciter une demande de résiliation judiciaire à titre préventif, sans attendre que la poursuite du contrat soit considérée comme possible par la juridiction prud’homale.

La Cour de cassation, en retenant cette notion de gravité du manquement de l’employeur, prendra-t-elle en compte comme pour le licenciement pour faute grave, l’accumulation de faits fautifs pour justifier l’impossibilité de maintenir la relation contractuelle ?

En tout état de cause, ce virage important de notre Haute Juridiction permet d’alléger la pression constante liée au risque de demandes de résiliation et/ou prise d’acte sur des manquements anciens de l’employeur ; on peut dès lors saluer au travers de ces arrêts, la volonté de la Cour de reprendre les circonstances des cas qui lui sont soumis pour caractériser le bien-fondé des demandes des salariés.

Le spectre de l’effet d’aubaine de ces modes de rupture semble ainsi s’éloigner…

Actualité

REFORME DE LA FORMATION PROFESSIONNELLE

Ainsi que rappelé dans les deux derniers numéros. la loi du 5 mars 2014 relative à la formation professionnelle, à l’emploi et à la démocratie sociale comporte de nombreuses réformes sur différents points de droit et notamment un volet sur la démocratie sociale, que nous allons développer dans le présent bulletin.

Nous aborderons ce thème en trois points :
– les élections professionnelles
– les comptes du Comité d’entreprise
– les syndicats dans l’entreprise

1. Les élections professionnelles

Alors que jusqu’à présent, il n’existait pas de délai minimal entre l’invitation des syndicats a négocier le protocole préélectoral et la tenue de la première réunion de négociation et que la jurisprudence imposait seulement une invitation en temps utile », la loi est venue modifier ce point.

Désormais, l’Invitation à négocier le protocole d’accord préélectoral doit parvenir au plus tard aux syndicats 15 jours avant la date de la première réunion de négociation. En cas de renouvellement de l’institution, ce délai minimal entre l’invitation des syndicats et l’expiration du mandat des représentants du personnel passe de un à deux mois.

Par ailleurs, en matière d’arbitrage par la DIRECCTE, la loi du 5 mars 2014 prévoit dorénavant que pour que l’administration puisse intervenir, il faut qu’au moins une organisation syndicale ait répondu à l’invitation de négocier le protocole préélectoral.

De plus, la loi confirme le principe jurisprudentiel selon lequel la saisine de la DIRECCTE suspend le processus électoral jusqu’à la décision administrative et entraîne la prorogation des mandats des élus en cours jusqu’à la proclamation des résultats du scrutin.

Enfin, les règles de validité du protocole d’accord préélectoral sont clarifiées. En effet, la loi confirme que la condition de la double majorité s’applique à toutes les clauses du protocole préélectoral. Ainsi, celles-ci devront être signées par la majorité des syndicats ayant participé à la négociation et au sein même de ces organisations, par un nombre d’organisations représentatives ayant recueilli la majorité des suffrages exprimés lors des dernières élections professionnelles ou, lorsque ces résultats ne sont pas disponibles, la majorité des organisations représentatives dans l’entreprise.

2. Les comptes du comité d’entreprise

Afin d’améliorer la transparence financière des CE, la loi du 5 mars 2014 institue de nouvelles obligations à leur charge :

– les CE, qui n’étaient tenus d’établir qu’un compte-rendu annuel détaillé de leur gestion financière, devront, à compter du 1er janvier 2015, établir des comptes annuels, selon des modalités différentes en fonction de leur ressources (articles L. 2325-45 et suivants nouveaux du Code du travail) ;
– ils devront également obligatoirement avoir recours à un expert-comptable ou un commissaire aux comptes en fonction de la taille du comité ;
– un trésorier devra obligatoirement être désigné au sein de chaque CE:
– les comptes devront être approuvés par les membres et un rapport de gestion devra être établi;
– enfin, l’ensemble des informations devra être transmis aux membres élus et aux salariés.

3. Les syndicats dans l’entreprise

La loi du 5 mars 2014 apporte des nouveautés dans la désignation du délégué syndical. Désormais, les syndicats représentatifs doivent choisir leur délégué syndical parmi les candidats aux élections professionnelles qui ont obtenu 10% à titre personnel et dans leur collège ».

De plus, la loi propose un assouplissement quant aux conditions de désignation en l’absence de candidat ayant atteint 10% des suffrages exprimés au premier tour. En effet, il sera possible pour un syndicat de désigner un délégué syndical même si aucun de ses candidats n’a obtenu 10% des voix au 1er tour. Dans ce cas, il devra désigner son délégué syndical parmi les autres candidats, ou, à défaut, parmi ses adhérents au sein de l’entreprise ou de l’établissement.

Enfin, alors que le mandat du délégué syndical prenait fin lorsque les conditions qui avaient permis sa désignation n’étaient plus réunies, avec la loi du 5 mars 2014. le mandat du délégué syndical prendra fin au plus tard lors du premier tour des élections professionnelles.

Par ailleurs, dans les entreprises d’au moins 300 salariés, le syndicat ne devra plus justifier de l’existence d’au moins 2 membres élus au comité d’entreprise pour pouvoir désigner un représentant syndical au CE.

A noter : dans un souci de transparence, la loi prévoit la mise en place d’un fonds paritaire dédié au financement des syndicats et des organisations patronales. Ce fonds, qui permettra de financer les syndicats d’employeurs et de salaries au titre de leur participation à la conception, la mise en œuvre, l’évaluation ou le suivi d’activités de développement du dialogue social, sera alimenté par une contribution des employeurs calculée sur une assiette alignée sur celle des cotisations de sécurité sociale. A cette contribution pourront s’ajouter une participation volontaire d’organismes paritaires ainsi qu’une subvention de l’état.

Enfin, en contrepartie, les dispositions relatives à la rémunération des salariés bénéficiant d’un congé de formation économique, sociale et syndicale par l’entreprise seront abrogées, le dispositif étant financé par le fonds paritaire dédié.

Sur le plan fiscal, la prime restera assujettie à l’impôt sur le revenu sauf exception.

ASSURANCE CHÔMAGE

L’Accord National Interprofessionnel du 21 mars 2014 relatif à l’indemnisation du chômage a été suivi par la signature, le 14 mai 2014, de la nouvelle Convention d’assurance chômage qui devrait être applicable à compter du 1er juillet 2014 (procédure d’agrément en cours).

Dans ce cadre, relevons deux mesures nouvelles susceptibles d’impacter directement la gestion des entreprises :

1/ Contributions chômage des salariés agés de 65 ans et plus (ARTICLE 8 DE L’ANI DU 21/3/2014)

Jusqu’à présent, les salariés âgés de 65 ans ou plus étaient totalement exonérés de cotisations chômage. Seuls cotisaient, aux conditions de droit commun, les salariés de moins de 65 ans, même s’ils remplissaient les conditions pour pouvoir prétendre à une retraite à taux plein.

Désormais, tous les salariés susceptibles de bénéficier d’une retraite à taux plein, quels que soient leur âge et leur durée d’assurance, seront assujettis à une contribution spécifique de solidarité, dont le taux est identique à celui de la contribution chômage de droit commun (6,40% dont 4% à la charge de l’employeur et 2,40% à la charge du salarié).

2/ Différé d’indemnisation (ARTICLE 6 DE L’ANI DU 21/3/2014)

Jusqu’à présent, un différé d’indemnisation, pouvant aller jusqu’à 75 jours, était imposé aux salariés quittant l’entreprise d’une manière involontaire avec le versement d’une indemnité supra-légale. Le nombre de jours de différé était calculé en fonction du salaire journalier moyen de référence.

Le mode de calcul de ce différé et son plafonnement sont profondément modifiés, puisque le nombre de jours de carence sera calculé, à compter du 1er juillet 2014, non plus en fonction des revenus du salarié, mais d’un coefficient forfaitaire fixé à 90 ». En outre, le différé résultant de ce calcul sera plafonné, non plus à 75 jours, mais à 180 jours.

La formule suivante sera appliquée : Différé spécifique (en jours) = indemnités supra légales/90

Exemple :
Salaire brut de 3.000€ / mois Indemnité versée au-delà de l’indemnité légale : 9.000€
Différé applicable selon l’ancien calcul : 90 jours, plafonné à 75 jours
Différé en cas de rupture après le 30 juin 2014: 100 jours

L’impact de ce nouveau calcul ne sera pas neutre dans le cadre des négociations à venir, surtout lorsque des sommes importantes seront en jeu, les salariés étant désormais susceptibles de devoir attendre jusqu’à 6 mois avant de bénéficier de leurs allocations chômage.

•Ces nouvelles dispositions s’appliquent aux salariés dont la fin de contrat est postérieure au 30 juin 2014.

•Toutefois, elles ne s’appliquent pas aux salariés licenciés pour motif économique (règles antérieures maintenues).

QUELQUES ECHEANCES IMPORTANTES..
FORMATION PROFESSIONNELLE
Depuis le 07/03/2014     TOUS EFFECTIFS
Entretien professionnel tous les 2 ans sur les perspectives d’évolution professionnelle (≠ entretiens d’évaluation)
* information des salariés dès l’embauche
                                        * bilan complet tous les 6 ans

PRÉVOYANCE (voir également bulletin JSA Avril 2014)
01/06/2014                    TOUS EFFECTIFS
   FRAIS DE SANTÉ : portabilité portée à 12 mois maximum (au lieu de 9) —financement mutualisé (= financé par les
actifs)
CERTIFICAT DE TRAVAIL: doit mentionner impérativement le rappel de la portabilité de la Garantie FRAIS
DE SANTÉ et les coordonnées de l’organisme assureur

TEMPS PARTIEL
01/07/2014                    Contrats à temps partiels conclus depuis le 22/01/2014 : minimum 24h
01/01/2016                    Contrats à temps partiels conclus avant le 01/01/2014: minimum 24h

ASSURANCE CHOMAGE
01/07/2014                    TOUS EFFECTIFS
Cotisation d’assurance chômage obligatoire pour les salariés âgés de 65 ans et plus
Différé d’indemnisation porté à 180 jours maximum

REPRÉSENTANTS DU PERSONNEL
14/06/2014                    ≥ 300 sal. : base de données économiques et sociales (BDES)
14/06/2015                    ≤ 300 sal. : base de données économiques et sociales (BDES)

MAINTIEN DE LA PRIME DE PARTAGE DES PROFITS

La loi de financement de la sécurité sociale du 28 juillet 2011 a institué une prime de partage des profits.

1/Bref rappel

Cette obligation concerne les sociétés commerciales, quelle que soit leur forme sociale, qui emploient habituellement au moins 50 salariés et qui versent à leurs actionnaires des dividendes dont le montant par part sociale ou par action est en augmentation par rapport à la moyenne des dividendes par part sociale ou par action versée au titre des deux exercices précédents.

Lorsqu’une société appartient à un groupe, le versement des dividendes ne s’apprécie pas au niveau de chacune des entreprises du groupe mais au niveau de l’entreprise dominante.

Ainsi, lorsque la société mère verse un dividende par action ou par part sociale en augmentation par rapport à la moyenne des deux exercices précédents, toutes les sociétés filiales employant habituellement au moins 50 salariés, doivent verser une prime.

A l’inverse, une société filiale qui verserait à ses actionnaires un dividende par part ou action sociale en augmentation par rapport à la moyenne des deux exercices précédents, n’est pas liée par l’obligation d’instituer une prime de partage des profits.

2/Précision

L’article 1 de la loi du 28 juillet 2011 indiquait que ce texte devait s’appliquer : « jusqu’à l’intervention d’une loi suivant les résultats d’une négociation nationale interprofessionnelle, au plus tard le 31 décembre 2013, sur le partage de la valeur ajoutée qui pourra notamment proposer des adaptations législatives dans le champ de la participation et de l’intéressement ».

Or, aucune loi n’étant intervenue, doit-on considérer que la prime de partage des profits n’a plus lieu d’être ou doit-on considérer, au contraire, qu’aucune loi n’étant intervenue, elle survit ?

Le Directeur général du travail vient de préciser dans une lettre du 8 avril 2014 que « c’est l’intervention d’une loi suivant un accord national interprofessionnel sur le partage de la valeur ajoutée qui est encadrée dans le temps et non la prime de partage des profits elle-même ».

Dès lors, selon l’administration, la prime de partage des profits perdure et ce même si aucune loi n’est intervenue depuis le 31 décembre 2013.
Nous partageons cet avis.

Les entreprises de 50 salariés et plus entrant dans le champ d’application de la prime de partage des profits, restent donc assujetties à cette obligation dès lors que les conditions rappelées ci-avant sont réunies.

Nous rappelons que dans ce cadre, il peut être versé annuellement jusqu’à 1 200 € par salarié et ce en exonération de cotisations sociales, la prime restant malgré tout soumise aux CSG et CRDS ainsi qu’au forfait social.

Sur le plan fiscal, la prime restera assujettie à l’impôt sur le revenu sauf exception.

Jurisprudence

REPORT DE LA PÉRIODE DE PROTECTION EN CAS DE CONGÉS PAYÉS À L’ISSUE DU CONGÉ MATERNITÉ

(Cass. soc. 30 avril 2014 n°13-12.321, n°815 FS-PB – Société Foncia Groupe c/M)

Dans un arrêt du 30 avril dernier, la Cour de Cassation a eu à trancher, pour la première fois, la question du report du point de départ de la période de protection octroyée aux salariés de retour du congé maternité en cas de congés payés pris à l’issue d’un tel congé.

L’article L. 1225-4 du Code du travail prévoit une période de protection légale pour les femmes de retour de congé maternité, formulée en ces termes : « aucun employeur ne peut rompre le contrat de travail d’une salariée lorsqu’elle est en état de grossesse médicalement constaté et pendant l’intégralité des périodes de suspension du contrat de travail auxquelles elle a droit au titre du congé de maternité, qu’elle use ou non de ce droit, ainsi que pendant les quatre semaines suivant l’expiration de ces périodes ».

Si dans cet article il ne semble pas être question d’une quelconque possibilité de reporter la période de protection en cas de prise de congés payés accolés au congé maternité, la Cour de Cassation en a décidé autrement, dans son arrêt du 30 avril dernier, en indiquant que « la période de protection de quatre semaines suivant le congé de maternité étant suspendue par la prise des congés payés, son point de départ était reporté à la date de la reprise du travail par la salariée”.

Ainsi, lorsqu’une salariée souhaite poursuivre son congé maternité par des congés payés, le point de départ de sa période de protection de 4 semaines sera reporté à la reprise effective du travail.

Cet arrêt trouve sa logique dans la définition même de la période de protection, établie pour permettre à la salariée de se réadapter progressivement à son poste et aux éventuels changements intervenus en son absence.

Toutefois, il fait naître différentes interrogations : quelle situation pour la salariée durant la période de ses congés payés, alors qu’elle n’est plus protégée au titre de son congé maternité, et pas encore en raison de la période des 4 semaines dont le point de départ serait différé à son retour au travail ?

Et les congés payés sont-ils les seuls concernés par cet arrêt ou bien pourrait-on imaginer que le principe qu’il pose trouve à s’appliquer en cas, notamment, de congé parental à temps plein pris à l’issue du congé maternité ?

Nous invitons nos lecteurs à la plus grande prudence, la sanction du licenciement prononcé étant la nullité de celui-ci.
Bulletin rédigé par Jehan BASILIEN et Caroline BABY, Avocats au Barreau d’Amiens – SCP BASILIEN BODIN ASSOCIES 6, Rue Colbert CS91115 80011 AMIENS CEDEX 1 ; Philippe GROS et Sandrine FREYSSON, Avocats au Barreau de Lyon – CEFIDES -20 Boulevard Eugène Deruelle 69003 LYON ; Pascale ROUVILLE, Avocate au Barreau de Rouen – SELARL EPONA CONSEIL Parc d’Activité de la Vatine 19, Rue Alfred Kastler 76130 MONT ST AJGNAN

Bulletin JSA – Avril 2014

Bulletin rédigé par Maître Philippe GROS et Sandrine FREYSSON et Anne-Gaëlle RUFFIER

Avocats au Barreau de LYON
Juriste CEFIDES
20 boulevard Eugène Deruelle
69003 LYON


Éditorial

LE GLISSEMENT ET L’OBLIGATION DE RECLASSEMENT VERS UNE OBLIGATION D’EMPLOI

La notion de reclassement apparaît dans le Code du travail notamment dans les articles relatifs au licenciement pour motif économique (article L12334) ainsi que dans ceux relatifs au licenciement pour inaptitude physique, qu’elle soit d’origine professionnelle (L1226-10) ou non (L1226-2).

La jurisprudence tisse une toile du reclassement de plus en plus étendue, sans pour autant donner beaucoup d’indices pratiques efficaces permettant de définir son périmètre.

En matière d’inaptitude physique suite à maladie professionnelle ou accident du travail, la Cour de cassation pose en règle depuis longtemps que :
« La recherche de possibilité de reclassement doit s’apprécier à l’intérieur du groupe auquel appartient l’employeur concerné parmi les entreprises dont les activités, l’organisation ou le lieu d’exploitation lui permettent d’effectuer la permutation de tout ou partie du personnel » (Chambre sociale 24 octobre 1995, n°94-40.188 RJS 12.95 n°1240).

En matière d’inaptitude physique suite à maladie simple, la Cour de cassation, dès 1998, nous indique que la recherche de reclassement doit s’apprécier :
« À l’intérieur du groupe auquel appartient l’employeur parmi les entreprises dont les activités, l’organisation ou le lieu d’exploitation lui permettent d’effectuer la mutation de tout ou partie du personnel » (Chambre sociale 19 mai 1998, RJS 1998.548, n° 846).

Il ne s’agit donc plus de la notion de groupe comme elle peut s’entendre en droit des sociétés. Il s’agit finalement d’un « lieu » indéfini, où la permutation du personnel est possible. C’est sur ce principe que la jurisprudence a été amenée à étendre l’obligation de reclassement à des entreprises sans lien juridique entres elles, par exemple celles relevant d’un réseau de franchise.

MAIS COMMENT DÉTERMINER CE LIEU DE PERMUTABILITÉ ?

Pour la Chambre sociale de la Cour de cassation, l’argument de l’indépendance juridique des parties invoqué par l’employeur ne permet pas, à lui seul, de faire échapper le franchisé à son obligation de reclassement dans le réseau (25 niai 2011, X cl Domael, pourvoi n°10-14897). Dans cette affaire il s’agissait d’un franchisé de la société Atac qui n’avait pas fait de recherche de reclassement au sein du réseau de franchise.

Dans un groupe, au sens du Code de commerce ou au sens des comités de groupe, nous pouvons aisément comprendre que cette obligation de reclassement s’examine au sein de l’ensemble des sociétés faisant partie de ce groupe, les sociétés étant liées capitalistiquement, ayant des dirigeants communs et certaines activités étant identiques.

Or pour les employeurs membres d’un réseau de distribution, certes les emplois sont souvent identiques, offrant en cela une certaine employabilité,mais ils sont majoritairement indépendants les uns des autres, dans leur gestion, dans leur fonctionnement, et dans leur prise de décision.

Les Cours d’appel après avoir un temps hésité abondent désormais dans ce sens, et vont loin dans cette acception du lieu du reclassement.

La Cour d’appel de Lyon a reproché à un franchisé Century 21 de ne pas avoir élargi le périmètre de reclassement aux autres membres du réseau de franchisés, sans fixer pour autant de limite spatiale (Cour d’appel de Lyon 5 juillet 2012 Maillard c/ Immobilière des Gaules RG F08103783).

La Cour d’appel de Nîmes a également reproché à un franchisé Casino d’avoir limité son périmètre de reclassement aux hypermarchés Géant casino de la région Languedoc Roussillon. (Chambre sociale 4 décembre 2011 Thiriot c/ Serca RG 11/01877), tout comme la Cour d’appel de Douai, qui considère : « Que les entreprises du groupement Intermarché sont liées par des intérêts communs relevant du sort de l’enseigne dont la bonne image rejaillit sur leur propre exploitation; elles entretiennent des relations étroites, notamment par l’intermédiaire de la société qui leur consent la franchise.
Leur communauté d’organisation, d’objectifs, d’approvisionnement, de politique commerciale assure entre ces différentes entités la permutabilité de leur personnel ».(Cour d’appel de Douai, 5 mars 2010, Forgez c/ SNC ITM alimentaire Nord, RG 11/03337).

Quant à la Cour d’appel de Toulouse, elle va jusqu’à affirmer, dans un arrêt du 5 août 2013 (Dinten c/ Christel RG 12/04546), que nous espérons purement topique, que « le groupe de reclassement peut être indépendant des relations capitalistiques existant entre certaines sociétés, et les possibilités de permutations peuvent résulter de simples relations de partenariat entre différentes entreprises.»

Cette même Cour avait pourtant affirmé quelques mois plus tôt que : « Les sociétés exploitant un magasin sous l’enseigne Leclerc constituaient des activités juridiquement et économiquement autonomes et qu’il n’y avait pas de permutation possible de personnel entre les différentes sociétés ».

QUELS ENSEIGNEMENTS TIRER DE CES ARRÊTS ?

Que, par définition, les parties liées par un réseau de distribution constituent automatiquement un « groupe de reclassement », peu important le lien juridique entre elles ou leur indépendance, ou que ce réseau peut constituer un groupe de reclassement dès lors que la permutabilité est possible, notamment par la proximité des lieux potentiels du reclassement ?

Si nous voulons réellement que le reclassement soit efficace, c’est cette deuxième branche de l’alternative qu’il conviendrait à notre sens de retenir, et de faire valoir, encore aujourd’hui, devant les juridictions.

Si la Cour de cassation semble avoir une position ferme et tranchée, nous pouvons regretter qu’elle abandonne tout travail de qualification de la permutation en posant comme principe qu’un réseau de franchises constitue inévitablement un groupe de reclassement.

Cette extension du périmètre signifie t-elle, sur le plan pratique, que l’employeur membre d’un réseau de distribution doit demander à l’ensemble des autres membres du réseau, si un poste est disponible et ce sur le territoire national ?

Comment va-t-il les connaître tous ?

Comment peut-il avoir connaissance de l’ensemble de ses partenaires?

Ces positions jurisprudentielles sont irréalistes.

A suivre la jurisprudence majoritaire, oublier un seul membre du réseau rendra le licenciement sans cause réelle et sérieuse. Maintenir cette acception du périmètre de reclassement, c’est aller à la condamnation systématique de l’employeur, quoi qu’il fasse, ou quoi qu’Il ne fasse pas.

Et puis, il conviendrait également de ne pas oublier la situation du salarié. Certes, il n’est pas responsable de son inaptitude ou de la situation économique de l’entreprise, il la subit ; mais est-ce vraiment sérieux de proposer un poste de caissière ou de secrétaire à Marseille, Lille ou Brest, à un salarié habitant la Corrèze, surtout lorsqu’on connaît le peu d’appétit des salariés licenciés pour un travail hors de leur zone d’activité, souvent plus réduite que le bassin d’emploi ?

Rappelons-nous ce qui s’est passé pour les licenciements en matière économique, et où a conduit le «jusqu’auboutisme» de la Cour de cassation qui, avant la loi du 18 mai 2010, imposait aux employeurs de proposer à leurs salariés des postes exotiques dans les pays de l’Est, en Asie ou en Afrique, à des salaires totalement irréalistes, puisque ceux du pays d’accueil. Il a fallu que le législateur intervienne pour mettre fin à cette position maximaliste de la Cour de cassation qu’aucun fondement juridique ne lui autorisait : la loi du 18 mai 2010 a imposé le questionnement préalable des salariés. C’est l’objet de l’article L1233-4-1 du Code du travail. Monsieur Alain Lacabarats, Président de chambre à la Cour de cassation, écrit que : «Le législateur conserve cependant toujours le pouvoir de contredire la jurisprudence et d’adopter les dispositions qu’il estime indispensables à la réalisation des objectifs qu’il poursuit. » (Semaine sociale Lamy n°1598 du 23 septembre 2013).

N’est-il pas quelque peu étonnant que les acteurs du pouvoir judiciaire, après avoir pris quelques libertés avec des textes, demandent au législateur d’intervenir ?

Ne sommes-nous pas en train de nous rapprocher de cette situation avec cet élargissement du périmètre de reclassement au réseau de distribution ?

En sommes-nous encore à ce stade où la sacro-sainte obligation de reclassement prime sur tout, tellement irréaliste dans notre contexte, qu’elle équivaut à condamner d’avance l’entreprise dans ce type de licenciement, l’obligation de reclassement se muant finalement en obligation d’emploi ?

Actualité

RÉFORME DE LA PRÉVOYANCE . LES PROCHAINES ÉCHÉANCES

PRINCIPE : les cotisations patronales aux régimes de Prévoyance et Frais de Santé sont exonérées de charges sociales, dans la limite de plafonds, sous conditions de forme et de fond (L242- 1 Code de la sécurité sociale 6ème alinéa). Ces conditions seront examinées de façon stricte et exhaustive dans le cadre d’un contrôle URSSAF. L’enjeu est de taille, puisque l’absence ou le non-respect d’une seule de ces conditions peut conduire à réintégrer dans l’assiette des cotisations sociales l’intégralité des cotisations patronales versées au bénéfice de tout le personnel.

Rappels : conditions d’exonération.
Le régime de Prévoyance et/ ou Frais de Santé mis en place doit :
1.être collectif (voir Bulletin JSA avril 2012)
2.être obligatoire (voir Bulletin JSA avril 2012)
3. être mis en place selon un formalisme encadré (convention ou accord collectif, accord rallié, décision uni-latérale)
4.ne pas se substituer à un élément de rémunération
5.être géré par un organisme agréé (Institution de Prévoyance, Mutuelle, Entreprise d’assurance)
6.prévoir une participation effective et significative de l’employeur
7.Frais de santé : des contrats dits «responsables» proposés par votre assureur.

Nous avions déjà été amenés à commenter, dans le bulletin JSA d’avril 2012, les dispositions du décret du 9 janvier 2012 relatives au caractère collectif et obligatoire des régimes de Prévoyance complémentaire.

La Loi de sécurisation de, l’emploi du 14 juin 2013 a apporté de son côté quelques aménagements, selon un calendrier par étapes. La première échéance approche – à grands pas ….

Il ne nous a pas semblé inutile de rappeler ici les prochaines échéances en la matière :

1″ juin 2014 :
FRAIS DE SANTÉ : portabilité portée à 12 mois maximum (au lieu de 9) – financement mutualisé financé par les actifs)
CERTIFICAT DE TRAVAIL: doit mentionner impérativement le rappel de la portabilité de la Garantie FRAIS DE SANTÉ et les coordonnées de l’organisme assureur.

30 juin 2014 :
Mise en conformité des régimes de prévoyance au regard du décret du 9/112012: tous les régimes existant dans les entreprises devront répondre aux conditions légales et réglementaires, notamment au regard du caractère collectif et obligatoire du régime.

1er juillet 2014 (jusqu’au 31/12/2015) :
Dans les entreprises non couvertes par un accord de Branche le prévoyant, et n’ayant pas mis en place de régime Frais de Santé généralisé, début des négociations obligatoires pour la mise en place d’un tel régime.

1er juin 2015 :
PRÉVOYANCE : portabilité portée à 12 mois maximum (au lieu de 9) – financement mutualisé (=financé par les actifs)
CERTIFICAT DE TRAVAIL: doit mentionner impérativement le rappel de la portabilité des Garanties de PRÉVOYANCE et les cordonnées de l’organisme.

1er janvier 2016 :
GENERALISATION DE LA PRÉVOYANCE : ouverture des négociations de branche.

1er juin 2016 :
GENERALISATION DE LA GARANTIE FRAIS DE SANTÉ POUR TOUTES LES ENTREPRISES
Celles qui, à cette date, n’ont pas mis en place un régime obligatoire pour l’ensemble de leurs salariés, et qui ne sont couvertes ni par un accord de Branche, ni par un accord d’Entreprise, devront en tout état de cause le mettre en place, de manière unilatérale.
* L’employeur devra prendre en charge au moins 50% du financement de ces garanties *Avec un socle minimal de garanties, imposé par décret à paraître

Actualité législative

LA REFORME DE LA FORMATION PROFESSIONNELLE

(Loi n°2014-288 du 5/03/14)

Le Parlement a adopté le 27 février 2014 la loi sur la formation professionnelle. Cette loi a fait l’objet d’une parution au JO du 6 mars 2014.

Cette loi comporte plusieurs volets portant notamment sur le Compte Personnel de Formation (voir bulletin JSA de mars 2014), sur le dialogue social, sur la facilitation de l’accès à la Validation des Acquis de l’Expérience (VAE), sur l’apprentissage, mais aussi un volet sur la démocratie sociale (élections professionnelles, mandats syn-dicaux, représentation patronale, etc..).

Nous nous attarderons dans le présent bulletin sur deux points annexes d’application immédiate:
•La suspension temporaire de la durée minimum légale pour les temps partiels,
•Le contrat de génération.

1°) LE TEMPS PARTIEL

La loi de sécurisation de l’emploi du 14 juin 2013 a imposé que les contrats de travail à temps partiel, conclus à compter du 1er janvier 2014, comportent une durée minimale hebdomadaire de travail de 24 heures. Cette même loi prévoyait toutefois qu’une convention ou un accord de branche étendu pouvait fixer une durée inférieure. De nombreuses branches professionnelles n’ayant pas encore abouti à un accord, le Gouvernement a entendu suspendre la date d’application de cette obligation.

La loi du 05/03/14 a ainsi suspendu, du 22/01/14 (date de dépôt du projet de loi) au 30/06/14, la mise en œuvre de cette obligation. Le temps partiel répond désormais à une réglementation à trois vitesses :

1/ Pour les contrats conclus avant le 1er janvier 2014, cette règle sera applicable au 01/01/16 (sauf demande du salarié et absence de refus de l’employeur motivé uniquement par des contraintes économiques ou sous réserve de certaines conventions collectives qui prévoyaient déjà une durée minimale de travail, telle la convention collective nationale du commerce de détail et de gros à prédominance alimentaire).

2/ Pour les contrats conclus entre le 01/01/14 et le 21/01/14 et à partir du 1er juillet 2014, la durée minimale de 24h s’applique (sauf accord de branche prévoyant une autre durée minimale ou demande du salarié motivée par des contraintes personnelles ou en raison d’un cumul d’emploi).

3/ Pour les contrats conclus entre le 22/01/14 et le 30/06/14, pas de durée minimale légale à respecter (sauf accord de branche prévoyant une durée minimale). Toutefois, ces contrats devront respecter la durée minimale légale dès le 01/07/14 (sauf accord de branche, prévoyant une durée minimale ou demande du salarié). La pression est désormais mise sur les branches professionnelles

2°) LE CONTRAT DE GÉNÉRATION

A compter du 7 mars 2014, le bénéfice de l’aide financière pour les entreprises de 50 à 300 salariés ou appartenant à un groupe de 50 à 300 salariés, n’est plus conditionné par l’obligation d’être couvert,par un accord ou un plan d’action d’entreprise ou par un accord de branche étendu sur le contrat de génération. Ces entreprises peuvent désormais bénéficier directement des aides financières (au même titre que les entreprises de moins de 50 salariés). Toutefois cette mesure, qui pouvait sembler généreuse, n’est pas sans contrepartie.

En effet, la loi du 05/03/14 durcit le dispositif en instaurant, pour ces mêmes entreprises, l’obligation d’être couvertes par un accord ou un plan d’action d’entreprise ou un accord de branche, qu’elles bénéficient ou non de l’aide financière. Ces entreprises subiront les pénalités applicables aux entreprises de plus de 300 salariés (pénalité pouvant aller jusqu’à 1 % de la masse salariale ou 10% de la réduction Fillon) si elles ne sont pas couvertes par un tel accord ou un tel plan d’ici le 31 mars 2015.
Bulletin rédigé par Philippe GROS et Sandrine FREYSSON, Avocats au Barreau de Lyon et Anne-Gaélle RUFFIER, Juriste CEFIDES
20 Boulevard Eugène Deruelle 69003 LYON

Bulletin JSA – Mars 2014

Bulletin rédigé par Maître Christophe OUALI

TRUNO & Associés
1 Bis avenue Fernand Auberger
BP 30066
03321 VICHY CEDEX


Éditorial

DRH : UN TRAVAIL À TEMPS PLEIN…

Depuis 2010 les responsables de ressources humaines assistent, mois après mois, à l’adoption par le législateur de mesures en matière sociale, lesquelles, au final, s’empilent sur les bureaux comme autant de dossiers à traiter.

Au plan de la négociation, ces dossiers se sont avérés particulièrement brûlants dès lors qu’ils étaient toujours assortis par le législateur de pénalités financières, pouvant être lourdes à supporter par les entreprises qui ne respecteraient pas leurs obligations.

Ainsi, toujours depuis 2010, les entreprises atteignant un certain seuil d’effectif se sont vues contraintes d’engager des négociations en vue de conclure des accords ou des plans d’action s’agissant des séniors, en matière de pénibilité, égalité homme/femme, contrat de génération.

Au-delà, les obligations de négociation plus classiques, telles que la négociation annuelle obligatoire, ont été assorties, elles-mêmes, de pénalités susceptibles d’être relevées par les URSSAF en cas de non mise en œuvre.

Reste que le constat après plusieurs années de ce type de mesures est mitigé.

Certes, les entreprises ont dû engager des négociations sur les thèmes évoqués, mais souvent à la hâte, s’acquittant ainsi au plan formel de leur obligation, au détriment d’une véritable réflexion sur le fond des thématiques proposées.

Pire, dans nombre d’entreprises, pourtant assujetties à ce type d’obligations, les DRH, surchargés, sont en retard et nombre d’accords qui auraient dû être conclus n’ont en réalité pas connu de début de négociation.

Il n’est pas rassurant de constater que l’administration chargée du contrôle des entreprises tenues à de telles obligations n’est, elle-même, plus en mesure de suivre les cadences.

Ainsi, après plusieurs années de non-contrôle, les entreprises ont reçu, dans le courant de l’été dernier des vagues de mise en demeure d’engager des négociations sur les thèmes de la pénibilité ou de l’égalité homme/femme.

Aujourd’hui, les contrôles se font de plus en plus pressants et les retardataires vont devoir agir à la hâte, confirmant ainsi le fait que l’obligation conduit à une négociation forcée, souvent au détriment d’une réflexion de fond.

La qualité du dialogue social, assurément, s’en ressent, et la question pourrait être posée d’une politique non plus coercitive mais incitative qui permettrait, notamment pour la partie employeur, d’aborder ses obligations légales non plus sous un angle contraint, mais au contraire, gagnant/gagnant.

En effet, la qualité de négociation prend nécessairement du temps.

Or, sur ce point, les DRH risquent de ne pas pouvoir y consacrer le temps qu’ils souhaiteraient.

Rappelons, en effet, que si le dossier négociation des accords avec les délégués syndicaux est chargé, le dossier animation du comité d’entreprise se trouve étendu par la loi de sécurisation de l’emploi du 14 juin 2013, lequel a étendu le contenu obligatoire des informations à formaliser au comité d’entreprise et modifié leur support de transmission en créant une base de données économiques et sociales unique.

Cette base de données doit être mise à disposition des représentants du personnel au plus tard le 14 juin 2014 dans les entreprises de 300 salariés et plus, et le 14 juin 2015 dans celles de moins de 300 salariés.

Elle a pour vocation de constituer le support privilégié des informations nécessaires à la préparation et de la consultation annuelle des comités sur les orientations stratégiques de l’entreprise et leurs conséquences, nouvellement instaurées par la même loi de sécurisation de l’emploi.

Elle doit contribuer à donner une vision claire et globale de la formation et de la répartition de la valeur créée par l’activité de l’entreprise.

Reste à trouver le temps et les moyens humains pour mettre en oeuvre l’ensemble de ces obligations dans les temps impartis, sans négliger le reste…

Actualité

Le parlement a définitivement adopté le 27 février la loi relative à la formation professionnelle, à l’emploi, et à la démocratie sociale, qui crée notamment le compte personnel de formation (CPF).

A noter que le CPF remplacera, à compter du 1er janvier 2015, le droit individuel à la formation.

Le plafond sera augmenté de 120 à 150 heures de formation et alimenté de la manière suivante : 24 heures par année de travail à temps complet jusqu’à l’acquisition d’un crédit de 120 heures, puis 12 heures par année de travail à temps complet jusqu’à atteindre le plafond de 150 heures.

Pour les temps partiels, le crédit est calculé au prorata du temps de présence.

Au-delà du plafond, le CPF pourra faire l’objet d’abondements, notamment par accord collectif.

Les heures acquises au titre du DIF jusqu’au 31 décembre 2014 relèveront du régime applicable au CPF et pourront être mobilisées jusqu’au 1er janvier 2021 pour financer une formation, en étant complétée, le cas échéant, par les heures inscrites sur le CPF dans la limite d’un plafond total de 150 heures.

La loi instaure, par ailleurs, un entretien professionnel devant se dérouler tous les deux ans afin d’étudier les perspectives d’évolution professionnelle du salarié.

Cet entretien devra également être proposé après une longue période d’absence (congé maternité, congé parental d’éducation, congé sabbatique, arrêt longue durée…).

Tous les 6 ans, il conviendra, lors de l’entretien, d’établir un bilan du parcours professionnel du salarié, afin de connaître s’il a suivi au moins une action de formation, acquis des éléments de certification par la formation ou une VAE, ou bénéficié d’une progression salariale ou professionnelle.

La loi supprime l’entretien de mi- carrière des salariés âgés de 45 ans.

Jurisprudence

DES PRÉCISIONS SUR LE RÉGIME DE LA CLAUSE DE NON-CONCURRENCE

L’employeur qui souhaite renoncer à l’application d’une clause de non-concurrence doit respecter les dispositions et modalités prévues par la convention collective ou le contrat de travail.

A défaut de notifier sa décision de renoncer à l’application d’une telle clause au salarié dans le délai et les modalités prévus, l’employeur est redevable de l’indemnité compensatrice de non-concurrence.

Dans un arrêt du 29 janvier 2014 n°12-22.116, la Cour de Cassation précise, concernant la rupture conventionnelle, que le point de départ du délai fixé dans le contrat de travail, permettant de libérer le salarié de son obligation de non-concurrence, court à compter de la date de rupture fixée dans la convention de rupture conventionnelle, date de rupture qui ne peut intervenir avant le lendemain du jour de l’homologation ou avant la date choisie par les parties dans la convention.

La Cour de Cassation sanctionne ainsi la Cour d’Appel de LYON qui avait retenu que le point de départ du délai se situait à la date à laquelle la décision de rompre le contrat était devenue définitive, à savoir à l’expiration du délai de rétractation de 15 jours.

La Cour de Cassation censure cette décision et fixe le point de départ du délai de renonciation à la clause de non-concurrence à la date de la rupture du contrat prévue dans la convention de rupture homologuée, et non à compter de la date de la signature de la convention ou à compter de la date d’expiration du délai de rétractation.

Par ailleurs, dans un arrêt du 15 janvier 2014 n°12-19.472, la Cour de Cassation réitère sa jurisprudence selon laquelle le paiement de la contrepartie financière attachée à la clause de non-concurrence n’a pas à intervenir avant la rupture.

Il est rappelé que le versement par anticipation de la contrepartie financière est prohibé.

Une telle clause est nulle et les sommes versées au titre de celle-ci sont définitivement acquises au salarié (Cassation sociale 7 mars 2007 n°05-45511), et cela, même si l’employeur a renoncé à l’application de ladite clause immédiatement après la rupture.

La Cour de Cassation rappelle ainsi que le paiement de la contrepartie pécuniaire attachée à la clause de non concurrence ne peut intervenir qu’à compter de la rupture du contrat et, qu’à défaut, l’employeur n’est pas fondé, même en cas de renonciation, à obtenir la restitution des versements opérés au titre d’une clause nulle.

Non seulement l’employeur ne peut obtenir la restitution des versements opérés avant la rupture, mais sera condamné à verser des dommages et intérêts au salarié, la jurisprudence considérant que la seule stipulation dans le contrat de travail d’une clause de non-concurrence nulle cause nécessairement un préjudice au salarié, quand bien même ce dernier n’aurait pas eu à exécuter la clause.

Enfin, dans un arrêt du 29 janvier 2014 (Cassation sociale n°12-22.116), la Cour de Cassation rappelle qu’en cas d’embauche par une autre société du groupe, intervenant dans le cadre d’une entente entre le salarié et les deux employeurs successifs, la clause de non concurrence initiale ne s’applique pas mais reprend ses effets normaux à partir du jour où le contrat de travail avec le second employeur est rompu.

REPORT DE L’ENTRETIEN PRÉALABLE ET PARTICIPATION DE L’EMPLOYEUR

Le Code du Travail fixe la forme et le contenu de la convocation à entretien préalable (date, heure, lieu de l’entretien, possibilité de se faire assister), néanmoins les textes n’envisagent pas l’hypothèse d’un report de l’entretien.

Cette question est traitée par la jurisprudence.

Ainsi, l’employeur n’est pas tenu d’accéder à la demande du salarié souhaitant reporter la date de cet entretien (Cassation sociale 26 mai 2004 n°02-40.681).

S’il le fait, le délai de 5 jours devant séparer la convocation et l’entretien court à compter de la convocation initiale (Cassation sociale 24 novembre 2010 n°09-66.616).

Dans l’affaire du 29 janvier 2014 n°12-19.872, la Cour de Cassation précise que lorsque le report de l’entretien préalable intervient à la demande du salarié, l’employeur n’est pas tenu de délivrer une nouvelle convocation dans les formes prescrites par le Code du Travail.

L’employeur est simplement tenu d’aviser le salarié, en temps utile et par tout moyen, des nouvelles date et heure retenues.

En revanche, dans le cas où l’employeur est à l’initiative d’un report de l’entretien, il semble aujourd’hui conseillé, en l’absence de décision en ce sens, de renouveler la procédure de convocation à entretien préalable dans les formes prescrites par le Code du Travail.

Il convient également de garder à l’esprit que, dans ce dernier cas, le délai d’un mois pour notifier la sanction, court à compter de la date du premier entretien et non à la date reportée à l’initiative de l’employeur, à défaut de quoi, le licenciement notifié trop tard est dépourvu de cause réelle et sérieuse (cass.soc.23 janvier 2013, n°11-22724).

Concernant la tenue de l’entretien préalable, l’employeur lui-même ou la personne qui a qualité pour licencier en son nom, est seul habilité à participer et à mener l’entretien préalable.

Il n’est pas interdit à l’employeur de se faire assister mais cette assistance ne doit pas détourner l’entretien de son objet en le transformant en enquête ou en procès (Cassation sociale 17 septembre 2008 n°06-42.195).

La Cour de Cassation confirme cette position dans une décision du 12 décembre 2013 n°12-21.046, en rappelant que l’entretien préalable au licenciement ne doit pas être déséquilibré au détriment du salarié (par exemple, dans l’hypothèse visée, en mettant le salarié en présence d’un nombre élevé d’interlocuteurs, soit trois des co-gérants, quand bien même chacun avait qualité pour assister à l’entretien préalable).

Ainsi, les participants à l’entretien préalable doivent être représentés de manière équitable et équilibrée. A défaut, la procédure est irrégulière et ouvre droit à des dommages et intérêts.

PERMIS DE LICENCIER

La suspension ou le retrait de permis de conduire peut avoir des conséquences sur la relation et constituer un motif de licenciement.

Dès lors que les faits à l’origine de la suspension ou du retrait de permis ont été commis dans le cadre de la vie privée la faute grave est exclue (cass.soc.3 mai 2011, n°09-67.464).

La cause réelle et sérieuse peut en revanche être retenue dès lors d’une part, que le salarié est affecté, en exécution de son contrat de travail, à la conduite de véhicules et d’autre part, que la mesure de suspension ou retrait occasionne un trouble objectif caractérisé dans l’entreprise et impactant l’exécution du contrat.

Dans un arrêt du 12 février 2014 (cass.soc.n°12-11.554), la Cour rappelle le principe selon lequel aucune clause du contrat ne peut valablement décider que la suspension ou le retrait du permis constituera une cause de licenciement.

Le licenciement prononcé au seul visa de cette clause du contrat est abusif. L’employeur doit en tout état de cause mentionner et caractériser le trouble à la bonne marche de l’entreprise pour légitimer ce type de rupture.
Bulletin rédigé par Maître Christophe OUALITRUNO & Associés,
1 Bis avenue Fernand Auberger – BP 30066 03321 VICHY Cedex

Bulletin JSA – Février 2014

Bulletin rédigé par Maître Yves BOULES
Cabinet SOCIAL-JURISTE
22 Place Bellecour
69002 LYON

ÉDITORIAL

PROTOCOLE DE RUPTURE CONVENTIONNELLE:VERS UNE SÉCURISATION ACCRUE

D’aucuns pouvaient être réservés quant au bien-fondé de la mise en place de ce mode de rupture d’un troisième type, eu égard au contexte particulièrement difficile de l’emploi en France, le commun accord des parties pour se séparer suffisant à faire figurer le salarié au rang des chômeurs indemnisés.

A ce jour, sauf improbable retour législatif, la source n’est pas prête de se tarir.

En effet, à l’étude de quatre arrêts récents de la Cour de cassation, il apparaît plus que compromis pour un salarié de remettre en cause la validité de la rupture conventionnelle à laquelle il a consenti.

Dans un passé pas si lointain,la doctrine et les juridictions du fond étaient divisées lorsqu’était constaté, au moment de la conclusion du PRC (Protocole de Rupture Conventionnelle), un différend entre les parties au contrat de travail.

La référence était la position de la Cour de cassation retenue dans le cadre de l’ancienne rupture amiable (article 1134 du Code civil), ayant jugé qu’un accord de résiliation amiable conclu avec un salarié quelques jours après son entretien préalable au licenciement, dans un contexte conflictuel, ne pouvait être valable.

Transposée purement et simplement, cette jurisprudence aurait mis en péril le dispositif de la rupture conventionnelle homologuée qui, dans la plupart des cas, intervient alors que les parties ne parviennent plus à s’accorder sur la poursuite des relatons contractuelles, en raison de difficultés persistantes dans l’exécution du contrat.

Pour autant, certaines Cours d’appel (Montpellier, Aix en Provence ou Pau) ont rappelé qu’aucune disposition, ni même les débats parlementaires, précédant la promulgation de la loi du 25 juin 2008, n’interdisaient le recours à la rupture conventionnelle en cas de litige opposant les parties antérieurement à la signature.

Dans le même temps, les Cours d’appel d’Agen ou de Rennes exigeaient au contraire que le consentement du salarié soit donné en dehors de l’existence de tout conflit préexistant.

Il y a quelques mois déjà, la Cour de cassation a pris position sur cette question pour affirmer que l’existence, au moment de la conclusion du PRC, d’un différend entre les parties au contrat de travail n’affectait pas la validité de la convention de rupture, en application de l’1237-11 du Code du travail (Cassation sociale 23 mai 2013 n512-13.865).

Ce premier pas d’importance vient d’être suivi d’autres en-jambées significatives selon trois arrêts de la Chambre sociale de la Cour de cassation du 29 janvier 2013.

Trois salariés avaient tenté de tirer parti de [‘inobservation par l’employeur de diverses formalités pour remettre en cause la rupture conventionnelle homologuée.

– Dans le premier cas d’espèce, les dispositions du Code du travail sur le PRC prévoient qu’au cours du ou des entretiens de négociations préalables, le salarié peut se faire assister soit par une personne de son choix appartenant au personnel de l’entreprise, soit par un conseiller extérieur inscrit sur une liste dressée par l’autorité administrative en l’absence de représentant du personnel au sein de la société.

Le salarié prétendait que, faute d’avoir été préalablement informé par l’employeur sur la possibilité de ces assistances, la convention devait être annulée.

Dans ce premier arrêt, la Cour de cassation n’entend pas attacher à cette formalité les effets escomptés par le demandeur.

Elle a précisé que ce défaut d’informations sur une possibilité d’assistance ne viciait pas le consentement et ne pouvait donc entraîner la nullité de la convention de rupture.

– La deuxième espèce était de même nature, le salarié reprochant à son employeur de ne pas l’avoir informé de la possibilité qu’il avait de prendre contact avec Pôle-Emploi afin d’envisager la suite de son parcours professionnel.

Pour la Cour de cassation, il ne s’agit aucunement d’une formalité substantielle dont le non-respect pourrait entraîner un vice de consentement susceptible d’affecter la validité de la convention de rupture homologuée.

Ces deux décisions sont logiques puisque ni la loi ni les textes d’application n’imposent de formalisme particulier aux entretiens préparatoires, aucune disposition ne fixe les modalités d’une éventuelle convention et donc de son contenu, pas plus que la date, l’heure et le lieu de l’entretien.

Faute d’un formalisme quelconque, le salarié sera de toute façon bien en peine de démontrer que son employeur ne lui a pas délivré les informations nécessaires.

– La troisième espèce portait sur une mauvaise appréciation dans le protocole de la date d’expiration du délai de rétractation.

Même si celui-ci était trop court, l’employeur avait adressé la demande d’homologation dans un délai supérieur au délai de rétractation légal.

En conséquence, l’erreur de plume n’avait pas eu pour effet de vicier le consentement, ou de priver le salarié de la possibilité d’exercer son droit à rétractation, et la convention est validée. (Cassation sociale 29.01.2014, numéros 12-27.594, 12-25.951 et 12- 24.539)

Cette sécurisation accrue est appréciable, permettant de s’écarter quelque peu du principe de précaution, caractéristique pourtant élémentaire du devoir de conseil. En effet, en pratique, pourquoi faire compliqué si l’on peut faire simple ?

Même si la Cour de cassation apporte de nouveaux éclairages intéressants, pourquoi convoquer formellement lorsque ce n’est pas nécessaire ? Pourquoi, sauf circonstances exceptionnelles qui le mériteraient, établir des protocoles annexes au FAC dont le contenu peut être piégeux ? Puisque l’administration a eu le bon goût d’établir un imprimé type CERFA, seul document à transmettre aux fins d’homologation, il convient de se limiter à cette formalité, en le remplissant de façon extrêmement précise, y compris en faisant état d’un ou plusieurs entretiens, quand bien même ceux-ci ne seraient pas assortis de convocations écrites.

Actualités

MESURES DE SIMPLIFICATION

La loi de financement de la sécurité sociale pour 2014 annonce quelques mesures de simplification. Gageons que le chef d’entreprise ne subira pas le « choc » annoncé, qu’aurait pu lui procurer, un dépouillement du Code du travail!

Parmi celles-ci :

– La déclaration sociale nominative (DSN) qui vise à remplacer les déclarations sociales issues de la paie par une déclaration unique et qui doit être généralisée au 1er janvier 2016. Seront concernées les entreprises dont le montant annuel de cotisations sociales dépasse un plafond qui devrait être fixé à 50.000 euros.

– Le seuil en dessous duquel la déclaration préalable à l’embauche (DPAE) doit être réalisée par voie électronique sera abaissé, sachant que jusqu’à ce jour la voie dématérialisée n’existait que pour les entreprises ayant effectué plus de 500 DPAE au cours de l’année civile ; ce seuil devra être ramené à 50.

– Enfin les cotisations et contributions sociales versées par les employeurs auprès des URSSAF doivent être déclarées et acquittées par voie dématérialisée lorsque le montant des cotisations de l’employeur redevable dépasse 50.000 euros au cours de l’année civile précédente. Ce seul devrait être abaissé par voie réglementaire à 35.000 euros à compter du 1er janvier 2014, et 20.000 euros à compter du 1er janvier 2015.

Pour que cette simplification soit réellement effective, l’absence de déclaration dématérialisée sera naturellement sanctionnée.

Jurisprudence

LE MÉDECIN DU TRAVAIL : JURISTE MALGRÉ LUI

En complément d’un éditorial récent où il est question de l’indignation légitime pour bon nombre de chefs d’entreprises face aux carences des SST (Services de Santé du Travail), trop souvent incapables de répondre à leurs obligations, et ne permettant pas en conséquence à l’employeur de respecter les siennes, la Cour de cassation confirme une jurisprudence jusque-là embryonnaire, jugeant les SST responsables, condamnations à l’appui.

Il est rappelé en effet qu’au titre de son obligation de sécurité de résultat, l’employeur est garant de la réalisation effective des visites médicales obligatoires à différents stades de la relation contractuelle avec son salarié (embauche, suivi médical, visite de reprise, etc…).

Ainsi, lorsque le plus souvent faute d’effectif suffisant (excuse avancée), la médecine du travail n’est pas à même de fixer un rendez-vous obligatoire dans des délais qui le sont tout autant, les juges du fond et la Cour de cassation retiennent désormais pour caractériser Je préjudice de l’entreprise, qu’en cas d’absence de suivi médical obligatoire, l’employeur qui n’est pas en mesure de satisfaire aux exigences que lui impose le Code du travail, est potentiellement passible d’une condamnation pénale.

De même, l’employeur peut être dans l’impossibilité de mettre en oeuvre de façon effective son obligation de sécurité de résultat du fait d’une carence par la SST dans l’exercice de sa mission (action de prévention notamment, faute d’information déterminante en provenance du SST).

Bref, l’employeur condamné subit nécessairement un préjudice, dont il peut obtenir désormais réparation.

La Cour de cassation, dans un arrêt de la première Chambre civile du 19 décembre 2013, a certes limité les dommages et intérêts au montant de la cotisation annuelle due par l’entreprise adhérente. (Cassation sociale 19.12.2013, n° 12- 25.056 FS-PBI)

Mais, toute entreprise peut obtenir un montant plus élevé en cas de démonstration d’un préjudice significatif.

Ainsi, en 2012, la Chambre sociale de la Cour de cassation a retenu la responsabilité du SST et l’a condamné au montant des dommages et intérêts que l’employeur avait dû verser pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, en raison du non-respect du délai légal de 15 jours devant séparer les deux examens nécessaires au constat de l’inaptitude du salarié.

A quand une jurisprudence, de même nature face aux nombreuses rédactions maladroites, approximatives, et souvent peu significatives des médecins du travail sur les constats d’inaptitude délivrés ?

UNE MISE À PIED CONSERVATOIRE PEUT EN CACHER UNE AUTRE

La mise à pied conservatoire n’est pas une sanction, mais une mesure provisoire comme son nom l’indique prise par l’employeur dans l’attente de celle-ci, le plus souvent dans la perspective d’un licenciement pour faute grave.

Ceci permet, lorsque le comportement du salarié ou la situation créée est si grave, d’écarter celui-ci de l’entreprise pendant le temps nécessaire et indispensable à la conduite de la procédure (envoi de la convocation, entretien préalable et délai de réflexion avant notification de la rupture).

Ce n’est que lorsque l’essai est transformé, c’est-à-dire que le licenciement, après délai de réflexion légal, intervient bien pour faute grave, que le non-paiement du salaire pendant la période de mise à pied conservatoire est justifié.

En revanche, si le licenciement intervient seulement pour une cause dite réelle et sérieuse, par opposition à la faute grave, l’employeur doit impérativement verser le salaire correspondant à la période de mise à pied conservatoire.

Si tel n’est pas le cas, de nombreuses décisions passées ont pu conduire à juste titre à condamner l’employeur au paiement de cette somme. Mais en réalité au vu d’un arrêt récent de la Cour de cassation du 18 décembre 2013, les conséquences sont désormais toutes autres et beaucoup plus lourdes : là Cour de cassation précise que la mise à pied non rémunérée et non suivie par un licenciement pour faute grave ou lourde, s’analyse nécessairement en une sanction disciplinaire, et ne peut donc plus être qualifiée de mise à pied conservatoire.

Par voie de conséquence, le licenciement consécutif à cette mise à pied doit être jugé sans cause réelle et sérieuse, faute pour l’employeur, dont le pouvoir disciplinaire a été épuisé du fait de la mise à pied, de pouvoir sanctionner le salarié deux fois pour les mêmes faits. (Cassation sociale 18 décembre 2013 n° 12-18.548 F-D)
Bulletin rédigé par Maître Yves BOULEZ, Avocat en droit social, Cabinet SOCIAL JURISTE
22 Place Bellecour – 69002 LYON