Bulletin JSA – NOVEMBRE DECEMBRE 2016

Bulletin rédigé par Maître Frédéric BAUSSET

Cabinet Frédéric BAUSSET
Avocat Conseil
5 boulevard Berthelot
Immeuble Valois
16000 ANGOULEME


 

Editorial

STOP À L’EMBALLEMENT LÉGISLATIF FRANÇAIS !

Le « Pays des Lois » (fà guó), c’est ainsi que la France s’appelle en langue chinoise.

Le Conseil d’État ne démentirait pas. Bien au contraire, puisque le 27 septembre dernier, il a appelé dans une étude sur la « simplification » du droit en France à stopper « l’emballement » législatif.

Ainsi, l’institution évalue à « 1 million de mots » l’ajout chaque année en France de nouvelles lois et ordonnances… sans tenir compte des décrets, arrêtés et autres avis.

Le Conseil d’État note, d’ailleurs, que malgré ses alertes répétées, la tendance ne cesse de s’aggraver alors que, paradoxalement, le mot d’ordre martelé par le gouvernement est la « simplification » avec la création, par la loi « EL KHOMERI » d’une Commission d’Experts devant formuler une réécriture du Code du travail sous 2 ans !

Le droit du travail est tout particulièrement visé par cet emballement législatif.

Il suffit pour s’en convaincre de reprendre les réformes législatives « estivales » engagées par le gouvernement depuis 2012 parmi lesquelles on peut notamment citer la loi relative à la sécurisation de l’emploi (14 juin 2013), la loi relative au dialogue social et à l’emploi dite Loi REBSAMEN (17 août 2015) ou encore la très récente loi travail dite Loi EL KHOMRI (08 août 2016).

Avec des situations totalement ubuesques où, par exemple, l’ensemble des décrets d’application de la Loi REBSAMEN du 17 août 2015 n’ont pas encore été rédigés plus d’un an après son entrée en vigueur alors qu’entre-temps la loi travail a été adoptée … dont d’ailleurs certaines dispositions sont actuellement inapplicables en raison justement de l’absence de décrets d’application de la Loi REBSAMEN.

Comment les entreprises peuvent-elles s’adapter à un tel contexte où la loi devient une source d’insécurité et de fragilisation ?

La meilleure des réformes en droit du travail ne serait-elle pas de ne plus rien faire pendant 5 ans ?

Une chose est sûre, la traduction chinoise du nom de notre pays devient de plus en plus pertinente et presque éponyme malheureusement !

Entre le pays du non droit et le pays qui produit trop de lois, il doit y avoir un juste équilibre !
Actualité

SIMPLIFICATION DES OBLIGATIONS DES ENTREPRISES EN MATIÈRE D’AFFICHAGE ET DE TRANSMISSION DE DOCUMENTS À L’ADMINISTRATION

(Décret n°2016-1417 et 2016-1418 du 20 octobre 2016).

Dans le prolongement des mesures de simplification en matière d’affichage qui avaient été engagées par l’ordonnance n°2014-699 du 26 juin 2014, deux décrets du 20 octobre 2016 viennent modifier les obligations des employeurs en matière d’affichage et de transmission de documents à l’administration.

Ces mesures sont applicables depuis le 23 octobre 2016.

A. SIMPLIFICATION DES OBLIGATIONS D’AFFICHAGE :

Au motif de s’adapter aux moyens de communication moderne, plusieurs obligations d’affichage qui étaient jusqu’à présent à la charge de l’employeur ont été remplacées par des obligations de communication par tout moyen.

L’entreprise pourra notamment respecter son obligation en utilisant son intranet ou par l’envoi de courriels.

L’ « allègement » des obligations d’affichage concerne les mesures suivantes :

Règlement intérieur :

Le règlement intérieur doit à présent être porté par tout moyen à la connaissance des personnes ayant accès au lieu de travail et aux locaux où se fait l’embauche (article R.1321-1 du Code du travail).

Ordre des départs en congés :

À présent, l’ordre des départs en congés peut être communiqué par tout moyen par l’employeur à chaque salarié 1 mois avant son départ (article D.3141-6 du Code du travail).

Égalité de rémunération femmes / hommes :

Les dispositions relatives à l’égalité de rémunération entre les hommes et les femmes doivent être portées sous peine de sanction pénale par tout moyen à la connaissance des personnes ayant accès au lieu de travail mais aussi, ce qui est une nouveauté, au candidat à l’embauche.

Accords collectifs et conventions collectives :

Il s’agit plus précisément de l’avis d’information comportant l’intitulé des conventions et accords applicables dans l’établissement qui n’a désormais plus à être affiché.

Précisons qu’en cas de référendum visant à valider un accord d’entreprise minoritaire ou d’un accord négocié avec un salarié mandaté, l’employeur devra faire la publicité par tout moyen du procès-verbal de résultat du vote organisé (article D.2232-2 du Code du travail).

Mise en place d’une instance de coordination des CHSCT :

Depuis le 23 octobre 2016, il convient de communiquer par tout moyen au salarié la liste nominative des membres de l’instance de coordination.

Entreprises de travail temporaire :

L’obligation de communication par tout moyen aux salariés temporaires de chaque établissement concerne :

> La communication d’information nominative contenue dans les relevés de contrat de mission à Pôle Emploi et aux DIRECCTE territorialement compétentes.

> Les droits d’accès et de rectifications prévus par la loi informatique et libertés du 06 janvier 1978 que peuvent exercer les salariés temporaires devant Pôle Emploi et la DIRECCTE (article R.1251-9 du Code du travail)

Entreprises et établissements dont les salariés ne bénéficient pas du repos hebdomadaire toute la journée du dimanche :

Les jours et heures de repos collectifs attribués à tout ou partie des salariés devront là encore faire l’objet d’une communication par tout moyen.

Cette information doit être communiquée au préalable à l’inspection du travail.

L’employeur doit en même temps préciser les modalités de la communication aux salariés qu’il envisage de mettre en oeuvre (article R3172-1 du Code du travail).

Suspension du repos hebdomadaire :

Dans certaines situations telles que notamment des travaux urgents, un surcroît extraordinaire de travail, l’employeur peut prendre la décision de suspendre le repos hebdomadaire.

Il a l’obligation d’en informer l’agent de contrôle de l’inspection du travail.

La copie de l’information transmise à l’inspection du travail doit également être communiquée par tout moyen aux salariés (article R.3172-9 du Code du travail).

Caisse de congés payés (BTP et artistes du spectacle) :

La raison sociale et l’adresse de la Caisse de congés payés à laquelle sont affiliées les employeurs devront également faire l’objet d’une communication par tout moyen aux salariés (articles D.3141-28 et D.7121-45 du Code du travail).

B. SIMPLIFICATION EN MATIÈRE DE TRANSMISSION DE DOCUMENTS À L’ADMINISTRATION :

Certains documents devaient jusqu’à présent être communiqués à l’administration parfois dans un délai défini à l’avance.

Les décrets du 20 octobre 2016 changent la règle et remplacent dans certains cas l’obligation de transmission par une obligation de tenir à la disposition de l’inspecteur du travail certains documents. Les principales mesures concernent :

la durée du travail :

> Communication de l’avis du Comité d’Entreprise sur la mise en oeuvre d’horaires à temps partiel (article D.3123-3 du Code du travail).

> Communication sur demande de l’agent de contrôle du récépissé de déclaration préalable à la CNIL obligatoire en cas de traitement automatisé des données nominatives en matière de documents électroniques de contrôle de la durée du travail (article D.3171-15 du Code du travail).

Notons que l’obligation d’envoi du duplicata de la fiche relative à l’horaire collectif de travail a été supprimée.

le Comité d’Entreprise :

Lorsqu’il existe un service social du travail sur lequel s’appuie le Comité d’Entreprise, ce dernier doit établir un rapport annuel sur l’organisation, le fonctionnement et la gestion de ce service.

Ce rapport qui était systématiquement communiqué à l’inspection du travail ne devra l’être que si ce dernier en fait la demande.
Jurisprudence

LA COUR DE CASSATION RAPPELLE LES CONDITIONS À RESPECTER LORSQUE LE CONTRAT A DURÉE DÉTERMINÉE INITIAL N’A PRÉVU AUCUNE DISPOSITION EN MATIÈRE DE RENOUVELLEMENT

Cass. Soc. 05 octobre 2016 n°15-17.458

Dans cette affaire, une salariée avait signé un contrat à durée déterminée ayant pour terme le 31 décembre 2013.

L’avenant de renouvellement daté du 27 décembre 2013 à effet du 1er janvier 2014 a été signé par la salariée le 03 janvier 2014.

Bien qu’ayant repris son poste le 02 janvier 2014, la salariée a contesté la validité du renouvellement du contrat à durée déterminée et a sollicité la requalification en contrat à durée indéterminée.

Pour sa part, l’employeur faisait valoir que la date de sa signature de son exemplaire de l’avenant de renouvellement était antérieure au terme du contrat initial (27 décembre 2013).

Il se prévalait, également, de la présence de la salariée à son poste dès le jour suivant la fin du contrat à durée déterminée initial prouvant selon lui son acceptation du renouvellement de son contrat avant son terme.

L’employeur invoquait, de surplus, que la signature de l’avenant de renouvellement pouvait valablement intervenir dans les deux jours suivants le renouvellement, invoquant ainsi les règles applicables à la conclusion du contrat à durée déterminée prévues par l’article L.1242-13 du Code du travail.

Aucun des arguments soulevés par l’employeur n’a été retenu par la Cour de Cassation.

Ainsi, la Haute Cour considère que le contrat à durée déterminée initial, faute de prévoir les conditions de son renouvellement, ne peut être renouvelé que par la conclusion d’un avenant conclu avant le terme initialement prévu.

À défaut, il devient un contrat à durée indéterminée dès lors que la relation de travail s’est poursuivie après l’échéance du terme, précisant que la seule circonstance que le salarié ait travaillé après le terme du contrat à durée déterminée ne permet pas de déduire son accord, antérieurement à ce terme, pour le renouvellement du contrat initial.

Cet arrêt clarifie les conditions d’un renouvellement par avenant.

Il sera rappelé que l’employeur peut renouveler jusqu’à deux fois le contrat à durée déterminée d’un salarié à condition de suivre un formalisme particulier.

Ainsi, deux possibilités s’offrent à lui : le contrat initial prévoit directement les conditions du renouvellement ou, à défaut, un avenant doit être soumis au salarié avant le terme du contrat de travail conformément aux dispositions de l’article L.1243-13 du Code du travail.

Il sera précisé, comme en l’espèce, que le contrat à durée déterminée qui prévoit simplement la possibilité d’un renouvellement sans en fixer les modalités concrètes (par exemple : délai avant la fin de la durée initiale, durée et/ou nombre de renouvellements, conditions d’application, maintien ou modification des conditions d’exécution du contrat …) ne permet pas de renouveler le contrat de travail.

En effet, dans ce cas de figure, un avenant devra tout de même être conclu avant le terme du contrat (Cass. Soc. 03 juin 2009 n°08-40449).

La Cour de Cassation précise, donc, que l’avenant doit être conclu et non pas seulement soumis au salarié avant le terme initial.

Le salarié doit, par conséquent, avoir donné son acceptation avant le terme initial. Il convient donc d’être extrêmement vigilant lors du renouvellement du contrat à durée déterminée puisque soumettre à ce dernier l’avenant de renouvellement avant le terme ne suffit pas.

Il convient de s’assurer que le salarié a bien signé l’avenant avant le terme du contrat et que la date de signature est antérieure au terme initial.

Par ailleurs, l’acceptation doit être expresse, elle ne peut être déduite de la seule poursuite du contrat de travail après le terme initial par le salarié.

La sanction du non-respect de ces conditions est la requalification en contrat à durée indéterminée.

Il est donc indispensable d’être extrêmement vigilant dans la gestion des renouvellements des contrats à durée déterminée.

PRÉCISIONS EN MATIÈRE D’INTERRUPTION DE LA PRESCRIPTION DE FAITS FAUTIFS

Cass. Soc. 13 octobre 2016 n°15-14.006

En matière disciplinaire, l’article L.1332-4 du Code du travail fixe une prescription d’un délai de deux mois.

Il précise par ailleurs que ladite prescription peut être interrompue si le fait fautif a donné lieu, dans le délai de deux mois, à l’exercice de poursuites pénales.

Qu’entend-on précisément par l’exercice de poursuites pénales ?

La question est importante puisque si celles-ci n’ont pas été engagées dans le délai de deux mois, les faits seront considérés comme étant prescrits faisant par-là même tomber la sanction prononcée.

La Cour de Cassation apporte donc une précision importante en indiquant qu’une simple enquête préliminaire diligentée par le Procureur de la République n’est pas suffisante pour interrompre le délai de prescription.

En effet, pour la Haute Juridiction, il ne s’agit pas d’un acte qui a pour effet de mettre en mouvement l’action publique.

Elle en déduit qu’il ne s’agit donc pas d’un acte interruptif de la prescription.

La Cour de Cassation est parfaitement en cohérence avec ses décisions précédentes où elle avait indiqué que le délai de deux mois est interrompu par la mise en mouvement de l’action publique, c’est-à-dire par le déclenchement du traitement judiciaire des faits (Cass. Soc. 12 janvier 1999 n°98-40.020).

Elle est, par ailleurs, en conformité avec la jurisprudence du Conseil d’Etat (CE 05 décembre 2011 n°328380).

Ce nouvel arrêt appelle à une vigilance extrême lorsqu’une faute commise par un salarié recouvre une dimension pénale.

 

Bulletin rédigé par Maître Frédéric BAUSSET, Avocat conseil
Cabinet Frédéric Bausset – 5, boulevard Berthelot, Immeuble Valois 16000 Angoulême

Bulletin JSA – OCTOBRE NOVEMBRE 2016

Bulletin rédigé par Maître Anthony PEILLET

Avocat à la Cour
1 ter, rue du Languedoc
31000 TOULOUSE


Editorial

Dans notre précédent bulletin, il a été évoqué la publication de la loi n°2016-1088 du 8 août 2016, relative au travail, à la modernisation du dialogue social et à la sécurisation des parcours professionnels (dite Loi Travail).

Issue d’un projet de loi, les objectifs affichés du gouvernement pour cette réforme ont été : « plus de dialogue social, plus de souplesse et de visibilité pour les entreprises, plus de protections pour les actifs et en particulier ceux en situation de précarité ».

Après plusieurs mois de débats, sur fond de mobilisations syndicales importantes, le texte définitif est, à plusieurs égards, sensiblement différent du projet initial.

Alors que le nombre de thèmes concernés par la loi compliquait déjà passablement la lisibilité de la réforme, l’information et, il faut bien le dire, la « désinformation » autour du contenu réel du texte, n’ont fait qu’empirer les choses.

Il faut ajouter à cela un texte dont la mise en oeuvre est progressive, un nombre très important de décrets d’applications et…un retard déjà affiché pour la publication desdits décrets.

D’évidence et en tout cas pour ce qui concerne la communication ou la méthodologie, la loi Travail ne traduit certainement pas un renouveau.

Pour autant, il ne faudrait pas négliger les changements importants induits par cette législation.

Au-delà, ce serait un tort de ne pas profiter des opportunités que cette nouvelle loi peut apporter.

Quelques aspects de la LOI n° 2016-1088 du 8 août 2016 relative au travail, à la modernisation du dialogue social et à la sécurisation des parcours professionnels

1. LA NOUVELLE DÉFINITION DU MOTIF ECONOMIQUE

L’insécurité juridique autour du licenciement pour motif économique est un fait.

Que ce soient la cause économique, la procédure, la recherche de reclassement, les écueils sont nombreux.

En trois ans, le législateur a modifié à plusieurs reprises la matière.

La loi de sécurisation de l’emploi du 14 juin 2013, avait principalement modifié la procédure des licenciements collectifs assortis d’un plan de sauvegarde de l’emploi.

Ensuite, la loi Macron du 6 août 2015 a modifié les règles relatives au reclassement interne à l’étranger et celles concernant l’ordre des licenciements.

Avec plus ou moins de succès, l’objectif affiché a été d’apporter plus de sécurité juridique.

La loi Travail apporte sa pierre à l’édifice, en traitant désormais de la définition du motif économique.

D’emblée, il sera observé que les principes généraux ne sont pas modifiés.

Le licenciement économique reste un « triptyque » :

– Une cause économique ;

– Une conséquence sur l’emploi du salarié (suppression de poste ou modification refusée du contrat de travail) ;

– Une impossibilité de reclasser conduisant alors au licenciement.

Selon le texte antérieurement applicable, la cause économique était caractérisée « notamment » par des difficultés économiques, des mutations technologiques (cf. article L1233-3 du Code du travail).

Cette énumération n’étant pas exhaustive, la jurisprudence a ajouté la réorganisation nécessaire à la sauvegarde de la compétitivité ou encore la fermeture totale de l’entreprise (Cf. Cass. Soc. 5 avril 1995, n° 1954 PB, Sté Thomson Tubes et Displays c/ Steenhoute et autres ; Cass. Soc. 10 mai 2012 n° 11-14.463 (n° 1206 F-D), Sté Itancia c/ Muller).

La loi Travail consacre tout d’abord ces deux dernières notions jurisprudentielles en les intégrant dans l’article L.1233- 3 du Code du travail.

Mais au-delà des notions, la problématique, en cas de contentieux, restait notamment de savoir ce que l’on entend par difficultés économiques.

Désormais, la loi apporte une objectivation du motif tiré des difficultés économiques.

Ainsi et selon le nouvel article L.1233-3 du Code du travail, les difficultés économiques sont caractérisées :

– « Soit par l’évolution significative d’au moins un indicateur économique tel qu’une baisse des commandes ou du chiffre d’affaires, des pertes d’exploitation ou une dégradation de la trésorerie ou de l’excédent brut d’exploitation ;

– Soit par tout autre élément de nature à justifier de ces difficultés ».

La loi précise même ce qu’il faut entendre par une baisse significative des commandes :

« Une baisse significative des commandes ou du chiffre d’affaires est constituée dès lors que la durée de cette baisse est, en comparaison avec la même période de l’année précédente, au moins égale à :

a) Un trimestre pour une entreprise de moins de onze salariés ;

b) Deux trimestres consécutifs pour une entreprise d’au moins onze salariés et de moins de cinquante salariés ;

c) Trois trimestres consécutifs pour une entreprise d’au moins cinquante salariés et de moins de trois cents salariés ;

d) Quatre trimestres consécutifs pour une entreprise de trois cents salariés et plus ».

Plusieurs remarques s’imposent alors.

Tout d’abord, la loi permet toujours à l’employeur d’utiliser les principaux indicateurs économiques pour justifier de difficultés économiques.

Surtout, l’évolution significative d’au moins un indicateur économique parait suffire.

Il s’agit là d’une sécurisation notable puisque antérieurement, les juges pouvaient retenir tout élément économique pour apprécier les difficultés de l’entreprise.

Les difficultés économiques devaient ainsi ressortir d’un ensemble de facteurs et non résulter d’un seul indicateur.

Par ailleurs, la liste des indicateurs économiques n’est pas exhaustive et l’employeur conserve la possibilité de démontrer des difficultés économiques par tout élément.

Incontestablement, le nouveau texte apporte une meilleure lisibilité en ce qui concerne la définition de difficultés économiques.

Pour autant, les juges conserveront a priori un pouvoir d’appréciation en ce qui concerne le caractère significatif ou non de la baisse constatée.

De même et en l’absence de précisions complémentaires dans le texte de loi, les juges garderont tout leur pouvoir d’appréciation pour ce qui concerne les autres indicateurs économiques tels que les pertes d’exploitation, la dégradation de la trésorerie ou l’excédent brut d’exploitation.

Au plan des regrets, il peut être également signalé l’absence de définition du périmètre d’appréciation des difficultés économiques.

Le projet initial prévoyait justement de fixer le cadre d’appréciation des difficultés au territoire national.

Cette disposition a été supprimée au cours des discussions parlementaires.

Les principes jurisprudentiels antérieurs demeurent donc.

Ainsi, les difficultés économiques s’apprécient au niveau de l’entreprise ou, si l’entreprise appartient à un groupe, au niveau du secteur d’activité du groupe (Cf. Cass. Soc. 5 avr. 1995, n° 93-43.866).

Ceci pose des problématiques réelles aux entreprises connaissant des difficultés économiques sérieuses sur le plan national mais compensées par exemple par des profits réalisés à l’étranger.

Pour celles-ci, il restera très difficile de justifier par une cause économique des mesures telles que des modifications de contrat de travail ou des licenciements.

2. LE RÉGIME DES CONGÉS PAYES

La loi Travail a largement réécrit les dispositions relatives aux congés payés (Cf. articles L. 3141-1 et suivants du Code du travail).

Pour chaque point du régime (durée des congés, prise des congés, règles de fractionnement), il est ainsi distingué entre :

– Les dispositions d’ordre public (celles ne pouvant pas être modifiées) ;

– Les dispositions susceptibles de faire l’objet d’un aménagement par accord collectif ;

– Les dispositions supplétives.

Pour autant, l’économie générale n’est pas bouleversée et il sera évoqué ici quelques points marquants, non exhaustifs.

Durée du congé

La durée des congés reste inchangée : 2,5 jours ouvrables acquis pour chaque mois de travail effectif.

Simplement, les congés supplémentaires pour enfant à charge, auparavant réservés aux femmes, sont désormais ouverts aux hommes.

Par ailleurs, un accord d’entreprise ou d’établissement ou, à défaut, une convention ou un accord de branche peut désormais :

– fixer le début de la période de référence pour l’acquisition des congés. A défaut d’accord, la période est déterminée par décret (hormis cas particulier des entreprises relevant d’une caisse de congés payés) ;

– majorer la durée du congé en raison de l’âge, de l’ancienneté ou du handicap (le handicap étant ici un critère nouveau).

Auparavant, il n’était pas possible de déterminer une période d’acquisition des congés autre que celle fixée par décret (1er juin – 31 mai), sauf accord d’annualisation du temps de travail.

Prise des congés 

Antérieurement, le salarié devait attendre la période de prise des congés correspondant aux droits acquis, pour pouvoir exercer ses droits acquis à congés.

En théorie, un salarié embauché au 1er juin pouvait être contraint d’attendre près d’un an pour bénéficier de son droit à repos (sauf accord entre l’employeur et le salarié).

A l’avenir, le salarié peut exercer ses droits à congés dès l’ouverture de la période de prise des congés.

Restent pour leur part inchangées et d’ordre public, la période de prise des congés (au minimum 1er mai – 31 octobre chaque année) ainsi que l’obligation d’accorder des congés simultanés aux conjoints et pacsés dans la même entreprise.

La loi conserve par ailleurs la possibilité de déroger aux règles de prise du congé principal et aux règles de fractionnement des congés.

Ainsi, un accord d’entreprise ou d’établissement ou, à défaut, une convention ou un accord de branche peut fixer la période pendant laquelle la fraction d’au moins 12 jours ouvrables continue est attribuée, ainsi que les règles de fractionnement des congés au-delà du 12ème jour.

L’autre nouveauté apparaît être la possibilité de placer le personnel en congés pour fermeture de l’entreprise, sans avoir besoin d’un avis conforme des délégués du personnel en cas de fractionnement du congé principal (fermeture d’une durée de mois de 24 jours).

Par ailleurs, un accord collectif pourra fixer les règles de modification des dates de départ en congés. Par ce biais, l’employeur pourra réduire le délai légal qui est en principe d’un mois.

Jurisprudence

DE LA REMUNERATION VARIABLE DES SALARIES

En 2011, la Cour de Cassation a posé le principe suivant lequel l’employeur peut fixer unilatéralement des objectifs dans le cadre de son pouvoir de direction, même si ces objectifs conditionnent une rémunération variable (sous réserve que l’employeur n’ait pas contractualisé les objectifs).

Cf. Cass. Soc. 2 mars 2011, 08-44.977

L’arrêt rendu a notamment permis d’asseoir la pratique des plan annuels de rémunération variable.

La Cour régulatrice a posé néanmoins deux réserves :

« lorsque les objectifs sont définis unilatéralement par l’employeur dans le cadre de son pouvoir de direction, celui-ci peut les modifier dès lors qu’ils sont réalisables et qu’ils ont été portés à la connaissance du salarié en début d’exercice ».

Un arrêt récent illustre cette jurisprudence.

Sur le même principe et s’appuyant sur les constatations des juges du fond, la Cour a relevé que l’employeur avait sensiblement diminué le taux de commissionnement principal, sans compensation significative.

De ce seul fait, la Cour a considéré que les nouveaux objectifs « n’étaient pas réalisables ».

Le manquement de l’employeur a eu de lourdes conséquences, puisqu’il a entrainé une résiliation judiciaire du contrat de travail, ainsi que des rappels de salaires (Cf. Cass. Soc. 6 octobre 2016 n°15-15.672).

Le pouvoir de direction de l’employeur reste donc très encadré, tant pour ce qui concerne les objectifs que leurs conséquences en termes de rémunération variable afférente.

 

Bulletin rédigé par Maître Anthony PEILLET, Avocat à la Cour
1 ter, rue du Languedoc 31000 TOULOUSE

Bulletin JSA – SEPTEMBRE – OCTOBRE 2016

Bulletin rédigé par Maître Anette PAUL

Avocate spécialisée
BASTILLE AVOCATS
10 avenue Alsace Lorraine


Editorial

EN DROIT SOCIAL LE CHANGEMENT C’EST….PRESQUE MAINTENANT !

Voilà la loi Travail enfin publiée !

Le recours au Conseil constitutionnel franchi avec quelques mesures sanctionnées.

Reste à attendre les… 130 décrets d’application nécessaires à la mise en oeuvre d’une majorité des dispositions de la loi.

Pour la réforme de la procédure contentieuse, le dernier décret (du 20 mai 2016) a permis sa mise en application au 1er août 2016, cependant un recours a été déposé pour rupture d’égalité entre avocat et défenseur syndical. Deux circulaires ont été nécessaires en juillet pour préciser le décret !

La procédure devient écrite, et modifie l’approche de ce contentieux.

En matière de Sécurité Sociale un Décret permet (enfin) d’appréhender concrètement la réforme prévue par une Loi publiée plus de 7 mois en amont (LFSS du 21 décembre 2015).

La pratique du Droit Social est donc bouleversée dans tous ses aspects.

Reste à savoir comment ces différents textes seront mis en oeuvre par nos Tribunaux, et là le délai pour être fixé sur cette ou ces interprétations est… d’au minimum de 3 ans.
Actualité

RÉFORME DE LA PROCÉDURE DE CONTRÔLE URSSAF ET DE RECOUVREMENT CONTENTIEUX DES COTISATIONS
DÉCRET N° 2016-941 DU 08-07-2016 / JO DU 10-07-2016

L’article 19 de la loi de financement de la sécurité sociale pour 2016 (Loi n° 2015-1702 du 21 décembre 2015), a enfin son décret d’application, publié ce 10 juillet 2016.

A compter du 1er janvier 2017 et le passage obligatoire à la Déclaration Sociale Nominative (DSN), l’employeur devra procéder à une régularisation progressive des cotisations plafonnées d’un mois sur l’autre, la régularisation annuelle des cotisations plafonnées ne sera plus admises à compter de janvier.

Le décret précise que les erreurs sur la DSN ne seront pas sanctionnées dès lors qu’elles sont rectifiées sur la déclaration suivante et dans la limite de 5% des cotisations dues.

Il appartiendra à l’employeur de corriger sur l’échéance déclarative la plus proche ses erreurs, les cotisations afférentes devront être versées avec cette déclaration ou régularisée en cas de sommes indûment versées. Il n’y a donc plus de versement régularisateur en janvier N+1.

Les nouvelles contraintes enserrant les contrôles engagés à partir du 11 juillet 2016 sont les suivantes :

Procédure à respecter par l’URSSAF

Tout d’abord le contenu de la charte du cotisant contrôlée devient opposable à l’URSSAF.

Ensuite un délai de 15 jours minimum doit être respecté entre l’envoi (et non la réception) de l’avis de contrôle de l’URSSAF et la date de la première visite de l’agent chargé du contrôle (avant inspecteur du recouvrement).

Seul le contrôle portant sur la recherche d’infraction aux interdictions de travail dissimulé est exonéré du respect de cette procédure.

L’avis de contrôle doit désormais désigner son destinataire (le représentant légal de la personne morale contrôlée, sinon la personne physique)

Si le contenu de l’avis n’est pas modifié, le décret précise que l’avis de contrôle vaut pour l’ensemble des établissements de la personne contrôlée, sauf si l’avis énumère certains établissements.

Déroulement du contrôle

Il peut, désormais, être imposé que les documents à consulter soient présentés selon un classement nécessaire au contrôle et précisé par l’agent.

Si ces documents sont dématérialisés, l’agent doit préalablement informer par écrit le cotisant de sa volonté d’utiliser le matériel informatique du cotisant, qui devra mettre à disposition un utilisateur habilité à cette fin sur demandes. Le cotisant peut s’opposer à l’utilisation de cette procédure dématérialisée dans un délai de 15 jours, il doit alors indiquer :

– si il met à disposition les copies de documents, données et traitements nécessaires à l’exercice du contrôle sur fichier informatique selon la norme définie par l’agent. Ces copies seront détruites avant l’engagement de la mise en recouvrement.

– ou si il prend en charge lui-même tout ou partie des traitements automatisés, selon les instructions de l’agent.

Le défaut de réponse dans le délai de 15 jours vaut acquiescement à la mise en place par l’agent de traitements automatisés sur le matériel de la personne contrôlée (Art R243-59-1 Al 5 CSS)

L’audition des salariés reste possible, pour la recherche concernant le travail dissimulé le consentement doit être mentionné sur le PV d’audition, sa signature valant consentement, le cas échéant.

Le contrôle par échantillonnage et extrapolation ne nécessite plus que la communication préalable d’une adresse électronique à laquelle les règles de cette vérification sont explicitées. Tout désaccord écrit du contrôlé entraîne une réponse écrite de l’agent.

En cas d’opposition à l’utilisation d’une telle méthode, les documents seront par principe consultés chez le cotisant sauf autorisation de sa part pour un lieu extérieur.

Concernant le contrôle sur pièces, celui-ci est étendu aux structures occupant moins de 11 salariés, et si un contrôle sur place devient nécessaire, l’agent doit en informer la personne contrôlée. Si le délai de 3 mois est écoulé à compter de l’avis de contrôle, l’agent doit informer par courrier des manquements constatés, aucun nouveau contrôle ne pouvant alors intervenir sur la période antérieure à la date d’envoi de l’avis de contrôle.

LE CONTENU DE LA LETTRE OBSERVATION

Elle doit contenir pour chaque chef de redressement une motivation en droit et en fait, outre l’assiette et le mode de calcul appliqués.

Si une réponse lui est transmise dans les 30 jours, l’agent est tenu d’apporter une réponse détaillée à chaque observation circonstanciée. Cette réponse devra reprendre précisément les montants abandonnés et ceux maintenus.

Si la procédure fait apparaître un solde créditeur, l’URSSAF doit procéder à son remboursement dans un délai maximum de 4 mois suivant notification.

REDRESSEMENT

Le décret précise qu’un contrôle antérieur n’ayant pas donné lieu à observations peut constituer un argument de défense de l’entreprise contrôlée mais à la condition que l’URSSAF ait eu l’occasion, au vu des documents consultés, de se prononcer en toute connaissance de cause sur ces éléments et que les circonstances de droit et de fait au regard desquelles les éléments ont été examinés restent inchangées (code séc. soc. art. R. 243-59-7 nouveau).

Ainsi, est consacré la notion de décision implicite qui jusqu’alors était une création prétorienne des Tribunaux.

La personne contrôlée conserve la possibilité de se prévaloir d’une circulaire ou d’une instruction URSSAF régulièrement publiée pour les sommes mises en recouvrement n’ayant pas un caractère définitif.

L’organisme de recouvrement doit alors répondre dans le délai de 2 mois en précisant les montants annulés et ceux dont la personne reste redevable.

RECOUVREMENT CONTENTIEUX

Le contenu de la mise en demeure devra être plus précis, avec notamment les majorations et pénalités appliquées, l’historique des échanges durant le contrôle ainsi que des sommes réclamées, en précisant celles qui ont déjà été réglées.

Le délai de saisine de la commission de recours amiable (CRA)est porté à deux mois pour toute réclamation (à compter du 1er janvier 2017). La CRA devra par ailleurs renforcer la motivation de ces décisions.

Le décret fixe également l’amende à laquelle s’expose l’opposant à contrainte dont le recours est jugé dilatoire et abusif (soit 6 % des sommes dues avec un minimum de 150 euros par instance).

MAJORATION ET PÉNALITÉS DE RETARD

Le décret prévoit qu’aucune majoration ou pénalité ne sera appliquée si la régularisation est intervenue lors de la déclaration suivante et qu elle ne porte que sur un montant inférieur à 5% du montant des cotisations initiales

Enfin l’employeur peut toujours solliciter une demande de remise après avoir réglé les cotisations dues, sans avoir à démontrer sa bonne foi. Il est à noter que le travail dissimulé exclu toute remise.

Une remise de la majoration de 0,4% pourra être accordée en cas d’événement présentant « un caractère irrésistible et imprévisible ».

DÉTACHEMENT DE SALARIÉS ÉTRANGERS EN FRANCE
DÉCRET 2016-1044 DU 29-7-2016 / JO 31-762016

A compter du 1er octobre 2016, les employeurs établis à l’étranger détachant des salariés en France devront effectuer leur déclaration préalable de détachement par voie dématérialisée.

Pour cela, ils doivent se connecter sur www.sipsi.travail.gouv.fr (C. trav. art. R 1263-4-1 et R 1263-6-1 modifiés et C. transports art. R 1331-7 modifié).

L’obligation de transmission en ligne s’impose aux employeurs à compter du 1er janvier 2017 pour les attestations de détachement des salariés roulants ou navigants détachés par les entreprises de transport terrestre.

Ne pas oublier : Un exemplaire de l’attestation de détachement établie par une entreprise de transport terrestre pour un salarié roulant ou navigant détaché en France doit être remis à celui- ci et conservé à bord du véhicule (C. transports art. R1331-7 modifié).

Il est rappelé qu’est sanctionné par une amende (2000 € par salarié – 4 000 € en récidive – sans pouvoir dépasser 500 000 €) le fait de :

– ne pas avoir adressé une déclaration préalable au détachement à l’administration ;

– ne pas avoir désigné sur le territoire national un représentant chargé d’assurer la liaison avec les agents de contrôle ;

– ne pas présenter à l’inspection du travail, sur le lieu de réalisation de la prestation, des documents traduits en langue française permettant de vérifier le respect des dispositions relatives au détachement.

Le donneur d’ordre ou le maître d’ouvrage encourt les mêmes sanctions s’il n’a pas vérifié que l’employeur s’est acquitté des obligations de déclaration et de désignation d’un représentant sur le territoire national (Inst. DGT 2016-03 du 12-7-2016 n° 3.1.1 ; Circ. min. justice du 18-7-2016 n° II, A, 1).

LE PRINCIPE DE NEUTRALITÉ PEUT ÊTRE INSCRIT DANS LE RÈGLEMENT INTÉRIEUR DE L’ENTREPRISE
Loi 2016-1088 du 8 août 2016 art. 2

L’inscription dans le règlement intérieur de l’entreprise d’une clause relative au principe de neutralité est prévue mais encadrée par la loi.

L’article L 1321-2-1 nouveau prévoit que le règlement intérieur peut imposer aux salariés une restriction de la manifestation de leurs convictions – notamment politiques et religieuses – MAIS à condition que cette restriction :

– soit justifiée par l’exercice d’autres libertés et droits fondamentaux ou par les nécessités du bon fonctionnement de l’entreprise ;

– et soit proportionnée au but recherché.

Le gouvernement a indiqué qu’il présentera un guide à partir du 20 octobre pour permettre de mieux appréhender ces conditions. Le risque étant de se voir condamner pour discrimination si les restrictions ne sont pas proportionnées.

Mais en tout état de cause il appartiendra au juge d’apprécier la réalité et pertinence de ces deux éléments. La discrimination n’est en effet pas loin.

Il conviendra dès lors d’être vigilant lors de la rédaction d’une telle clause, ce d’autant plus que la Cour de justice de l’Union européenne a été saisie d’une question préjudicielle par notre Cour de Cassation portant sur le contour de la notion d’ exigence professionnelle essentielle et déterminante pouvant justifier une restriction à la liberté des salariés de manifester leurs convictions, dès lors que l’objectif soit légitime et que l’exigence soit proportionnée.

Nous en reparlerons donc dans quelques mois.

Jurisprudence

POURQUOI LA RÉDACTION DES CONTRATS SENSIBLES DEVRAIT ÊTRE CONFIÉE À SON AVOCAT EN DROIT SOCIAL

La Cour de Cassation vient de préciser que la circonstance que le salarié ait participé à la rédaction de sa propre clause de non-concurrence ne l’empêche pas d’en contester la validité en vue d’obtenir, éventuellement, la réparation de son préjudice.

En l’espèce il s’agissait d’un DRH qui a rédigé son contrat de travail et contesté après son licenciement la validité de la clause de non concurrence pour défaut de contrepartie financière.

La cour de cassation a estimé son action recevable et bien fondée dans la mesure où la clause litigieuse ne comportait pas toutes les dispositions nécessaires à sa validité.

Cass. soc. 6-7-2016 n° 15-10.987 F-D

ÉGALITÉ DE TRAITEMENT : LE COÛT DE LA VIE PEUT JUSTIFIER UNE DIFFÉRENCE DE RÉMUNÉRATION

Le principe « à travail égal, salaire égal » peut ne pas s’appliquer en présence de critère objectif justifiant une différence de rémunération entre salariés effectuant un même travail ou un travail de valeur égale.

La Haute juridiction vient de juger que la disparité du coût de la vie constatée (et démontrée) entre deux établissements peut constituer un critère licite de différenciation dont le juge doit contrôler la réalité et la pertinence.

En l’espèce, la différence de rémunération admise a été constatée entre un établissement situé en Région Parisienne et un autre situé à Douai (Les Hauts de France).

Cass Soc 146962016N°15-11.386 FS FBRI

 

Bulletin rédigé par Maître Anette PAUL, Avocate spécialisée BASTILLE AVOCATS
10 avenue Alsace Lorraine 38000 Grenoble

Bulletin JSA – AOÛT SEPTEMBRE 2016

Bulletin rédigé par Maître PHILIPPOT

SCP LEXOCIA
Avocat associé
5 rue de Berne  – 67300 SCHILTIGHEIM
40 rue Victor Schoelcher – 68200 MULHOUSE


Editorial

ACCROISSEMENT DES POUVOIRS DE CONTRÔLE ET DE SANCTION DE L’INSPECTION DU TRAVAIL : NOUVEAUX MOYENS DE PRESSIONS SUR LES ENTREPRISES ?

Bien moins médiatisée que la Loi Travail, l’Ordonnance du 7 avril 2016 relative au contrôle de l’application du droit du travail, en vigueur depuis le 1er juillet 2016, mérite tout autant d’attention de la part des employeurs.

La création de mesures de protection des salariés de moins de 18 ans ainsi que l’extension des possibilités d’arrêt temporaire des travaux dangereux par l’inspection du travail semblent relever de l’évolution normale de la réglementation vers la meilleure prévention possible des risques et s’inscrivent logiquement dans le rôle dévolu à cette institution.

En revanche, la création d’un mécanisme de transaction pénale suscite davantage d’interrogations.

L’administration peut renoncer à poursuivre pénalement l’auteur d’une infraction en contrepartie, notamment, du paiement d’une amende. Il conviendra alors de veiller à ce que cette procédure, en apparence amiable, ne devienne pas un formidable levier de pression conduisant l’entreprise à s’acquitter d’amendes plus ou moins justifiées. Et ce d’autant que le montant des amendes pénales est largement revalorisé par cette Ordonnance…

Par ailleurs, l’extension du champ d’application des amendes administratives, particulièrement pour des manquements relatifs au temps de travail, devrait renforcer l’intérêt de l’administration pour cette problématique qui, on le sait, représente un risque permanent et massif pour beaucoup d’entreprises. Corrélativement, on peut se demander si les syndicats et certains salariés n’y verront pas un instrument de pression utile à la défense de leurs propres causes.

Actualité

LA LOI TRAVAIL EST ENTRÉE EN VIGUEUR LE 10 AOÛT 2016 !

(Loi n° 2016-1088 du 8 août 2016 relative au travail, à la modernisation du dialogue social et à la sécurisation des parcours professionnels)

La tant controversée Loi El Khomri est finalement entrée en vigueur le 10 août dernier, à l’exception de quelques mesures subordonnées à la parution de décrets et de celles dont l’entrée en vigueur est différée par la loi elle-même.

Notons pour commencer que la première ambition de la Loi Travail est d’attribuer une place centrale à la négociation collective, en élargissant ses domaines de compétence et son champ d’action.

Chaque partie du Code du travail devra être réécrite selon une structure en trois parties :

– les dispositions impératives d’ordre public ;

– les dispositions relevant du champ de la négociation collective ;

– les dispositions supplétives qui s’appliquent à défaut d’accord collectif.

La Loi Travail met d’ores et déjà cette structure en place en matière de durée du travail, de congés payés et de congés spécifiques.

Par ailleurs, cette loi particulièrement dense contient un très grand nombre de nouvelles mesures impactant l’ensemble du droit du travail, notamment relatives à la négociation collective, la représentation du personnel, la durée du travail, l’organisation des congés, la santé au travail, la sécurisation des parcours professionnels, la protection des travailleurs vulnérables, la création de mesures destinées à favoriser l’emploi ou la lutte contre le détachement illégal.

Ce bulletin d’actualité ne visant ni à détailler ni à analyser l’ensemble du contenu de cette loi, nous vous présentons synthétiquement quelques nouveautés particulièrement notables.

• L’accord d’entreprise à 30 % sera remplacé par l’accord majoritaire

La loi prévoit de généraliser d’ici au 1er septembre 2019 le principe de l’accord majoritaire au niveau de l’entreprise et de l’établissement (à compter du 1er janvier 2017 aux accords collectifs qui portent sur la durée du travail, les repos et les congés). Elle prévoit toutefois la possibilité de consulter directement les salariés, si les syndicats représentatifs n’ont pas réussi à s’entendre sur un accord majoritaire.

• La loi cherche à améliorer le dialogue social

Différentes mesures sont prévues à cette fin, telles que des accords de méthode pour encadrer la négociation, des formations communes aux acteurs de la négociation collective, l’obligation de définir le calendrier des négociations obligatoires ou celle pour les conventions ou accords collectifs de définir leurs conditions de suivi et de comporter des clauses de rendez-vous.

• Les crédits d’heures des représentants syndicaux sont relevés

Le crédit d’heures mensuel des délégués syndicaux est porté à 12 heures dans les entreprises ou établissements de 50 à 150 salariés, 18 heures dans les entreprises ou établissements de 151 à 499 salariés et 24 heures dans les entreprises ou établissements d’au moins 500 salariés.

Le crédit d’heures alloué au délégué syndical central et celui dont dispose chaque section syndicale en vue de la préparation de la négociation d’une convention ou d’un accord, au profit de son ou ses délégués syndicaux et des salariés de l’entreprise appelés à négocier cette convention ou cet accord, sont également augmentés.

• En matière de durée du travail : la loi consacre la primauté de l’accord d’entreprise sur la convention collective

Cette primauté de l’accord d’entreprise qui existait déjà en matière de forfaits jours ou d’organisation du temps de travail sur une période supérieure à la semaine voit son domaine élargi à de nombreux aspects de la durée du travail, comme la majoration des heures supplémentaires, le travail de nuit ou le repos quotidien.

• En matière de santé au travail : plusieurs changements importants interviendront dès la publication des décrets d’application

La procédure de reconnaissance de l’inaptitude d’un salarié à son poste sera totalement modifiée et les règles applicables aux inaptitudes d’origines professionnelles ou non professionnelles seront unifiées.

Notons par ailleurs que la visite médicale d’embauche sera remplacée par une visite d’information et de prévention et que l’importance du suivi médical des salariés sera adaptée en fonction des conditions de travail, de l’état de santé et de l’âge des salariés, ainsi que les risques professionnels auxquels ils sont exposés.

• Le compte personnel d’activité présenté comme l’une des mesures principales de cette Loi fonctionnera à compter du 1er janvier 2017

Il regroupera trois comptes : le compte personnel de formation, le compte personnel de prévention de la pénibilité et le compte d’engagement citoyen.

• La Loi crée un nouvel outil d’adaptation de l’organisation de l’entreprise à son activité : l’accord de préservation ou de développement de l’emploi

Cet accord prévu dans les nouveaux articles L. 2254-2 et suivants du Code du travail n’est pas subordonné à l’existence de difficultés économiques, contrairement à l’accord de maintien dans l’emploi, qui continue d’ailleurs d’exister.

Les stipulations de l’accord de préservation ou de développement de l’emploi se substituent de plein droit aux clauses contraires et incompatibles du contrat de travail, y compris en matière de rémunération et de durée du travail. L’accord ne peut cependant pas avoir pour effet de diminuer la rémunération mensuelle du salarié.

• La Loi fixe des critères d’appréciation des difficultés économiques pouvant justifier un licenciement économique

A compter du 1er décembre 2016, les difficultés économiques pourront être caractérisées soit par l’évolution significative d’au moins un indicateur économique tel qu’une baisse des commandes ou du chiffre d’affaires, des pertes d’exploitation ou une dégradation de la trésorerie ou de l’excédent brut d’exploitation, soit par tout autre élément de nature à justifier de ces difficultés.

Jurisprudence

LA COUR DE CASSATION SÉCURISE LES CONVENTIONS TRIPARTITES ORGANISANT LES MUTATIONS INTRAGROUPE

Cass. soc. 8 juin 2016, n° 15-17.555, Mme X/SGI ingénierie et SGI Consulting International

Les conventions tripartites organisant les mutations de salariés entre deux entreprises d’un même groupe prévoient à la fois la rupture du contrat de travail avec la première entreprise et la poursuite des relations contractuelles avec la seconde.

Or, leur validité juridique semblait fragilisée depuis l’arrêt de la Cour de cassation qui a jugé que, sauf dispositions légales contraires, la rupture d’un CDI par accord des parties ne peut intervenir que dans le cadre de la rupture conventionnelle (Cass. soc. 15 octobre 2014, n° 11- 22.251, Mme Caroline X/Bar des Thermes).

Dans cette décision de 2016, la Cour précise que les mutations intra-groupe ne relèvent pas du champ d’application de son arrêt de 2014 : « Attendu que les dispositions de l’article L. 1237-11 du code du travail relatives à la rupture conventionnelle entre un salarié et son employeur ne sont pas applicables à une convention tripartite conclue entre un salarié et deux employeurs successifs ayant pour objet d’organiser, non pas la rupture, mais la poursuite du contrat de travail ».

Cette solution pratique et de bon sens ne peut qu’être approuvée. Notons toutefois qu’il doit bien s’agir d’une poursuite du contrat initial, ce qui implique à tout le moins une reprise de l’ancienneté.

LE LICENCIEMENT D’UN « LANCEUR D’ALERTE » DE BONNE FOI EST NUL

Cass. soc., 30 juin 2016, n° 15-10.557, M. X/ l’Association guadeloupéenne de gestion et de réalisation des examens de santé et de promotion de la santé

Dénoncer des faits susceptibles de caractériser des infractions pénales relève de la liberté d’expression. Voilà l’enseignement précieux de cet arrêt.

En effet, une fois la qualification juridique opérée, le régime applicable en découle et est bien connu : le licenciement d’un salarié en raison de l’exercice d’une liberté fondamentale est nul.

Sur le fondement de l’article 10 § 1 de la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales, la Cour pose ainsi le principe selon lequel : « en raison de l’atteinte qu’il porte à la liberté d’expression, en particulier au droit pour les salariés de signaler les conduites ou actes illicites constatés par eux sur leur lieu de travail, le licenciement d’un salarié prononcé pour avoir relaté ou témoigné, de bonne foi, de faits dont il a eu connaissance dans l’exercice de ses fonctions et qui, s’ils étaient établis, seraient de nature à caractériser des infractions pénales, est frappé de nullité ».

Cette décision risque de connaître une très large portée dans la mesure où l’exercice de la liberté d’expression ne connaît presqu’aucune limite.

On constate en effet, à la lecture de l’arrêt, que la Cour ne limite pas la protection accordée aux seules dénonciations adressées à une autorité administrative ou judiciaire. La note explicative publiée par la Cour le confirme : la protection s’applique « de façon plus générale, dès lors [que les faits illicites] sont dénoncés à des tiers ». La dénonciation à la presse ou sur internet devrait donc également bénéficier de cette protection sur le fondement de la liberté d’expression.

La seule réserve apportée par la Cour est logique, le salarié doit avoir dénoncé de bonne foi.

Les employeurs sont donc prévenus. La décision de licencier un salarié par le non-respect de la confidentialité, de la déloyauté ou la volonté de nuire à l’entreprise devra être d’autant mieux réfléchie.

 

Bulletin rédigé par Maître Olivier PHILIPPOT, avocat associé SCP LEXOCIA – Wurmser-Schwach-Frezard-Widmer-Philippot
5 rue de Berne – 67300 SCHILTIGHEIM  //  40, rue Victor Schoelcher – 68200 MULHOUSE

Bulletin JSA – JUIN-JUILLET 2016

Bulletin rédigé par Maître Sylvie RUEDA-SAMAT

SELARL RINGLE ROY & ASSOCIES
46 rue Saint-Jacques
13006 MARSEILLE


Editorial

RÉFORME DU DROIT DU TRAVAIL : UN OUTIL DE MODERNISATION ET DE PERFORMANCE ÉCONOMIQUE DE LA FRANCE ?

À la faveur de la crise et des politiques d’austérité, le droit du travail est érigé comme la cause principale du niveau élevé du chômage et de la faible croissance que connaît la France comparée à ses voisins européens au premier rang desquels la Grande Bretagne et l’Allemagne. La réforme du droit du travail apparaît donc comme un enjeu économique majeur, objet de la dernière réforme d’envergure du quinquennat Hollande.

Alors que le décret n° 2016-660 du 20 mai 2016 pris en application de la loi Macron du 6 août 2015, fixant les nouvelles règles de la procédure prud’homale est paru, aussi discrètement que la loi, au JO du 25 mai 2016, la loi travail suscite, quant à elle, toujours une large opposition.

Après le passage en force avec l’article 49.3 face à l’Assemblée, l’examen du texte a débuté au Sénat le 13 juin. Cependant, malgré les changements apportés par le gouvernement, ce texte réformant le code du travail suscite depuis le 9 mars dernier, des levées de boucliers d’une partie de la population et des syndicats.

Au lendemain des violentes manifestations qui ont eu lieu à Paris, Manuel VALLS a affirmé qu’il ne reviendrait pas sur la loi travail. Reste à voir si ce vœu ne restera pas pieux à l’approche des prochaines échéances électorales…

Actualité

LA NOUVELLE ARCHITECTURE DE LA PROCÉDURE PRUD’HOMALE

Dans le but affiché de favoriser la résolution amiable des différends et en cas de contentieux, de réduire les délais de traitement des litiges, la loi Macron du 6 août 2015, dite pour la croissance, l’activité et l’égalité des chances, a bouleversé les fondements de l’architecture de la procédure prud’homale.

Le décret n° 2016-660 du 20 mai 2016 pris en application de la loi du 6 août 2015, relatif à la justice prud’homale et au traitement judiciaire du contentieux du travail, paru au JO du 25 mai 2016 apporte des modifications importantes à la procédure prud’homale.

Les grands axes de la réforme peuvent être résumés comme suit :

1. Plusieurs modes alternatifs de règlement des litiges, jusqu’à présent inapplicables aux litiges employeurs/salariés sont désormais ouverts et soumis aux textes du Code de procédure civile relatifs à la résolution amiable des différends :

La médiation conventionnelle :

L’article 31 du décret abroge et remplace les articles R. 1471-1 et R. 1471-2 du Code du travail, qui réservaient le recours à la médiation aux seuls conflits transfrontaliers.

Désormais, cette médiation est envisageable avant la saisine du conseil de prud’hommes.

Par ailleurs, le bureau de conciliation et d’orientation ou le bureau de jugement pourra également, quel que soit le stade de la procédure, désigner un médiateur, si les parties l’acceptent ou leur enjoindre d’en rencontrer un.

L’éventuel accord devra être homologué par la juridiction prud’homale.

La convention de procédure participative :

Elle peut être conclue tant qu’aucun juge n’est saisi et consiste, pour les parties à s’engager, pour une durée déterminée, à chercher une solution amiable à leur différend sans saisir le juge pendant la durée de la convention.

En cas d’échec de celle-ci, les parties ne sont pas dispensées de la phase obligatoire de conciliation lorsque les parties saisissent le conseil de prud’hommes. Le régime de cette procédure est fixé aux articles 2062 à 2066 du Code civil.

Par ailleurs, même en cas d’échec de la convention de procédure participative, la médiation ne sera pas interdite.

2. Saisine du conseil de prud’hommes :

La demande en justice peut désormais être formée soit par la présentation des parties devant le bureau de conciliation et d’orientation soit par une requête (art. R 1452-1 C. trav.) déposée en autant d’exemplaires qu’il existe de défendeurs outre celui destiné à la juridiction, qui devra pour les instances introduites à compter du 1er août 2016, contenir un exposé sommaire des motifs de la demande et être accompagnée des pièces que le demandeur souhaite invoquer à l’appui de ses prétentions (art. R 1452-2 C. trav.).

Le greffe :

– Avise le demandeur par tous moyens du lieu, jour et heure de l’audience (art. R. 1452-3 C. trav).

– Invite le demandeur à adresser ses pièces au défendeur avant la séance ou l’audience et indique qu’en cas de non-comparution sans motif légitime, il pourra être statué en l’état des pièces et moyens contradictoirement communiqués par l’autre partie(art. R. 1452-3 C. trav.).

– Convoque le défendeur par lettre recommandée avec accusé de réception comportant des mentions obligatoires (art. R 1452-4 C. trav.) et notamment l’avertissement selon lequel en cas de non-comparution sans motif légitime, il pourra être statué en l’état des pièces et moyens contradictoirement communiqués par l’autre partie.

La convocation du défendeur vaut citation en justice (art. R 1452-5 C. trav.).

3. Procédure devant le conseil de prud’hommes :

Respect du principe du contradictoire :

L’avis du greffe invite désormais les parties à communiquer leurs pièces avant l’audience.

À défaut pour les parties de respecter les modalités de communication fixées, le bureau de jugement doit écarter des débats les prétentions, moyens et pièces communiqués sans motif légitime après la date fixée pour les échanges et dont la tardiveté porte atteinte aux droits de la défense (art. R 1454-19 al. 3 C. trav.).

Assistance et représentation :

– Désormais les parties se défendent elles-mêmes. Elles peuvent se faire assister ou représenter (article R 1453-1 C. trav.).

– Les personnes habilitées à assister ou représenter les parties sont les mêmes sous la réserve que l’article 10 du décret remplace les termes délégués permanents ou non permanents des organisations d’employeurs et de salariés par une formule plus générale défenseurs syndicaux (article R 1453-2 C. trav.).

– Le représentant, à l’exclusion de l’avocat, doit justifier d’un pouvoir spécial qui doit, le cas échéant, l’autoriser à concilier et à prendre part aux mesures d’orientation (article R 1453-2 C. trav.).

– Les parties représentées ou assistées d’un avocat doivent déposer des conclusions récapitulatives développant leur argumentation en fait et en droit avec indication des pièces invoquées à l’appui de chaque prétention. Un bordereau énumérant les pièces versées aux débats doit être annexé aux écritures. Le conseil de prud’hommes ne pourra donc statuer que sur les prétentions visées au dispositif lequel devra reprendre les conclusions antérieures sauf à ce que les parties abandonnent certaines demandes et certains moyens (article R 1453-4 C. trav.). Il pourra rejeter les pièces et écritures qui n’auront pas été préalablement communiquées.

Un rôle d’orientation pour le bureau de conciliation

Le bureau de conciliation est rebaptisé bureau de conciliation et d’orientation.

Le bureau de conciliation dispose en effet désormais de pouvoirs élargis afin d’orienter l’affaire devant une des différentes formations du bureau de jugement :

– Juger l’affaire en l’état des pièces et moyens que la partie comparante a contradictoirement communiqués si, sans motif légitime, une partie ne comparaît pas. Dans ce cas, le bureau de conciliation et d’orientation statue en tant que bureau de jugement en formation restreinte (art. L 1553-1-3 C. trav.).

En pratique les salariés auront donc intérêt à communiquer leurs pièces à leur adversaire dès la saisine et les employeurs devront impérativement être présents ou représentés, sauf à prendre le risque d’être jugés immédiatement et en leur absence.

– Prononcer la caducité par application de l’article 468 du Code de procédure civile si au jour fixé pour la tentative de conciliation, le demandeur ne comparaît pas et que le défendeur ne sollicite pas un jugement (art. R 1454-12).

– Ordonner le report en cas d’absence justifiée. Dans ce cas, une nouvelle date d’audience est communiquée aux parties.

– En cas d’échec de la conciliation, le bureau de conciliation et d’orientation assure la mise en état de l’affaire, après avoir le cas-échéant désigné si besoin un ou deux conseillers rapporteurs, jusqu’à la date qu’il fixe pour l’audience de jugement et définit les modalités de la mise en état (séances de mise en état ou communication par LRAR ou par notification entre avocats dont il est justifié auprès du bureau de conciliation dans les délais impartis).

– Le bureau de conciliation pourra pendant la mise en état entendre chacune des parties séparément et dans la confidentialité et les inviter à fournir les explications nécessaires à la solution du litige ainsi que leur enjoindre de produire des pièces et éléments destinés à éclairer le conseil de prud’hommes (art. R 1454-1 C. trav.) à peine de radiation ou de renvoi devant le bureau de jugement (art. R 1454-2 C. trav.).

– En l’absence de conciliation ou de conciliation partielle, le bureau de conciliation pourra :

1/ renvoyer sur le champ l’affaire devant le bureau de jugement si l’organisation des audiences le permet et si l’affaire peut être jugée immédiatement (art. R. 1454-18, al. 3 C. trav.).

2/ ou renvoyer l’affaire devant le bureau de jugement réuni soit en formation restreinte, soit en formation classique ou en formation de départage.

> La formation restreinte est la principale création de la loi: elle est composée d’un conseiller employeur et d’un conseiller salarié, chargés de statuer dans un délai de 3 mois (art. L 1454-1-1, 1 C. trav.). Peuvent être renvoyés devant cette formation les litiges portant sur un licenciement ou une demande de résiliation judiciaire du contrat de travail, à condition que les parties aient donné leur accord.

> La formation classique est composée de quatre conseillers prud’hommes.

> La formation de départage est composée de quatre conseillers et d’un juge du tribunal de grande instance et pourra désormais être saisie directement à la demande des parties et non plus seulement lorsque les autres formations n’auront pas réussi à s’entendre.

Le décret rappelle que le juge départiteur n’est plus le juge d’instance mais un juge du tribunal de grande instance désigné par le président de ce dernier (art. R. 1423-33 C. trav.).

Une obligation d’information du juge quant au prononcé du jugement.

Les parties doivent être informées tant par le président du bureau de jugement (art. R 1454-25 C. trav.) que par le juge départiteur (art. R 1454- 31 C. trav.) de la date à laquelle le jugement sera prononcé. En cas de report de celui-ci à une date ultérieure, le juge doit en informer les parties par tous moyens en expliquant le ou les motifs de la prorogation.

4. Référé : Un nouvel article R 1455-2 est inséré au Code du travail.

Lorsque le conseil de prud’hommes statue en la forme des référés, il exerce les pouvoirs dont dispose la juridiction au fond et statut par ordonnance ayant l’autorité de la chose jugée relativement aux contestations qu’elle tranche.

Cette ordonnance est exécutoire à titre provisoire. Saisie à tort, la formation de référé peut renvoyer l’affaire devant le bureau de jugement dans les conditions prévues à l’article R 1455-8 du Code du travail.

5. Procédure en appel : Autre grande innovation de la procédure prud’homale, les instances et appels introduits à compter du 1er août 2016, devront faire l’objet d’une représentation obligatoire au choix soit par un avocat soit par un défenseur syndical.

6. Procédure devant le tribunal d’instance juge du contentieux préélectoral :

Lorsque la contestation porte sur une décision de l’autorité administrative mentionnée à l’article R 2314-26 C. trav., la déclaration n’est recevable que si elle est faite par la partie intéressée dans les quinze jours suivant la notification de la décision administrative, avec mention des voies et délais de recours, par lettre recommandée avec accusé de réception.

Saisi dans ce délai d’ordre public, le juge d’instance statue en premier et dernier ressort, les parties ne pouvant bénéficier que d’un pourvoi en cassation pour contester le jugement.
*********

Les principaux changements instaurés par la loi Macron, principalement destinés à accélérer les délais de traitement des affaires vont donc pouvoir être mis en œuvre.

L’avenir nous dira s’ils se sont avérés efficace.

En attendant, l’on ne peut que s’étonner que la représentation soit désormais obligatoire en appel dès lors que l’objectif de la loi Macron était notamment de relancer l’économie en pariant sur la mise en concurrence de certaines professions, la déréglementation et la simplification afin d’améliorer concrètement et rapidement la vie des français.

Jurisprudence

PAS DE RÉPARATION AUTOMATIQUE EN CAS DE CLAUSE DE NON-CONCURRENCE NULLE

(Cassation sociale 25 mai 2016, n°14-20.578, Pascal X/SAS UFIFRANCE PATRIMOINE)

En l’espèce, M. X a été engagé par la société Unifrance en qualité de démarcheur chargé de suivre et développer une clientèle de particuliers. Le salarié a pris acte de la rupture de son contrat de travail, après avoir été convoqué à un entretien préalable à son éventuel licenciement. En appel, il est débouté de sa demande d’indemnisation du préjudice résultant de l’illicéité et de l’annulation de la clause de non-concurrence découlant de l’absence de contrepartie financière. Ce dernier s’est donc pourvu en cassation. La Cour de cassation rejette le pourvoi confirmant que l’existence d’un préjudice et l’évaluation de celui-ci relèvent du pouvoir souverain des juges du fond.

Cet arrêt va dans le même sens que l’arrêt rendu le 13 avril 2016 par la chambre sociale (n° 14-28.293 (M. X / Société RQS) aux termes duquel la Cour de cassation a jugé que le salarié qui entend obtenir des dommages et intérêts pour délivrance tardive du certificat de travail et du bulletin de paie doit établir la réalité du préjudice que ce retard lui a causé, ce point relevant de l’appréciation souveraine des juges du fond.

ÉVOLUTION DANS L’APPLICATION DE L’OBLIGATION DE SÉCURITÉ DE RÉSULTAT EN MATIÈRE DE HARCÈLEMENT MORAL :

L’employeur ne peut s’exonérer de sa responsabilité que s’il est établi qu’il a pris toutes les mesures de prévention, notamment en mettant en oeuvre des actions d’information et de formation. (Cassation sociale 1er juin 2016, n° 14-19.702 (M. X/Société FINIMETAL)

Dans cette espèce, pour rejeter la demande de paiement de dommages et intérêts formée par le salarié victime de harcèlement moral, la cour d’appel a retenu que les dispositifs de prévention du harcèlement moral ne pouvaient avoir principalement pour objet que de faciliter la possibilité pour les victimes d’alerter, directement ou par l’intermédiaire de représentants qualifiés du personnel, leur employeur. En l’espèce, l’employeur justifiait avoir modifié son règlement intérieur pour y insérer une procédure d’alerte en matière de harcèlement moral et avoir mis en oeuvre, dès qu’il a eu connaissance des faits litigieux, une enquête interne et une réunion de médiation avec le médecin du travail, le directeur des ressources humaines et trois membres du comité d’hygiène, de sécurité et des conditions de travail.

La Haute juridiction a pourtant cassé l’arrêt au motif qu’en statuant ainsi, sans qu’il résulte de ses constatations que l’employeur avait pris toutes les mesures de prévention visées aux articles L. 4121-1 et L. 4121-2 du code du travail et, notamment, avait mis en oeuvre des actions d’information et de formation propres à prévenir la survenance de faits de harcèlement moral, la cour d’appel avait violé les textes susvisés.
 Maître Sylvie RUEDA-SAMATSELARL RINGLE ROY & Associés
46, rue Saint-Jacques 13006 MARSEILLE

Bulletin JSA – AVRIL – MAI 2016

Bulletin rédigé par Maîtres Frantz-Michel WELSCH, Julie DUBAND, Mélina VARSAMIS

SCP WELSCH & KESSLER
Avocats
57 rue du Faubourg de Pierre
67000 STRASBOURG


Éditorial

PARADOXE LÉGAL ET ORTHODOXIE DANS L’ENTREPRISE ?

L’article 6 du préambule qui introduirait les dispositions d’un nouveau Code du Travail est rédigé de la manière suivante :

«La liberté du salarié de manifester ses convictions, y compris religieuses, ne peut connaître de restrictions que si elles sont justifiées par  l’exercice d’autres libertés et droits fondamentaux, ou par la nécessité de l’entreprise et si elles sont proportionnées au but recherché»

Qu’entend-on par manifestation de ses convictions religieuses ?

Est-ce simplement porter un signe particulier ou un vêtement spécifique ?

Est-il question de rite religieux ?

Faut-il envisager un prosélytisme par la parole ou par l’écrit ?

Doit-on envisager des comportements discriminants ?

L’article 9 de la Convention Européenne des Droits de l’Homme, intitulé «Liberté de penser, de conscience et de religion» place très haut le seuil de cette liberté de manifester sa religion, puisque cette manifestation peut intervenir en public ou en privé, par le culte, l’enseignement, les pratiques et l’accomplissement des rites.

Il revient donc à l’employeur, au regard de ce texte, de gérer un conflit entre les principes de liberté  religieuse, et de bon fonctionnement de l’entreprise.

Tolérance, accommodement, ignorance ou réaction plus ou moins sévère, où placer le curseur ?

Certes, contrairement à  l’employeur de droit public qui se doit de faire respecter le principe de laïcité, l’employeur de droit privé ne peut se prévaloir de ce principe mais, de façon plus concrète et finalement moins dogmatique, faire en sorte que l’exécution du contrat de travail ne soit pas  perturbée par le fait religieux.

Comment réagir si le salarié refuse de passer une visite médicale du fait du sexe du Médecin du Travail, de travailler avec une personne de sexe différent, ou de convictions différentes, d’exiger le respect de règles alimentaires, de refuser de travailler en fonction d’un calendrier religieux, ou  d’obligations tel le jeûne ?

Entre la conclusion du contrat de travail et l’exécution de celui-ci, les situations individuelles peuvent évoluer.

Il faut rappeler que, paradoxalement, l’employeur, auquel il est demandé de respecter la liberté religieuse de son salarié, n’a pas la liberté  d’interroger celui-ci lors de l’embauche sur ses choix confessionnels compte tenu des dispositions sévères de l’article 1132-1 du Code du Travail.

L’employeur peut cependant se référer à l’article L. 1133-1 du Code du Travail.

«Cependant sont admises les différences de traitement, lorsqu’elles répondent à une exigence professionnelle essentielle et déterminante et  pour autant que l’objectif soit légitime et l’exigence proportionnée».

Ainsi, la réaction de l’employeur et  la  sanction disciplinaire envisagée par celui-ci ne devront viser, en aucune manière, l’expression d’une foi ou d’une religion, ou la mise en œuvre d’un rite.

Il s’agira de s’en tenir à l’absence injustifiée au poste de travail, au comportement discriminatoire à l’égard de collègues, à  des  propos  insultants  et  injurieux, au refus d’exécuter telle ou telle tâche contractuelle, au défaut de respect du règlement intérieur validé, etc…

Par ailleurs, l’employeur peut-il tenir compte du souhait d’un client qui n’entend plus être en relation avec des salariés marquant leur choix religieux  par une tenue vestimentaire ou un comportement ?

La gêne ou la sensibilité de la clientèle de l’entreprise qui pourrait être éprouvée à la seule vue d’un signe d’appartenance religieuse, constitue-t-elle  un critère, étranger à toute discrimination, justifiant de faire valoir des intérêts économiques ou commerciaux sur des libertés fondamentales du salarié… ? La  question est posée par la Cour de Cassation à la Cour de Justice de l’Union Européenne !

La patience, la prudence et la fermeté s’imposent, le fait religieux ne devant pas mettre en danger l’organisation et la productivité de l’entreprise.

Actualité

UN DOCUMENT SIMPLE ET DANGEREUX !

L’employeur doit être vigilant dans la rédaction du bulletin de salaire dans la mesure où l’omission de certaines mentions peut conduire à des sanctions, et/ou la  rédaction erronée d’autres mentions pourrait créer une présomption.

Une simple mention n’est pas forcément opposable à l’employeur ou au salarié !

La Cour de Cassation rappelle que la mise en place d’un forfait jour sur l’année ne pouvait résulter d’une simple mention sur le bulletin de paie  (Cass.  Soc. 04.11.2015, n° 14.10419).

MENTIONS OBLIGATOIRES

Malgré plusieurs simplifications, le  bulletin de salaire demeure soumis à un formalisme strict, dont  le non-respect entraîne des sanctions.

Les articles R.3243-1 à R.3243-5 du Code du Travail listent de manière exhaustives mentions devant obligatoirement y figurer.

MENTIONS DANGEREUSES

Certaines mentions sur le bulletin de salaire emportent des présomptions au bénéfice du salarié.

La mention d’une convention collective sur le bulletin de paie vaut présomption de l’applicabilité de la convention collective.

L’employeur a cependant la possibilité d’apporter la preuve contraire en démontrant qu’une seule autre convention collective est applicable au regard de l’activité réelle et principale de l’entreprise et que la convention mentionnée sur le bulletin de paie résulte d’une erreur (Cass. Soc. 15.11.2007, n° 06-44008 ; Cass. Soc. 01.07.2008, n° 07-41473).

L’application de la convention collective mentionnée sur le bulletin de salaire est limitée aux seules prévisions qui sont transposables dans    l’entreprise en question (Cass.  Soc.16.12.2005, n° 03-40888).

L’absence d’informations sur la convention collective applicable cause nécessairement un préjudice au salarié lui ouvrant droit à indemnisation (Cass. Soc. 19.05.2004, n°02-44671), en tout cas jusqu’au récent arrêt de la Chambre Sociale de la Cour de Cassation,du 13 avril 2016 (n° 14-28293).

Les dates de congés et le montant de l’indemnité correspondante sont des mentions obligatoires du bulletin de salaire.

Lorsqu’au-delà de la période de prise des congés, le bulletin de salaire mentionne les congés non pris par le salarié, cette mention vaut  reconnaissance par l’employeur que ces congés restent dus (Cass. Soc. 30.03.1999, n° 97-41257).

OMISSIONS DANGEREUSES

L’absence de mentions obligatoires sur le bulletin de salaire emporte pour l’employeur un risque de sanction.

Le nom et l’emploi du salarié, ainsi que sa position dans la classification conventionnelle (niveau ou coefficient hiérarchique) doivent être indiqués sur le bulletin de salaire.

Ces deux mentions sont cumulatives dans la mesure où elles permettent la vérification de l’adéquation de la rémunération par rapport aux fonctions  réellement exercées, à défaut de ces mentions la Cour de Cassation considère que le  salarié subit un préjudice susceptible de réparation.

L’employeur doit également veiller à indiquer la période et le nombre d’heures de travail auxquels se rapporte le salaire en distinguant, s’il y a  lieu, les heures payées au taux normal de celles qui comportent une majoration pour heures supplémentaires ou pour toute autre cause (jour férié, travail de nuit, etc…) et en mentionnant le ou les taux appliqués aux heures correspondantes.

A défaut, et si intentionnellement seule une partie des heures réellement effectuées a été mentionnée, cela constitue un délit de travail dissimulé (article L. 8221-5 du Code du Travail).

MENTIONS INTERDITES

Il sera rappelé qu’il ne doit être aucunement fait mention sur le bulletin de salaire de l’exercice du droit de grève par le salarié (article  R.3243-4  du Code du Travail).

Pour toute heure ne correspondant pas à un travail effectif, il est préconisé d’apposer une mention neutre, telle que «absence non rémunérée».

Il ne doit pas non plus être fait état de l’activité de représentation du personnel, en conséquence la mention «heure de délégation» ne doit pas figurer sur le bulletin de salaire.

La Cour de Cassation fait une interprétation stricte de ce texte et interdit notamment que les heures de délégation puissent figurer sur le bulletin de salaire sous l’appellation «heures assimilées» ou «heures travaillées bis».

EFFETS DU BULLETIN DE SALAIRE

Malgré la délivrance d’un bulletin de salaire, et quand bien même le salarié l’aurait accepté sans protestation ni réserve, l’employeur doit prouver le  paiement du salaire.

La délivrance du bulletin de salaire ne vaut pas présomption de paiement du salaire.

La mention sur le bulletin de paie de la nature ou du montant des  sommes versées n’a pas pour effet de contractualiser les avantages qui sont  décrits (Cass.Soc.05.10.2010, n°08-45467).

Il  sera rappelé que l’employeur qui enfreint les dispositions légales relatives au bulletin de salaire encourt une amende de 450,00 € prévue pour les  contraventions de 3èmeclasse.

En outre, l’absence de délivrance de bulletins de salaire ou la délivrance d’un bulletin de salaire comportant des renseignements erronés ou lacunaires peut ouvrir droit pour le salarié à l’allocation de dommages et intérêts sans qu’il ait à apporter la preuve d’un préjudice.

LES ÉVOLUTIONS À VENIR (SIMPLIFICATION OU CLARIFICATION)

Les travaux de la Commission SCIBERRAS relatif à la simplification du bulletin de salaire ont donné lieu à un Décret du 25février 2016 n° 2016-190 relatif aux mentions figurant sur le bulletin de paie.

Depuis le 1er mars 2016, les entreprises peuvent remettre à leurs salariés un bulletin de paie simplifié.

Ce nouveau bulletin de salaire s’imposera à tous les employeurs dès le 1er janvier 2018 et dès le 1er janvier 2017 dans les entreprises d’au moins 300 salariés.

Cette «simplification» répond à un double objectif, celui de rendre le document plus compréhensible pour les salariés et de faciliter la gestion de la paie par l’entreprise.

La référence à l’organisme auquel l’employeur verse les cotisations sociales est supprimée, de même que le numéro sous lequel ces cotisations sont versées.

Un certain nombre de nouvelles mentions font néanmoins leur apparition, à savoir l’assiette, le taux et le montant des cotisations qui devront apparaître sous la forme de 3 lignes distinctes, la première faisant figurer le montant, l’assiette et le taux de cotisation et contribution salariale et patronale avant la déduction des exonérations et exemptions.

La deuxième ligne fait la somme des exonérations et exemptions.

La dernière ligne doit comporter le montant total des sommes versées par l’employeur après soustraction du montant total des cotisations et contributions, des exonérations et exemptions applicables.

Il sera également obligatoire de faire mentionner sur le bulletin de salaire la rubrique dédiée au bulletin de salaire sur le service www.service-public.fr

Il est envisagé de faciliter la mise en place du bulletin de salaire électronique : l’employeur serait autorisé à procéder à la remise du bulletin de salaire sous forme électronique sauf opposition du salarié, ce qui permettrait de simplifier la question de la preuve de la remise du bulletin de salaire.

Jurisprudence

REQUALIFICATION DE CONTRATS DE TRAVAIL À DURÉE DÉTERMINÉ SUCCESSIFS EN CONTRAT DE TRAVAIL À DURÉE INDÉTERMINÉE

Dans un arrêt du 16 mars 2016 (n°15-11396), la Cour de Cassation s’est prononcée, pour la première fois, sur l’incidence de la perception  d’allocations chômage durant des périodes inter contrats sur le montant du rappel de salaire dû au salarié, en cas de requalification de ces contrats de travail  à durée déterminée successifs en contrat de travail à durée indéterminée.

Il est de jurisprudence constante qu’en cas de requalification de contrats de travail à durée déterminée successifs en contrat de travail à durée indéterminée, un salarié, qui démontre s’être constamment tenu à la disposition de son employeur pendant les périodes d’inter contrats, peut    obtenir un rappel de salaire pour lesdites périodes (Cass. Soc. 30.11.2010,  n°09-40160 ; Cass.  Soc.10.12.2014,  n°13-22422).

La Cour de Cassation avait déjà indiqué que l’inscription à POLE EMPLOI entre deux contrats de travail à durée déterminée n’excluait pas que le  salarié se soit tenu à la disposition de l’employeur (Cass.  Soc.25.06.2013,  n°11-22646).

Dans son arrêt du 16 mars 2016, la Cour de Cassation précise que le montant des rappels de salaire dus au titre de ces périodes inter  contrats n’est pas affecté par le versement d’allocations chômage au salarié.

INAPTITUDE : L’EMPLOYEUR N’A PAS L’OBLIGATION DE PRÉSENTER AU SALARIÉ DES OFFRES DE RECLASSEMENT PAR ÉCRIT

La Cour de Cassation précise qu’il ne résulte pas des dispositions de l’article 1226-2 du  Code  du  Travail, fixant le contenu de l’obligation  de reclassement dans le cadre d’une inaptitude non professionnelle, que les offres de reclassement doivent être présentées  par écrit par   l’employeur (Cass.Soc. 31.03.2016, n°14-28314).

L’absence d’écrit ne saurait être reprochée à l’employeur au titre d’un manquement à son obligation de reclassement;  cela reviendrait, pour la Cour, à ajouter  à la loi «une condition qu’elle ne prévoit pas».

En l’espèce, un salarié avait été reconnu inapte à son poste de travail, à la suite d’une maladie non professionnelle.

Une première offre de reclassement avait été adressée au salarié par l’employeur par pli recommandé.

Une réunion avait été organisée par l’employeur avec les délégués du personnel et le salarié,afin d’examiner d’autres possibilités de reclassement.

Toutes les offres de postes disponibles, conformes aux préconisations du Médecin du Travail, proposées par l’employeur, avaient été refusées par le salarié.

La Cour d’Appel d’AMIENS a considéré que l’employeur aurait dû faire le nécessaire pour proposer par écrit les postes évoqués au cours de la  réunion des délégués du personnel, et a considéré qu’à défaut d’avoir respecté cette formalité, l’employeur avait manqué à son obligation  de  reclassement  rendant le  licenciement dépourvu de toute cause réelle et sérieuse.

La Haute Juridiction a infirmé cette position, en se fondant sur les dispositions mêmes du Code du Travail relatives au reclassement du salarié, à la suite d’une inaptitude d’origine non professionnelle.

L’article 1226-2 du Code du Travail n’exige pas que l’offre de reclassement soit présentée par écrit, à la différence d’ailleurs des dispositions du code  du Travail concernant l’obligation de reclassement de l’employeur dans le cadre d’un licenciement pour motif économique.

Cette solution s’appliquerait-elle également dans le cadre d’une inaptitude d’origine professionnelle ?

L’article 1226-10 du Code du Travail est rédigé dans des termes similaires à l’article L 1226-2 et n’impose aucun formalisme particulier.

Toutefois, la consultation des délégués du personnel sur les possibilités de reclassement est requise et consignée, ce qui crée une situation différenciable de l’inaptitude d’origine non professionnelle.

En tout état de cause, si cette position de la Cour de Cassation assouplit l’obligation de l’employeur en matière de reclassement, reste toutefois la  problématique, en cas de litige, de l’exécution loyale et sérieuse de l’employeur de son obligation.

Les propositions de reclassement doivent être suffisamment précises quant au type de travail que l’employeur entend confier au salarié (Cass. Soc. 06.02.2001, n° 98-43272 ;Cass. Soc. 10.12.2002, n° 00-46231).

La charge de la preuve de l’impossibilité de reclassement repose toujours sur l’employeur (Cass. Soc.06.01.2010, n°08-44177).

Il reste donc fortement conseillé aux employeurs de formuler leurs propositions de reclassement par écrit, afin de pouvoir en justifier le cas  échéant,  et surtout de rapporter la preuve que les postes proposés sont conformes aux préconisations du Médecin du travail, et ce, de manière suffisamment précise.

La prudence reste de vigueur !

Bulletin rédigé par Maîtres Frantz-Michel WELSCH, Julie DUBAND et Mélina VARSAMIS, S.C.P. WELSCH & KESSLER
57 rue du Faubourg de Pierre 67000 STRASBOURG

Bulletin JSA – MARS 2016

Bulletin rédigé par Maîtres Pascales ROUVILLE et Mélanie THOMAS COTTEAUX et Yoann GONTIER

Avocats au Barreau de Rouen et Juriste
EPONA CONSEIL
19 rue Alfred Kastler
76130 MONT SAINT AIGNAN


Editorial

L’EMPLOYEUR PEUT DÉSORMAIS TRANSIGER AVEC L’URSSAF

Depuis le 18 février 2016, les employeurs peuvent transiger avec l’URSSAF.
En effet, le décret du 15 février 2016 est paru, en application de la loi du 22 décembre 2015.

Cette possibilité de transiger concerne les majorations et pénalités de retard, l’évaluation d’éléments de l’assiette des cotisations (notamment avantages en nature, frais professionnels), ainsi que le montant des redressements calculé par la méthode de l’évaluation forfaitaire (exemple : échantillonnage).

Le décret du 15 février 2016 détermine les modalités de mise en œuvre de la transaction qui s’assimilent, avouons-le, à une procédure en bonne et due forme :
saisine, délai de réponse, négociation, validation par une commission avec un nouveau délai, …, pour revenir à la case départ en cas d’échec.

L’avocat ou l’expert-comptable de l’entreprise ont désormais légitimité pour intervenir directement dans le cadre de cette négociation auprès du Directeur de l’URSSAF.

Cette nouvelle procédure, même si elle peut paraître pesante, constitue une avancée importante en ce qu’elle participe à un phénomène plus large de droit collaboratif et se calque ainsi sur les procédures de droit fiscal.

Attention toutefois : le décret précise que la transaction n’aura aucun effet et ne remettra pas en cause les observations faites par l’URSSAF (dans la lettre d’observations établie par l’Inspecteur), dans la mesure où la transaction n’a pas pour vocation à interpréter ni à remettre en cause le positionnement de cet organisme.

Ainsi, un cotisant ne pourra se prévaloir d’une transaction antérieure pour s’exonérer des observations faites lors du contrôle y afférent : la présomption de bonne foi tombera automatiquement, le cotisant étant considéré comme ayant été en effet, préalablement informé…

Ce qui signifie clairement que si une entreprise entend remettre en cause une interprétation ou une fausse appréciation de l’URSSAF, il sera nécessaire de contester le redressement devant la commission de recours amiable, puis devant le TASS…

Actualité

GÉOLOCALISATION : LES ENTREPRISES ONT JUSQU’AU 7 JUIN 2016 POUR SE METTRE EN CONFORMITÉ AVEC LES NOUVELLES EXIGENCES DE LA CNIL

La géolocalisation constitue un outil de contrôle et de gestion auquel ont de plus en plus fréquemment recours les entreprises pour localiser en temps réel la position géographique des véhicules utilisés par leurs salariés dans le cadre de l’exercice de leurs fonctions.

La jurisprudence encadre très strictement le recours à ce dispositif : dans la mesure où la géolocalisation permet de collecter de façon automatique des données à caractère personnel (la position géographique d’un individu physique), le système mis en place par l’employeur doit respecter les dispositions de la loi Informatique et Libertés du 6 janvier 1978 ainsi que celles de l’article L. 1121-2 du Code du travail.

Il en résulte que si l’employeur est en droit de contrôler et de surveiller son personnel pendant le temps de travail, c’est à la condition d’utiliser des moyens de contrôle qui soient justifiés par la nature de la tâche à accomplir et proportionnés au but recherché.

Par ailleurs, la mise en place d’un système de géolocalisation doit notamment être précédée d’une déclaration préalable auprès de la Commission Nationale de l’Informatique et des Libertés (CNIL).

Le 4 juin 2015, cet organisme a adopté une délibération qui modifie sa norme dite « simplifiée » n° 51 et qui a pour effet d’encadrer encore un peu plus la géolocalisation des véhicules mis à la disposition des salariés.

Les employeurs disposent d’un délai d’un an pour se mettre en conformité, soit jusqu’au 6 juin 2016.

DES CAS DE RECOURS ÉLARGIS

La nouvelle norme simplifiée n°51 de la CNIL précise et élargit les cas dans lesquels l’employeur est autorisé à géolocaliser les véhicules de ses salariés :

– le respect d’une obligation légale ou réglementaire imposant la mise en œuvre d’un dispositif de géolocalisation en raison du type de transport ou de la nature des biens transportés ;
– le suivi et la facturation d’une prestation de transport de personnes ou de marchandises ou d’une prestation de services directement liée à l’utilisation du véhicule, ainsi que la justification d’une prestation auprès d’un client ou d’un donneur d’ordre ;
– la sûreté ou la sécurité de l’employé lui-même ou des marchandises ou véhicules dont il a la charge, en particulier la lutte contre le vol du véhicule ;
– une meilleure allocation des moyens pour des prestations à accomplir en des lieux dispersés, notamment pour des interventions d’urgence ;
– le contrôle du respect des règles d’utilisation du véhicule définies par le responsable de traitement, sous réserve de ne pas collecter une donnée de localisation en dehors du temps de travail du conducteur ;
– le suivi du temps de travail, sous réserve qu’il s’agisse d’une finalité accessoire et uniquement lorsque ce suivi ne peut pas être réalisé par un autre moyen, et sous réserve notamment de ne pas collecter ou traiter de données de localisation en dehors du temps de travail des employés concernés.

Il convient de porter une attention particulière à ces cas de recours dans la mesure où l’indication dans la déclaration à effectuer auprès de la CNIL, de la ou des finalités poursuivies par le dispositif de géolocalisation, constitue une étape essentielle.

En effet, la Cour de cassation considère que le système de géolocalisation ne peut pas être utilisé par l’employeur pour d’autres finalités que celles qui ont été déclarées auprès de la CNIL (Cass. Soc. 3 novembre 2011, n°10-18.036).

En conséquence, au regard des nouvelles finalités admises par la CNIL, il est conseillé aux employeurs de compléter si besoin la déclaration établie antérieurement au 7 juin 2015, dès lors que les finalités qui ont été déclarées ne correspondent pas ou plus à l’utilisation réelle qui est faite du dispositif de géolocalisation.

DROIT À LA DÉSACTIVATION DU DISPOSITIF DE GÉOLOCALISATION

Par ailleurs, la nouvelle norme n° 51 de la CNIL interdit désormais expressément de collecter des données de localisation en dehors du temps de travail des salariés, en particulier lors des trajets domicile-lieu de travail et pendant les temps de pause des salariés.

A cet égard, la principale nouveauté réside dans le fait qu’il est désormais reconnu au salarié, un droit de désactivation du dispositif de géolocalisation, à l’issue de son temps de travail et pendant les temps de pause.

En conséquence, les employeurs doivent s’assurer que les dispositifs de géolocalisation dont sont équipés les véhicules de l’entreprise, permettent une désactivation par le salarié.

Si tel n’est pas le cas, il conviendra, et ce avant le 7 juin 2016, d’adapter le dispositif existant ou d’installer un nouveau dispositif permettant aux salariés de désactiver la géolocalisation.

En contrepartie de ce droit de désactivation, l’employeur est désormais autorisé à procéder à la collecte et au traitement des date et heure d’activation et de désactivation du dispositif afin de solliciter le cas échéant auprès du salarié des explications, en cas de désactivations trop fréquentes et/ou trop longues (ce qui permettra par exemple d’établir des pauses excessives).

Par ailleurs, il convient de rappeler que les représentants du personnel ne doivent, en aucun cas, faire l’objet d’une géolocalisation lorsqu’ils agissent dans le cadre de l’exercice de leur mandat.

MISE EN CONFORMITÉ AVANT LE 7 JUIN 2016

La délibération de la CNIL en date du 4 juin 2015 est entrée en vigueur à la date de sa publication au Journal Officiel, soit le 7 juin 2015.

Toutefois, la CNIL a prévu une période transitoire de 12 mois afin de permettre aux entreprises de se mettre en conformité avec les nouveaux cadres précités.

Cette période transitoire prendra fin le 7 juin 2016.

A cette date, si le dispositif dont sont équipés les véhicules de l’entreprise, est en conformité avec la nouvelle norme de la CNIL, à savoir :

– qu’il répond aux cas de recours susmentionnés,
– et que les salariés peuvent désactiver le système de géolocalisation en dehors de leur temps de travail, l’employeur est dispensé d’effectuer une nouvelle déclaration auprès de la CNIL, la déclaration accomplie par le passé restant valable.

En revanche, si le système en place n’est pas conforme, il convient de procéder à la mise en conformité et ce, avant le 7 juin 2016, étant précisé que là encore, aucune nouvelle déclaration CNIL n’est à effectuer.

Il convient de souligner l’importance de procéder à une mise en conformité à la nouvelle norme simplifiée n°51, des dispositifs existants et ce, avant la date précitée.

En effet, nous vous rappelons qu’à défaut, la collecte de données personnelles par l’intermédiaire du système de géolocalisation pourra entraîner :

– d’une part, la remise en cause de toute sanction disciplinaire qui serait fondée sur des données recueillies par l’intermédiaire d’un système de géolocalisation illicite,
– et d’autre part, la condamnation à d’éventuelles sanctions pénales, telle une condamnation à une peine de 5 ans d’emprisonnement et de 300.000 € d’amende (articles 226-16 et 226-16-1 du Code pénal).

Jurisprudence

LA FAUTE LOURDE N’EST PLUS PRIVATIVE DE L’INDEMNITÉ COMPENSATRICE DE CONGÉS PAYÉS

Dans une décision en date du 2 mars 2016 (n° 2015-523), le Conseil constitutionnel, saisi dans le cadre d’une question prioritaire de constitutionnalité, a jugé contraire à la Constitution, l’alinéa 2 de l’article L. 3141-26 du Code du travail qui autorisait jusqu’alors l’employeur à ne pas verser au salarié licencié pour faute lourde, une indemnité compensatrice pour les congés payés en cours d’acquisition au jour du licenciement (c’est à dire du 1er juin au 31 mai de l’année suivante).

Le Conseil constitutionnel a en effet déclaré cette disposition légale contraire au principe d’égalité devant la loi, dans la mesure où un autre article du Code du travail prévoit qu’il n’y a pas de perte de l’indemnité compensatrice de congés payés pour les salariés, licenciés pour faute lourde, dont l’employeur est affilié à une caisse de congés payés (BTP, transports, ports, spectacles).

Déjà en 2013, la Cour de cassation, dans son rapport annuel, avait préconisé une modification de l’article L. 3141-26 du Code du travail au regard de la Directive européenne « temps de travail» de 2003, qui garantit à tous les salariés un congé annuel minimal de quatre semaines, sans aucune exception.

Désormais, et sauf évolution législative (à l’occasion notamment du projet de loi dit « Travail »), tous les salariés sont donc placés sur un même pied d’égalité : que leur employeur soit affilié ou non à une caisse de congés payés, ils conservent le bénéfice de l’indemnité compensatrice, y compris en cas de licenciement pour faute lourde.

Par rapport à la faute grave, la faute lourde conserve pour seul intérêt de permettre à l’employeur d’engager la responsabilité pécuniaire du salarié aux fins de réparation du préjudice subi.

Cette déclaration d’inconstitutionnalité, a pris effet dès sa publication au Journal officiel, le 4 mars 2016.

Tous les salariés peuvent donc invoquer cette censure de l’alinéa 2 de l’article L. 3141-26 du Code du travail pour contester le non-versement de l’indemnité de congés payés, sauf, comme le précise le commentaire publié aux Cahiers du Conseil constitutionnel, « les personnes licenciées pour faute lourde qui ont engagé une procédure contentieuse close définitivement avant la publication de la décision, et celles licenciées pour faute lourde qui seraient à cette même date hors délai pour introduire une requête ».

VISITE MÉDICALE D’EMBAUCHE ET SANCTION PÉNALE

Dans un arrêt en date du 12 janvier 2016, la Chambre criminelle de la Cour de cassation rappelle que l’employeur doit s’assurer de l’effectivité de la visite médicale d’embauche, avant l’expiration de la période d’essai (article R. 4624-10 du Code du travail) et ce, même pour les contrats à durée déterminée de très courte durée (Cass. Soc. 12 janvier 2016, n° 14-87.695).

Pour ce faire, l’employeur ne peut pas se contenter de demander à ce qu’il soit procédé à une visite médicale d’embauche dans la déclaration préalable à l’embauche.

Il est donc conseillé aux employeurs de demander par un écrit spécifique au centre interentreprises de santé au travail dont ils relèvent, l’organisation de cet examen médical d’embauche. En effet, en cas de défaillance du service de santé au travail, l’employeur est autorisé par la suite à se retourner contre celui-ci pour obtenir réparation du préjudice causé par ses dysfonctionnements dans le suivi des salariés (Cass. 1ère civ., 19 décembre 2013, n° 12- 25.056).

A défaut, l’employeur s’expose à une sanction pénale, sous la forme d’une contravention de 5e classe (prononcée autant de fois qu’il y a de salariés concernés), comme l’a jugé la Cour de cassation dans l’affaire ayant donné lieu à l’arrêt précité (Cass. soc. 12 janvier 2016 précité).

Outre cette sanction pénale, il convient de rappeler que la non organisation de la visite médicale d’embauche avant l’expiration de la période d’essai, est également assortie d’une sanction civile : la Chambre sociale de la Cour de cassation considère en effet, pour sa part, que cela cause « nécessairement » un préjudice au salarié et qu’il doit automatiquement lui être attribué des dommages et intérêts à ce titre (Cass. Soc. 15 janvier 2014, n° 12-24.701).

TRANSPORTS ROUTIERS DE MARCHANDISES : LE TEMPS DE TRAJET PEUT CONSTITUER SOUS CERTAINES CONDITIONS UN TEMPS DE TRAVAIL EFFECTIF

La Cour de cassation a jugé, dans un arrêt en date du 12 janvier 2016, que les trajets effectués par un conducteur routier de marchandises, au moyen d’un véhicule de service, entre son domicile et les lieux de prise de poste autres que le lieu de rattachement habituel de l’entreprise, constituent un temps de travail effectif et ce, quelle que soit la distance entre ces lieux et le domicile du salarié (Cass. Soc. 12 janvier 2016, n° 13-26.318).

Dans cette affaire, la Haute Juridiction a écarté l’article L. 3121-4 du Code du travail qui dispose expressément que les temps de trajet domicile – lieu de travail ne constituent pas du temps de travail effectif, au regard non seulement de la situation particulière dans laquelle sont placés les conducteurs routiers de marchandises qui sont des salariés itinérants sans lieu de travail habituel, mais également de l’article 9 du règlement CE du 15 mars 2006, relatif à l’harmonisation de certaines dispositions de législation sociale dans le domaine des transports de la route.

Déjà dans une décision récente du 10 septembre 2015, la CJUE avait considéré que pour un salarié itinérant, le temps de déplacement entre son domicile et les sites du premier et du dernier client désignés par l’employeur, constituait un temps de travail, sans pourtant leur donner la qualification de temps de travail effectif (CJUE, 10 septembre 2015, aff. C-266/14).

Ces 2 décisions amorcent vraisemblablement une évolution de la législation française en la matière au regard de l’insuffisance des dispositions de l’article L. 3121-4 du Code du travail qui ne traitent que des temps de trajet domicile – lieu de travail des salariés sédentaires.

Bulletin rédigé par Maîtres Pascale ROUVILLE et Mélanie THOMAS-COTTEAUX, Avocats au Barreau de Rouen, et Yoann GONTIER, Juriste
EPONA CONSEIL – 19, rue Alfred Kastler – 76130 Mont Saint Aignan

Bulletin JSA – FEVRIER 2016

Bulletin rédigé par Maître Catherine PERRINEAU

Cabinet GARDACH & ASSOCIES
10 rue de la Trinquette
Le Sextant
BP 3066
17032 LA ROCHELLE CEDEX


Éditorial

UNE RÉFORME DE L’INSPECTION DU TRAVAIL AVANT LA FIN DU QUINQUENNAT ?

Dans son rapport annuel publié le 10 février 2016, la Cour des Comptes souligne que la modernisation de ce corps de fonctionnaires est nécessaire.

La Cour des Comptes, qui relate que ce corps d’inspection a un champ d’intervention très large portant sur 1,8 millions d’établissements et 18 millions de salariés, rappelle, tout d’abord, la mission de contrôle de ces inspecteurs mais également le rôle de conseil au public, ainsi que son intervention dans les relations collectives du travail. Elle relève, par ailleurs, que l’Inspection du Travail doit faire face à une évolution des règles du droit du travail, et, par voie de conséquence,l’obligation pour l’Inspection du Travail de multiplier son activité dans des domaines nouveaux, bien souvent techniques.

Elle fait, surtout, le constat que ce nombre de missions n’est pas un gage d’efficience et que certaines de celles-ci, notamment l’homologation des ruptures conventionnelles, pourraient lui être retirées et en contrepartie, l’évolution de la réglementation du travail ainsi que la technicité de certains domaines d’intervention, nécessiteraient la constitution d’équipes spécialisées et une adaptation du corps de l’Inspection du Travail.

L’organisation ancienne en sections territoriales est critiquée, mais également et surtout, le fonctionnement de cette organisation qui est jugé autonome et parfois solitaire.

En réalité, on apprend que l’initiative du contrôle, comme son mode opératoire et les suites de celui-ci, est à la seule discrétion du fonctionnaire.

Les inspecteurs du travail bénéficient d’une indépendance statutaire résultant des conventions de l’Organisation Internationale du Travail (OIT).

Et, la Cour souligne que les normes déontologiques de l’Inspection du Travail n’ont pas été publiées et, qu’à ce titre, les usagers ne peuvent se réclamer de règles communes qui s’imposeraient au corps des inspecteurs du travail.

La Cour n’hésite pas, d’ailleurs, à rappeler qu’un logiciel devait être mis en place afin de permettre le suivi individuel et collectif de l’activité des agents. Mais, le mouvement de boycott des entretiens professionnels d’évaluation, à l’initiative des syndicats de ce corps de fonctionnaires, compromet encore aujourd’hui le suivi de l’activité des inspecteurs du travail qui, de ce fait, peuvent prendre les décisions sans en rendre compte… Nombre de chefs d’entreprises ont pu le constater !

La Cour préconise un accompagnement de la réforme, et, surtout si la spécialisation est nécessaire, elle insiste sur le fait qu’il existe des voies de droit disciplinaire pour répondre à des situations où des agents refuseraient de remplir leurs obligations de service, comme celles de justifier de leurs activités ou de participer aux entretiens annuels d’évaluation.

Il va sans dire que le constat qui a été fait de la grande autonomie de l’inspecteur ainsi que de ses décisions discrétionnaires (voir arbitraires !) et du refus d’accepter toute reddition de compte de ses missions révèle que l’Inspection du Travail a une culture antihiérarchique voire ahiérarchique !! Le pouvoir disciplinaire de l’employeur n’est souvent pas reconnu par cette administration, ce que l’on comprend à la lecture de ce rapport !

Le Ministre du travail, Madame EL KHOMRI, partage « la plupart des appréciations contenues dans (votre) le rapport » de la Cour des Comptes.

Et, elle déclare d’ailleurs « l’agent de l’Inspection du Travail, qui a pour mission d’assurer le respect de la loi, n’est pas au-dessus de celle-ci ».

Elle conclut qu’une ligne déontologique sera mise en œuvre : lorsque après la discussion et le rappel à l’ordre, les agissements anormaux subsisteront, ils seront sanctionnés conformément aux règles de la fonction publique.

Si l’avis de la Cour des Comptes était suivi, nous pourrions espérer connaître à l’avenir des contrôles selon des priorités qui seraient définies à un niveau étatique ainsi que leur suivi et leur évaluation.

Et surtout, l’analyse des risques majeurs du droit du travail permettrait de rendre efficaces les contrôles.

Ainsi, il semble que le Ministre du travail souhaite, à l’avenir, des contrôles d’entreprise orientés essentiellement vers des infractions aux abus d’emplois illicites ainsi que vers des infractions en matière d’hygiène et de sécurité du travail.

Au-delà, il est souligné que la réforme doit s’appliquer à l’Inspection du Travail en son entier, notamment aux assistants des unités de contrôles et aux agents affectés dans les services de renseignements, qui ont, par ailleurs, une mission non négligeable.

L’inspecteur du travail, comme tout fonctionnaire, devrait, dans un avenir proche, remplir la mission de service public qui lui est dévolue mais également en rendre compte à son administration.

Il est étonnant d’apprendre, aujourd’hui seulement, qu’il n’en est pas ainsi du corps des inspecteurs du travail alors que ceux-ci, sur le terrain, peuvent prononcer des sanctions gravissimes, que ce soit pour arrêter un chantier, refuser un licenciement de salarié protégé, ou encore faire respecter un plan de sauvegarde de l’emploi sans contrôle de leur hiérarchie.

Jurisprudence

LE RISQUE D’UNE UTILISATION DÉVOYÉE DU RÉGIME DE L’AUTO-ENTREPRENEUR

Très récemment, un arrêt de la Chambre Criminelle de la Cour de Cassation du 15 décembre 2015 (n°14-85.638) a retenu l’existence d’un lien de « subordination juridique permanente » entre une société et ses anciens salariés qui, sous le statut d’auto-entrepreneur, poursuivaient en réalité les mêmes fonctions et accomplissaient les mêmes tâches selon les mêmes modalités d’exécution du travail qu’antérieurement.

Les juges du fond ont bien retenu que les modalités d’exécution du travail, qui étaient imposées par la société, traduisaient une absence d’autonomie de ces personnels. Effectivement, ils accomplissaient des tâches sans rapport avec l’objet du contrat les liant à la société selon un service organisé par cette dernière, et avaient notamment l’obligation d’utiliser un listing commun et de respecter une procédure établie. De même, les personnes devaient respecter des horaires imposés par la société, et cette dernière se réservait le droit de résilier le contrat dès lors que les personnes ne rempliraient pas les objectifs qu’elle leur avait imposés. Enfin, la société établissait elle-même les factures !

Dans ces conditions, la Chambre Criminelle a confirmé l’existence d’un lien de subordination juridique permanent et a condamné la société et ses gérants à une peine d’amende pour travail dissimulé, faute d’avoir déclaré intentionnellement l’embauche de ces salariés.

Le régime de l’auto-entrepreneur a été créé par la loi n°2008-776 du 4 Août 2008 pour simplifier la création et les déclarations sociales et fiscales des entreprises individuelles relevant du régime fiscal de la micro-entreprise.

Ainsi, comme tous les entrepreneurs individuels, les auto-entrepreneurs sont des travailleurs indépendants.

Et une activité indépendante se caractérise principalement par :

– La libre initiative de son auteur de créer ou reprendre une activité ;

– La maîtrise de l’organisation des tâches à effectuer et du matériel nécessaire ;

– La recherche de clientèle ou de fournisseurs.

Selon les termes de l’article L. 8221-6-1 du code du Travail, est présumé travailleur indépendant celui dont les conditions de travail sont définies exclusivement par lui-même ou par le contrat les définissant avec son donneur d’ordre.

Il découle des termes même de l’article L. 8221-6 du code du Travail une présomption de non-salariat lorsqu’une personne physique ou morale est régulièrement immatriculée au répertoire des métiers (pour les artisans), au registre du commerce et des sociétés (pour les commerçants et les mandataires), à des registres professionnels (pour les transporteurs, par exemple) ou affiliée auprès d’organismes sociaux en qualité de travailleur indépendant (les auto-entrepreneurs).

Toutefois, il s’agit d’une présomption simple qui peut être renversée à tout moment dès lors qu’il est démontré que l’auto-entrepreneur est, en réalité, placé « dans un lien de subordination juridique permanent » à l’égard de son donneur d’ordre ou dans un lien de dépendance économique en cas de mono-client.

Pour renverser la présomption, il faut établir une absence d’autonomie dans l’exécution du travail, caractérisée par le fait que le donneur d’ordre fixe unilatéralement les conditions et les horaires de travail, la rémunération, donne des directives précises, contrôle l’exécution du travail, en sanctionne les manquements, etc.

Dans ce cas, le contrat liant l’auto-entrepreneur et son donneur d’ordre pourra être requalifié en contrat de travail par le juge civil ou pénal.

Pour cela, le juge recourt à la technique du faisceau d’indices pour requalifier la relation contractuelle en contrat de travail :

– L’initiative même de la déclaration en travailleur indépendant. Si la démarche n’est pas spontanée, a priori, elle est incompatible avec le travail indépendant ;

– L’existence d’une relation salariale antérieure avec le même employeur, pour des fonctions identiques ou proches ;

– Un donneur d’ordre unique ;

– Le respect d’horaires ou le respect d’un planning établi par le donneur d’ordre ;

– Le respect de consignes autres que celles strictement nécessaires aux exigences de sécurité sur le lieu d’exercice, pour les personnes intervenantes, ou bien pour le client, ou encore pour la bonne livraison d’un produit ;

– L’obligation d’assister à des entretiens individuels ou des réunions commerciales ;

– Une facturation au nombre d’heures ou en jours ;

– Une absence ou une limitation forte d’initiatives dans le déroulement du travail ;

– L’intégration à une équipe de travail salariée ou encore l’obligation de répondre à des objectifs de chiffre d’affaires annuel imposé par le donneur d’ordre ;

– La fourniture de matériels ou équipements (sauf équipements importants ou de sécurité), etc.

En outre, le fait de maquiller sciemment une relation salariale en contrat d’entreprise pour échapper à ses obligations d’employeur caractérise une fraude constitutive du délit de travail dissimulé par dissimulation d’emploi salarié, dans les conditions précisées à l’article L. 8221-5 du code du travail.

L’ŒIL DE L’EMPLOYEUR SUR LES MESSAGERIES AU TRAVAIL

Le salarié, pendant son temps de travail, doit se consacrer entièrement à l’exécution de la mission confiée par son employeur. Et cette exclusivité trouve ses prolongements dans l’utilisation par le salarié des outils informatiques ou téléphoniques – fixes ou portables – mis à sa disposition pour les besoins d’accomplissement de ses tâches.

L’utilisation de ces outils bénéficie d’une présomption d’usage professionnel qui autorise l’employeur à consulter, y compris en l’absence de son salarié, sa messagerie professionnelle ou encore son téléphone portable professionnel.

Dans la mesure où le salarié n’aurait pas distingué très explicitement les contenus ou les courriels à caractère personnel, sur l’ordinateur professionnel,l’employeur conserve régulièrement un droit d’accès ou d’ouverture de cette messagerie.

Récemment, un arrêt de de la Cour Européenne des droits de l’Homme du 12 janvier 2016 (BARBULESCU C/ ROUMANIE, n°61496/08) confirme cette présomption. Le juge de Strasbourg retient qu’il n’est pas « déraisonnable pour un employeur de vérifier que les employés achèvent leurs tâches professionnelles pendant leurs heures de travail » (point 59).

Néanmoins, cet arrêt soulève des interrogations dans la mesure où l’employeur, après en avoir informé ses salariés, avait installé un logiciel espion sur leurs ordinateurs professionnels pour enregistrer leur activité ; il a pu constater qu’un salarié avait utilisé un compte de messagerie professionnelle ; le salarié lui ayant affirmé qu’il n’en avait pas fait un usage personnel, l’employeur a, dans « la croyance sincère » de son salarié, ouvert la boîte mail litigieuse, laquelle avait en réalité servi à envoyer des messages personnels aux membres de sa famille. En dépit de l’utilisation de ce système de surveillance, la Cour a considéré que l’employeur avait agi conformément à son pouvoir disciplinaire selon les dispositions de la législation roumaine et que par conséquent il n’y avait pas eu violation de l’article 8 CEDH qui protège le droit à la vie privée.

Ainsi, l’employeur bénéficie d’un pouvoir de contrôle qui l’autorise à installer des logiciels de filtrage de sites, de mesure de fréquence d’utilisation des messageries, de filtres anti-spam… Ces dispositifs de contrôle d’activité sont parfaitement licites dès lors que les salariés en auront été préalablement informés (art. L-1222-3 et L-1222-4 du code du travail pour l’information des salariés et art. L-2323-32 du code du travail pour information/consultation du comité d’entreprise).

Toutefois, il n’y a aucune interdiction faite au salarié d’utiliser le matériel mis à sa disposition à des fins personnelles, dans la mesure où cet usage reste raisonnable et limité. Dans ce cas, l’employeur ne dispose d’aucun droit à consultation, notamment des messageries personnelles de ses salariés (Cass. Soc., 15 décembre 2010, n°08-42.486 ; Cass. Soc. 10 mai 2012, n°11- 13.884 ; Cass. Soc., 19 juin 2013, n°12-12.138). En effet, les messageries personnelles ont un contenu strictement personnel, et sont couvertes du sceau du secret des correspondances, corollaire du droit au respect à sa vie privée (art.9 du code civil). Par conséquent, il est absolument impossible pour un employeur d’y avoir accès.

Un arrêt de la Chambre sociale du 26 janvier 2016 (n°14-15.360) le rappelle avec force « Les messages électroniques litigieux provenaient de la messagerie personnelle de la salariée distincte de la messagerie professionnelle dont celle-ci disposait pour les besoins de son activité, la Cour d’appel en a exactement déduit que ces messages électroniques devaient être écartés des débats en ce que leur production en justice portait atteinte au secret des correspondances ». L’employeur avait invoqué le bénéfice d’une jurisprudence récente de la Cour de cassation selon laquelle les « courriels et fichiers intégrés dans le disque dur de l’ordinateur mis à disposition du salarié par l’employeur ne sont pas identifiés comme personnels du seul fait qu’ils émanent initialement de la messagerie personnelle du salarié » (Cass. Soc., 19 juin 2013, n°12-12.138). En effet, il arrive, parfois, que des salariés utilisent leur messagerie personnelle pour envoyer des documents de travail à destination de l’ordinateur professionnel. Or, ici, les courriels produits émanaient d’une boîte de messagerie personnelle et d’adresses privées non professionnelles. La Cour rappelle avec sévérité l’interdiction absolue faite à l’employeur de consulter, et a fortiori de produire en justice, des courriels dont l’origine est strictement personnelle, quand bien même le salarié a pu les consulter ou les envoyer à partir de l’ordinateur professionnel mis à sa disposition par son employeur.

En revanche, un salarié, lorsqu’il fera un usage privé de sa messagerie professionnelle ou stockera sur l’ordinateur mis à sa disposition, devra préciser l’objet « personnel » ou « confidentiel » s’il envoie un courriel ; ou créer un dossier ou répertoire « privé » ou « personnel » s’il souhaite que son employeur ne lise pas le contenu de ce dossier, voire installer un mot de passe.

Enfin, plus délicate est la question des SMS envoyés à partir des téléphones portables professionnels qui auraient un contenu personnel. La Chambre commerciale de la Cour de cassation (Com. 10 février 2015, n°13- 14.779) a appliqué par analogie avec les courriels aux SMS le même traitement ! « Les messages écrits («short message service » ou SMS) envoyés ou reçus par le salarié au moyen du téléphone mis à sa disposition par l’employeur pour les besoins de son travail sont présumés avoir un caractère professionnel, en sorte que l’employeur est en droit de les consulter en dehors de la présence de l’intéressé, sauf s’ils sont identifiés comme étant personnels ». Le juge poursuit « ne constitue pas un procédé déloyal la production en justice des messages n’ayant pas été identifiés comme personnels ».

Or, la critique est venue que contrairement aux courriels qui comportent un champ « objet » dans lequel le salarié pourra préciser le caractère personnel de son contenu, les téléphones portables, aussi sophistiqués soient ils, ne permettent pas cette identification dans la mesure où les SMS n’ont pas de champ « objet » !

Par conséquent, il n’existe pas de possibilité pratique pour le salarié de renverser la présomption professionnelle !
Bulletin rédigé Maître Catherine PERRINEAU Cabinet GARDACH & Associés
10, rue de la Trinquette – Le Sextant – BP 3066 – 17032 La Rochelle Cedex

Bulletin JSA – JANVIER 2016

Bulletin rédigé par le Cabinet VOCA CONSEIL

8 rue Alfred Kastler – Unicité
14000 CAEN


Éditorial

ENTRETIEN PROFESSIONNEL : ÊTRE À JOUR AU 7 MARS 2016 !

La réforme de la formation professionnelle initiée en 2013 avec l’accord national interprofessionnel du 14 décembre, poursuivie par la loi du 5 mars 2014, a notamment pour ambition de faire de la formation professionnelle un moyen de développement des compétences des salariés.

Pour ce faire, la loi, s’appuyant sur la jurisprudence développée par la Cour de Cassation depuis la fin des années 80 (obligation d’adaptation, obligation de préserver l’employabilité, etc.) fait peser sur l’employeur l’obligation de former ses salariés.

Cette mesure se traduit par l’obligation de financer directement des actions de formation et par le versement de contributions destinées au financement de la formation professionnelle.

Dans ce cadre, l’établissement d’un « diagnostic individuel » s’avère une étape essentielle à côté de laquelle il convient de ne pas passer.

Ainsi, l’article L 6315-1 du Code du Travail impose à tout employeur, quelles que soient la taille de l’entreprise et son secteur d’activité, d’organiser au moins une fois tous les deux ans, un entretien professionnel avec chacun de ses salariés.

Cet entretien, distinct de l’entretien annuel d’évaluation, qui lui n’est pas obligatoire, doit se dérouler pendant le temps de travail du salarié.

Doivent être abordés les perspectives d’évolution professionnelle du salarié, notamment en termes de qualification et d’emploi et les souhaits de ce dernier dans l’utilisation de son compte personnel de formation (CPF qui remplace le DIF depuis le 1er janvier 2015). Les projets internes de développement des compétences ou de mobilité pourront aussi faire l’objet de discussions à cette occasion.

Le salarié doit-être informé lors de son embauche de ce droit (article L 6315-1 du Code du Travail).

Cet entretien devra avoir lieu avant le 7 mars 2016 pour les salariés présents dans l’entreprise avant l’entrée en vigueur de cette loi, soit le 7 mars 2014.

Puis, il devra avoir été mené avant le 2ème anniversaire de l’entrée dans l’entreprise de chaque salarié.

Il doit également être proposé systématiquement au salarié qui reprend son activité à l’issue :
– D’un congé maternité ou d’adoption ;
– D’un congé parental d’éducation, qui donne lieu à une suspension du contrat de travail ou à une activité réduite ;
– D’un congé de soutien familial ;
– D’un congé sabbatique ;
– D’une période de mobilité volontaire sécurisée (article L1222-12 du Code du Travail) ;
– D’un arrêt pour longue maladie (article L 324-1 du Code de la Sécurité Sociale) ;
– D’un mandat syndical.

Dans ces hypothèses, cet entretien devra être mené y compris lorsque le salarié a déjà bénéficié d’un tel entretien depuis moins de deux ans.

A l’issue de l’entretien, un document est établi dont une copie doit être remise au salarié (article L6315-1 du Code du Travail).

S’ajoute à cet entretien biannuel une obligation pour l’employeur d’établir « un état des lieux » récapitulatif du parcours professionnel de chacun de ses salariés tous les six ans.

L’employeur vérifie alors que le salarié a bénéficié des entretiens professionnels biennaux auxquels il avait droit.

Il doit aussi s’assurer que le salarié a bénéficié d’au moins deux des trois mesures suivantes :
– Suivi d’au moins une action de formation ;
– Acquisition d’éléments de certification par la formation ou par une validation d’acquis d’expérience (VAE) ;
– Progression salariale ou professionnelle.

Dans les entreprises de plus de 50 salariés, le non-respect de ces obligations peut avoir des conséquences financières non négligeables.

En effet, lorsque au cours des six dernières années, le salarié n’a pas bénéficié de tous les entretiens obligatoires ou n’a pas bénéficié d’une mesure sur les trois visées ci-avant, ou, à fortiori aucune, l’entreprise sera tenue d’effectuer un abondement correctif sur le Compte Personnel de Formation du salarié lésé.

Cet abondement correctif est effectué de la manière suivante :
– 100 heures pour un salarié à temps plein ;
– 130 heures pour un salarié à temps partiel.

Parallèlement, l’entreprise devra verser, avant le 1er mars de l’année correspondante, une somme forfaitaire à l’OPCA dont elle dépend à raison de 30 euros par heure d’abondement.

En d’autres termes, en cas de défaillance, c’est une somme de 3.000 euros que l’entreprise devra verser par an et par salarié à temps plein (3.900 euros pour un salarié à temps partiel).

Les inspecteurs du travail et les agents chargés du contrôle de la formation professionnelle doivent vérifier le respect de ces obligations par l’entreprise.

Si l’employeur est tenu d’un abondement correctif et qu’il ne s’exécute pas, l’entreprise peut être mise en demeure de régulariser sa situation. A défaut, elle sera tenue de verser au trésor public la somme due, majorée de 100 %, soit le double de ce qu’elle aurait dû verser…

Pour ceux qui n’auraient pas encore tenu ces entretiens : à vos agendas !

Actualité

MUTUELLE D’ENTREPRISE OBLIGATOIRE : POINT SUR CERTAINES ÉVOLUTIONS DE DÉCEMBRE 2015

PARTICIPATION DE L’EMPLOYEUR

Coupant court à certaines interprétations, la LFSS pour 2016 précise que la prise en charge minimale de 50 % par l’employeur s’applique aux garanties collectives et obligatoires mises en place et non à la seule couverture du socle minimal.

Si le comité d’entreprise participe au financement, celui-ci s’impute uniquement sur la part du salarié, tout en restant assimilé à une contribution de l’employeur pour l’exonération plafonnée de cotisations sociales.

ÉVOLUTIONS DES CAS DE DISPENSE D’AFFILIATION

Certains cas de dispense sont désormais d’ordre public : le salarié peut donc les invoquer, sans remettre en cause le caractère collectif et obligatoire du contrat, même s’ils ne sont pas prévus dans l’acte instituant la couverture prévoyance santé.

Le demandeur à la dispense doit pouvoir justifier d’une des situations suivantes :
• Bénéficiaire de l’aide à la complémentaire santé (ACS) ou de la CMU-complémentaire.
• Couvert par une assurance individuelle au moment de la mise en place du régime ou de l’embauche si celle-ci est postérieure (dispense valable jusqu’à échéance du contrat individuel).
• Bénéficiaire, même en tant qu’ayant droit, d’une couverture collective issue notamment des dispositifs suivants :
– personne déjà couverte par une couverture collective à titre obligatoire ;
– régime local d’Alsace-Moselle ;
– contrats d’assurance de groupe « Madelin » destinés aux travailleurs indépendants ;
– mutuelle des agents de l’État ou des collectivités territoriales.

Nouveau cas de dispense d’ordre public à l’initiative du salarié : CDD (ou sous contrat de mission) dont la durée de la couverture collective et obligatoire frais de santé dont il bénéficie est inférieure à 3 mois (la durée du CDD lui-même est sans impact).

Par ailleurs, les salariés multi-employeurs peuvent choisir la couverture obligatoire d’un employeur et demander la dispense pour les autres.

Les autres cas de dispenses doivent continuer de figurer dans l’acte instituant le régime.

CRÉATION DU « VERSEMENT (OU CHÈQUE) SANTÉ »

Les salariés bénéficiant d’une dispense d’affiliation ne sont pas couverts par l’entreprise et ne lui coûtent donc rien.

Dès janvier 2016, pour certains, l’employeur pourra (ou devra selon les cas) participer à leur mutuelle personnelle via un « versement (ou chèque) santé » qui se substitue à la couverture frais de santé collective et obligatoire de l’entreprise.

Sont concernés les salariés :
• sous CDD (ou mission d’intérim) inférieur ou égal à 3 mois et les salariés à temps partiel (CDI ou CDD) dont la durée de travail est inférieure ou égale à 15 H par semaine,
• bénéficiant, pour la période considérée, d’un contrat d’assurance maladie complémentaire « responsable » et qui font valoir une dispense d’affiliation au contrat de leur employeur,
• mais inapplicable pour ceux bénéficiant de l’ACS, de la CMU-C, d’une complémentaire santé avec participation financière d’une collectivité publique ou d’une couverture collective et obligatoire (y compris en tant qu’ayant-droit).

Mise en place par :
• accord collectif de branche
• sous conditions, par accord d’entreprise
• et dans certains cas par décision unilatérale de l’employeur mais pour la seule année 2016.

Mais, pour le CDD (ou sous contrat de mission) dont la durée de la couverture collective et obligatoire frais de santé dont il bénéficie est inférieure à 3 mois et qui demande la dispense d’affiliation, le bénéfice du « versement santé » est de droit.

Montant :
Par principe il s’agit du montant de référence correspondant à la contribution mensuelle de l’employeur au financement de la couverture santé, pour la catégorie à laquelle appartient le salarié et pour la période concernée.

Des ajustements peuvent être réalisés au regard de la rémunération du salarié et / ou lorsque tout ou partie de la contribution est forfaitaire et indépendante de la durée effective de travail.

En l’absence de montant applicable, un montant forfaitaire est fixé par décret, soit 15 € / mois (5 € pour le régime local d’Alsace-Moselle).

Enfin, un coefficient de « portabilité » majore ce coût de :
• 105 % pour les salariés sous CDI
• 125 % pour les salariés sous CDD ou en contrat de mission

Régime social :
Le versement de l’employeur bénéficie de l’exonération plafonnée de cotisations de sécurité sociale applicable aux contributions patronales de prévoyance complémentaire, dans les mêmes conditions que celles-ci.

Il est soumis à la CSG et à la CRDS et, pour les entreprises d’au moins 11 salariés, au forfait social.

Article 34 de la LFSS pour 2016 n°2015-1702 du 21/12/2015 Circulaire DSS Questions Réponses du 29/12/2015 Décret n° 2015-1883 du 30/12/2015

Jurisprudence

LA FACULTÉ DE RENONCIATION DE L’EMPLOYEUR À UNE CLAUSE DE NON-CONCURRENCE À TOUT MOMENT APRÈS LA RUPTURE DU CONTRAT DE TRAVAIL REND NULLE LA CLAUSE DE NON-CONCURRENCE

Apportant une restriction à la liberté de travailler et à la libre concurrence, les clauses de non-concurrence sont soumises à un contrôle de plus en plus accru de la part de la Cour de Cassation.

Une décision du 2 décembre 2015 illustre cette évolution.

Depuis 2002, il est de principe constant qu’une clause de non-concurrence n’est licite que si elle est indispensable à la protection des intérêts légitimes de l’entreprise, limitée dans le temps et dans l’espace, qu’elle tient compte des spécificités de l’emploi du salarié et comporte l’obligation pour l’employeur de verser au salarié une contrepartie financière, ces conditions étant cumulatives (Cass. Soc. 10 juillet 2002, n°00-45.135).

Il est par ailleurs de principe constant que l’employeur ne peut renoncer unilatéralement à cette clause de non-concurrence que si cette faculté a été contractuellement prévue (Cass. Soc. 22 septembre 2010, n°09-41.635).

Dans cette hypothèse, l’employeur devra respecter la forme et les délais prévus.

Néanmoins, la Cour de Cassation vient récemment de préciser que quels que soient les termes et délais fixés contractuellement pour cette renonciation, celle-ci doit intervenir « au plus tard à la date de départ effectif du salarié, peu important l’existence de dispositions contractuelles ou conventionnelles contraires » (Cass. Soc. 21 janvier 2015, n°13-24.471).

Par ailleurs, si la clause peut autoriser l’employeur à renoncer à tout moment à celle-ci au cours de l’exécution du contrat de travail (Cass. Soc. 11 mars 2015, n°13-22.257), celle-ci ne peut prévoir la levée de l’interdiction de concurrence après la rupture du contrat de travail (Cass. Soc. 13 juillet 2010, n°09-41.626).

Tel était le cas dans l’affaire soumise à l’examen de la Cour de Cassation.

La clause de non-concurrence examinée autorisait la renonciation à celle-ci à tout moment au cours de l’exécution du contrat de travail, et prévoyait également cette même faculté une fois le contrat rompu.
Jusqu’alors, ce type de clause était réputé non-écrite (Cass. Soc. 13 juillet 1990, n°09-41.626 et Cass. Soc. 13 juillet 2010 citée supra).

En d’autres termes, la clause de non-concurrence restait valable, mais la faculté de renonciation par l’employeur après la rupture du contrat de travail était inopposable au salarié.

Adoptant une lecture plus sévère de ce type de clause, la Cour de Cassation considère désormais qu’une telle stipulation rend nulle la clause de non-concurrence dans son intégralité.

Dès lors, le salarié est libre de tout engagement, et peut même revendiquer le bénéfice de dommages et intérêts pour le préjudice nécessairement subi du fait de l’illicéité de cette clause (Cass. Soc. 12 janvier 2011, n°08-45.280 et 10 mai 2012, n°09-72.348). Cass. Soc. 2 décembre 2015, n°14-19.029

RUPTURE CONVENTIONNELLE : DATE À RETENIR POUR L’APPRÉCIATION DE L’HOMOLOGATION IMPLICITE

La jurisprudence sur les ruptures conventionnelles continue de se construire.

Après des précisions apportées tout au long de l’année 2015, recentrant son régime juridique autour des vices du consentement (cf. JSA Infos du mois de juillet-août et d’octobre 2015), la Cour de Cassation vient préciser le régime juridique de l’article L1237-14 du Code du Travail.

Selon ce texte, la DIRECCTE dispose d’un délai d’instruction de 15 jours ouvrables à compter de la demande d’homologation pour contrôler la validité de la rupture conventionnelle.

A défaut de notification dans ce délai, l’homologation est réputée acquise « et l’autorité administrative est dessaisie ».

A quelle date convient-il de se placer pour savoir si ce délai est expiré ?

Dans une décision du 16 décembre 2015, la chambre sociale de la Cour de Cassation invite les parties à prendre en considération la « date de réception », conformément aux règles régissant la notification des actes administratifs. En d’autres termes, si à l’expiration du délai de 15 jours ouvrables, les parties n’ont reçu aucun refus d’homologation, ils peuvent se prévaloir d’une homologation tacite de la rupture conventionnelle. Celle-ci est définitivement acquise.

Dans l’hypothèse soumise à la Cour de Cassation, les parties avaient conclu une rupture conventionnelle pendant la suspension du contrat de travail du salarié, victime d’un accident de travail.

L’administration a refusé d’homologuer la rupture conventionnelle par courrier daté et expédié dans le délai qui lui était imparti pour statuer.

Ce courrier est toutefois reçu par les parties le lendemain du 15ème jour ouvrable de ce délai d’instruction, date à laquelle l’homologation tacite était acquise…

On peut comprendre le trouble des parties : pouvaient-elles légitimement revendiquer le bénéfice d’une homologation tacite, alors même qu’elles avaient reçu une décision de refus d’homologation, datée et envoyée pendant le délai légal visé à l’article L1237-14 du Code du Travail ?

A la différence de la Cour d’Appel, la Cour de Cassation rappelle que « doit être regardée comme implicitement homologuée toute convention de rupture pour laquelle une décision administrative expresse n’a pas été notifiée aux parties à la convention dans les quinze jours ouvrables à compter de la réception de la demande d’homologation ».

Dès lors, pour la Cour de Cassation, la décision de refus d’homologation devait être parvenue aux parties avant « la date d’échéance du délai de quinze jours ouvrables dont disposait l’administration pour leur notifier sa décision expresse conformément aux règles régissant la notification des actes administratifs, une décision implicite d’homologation étant à défaut acquise ».

La Cour de Cassation confirme par ailleurs dans cette décision deux principes déjà posés :
• Une rupture conventionnelle peut être conclue pendant la période de suspension du contrat de travail pour accident du travail et maladie professionnelle ;
• L’existence d’un différend entre les parties n’affecte pas par elle-même la validité de la rupture conventionnelle.
Cass. Soc 16 décembre 2015, n°13-27.212

OBLIGATION DE RECLASSEMENT ET INAPTITUDE À « TOUT POSTE DE TRAVAIL AU SEIN DE L’ENTREPRISE »

La loi Rebsamen (loi n°2015-994 du 17 août 2015) autorise depuis le 19 août 2015 le médecin du travail, lorsqu’il déclare un salarié physiquement inapte à la suite d’un accident du travail ou d’une maladie professionnelle, d’indiquer dans son avis d’inaptitude que « le maintien du salarié dans l’entreprise serait gravement préjudiciable à sa santé ».

Dès lors, l’employeur n’est pas tenu d’engager des recherches de solutions de reclassement et peut lancer immédiatement la procédure de licenciement.

En dehors de cette hypothèse très précise, l’employeur reste tenu de rechercher des solutions de reclassement, y compris lorsque le médecin du travail déclare le salarié « inapte à tout poste de travail dans l’entreprise » (Cass. Soc. 7 juillet 2004, n°02-43.141 ; Cass. Soc. 20 sept. 2006, n°05-40.526).

Cette situation, « ubuesque », fait peser sur l’employeur l’obligation d’engager des recherches de solution de reclassement au sein de son entreprise ou du groupe auquel elle appartient, alors même que le médecin du travail estime que ce reclassement n’est pas envisageable…

Il convient également de rappeler que le Code du Travail impose à l’employeur de tenir compte des conclusions écrites du médecin du travail et des indications qu’il formule (Article L 1226-2 et L1226-10 du Code du Travail).

De plus, en cas d’imprécision dans l’avis du médecin du travail, ou en l’absence de préconisation, l’employeur a l’obligation de solliciter de sa part des précisions (Cass. Soc. 24 nov. 1993, n°90-44.601 ; Cass. Soc. 18 juillet 2000, n°97-44.897).

Dès lors, en cas de déclaration d’inaptitude à « tout poste de travail au sein de l’entreprise », la Cour de Cassation invite l’employeur à se tourner vers le médecin du travail, et à lui demander de l’accompagner dans sa recherche de solutions de reclassement.

Si, comme ce fut le cas dans l’hypothèse visée dans une décision du 15 décembre 2015, le médecin du travail persiste et exclu expressément toute possibilité de reclassement dans l’entreprise ou dans le groupe auquel elle appartient, alors l’employeur est considéré comme ayant satisfait à son obligation de reclassement.

Destinée à être publiée au bulletin, cette décision vient confirmer ce principe déjà posé dans deux arrêts du 24 juin 2015 (n°13-27.875 et 14-10.163) ayant statué dans le même sens (Cf. JSA Infos, mai 2015).
Cass. Soc. 15 décembre 2015 n°14-11.858
Bulletin rédigé par le Cabinet VOCA CONSEIL
8, rue Alfred KASTLER – UNICITE – 14000 CAEN

Bulletin JSA – DECEMBRE 2015

Bulletin rédigé par Me BASILIEN BODIN ASSOCIES

CABINET BASILIEN BODIN ASSOCIES
6 rue Colbert
CS 91115
80011 AMIENS CEDEX 1


Éditorial

SANTÉ AU TRAVAIL VERS UNE ÉVOLUTION ?

Depuis les arrêts de Février 2002, connus sous le nom « d’arrêts amiante » et la prise de conscience, si besoin était, de l’importance de la santé au travail, l’employeur a vu d’une manière générale, et de façon séquentielle, ses obligations en la matière être largement accrues.

Citons pour illustrer ce mouvement et sans être forcément exhaustif : l’exigence d’une obligation de résultat, le document unique d’évaluation des risques, les fiches pénibilité et la mise en avant de la notion de faute inexcusable, cette dernière ayant la vertu de faire supporter le coût (majoré) de l’accident du travail ou de la maladie professionnelle non plus par la collectivité, mais par l’employeur (mais peut être était-ce finalement le but recherché depuis que l’État a pris conscience des difficultés à indemniser des victimes d’accident du travail ou de maladie professionnelle qui se présenteraient en nombre, comme ce fut le cas pour l’amiante).

En dernier lieu, le CHSCT a vu son statut rénové et sa réelle importance prise en considération au travers de diverses dispositions de la loi du 17 Août 2015, dite loi Rebsamen, l’élevant ainsi au même rang que le Comité d’Entreprise alors qu’il pouvait apparaître jusqu’alors comme le parent pauvre des institutions représentatives du personnel.

Pour l’employeur, les risques en matière de santé et de sécurité de son personnel sont peu à peu devenus une préoccupation de tous les instants, ce qui, en soi, est bien sûr positif. Mais cette situation pouvait aussi s’avérer un véritable piège dont, quelles que soient les précautions et mesures prises, il ne pouvait plus que très difficilement se sortir.

Deux arrêts de la Cour de Cassation semblent marquer une inflexion dans l’intransigeance prévalant en la matière.

1) Un arrêt du 05 Novembre 2015 (Cass. 2ème Civ. 05 Novembre 2015) autorise un employeur à contester le caractère professionnel d’un accident du travail à la suite duquel la faute inexcusable est invoquée par le salarié :

Depuis le 1er Janvier 2010, conformément aux dispositions du décret du 29 Juillet 2009, l’employeur qui se voit notifier par la CPAM une décision de prise en charge au titre de la législation professionnelle d’un accident ou d’une maladie a un délai de deux mois pour former un recours.

S’il ne le fait pas, la décision de la CPAM lui est définitivement opposable.

Cependant, la Cour de Cassation dans l’arrêt précité vient d’ouvrir une brèche dans ce principe en considérant qu’il ne fait pas obstacle à ce que l’employeur conteste, pour se défendre dans le cadre d’une action en reconnaissance de la faute inexcusable diligentée par son salarié, le caractère professionnel de l’accident ou de la maladie.

2) Un arrêt du 25 Novembre 2015 (Cass. Soc. 25 Novembre 2015) revient sur l’étendue de l’obligation de sécurité de l’employeur.

Dans cette décision qui concerne AIR FRANCE et qui fait suite aux arrêts FNAC et AREVA qui annonçaient cette inflexion, la Cour suprême admet que l’employeur ne soit plus tenu que d’une « obligation de moyen renforcée » et qu’il puisse faire valoir les diligences qu’il a pu mener pour circonvenir l’accident ou la maladie.

Exit donc l’obligation de sécurité de résultat issue des arrêts dits « amiante ».

Il va de soi néanmoins que les deux arrêts cités, même s’ils marquent un infléchissement dans la position adoptée depuis plus d’une douzaine d’années, ne doivent pas être interprétés comme un invitation à « baisser la garde » en matière de santé et de sécurité du personnel qui doit rester, bien entendu, une préoccupation permanente.

D’autant que l’ouverture que semble créer l’arrêt « AIR FRANCE » du 25 Novembre suppose en tout état de cause que l’employeur ait eu un comportement actif et ait pris des mesures préventives adaptées. La grande nouveauté est qu’il pourra désormais s’en prévaloir pour se défendre sans subir une présomption quasi irréfragable (non renversable) de défaillance, comme du temps de l’obligation de sécurité de résultat.

Actualité

VERS UN PRINCIPE DE PROPORTIONNALITÉ DES REDRESSEMENTS URSSAF EN MATIÈRE DE PROTECTION SOCIALE COMPLÉMENTAIRE

Depuis plus de 5 ans, les redressements opérés par l’URSSAF ciblent systématiquement le manque de respect du formalisme strict et encadré des régimes de prévoyance complémentaire institués par les entreprises.

Les entreprises qui ont été soumises à un contrôle de l’URSSAF ces dernières années, ont désormais connaissance des points de contrôle de L’URSSAF en la matière, lesquels se décomposent ainsi :

– acte juridique ayant institué le régime * ;
– caractère collectif du régime * ;
– caractère obligatoire du régime.*

* Décret n°2012-25 du 9 janvier 2012, article R242-1-1 du Code de la Sécurité Sociale.

Pourtant, ce strict formalisme demeure un véritable imbroglio difficile à respecter, si bien que les chefs de redressement constatés en matière de prévoyance complémentaire se multiplient.

L’explication réside dans le fait que les différentes réglementations se sont succédées tant dans l’appréciation des critères que se doit de respecter le régime, que dans le contenu même des garanties couvertes par le régime.

En conséquence, la prévoyance complémentaire est devenue la bête noire des entreprises en cas de contrôle URSSAF et les redressements relevés en la matière peuvent atteindre des quantums démesurés et, donc, particulièrement lourds de conséquences.

A ce titre, le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2016 procède au constat selon lequel aucun mécanisme de modulation des redressements en matière de prévoyance complémentaire n’était prévu alors que « ces redressements résultent pourtant d’erreurs de nature et de gravité différentes allant du simple défaut de fourniture de pièces justificatives à l’erreur de droit manifeste ».

Fort de ce constat, l’article 12 de la loi de financement de la sécurité sociale pour 2016 crée l’article L133-4-8 du Code de la Sécurité Sociale qui institue un mécanisme de modulation des redressements opérés à compter du 1er janvier 2016 en présence d’un régime de protection sociale complémentaire ne respectant le caractère collectif et obligatoire :

« II. – Par dérogation au I et dans les conditions définies aux alinéas suivants, l’agent chargé du contrôle réduit le redressement à hauteur d’un montant calculé sur la seule base des sommes faisant défaut ou excédant les contributions nécessaires pour que la couverture du régime revête un caractère obligatoire et collectif au sens du sixième alinéa de l’article L. 242-1 et des textes pris pour son application, sous réserve que l’employeur reconstitue ces sommes de manière probante.»

Désormais, le redressement sera opéré sur les seuls versements correspondant aux salariés qui auraient dû être inclus au régime.

Le redressement sera alors égal à :

– 1,5 fois les sommes faisant défaut ou dépassant les contributions autorisées lorsque l’entreprise ne produit pas la demande de dispense ou tout autre document permettant de justifier du caractère collectif et obligatoire ;

– 3 fois le montant des sommes ci avant définies dans les autres cas, à condition que le manquement ne révèle pas une méconnaissance d’une particulière gravité.

Rappelons qu’antérieurement, le non respect du critère collectif et/ou obligatoire conduisait à réintégrer dans l’assiette de cotisations sociales la totalité des contributions sociales patronales versées dans le cadre du régime.

Cette mesure permettant de moduler le redressement ne sera pas applicable :

– en cas de méconnaissance d’une particulière gravité ;
– en cas de manquement résultant de l’octroi d’un avantage personnel ;
– en cas de manquement résultant d’une mesure discriminatoire ;
– lorsque l’irrégularité a fait l’objet au préalable d’une observation lors d’un précédent contrôle au cours des 5 dernières années ;
– lorsqu’au cours des 5 dernières années a été relevée une situation de travail dissimulé, d’obstacle au contrôle ou d’abus de droit.

Cette disposition poursuit les orientations préconisées par le rapport parlementaire sur les relations entre les unions de recouvrement des cotisations de sécurité sociale et d’allocations familiales et les entreprises d’avril 2015 intitulé « Pour un nouveau mode de relations URSSAF / Entreprises ».

L’exposé des motifs du projet de loi précise en effet que « l’objectif de la mesure est de proportionner les redressements opérés en matière de protection sociale complémentaire à la gravité du manquement, sous certaines conditions. Cette mesure s’inscrit dans une logique de sécurisation juridique plus large, qui inclut également l’ouverture par ordonnance d’ici fin 2015 aux partenaires sociaux de la possibilité de solliciter auprès des URSSAF des décisions de rescrit sur les accords collectifs, qui vise à sécuriser en amont sur la licéité des accords et leurs modalités d’application.

Cette démarche s’inscrit dans la politique du Gouvernement d’incitation à la couverture des salariés en matière de protection sociale complémentaire, qui implique à la fois de faire en sorte que les avantages sociaux soient réservés à des dispositifs de prévoyance conformes aux textes législatifs et réglementaires, tout en évitant de dissuader les employeurs par un risque de sanction disproportionné dans certains cas. »

Cette volonté d’appliquer le principe de proportionnalité dans les contrôles URSSAF permet d’intégrer en quelque sorte la notion de bonne foi de l’employeur, étant rappelé que cette bonne foi demeurera sans effet pour les contrôles couvrant les périodes antérieures au 1er janvier 2016.

Il est regrettable que ce constat n’ait pas conduit à étendre, pour l’heure, le mécanisme aux régimes de prévoyance risques « lourds » et de retraite supplémentaire.

(Loi de financement de la sécurité sociale pour 2016 adoptée par l’Assemblée nationale dans sa séance du 30 novembre 2015)

Jurisprudence

LE TERME D’UN CDD ULTÉRIEUREMENT REQUALIFIE EN CDI NE S’ANALYSE PAS NÉCESSAIREMENT EN UN LICENCIEMENT SANS CAUSE RÉELLE ET SÉRIEUSE

La Cour de cassation est venue apporter des précisions sur les conséquences de la requalification d’un CDD en CDI.

En l’espèce, un salarié avait été engagé par CDD successifs pendant dix années et s’était vu notifier par mail une lettre l’informant du non renouvellement de son dernier contrat.

L’intéressé a alors saisi la juridiction prud’homale afin de voir la relation contractuelle requalifiée en CDI.

La Cour d’appel a fait droit à sa demande de requalification et a condamné l’entreprise à des dommages- intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse.

La Cour de cassation est venue censurer cette décision sur le second point.

Elle considère en effet que, dans une telle hypothèse, le juge doit rechercher si la lettre de rupture des relations contractuelles vaut lettre de licenciement.

Et, le cas échéant, analyser les motifs invoqués afin de déterminer si le licenciement a une cause réelle et sérieuse.

Cette décision incite donc les employeurs, dans des cas de recours litigieux ou, à tout le moins sujet à controverse, à motiver la terminaison ou le non renouvellement d’un CDD afin d’éviter, en cas de requalification, une condamnation pour licenciement sans cause réelle et sérieuse.
(Cour de cassation, chambre sociale, 20 octobre 2015 n°14-23.712)

LA SOLIDARITÉ FINANCIÈRE DU DONNEUR D’ORDRE NE JOUE QU’EN CAS DE CONSTAT DE TRAVAIL DISSIMULE

contrat dont l’objet porte sur une obligation d’un montant égal à 5.000€ hors taxes en vue de l’exécution d’un travail, de fourniture d’une prestation de services ou de l’accomplissement d’un acte de commerce doit, lors de la conclusion de ce contrat et tous les 6 mois jusqu’à la fin de son exécution, s’assurer que son cocontractant s’acquitte de certaines obligations sociales et fiscales déclaratives.

Si tel n’est pas le cas et que le cocontractant fait l’objet d’une procédure pour travail dissimulé, le donneur d’ordre pourra voir sa responsabilité financière mise en jeu conjointement.

La Cour de cassation, dans cet arrêt, est venue préciser que la mise en œuvre de cette responsabilité est conditionnée à l’établissement d’un procès-verbal pour le délit de travail dissimulé à l’encontre du cocontractant.
(Cour de cassation, chambre civile 26 novembre 2015 n°14-23.851)

EFFET DE L’AUTORISATION DE LICENCIER DÉLIVRÉE APRÈS UNE PRISE D’ACTE DE LA RUPTURE DU CONTRAT DE TRAVAIL

En l’espèce, l’employeur avait engagé une procédure de licenciement disciplinaire à l’encontre d’un salarié protégé pour avoir procédé à l’envoi d’une lettre anonyme dénigrant l’entreprise et consultation réitérée de sites pornographiques durant le temps de travail.

Après entretien préalable et saisine de l’Inspecteur du Travail par l’employeur en vue d’obtenir l’autorisation de procéder au licenciement, le salarié a pris acte de la rupture de son contrat de travail aux torts de l’employeur.

Le salarié invoquait le fait que, 6 mois auparavant, l’employeur avait modifié son contrat de travail sans son accord, laquelle modification conduisait à une diminution de sa rémunération.

La Cour de Cassation a considéré que le licenciement notifié était sans effet puisque la prise d’acte avait eu pour effet de rompre le contrat de travail instantanément.

Par ailleurs, la Cour de Cassation a considéré que la prise d’acte du contrat de travail aux torts de l’employeur était justifiée compte tenu des griefs retenus.

En conséquence, la prise d’acte a été requalifiée en licenciement nul ouvrant droit à l’indemnité spéciale prévue en cas de violation du statut protecteur.

Or, il était légitime de penser que l’autorisation de licenciement délivrée par l’Inspecteur du Travail aurait pu permettre de faire échec au bénéfice de cette indemnité spéciale dont l’objet est notamment de sanctionner le fait que l’employeur n’ait pas respecté la procédure spéciale de licenciement.

La Cour de Cassation n’a pas adopté cette analyse au motif, notamment, que l’autorisation de licencier a été délivrée postérieurement à la prise d’acte du contrat de travail et donc postérieurement à la rupture du contrat de travail.
(Cour de cassation, chambre sociale, 12 novembre 2015 n°14-16.369)

LE CONTRÔLE DE L’ALCOOLÉMIE N’EST PAS RÉGULIER SI LE RÈGLEMENT INTÉRIEUR N’EST PAS AFFICHE ET DÉPOSE AU GREFFE DU CONSEIL DE PRUD’HOMMES

Par un arrêt du 31 mars 2015, la Cour de Cassation rappelait que le règlement intérieur de l’entreprise pouvait prévoir le contrôle de l’état d’ébriété d’un salarié si les modalités du contrôle permettent sa contestation et s’il s’agit d’éviter que cet état expose les personnes ou les biens à un danger (cass. soc. 31 mars 2015 n°13-25.436).

Par deux arrêts rendus le 4 novembre 2015, la Cour de Cassation ajoute une condition complémentaire afférente aux mesures de publicité et de dépôt du règlement intérieur telles que prévues par les articles L1321-4, R1321-1 et suivant du Code du Travail).

Dans ces affaires, l’employeur avait soumis à un test d’alcoolémie plusieurs salariés.

Deux salariés « positifs » au test avaient fait l’objet d’un licenciement pour faute grave.

La Cour de Cassation a jugé le licenciement sans cause réelle et sérieuse en ce que l’employeur ne justifiait pas de l’accomplissement des formalités de dépôt du règlement intérieur auprès du Greffe du Conseil de Prud’hommes ainsi que de son affichage.

Il est important de souligner que la Cour d’Appel de Rennes avait adopté une décision similaire concernant un employeur ne justifiant pas de l’affichage du règlement intérieur à une place convenable et aisément accessible dans les lieux de travail ainsi que dans les locaux et à la porte des locaux où se fait l’embauche (CA Rennes 14 janvier 2015).
(Cour de cassation, chambre sociale, 4 novembre 2015 n°14-18.574)
Bulletin rédigé par le Cabinet BASILIEN BODIN ASSOCIES
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