MARS – AVRIL 2020

Bulletin rédigé par Maître Nathalie LENFANT, Cabinet RAVEL AVOCATS

Editorial

LE JOUR D’APRÈS….

Assurément cette période de crise sanitaire et de confinement nous aura, à tous, beaucoup appris :

– Aux gouvernants d’abord, qui, pleinement conscients de l’importance du principe de précaution, ont pourtant été incapables de lui donner une réalité. Le principe de précaution doit être appréhendé au regard de l’aléa infectieux et non au regard de la certitude de la réalisation de l’aléa, sauf à le vider de sens. Que l’on songe à la gestion du H1N1 : nous avions les masques et les vaccins mais, faute de réalisation du risque, le principe même de précaution a été décrié ! Cette prise de conscience devra conduire à donner corps à une approche préventive de l’aléa infectieux nécessitant de revoir nos politiques sanitaires, notre gestion hospitalière et de développer l’agilité de l’Etat via les acteurs locaux, au plus près du terrain.

– Aux entreprises ensuite, qui :

> d’une part, auront mesuré l’intérêt du télétravail et des applications digitales comme autant d’outils vitaux de la survie de leurs activités. Les accords d’entreprise ou les chartes de télétravail à venir s’en trouveront enrichis des expériences de confinement ;

> d’autre part, si elles ont perdu certains de leurs clients, parfois même leurs fournisseurs, elles se sont recentrées sur leurs valeurs. La solidarité de celles ayant remis en marche leurs machines pour fabriquer masques, gel hydroalcoolique est à saluer, conscientes de la santé des autres. La préservation de la santé de leurs propres salariés a pris corps, leur permettant de mesurer qu’au delà d’une obligation légale, elle n’était pas de vains « maux ». La reprise effective passera par la formalisation des modalités d’organisation, la prise de mesures de protection en concertation avec les représentants du personnel ou les syndicats ;

– aux salariés, encore, qui auront mesuré que le télétravail, revendiqué parfois comme la panacée, voire un droit, avait ses limites appréhendées, au quotidien, le temps de ce confinement. Au-delà de la difficile articulation vie privée/ vie professionnelle accentuée par « l’école à la maison », isolement personnel, le risque infectieux aura mis en exergue le besoin impérieux du retour au collectif, à la communauté de travail, qui s’est illustré notamment par la création de cafétérias virtuelles d’entreprise.

– à nous tous, enfin, que ce COVID-19, si malin qu’il soit, aura surtout rappelé à l’homme la précarité de « l’être » remettant à sa place la logique de « l’avoir », et remis l’humain au centre.

Il y a cinq ans, mon édito traitait du « travailleur à l’heure du numérique » et mettait en avant la nécessité pour les entreprises de négocier des accords d’entreprises sur la qualité de vie au travail pour tenir compte de la digitalisation de la relation de travail. Cinq années après, le COVID-19 aura permis de rappeler que nous devons trouver la ligne d’équilibre entre le digital, outil au service de l’homme, et le besoin d’appartenance à une communauté, besoin propre à l’humain. C’est autour de sa communauté de travail et de la négociation d’entreprise que la reprise et la reconstruction des entreprises devront donc être abordées.

Jurisprudence

COVID-19 : IMPORTANCE DU DOCUMENT UNIQUE d’EVALUATION DES RISQUES NOTAMMENT À LA REPRISE
(Tribunal judiciaire de Paris, Référé, 9 avril 2020 n°20/52223)

Le syndicat SUD a assigné en référé la société LA POSTE aux fins notamment que lui soit ordonné de procéder à une évaluation des risques professionnels liés à l’épidémie de covid-19 tels que notamment les conditions d’exercice liées à l’épidémie, les risques psychosociaux résultant de l’épidémie mais également ordonné la mise en œuvre des gestes barrières et moyens de protection pouvant varier suivant les métiers.

Si l’évaluation des risques avait été bien effectuées, les juges ont en revanche constaté que la situation de crise sanitaire aigüe ne pouvait dispenser LA POSTE de son obligation spécifique d’information de l’ensemble de ses personnels via un Document unique d’évaluation des risques (DUER).

Le Tribunal rappelle ainsi l’obligation spécifique d’élaboration d’un Document unique d’évaluation des risques sur l’ensemble de son périmètre d’intervention et de ses branches d’activités et métiers, en association autant que possible avec les services de la Médecine du travail, ses services internes de médecine du travail, les instances représentatives du personnel et notamment les CHSCT compétents, les organisations syndicales et dans la mesure du possible, les personnels concernés, en procédant à une évaluation détaillée de chacun des risques professionnels identifiés du fait de la crise sanitaire d’épidémie de Covid-19, en application de l’article L 4121-2 du code du travail et au regard des impératifs généraux de santé et de sécurité au travail, cette mesure devant comprendre notamment :

> Le recensement de l’ensemble des activités postales estimées essentielles et non essentielles à la vie de la Nation,

> Les conditions d’exercice liées à l’épidémie de covid-19 des divers métiers et emplois des activités postales,

> Les mesures adoptées dans les cas d’infections signalées, avérées ou suspectées, tant en ce qui concerne les personnels que les locaux et mobiliers professionnels,

> Les risques psychosociaux résultant spécifiquement de l’épidémie de covid-19.

COVID-19 : DECISION AMAZON DU TRIBUNAL JUDICIAIRE DE NANTERRE : QUELLES CONSEQUENCES EN TIRER ?
(Tribunal judiciaire de Nanterre, Référé, 14 avril 2020 n°20/00503)

Le syndicat Solidaires a assigné en référé la société Amazon France Logistique aux fins notamment, que lui soit ordonné, à titre principal, d’arrêter l’activité des entrepôts en ce qu’ils rassemblent plus de 100 salariés en un même lieu clos simultanément et, à titre subsidiaire, d’arrêter la vente et la livraison de produits non essentiels et ce sous astreinte et en tout état de cause, que lui soit ordonné de procéder à une évaluation des risques professionnels liés à l’épidémie de covid-19 et de mettre en œuvre les gestes barrières et moyens de protection adaptés à chacune des activités de l’entreprise et ce sous astreinte.

Pour conclure à la violation de l’obligation de sécurité et de prévention de la santé des salariés invoquée par le syndicat, le Tribunal a retenu que :

> Les instances représentatives du personnel n’ont pas été associées à l’évaluation des risques que la direction aurait menée.

> Le risque de contamination à l’entrée des sites dû à l’utilisation d’un portique de sécurité et celui résultant de l’utilisation des vestiaires n’ont pas été suffisamment évalués.

> Il n’est pas justifié de l’existence des plans de prévention avec toutes les entreprises extérieures ni que ceux-ci avaient été mis à jour.

> Si des mesures ont été prises et que l’organisation du travail a été constamment modifiée pour répondre à l’évolution de la situation, la société ne justifie pas que les nouveaux process ont été formalisés. En outre, il n’est pas justifié que ces changements, opérés sans concertation préalable avec les représentants du personnel, auraient été portés de manière appropriée à la connaissance des salariés. Ce risque n’a donc pas été suffisamment évalué.

> Le risque de contamination tenant aux manipulations successives des objets depuis la réception dans l’établissement à la livraison par les chauffeurs, ne fait pas l’objet d’une évaluation dans les DUERP. Le seul fait d’affirmer que les gestes barrières permettent une protection efficace ne répond pas à l’obligation d’évaluer préalablement les risques avant de définir les mesures de sécurité et de prévention nécessaires.

Concernant les risques psychosociaux en lien avec le risque pandémique et les réorganisations induites par mesures en place, le Tribunal a constaté qu’ils ne sont pas évalués dans les DUERP.

C’est dans ces conditions que le juge a ordonné à la société de restreindre les activités de ses entrepôts à la réception des marchandises, la préparation et l’expédition des commandes de produits alimentaires, de produits d’hygiène et de produits médicaux tant que la société n’aura pas mis en œuvre, en y associant les représentants du personnel, une évaluation des risques professionnels inhérents à l’épidémie de covid-19 sur l’ensemble de ses centres de distribution ainsi que les mesures prévues à l’article L 4121-1 du code du travail en découlant, sous astreinte de 1.000.000 d’euros par et par infraction constatée.

Cette décision rappelle l’importance d’évaluer et d’actualiser régulièrement les risques liés à l’épidémie dans le document unique d’évaluation des risques professionnels et d’adopter les mesures en conséquence, en y associant les représentants du personnel.

Bulletin rédigé par Me Nathalie LENFANT
Ravel avocats, 4 rue de l’arcade 75008 PARIS 01 80 48 10 20

JANVIER – FEVRIER 2020

Bulletin rédigé par Maître Maud GIORIA, Cabinet ECKERT ROCHE GIORIA

Editorial

RÉFORME DE LA JUSTICE : MESURES QUI INTÉRESSENT LE CONTENTIEUX SOCIAL

La loi organique n° 2019-221 du 23 mars 2019 relative au renforcement de l’organisation des juridictions et la loi n° 2019-222 du 23 mars 2019 de programmation 2018- 2022 et de réforme pour la justice, dont de nombreuses dispositions viennent d’entrer en vigueur au 1er janvier 2020, contiennent diverses mesures apportant des modifications au contentieux social.

LA FUSION DES TRIBUNAUX D’INSTANCE ET DE GRANDE INSTANCE

Les tribunaux d’instance et de grande instance ont fusionné depuis le 1er janvier 2020 et forment, désormais, les tribunaux judiciaires.

Ils sont compétents pour le contentieux des élections professionnelles – la représentation par avocat étant désormais obligatoire – et celui de l’interprétation des accords collectifs.

LE DÉVELOPPEMENT DE LA CULTURE DU RÈGLEMENT ALTERNATIF DES DIFFÉRENDS

Le texte comporte des dispositions destinées à promouvoir les modes alternatifs de règlement des litiges. À cette fin, il est désormais prévu qu’en « tout état de la procédure, y compris en référé, lorsqu’il estime qu’une résolution amiable du litige est possible », le juge peut enjoindre aux parties de rencontrer un médiateur qu’il désigne.

Ce texte n’entraînera pas de changement considérable en droit du travail. En effet, s’agissant des litiges individuels du travail, l’article R. 1471-2 du Code du travail prévoit déjà la possibilité pour le bureau de conciliation et le bureau de jugement d’enjoindre aux parties de rencontrer un médiateur à tous les stades de la procédure.

S’agissant du contentieux des élections professionnelles, la recherche d’une solution amiable ne s’applique pas car dans cette matière d’ordre public,employeur et syndicats ne peuvent se mettre d’accord pour reconnaître la validité des élections.

En revanche, la médiation pourrait s’avérer utile en matière de contentieux relatifs à l’application ou l’interprétation des accords collectifs de travail.

Le recours à un mode de résolution amiable des différends (MARD), doit précéder, sous peine d’irrecevabilité, toutes les demandes tendant au paiement d’une somme n’excédant pas 5.000 € devant le Tribunal judiciaire (mais aussi celles relatives à un conflit de voisinage).

S’agissant des litiges prud’homaux, il pose question dans le cadre d’une procédure qui comporte un préalable de conciliation.

C’est que la pratique démontre le paradoxe du contentieux prud’homal : la conciliation est en principe un passage obligé, pour autant, elle aboutit rarement.

Plusieurs facteurs plaident, cependant, en faveur du développement des MARD, et notamment de la médiation, liés aux défaillances de la justice du travail.

Actualité

LA MÉDIATION DANS LE CONTENTIEUX PRUD’HOMAL

Partant du constat que la justice prud’homale connaît des difficultés persistantes en lien avec une fonction de jugement très aléatoire et une fonction de conciliation marginalisée, le rapport d’information au Sénat du 10 juillet 2019 intitulé « La justice prud’homale au milieu du gué » formule 46 propositions dont une visant à favoriser la médiation et le règlement amiable des litiges du travail.

Depuis la loi n° 2015-990 du 6 août 2015 et le décret n° 2016-660 du 20 mai 2016, il est possible de recourir à la médiation judiciaire pour la résolution des litiges individuels du travail.

Des freins bloquent, en pratique, le recours à ce type de résolution amiable des différends alors qu’il présente, en matière prud’homale, comme dans d’autres domaines, des avantages certains qu’il est intéressant de promouvoir de façon pédagogue pour favoriser un engouement envers la médiation devant les Conseils de prud’hommes.

LE CONSTAT DE LA QUASIINEXISTENCE DE LA MÉDIATION DEVANT LES CONSEILS DE PRUD’HOMMES

Cela tient à la fois à la culture de la justice appréhendée sentencieusement, à la crainte que l’employeur, présumée partie forte, tire avantage de la médiation au détriment du salarié considéré comme partie faible du fait du lien de subordination qui caractérise le contrat de travail et au manque d’information et donc de connaissance relative à ce processus.

Le droit d’accès au juge figure au rang des principes fondamentaux reconnus par les juridictions françaises.

Cette culture judiciaire est issue de la tradition romanociviliste, dominante en Europe occidentale, à l’inverse de la culture anglo-saxonne dans laquelle les modes alternatifs de règlement des conflits ont une place plus importante du fait aussi d’un schéma judiciaire aux arcanes de procédure, il est vrai, très différentes !

Les litiges individuels du travail sont pour certains gouvernés par un rapport de force entre l’employeur et le salarié que la médiation ne saurait réduire mais plutôt amplifier dans la perception erronée que peuvent en avoir les protagonistes au procès.

Ainsi la culture de la médiation resterait-t-elle à conquérir car la relation de travail en France reste fortement marquée par une dimension conflictuelle, binaire « avoir raison ou tort ».

La quasi-inexistence du recours à la médiation devant les Conseils de prud’hommes peut également s’expliquer par la réticence partagée des conseillers, des avocats et des justiciables.

Effectivement, on va difficilement vers quelque chose que l’on ne connaît pas bien, voire pas du tout et les différents professionnels de la justice prud’homale sont peu formés non seulement aux techniques spécifiques de médiation, mais également et à tout le moins, à l’intérêt même de la médiation.

Enfin, la médiation est toujours perçue comme nécessitant, au final, des concessions, un compromis, une reconnaissance partielle de ses torts et en cela, reste malheureusement appréhendée comme un mode imparfait de résolution du conflit.

LES RAISONS QUI PRÉSIDENT AU RECOURS A LA MÉDIATION DANS LE CONTENTIEUX PRUD’HOMAL

Si la question de la pertinence du recours à la médiation pour la résolution des litiges individuels du travail se pose avec force dans les débats actuels, c’est que la justice prud’homale souffre de différents maux qu’elle contribuerait à éluder.

Force est malheureusement de constater que la justice du travail connaît une phase de conciliation inefficace (le taux de conciliation atteignait 5,6 % en 2017), de délais souvent très longs qui ne respectent pas la norme du délai raisonnable (institué par l’article 6.1 de la CEDH), d’un taux d’appel élevé (en 2016, ce taux était de 66,7 % quand celui des Tribunaux de commerce était de 14,5 %, celui des Tribunaux d’instance de 5,7 % et celui des Tribunaux de Grande Instance de 21,6 %) et d’une suspicion pourtant infondée de partialité des juges de la part des parties.

Gouvernée par la confidentialité, la médiation permet aux parties de se réapproprier leur litige, de faire émerger les causes de son déclenchement, de dépasser le droit strict pour trouver ensemble une solution à leur différend qui prospère souvent
sur le terreau d’incompréhension, de non-dits, de défaut de reconnaissance et de perception décalée des situations.

L’ensemble du processus de médiation est couvert par l’obligation de confidentialité, tant à la charge des parties au processus que du médiateur.

Dans le souci du respect de ce principe, le contenu des discussions qui se déroulent au cours des séances n’est pas divulgué et ne peut pas faire objet de preuve devant le Conseil de prud’hommes qui serait déjà ou éventuellement par la suite saisi.

La parole de chacun est ainsi libérée afin que le dialogue puisse s’instaurer.

L’intérêt de la médiation réside aussi dans le fait de pouvoir gérer l’aléa judiciaire difficile à apprécier en matière prud’homale comme d’ailleurs, devant toute autre juridiction.

Les parties restent maîtresses du processus, qu’elles peuvent adapter comme elles l’entendent et selon leurs besoins, tant sur la périodicité des réunions, leur nombre, le temps consacré à chacune d’elles, les personnes y assistant que la précision de l’accord.

Le but recherché est de laisser les parties construire elles-mêmes la solution répondant à leurs besoins essentiels, alors que la réponse judiciaire pourrait ne pas être appropriée et provoquer un sentiment d’injustice.

Le principe de liberté gouvernant la médiation permet ainsi aux parties devenues des « médiés » de se réapproprier leur litige et de trouver ensemble une issue pour construire une solution.

Si la médiation a toujours lieu « sous le couvert de la loi », elle permet de dépasser la seule appréciation et la seule apparence juridiques du conflit pour se préoccuper de sa réalité profonde et imaginer des solutions de « sortie » très diverses.

De nombreux professionnels du droit, magistrats et avocats – qui assistent leurs clients d’un point de vue juridique dans le cadre de ce processus –, ont aujourd’hui à cœur de changer les mentalités, convaincus par l’intérêt d’une résolution pacifiée des conflits.

Jurisprudence

ARTICULATION ACCORD DE GROUPE/ ACCORD D’ENTREPRISE AVANT LA LOI TRAVAIL – PRINCIPE DE FAVEUR
Dans un arrêt du 8 janvier 2020, la Cour de cassation a validé le raisonnement de la Cour d’appel de DOUAI qui, s’agissant de l’articulation entre un accord de groupe et un accord d’entreprise postérieur, a fait application du principe de faveur.

Au moment de la conclusion de l’accord de groupe, l’articulation entre un accord de ce niveau et les accords d’entreprise n’était pas prévue par la loi.

Pour déterminer les accords applicables aux salariés, la Cour de cassation consacre la méthode de comparaison globale « par ensemble d’avantages ayant le même objet ou la même cause » dans la lignée de l’arrêt Géophysique (Cass. soc., 19 février 1997, no 94-45.286).

Depuis, la loi Travail du 8 août 2016 prévoit que lorsqu’un accord conclu dans tout ou partie d’un groupe le prévoit expressément, ses stipulations se substituent à celles ayant le même objet des conventions ou accords conclus antérieurement ou postérieurement dans les entreprises ou les établissements compris dans le périmètre de cet accord (article L. 2253-5 du Code du travail).

PRIORITÉ DE RÉEMBAUCHE : ELLE S’EXERCE APRÈS LE CONGÉ DE RECLASSEMENT

Lorsque l’entreprise procède à des recrutements dans les 12 mois suivant un licenciement économique, le salarié licencié peut bénéficier d’une priorité de réembauche sur les emplois correspondant à sa qualification.

Il doit avoir demandé à bénéficier de cette priorité dans un délai d’un an à compter de la date de la rupture de son contrat, c’est-à-dire à compter du terme du préavis de licenciement (article L. 1233-45 du Code du travail).

Comment articuler ces dispositions avec celles relatives au congé de reclassement, qui doit être proposé dans les entreprises ou établissements d’au moins 1 000 salariés (article L. 1233-71 du Code du travail) ?

S’il débute par principe durant le préavis, ce congé en excède en effet fréquemment la durée.

La Cour de cassation a résolu la difficulté le 11 décembre dernier : dans cette situation, le salarié ne bénéficie de la priorité de réembauche qu’au terme du congé de reclassement. Une solution valable même si le licenciement est ultérieurement jugé sans cause réelle et sérieuse (Cass. soc., 11 décembre 2019, no 18-18.653).

Bulletin rédigé par Me Maud GIORIA- SCP ECKERT- ROCHE- GIORIA
1 rue Jean-Antoine Chaptal 57070 METZ

OCTOBRE – NOVEMBRE 2019

Bulletin rédigé par Maître Pierre CHICHA
Cabinet CHICHA

Editorial

PENDANT QUE LA CHAMBRE SOCIALE DE LA COUR DE CASSATION AFFERMIT ET MAINTIENT SA POSITION DE STRICT RESPECT DE LA VIE PRIVÉE… LA COUR DE EUROPÉENNE DES DROITS DE L’HOMME AUTORISE, ELLE, LES VIDÉO-SURVEILLANCES PAR CAMERAS CACHÉES…

Le mois d’octobre 2019 a connu une nouvelle fois des évolutions marquantes en droit de la preuve. Ainsi, la Chambre Sociale de la Cour de Cassation a affirmé que la protection du secret des correspondances, prévalait y compris s’agissant d’échanges de messages instantanés ne portant aucune mention « personnelle » ou « privé » réalisés à partir du matériel fourni par l’employeur pendant le temps de travail et dès lors présumés avoir un caractère professionnel. Les messageries instantanées même dépourvues de mention personnelle ou privée restent couvertes par le secret des correspondances dès lors qu’elles sont rattachées à une messagerie privée, bien que la mention privée ne soit pas expressément mentionnée et donc visible. La Cour de Cassation a néanmoins indiqué : « Mais attendu qu’ayant constaté que les messages électroniques litigieux, échangés au moyen d’une messagerie instantanée, provenaient d’une boite à lettre électronique personnelle distincte de la messagerie professionnelle dont la salariée disposait pour les besoins de son activité, la cour d’appel en a exactement déduit qu’ils étaient couverts par le secret des correspondances. » (Cassation Sociale, 23 octobre 2019, Société Michel Nicolas c/ Mme X, 17-28.448)

Prenant une tendance inverse la Cour Européenne des Droits de l’Homme a, au terme d’un arrêt particulièrement motivé, apporté un assouplissement significatif au droit de la preuve validant une décision des tribunaux espagnols de retenir comme moyen de preuve licite des caméras dissimulées.

En l’espèce, une société avait constaté d’importantes disparitions de marchandises. Elle avait installé un dispositif de vidéosurveillance constitué de caméras connues et de caméras cachées. Ces dernières permettaient à la Société d’identifier parmi les salariés des auteurs d’infraction. Ces derniers étaient licenciés. La Cour Européenne des Droits de l’Homme a été saisie de cinq recours par les salariés n’ayant pas obtenu gain de cause les juridictions espagnoles validant la recevabilité des enregistrements issus des caméras cachées.

La décision de la CEDH valide le recours aux caméras cachées aux visas des articles 6 (droit à un procès équitable) et 8 (respect de la vie privée) de la Convention Européenne des Droits de l’homme :
« 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance.
2. Il ne peut y avoir ingérence d’une autorité publique dans l’exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu’elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bienêtre économique du pays, à la défense de l’ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d’autrui.
»

(Article 8 de la Convention Européenne des Droits de l’Homme)

Au terme d’une décision fleuve de plus de 50 pages la Cour Européenne des Droits de l’Homme a ainsi validé la présence de caméras cachées après avoir rappelé que sur les 28 pays de l’Union Européenne 21,avaient transposé la directive n°95/46 (RGPD) la plupart interdisant la vidéosurveillance cachée alors même que d’autres l’admettent en cas de soupçon d’infractions pénales, indiquant également que dans les pays non membres la Suisse notamment admet le recours à un tel procédé.

La Cour a dans un premier temps rappelé, en regard de l’article 8 ce que recouvre la notion de vie privée soit : « l’intégrité physique et morale d’une personne physique ainsi que de multiples aspects de son identité,physique et sociale… Elle englobe notamment des éléments d’identification d’individu tel son nom ou sa photographie. » Et la Cour de préciser : « La notion de vie privée ne se limite pas à un « cercle intime »… Elle n’exclut pas les activités professionnelles (Fernandez Martinez c Espagne n°56030, n°11 CEDH 2014) »

La CEDH a considéré que dès lors que des personnes avaient été filmées en continu sur leur lieu de travail pendant 10 jours, l’article 8 trouvait à s’appliquer. Pour autant, sous le prisme de cet article, les états doivent garantir le respect d’une proportionnalité aux autres libertés et préserver les personnes contre les abus. Après avoir rappelé cette règle, la Cour a entendu faire une analyse in concreto de la situation et dans le cadre de cette analyse a considéré que :
– La durée de la vidéosurveillance par caméra cachée n’avait pas excédé 10 jours,
– Quelles qu’aient été les conséquences pour les salariés, « la vidéosurveillance et les enregistrements n’ont pas été utilisés par l’employeur à d’autres fins que de trouver les responsables des pertes de produits constatées et de les sanctionner.»
– « Il n’existait pas d’autre, moyen d’atteindre le but légitime poursuivi »,
– Les salariés avaient été informés de l’existence de vidéosurveillance quand bien même il existait des dispositifs visibles et des dispositifs cachés.

La Cour a ensuite entendu rappeler le principe de proportionnalité : « En l’espèce la cour constate que les juridictions du travail saisies par le requérant ont procédé à une mise en balance circonstanciée entre d’une part le droit des intéressés au respect de leur vie privée, et d’autre part l’intérêt pour leur employeur d’assurer la protection de ses biens et le bon fonctionnement de l’entreprise. Elle relève que les critères de proportionnalité établis par la jurisprudence du tribunal constitutionnel et suivis en l’espèce sont proches de ceux qu’elle a dégagés dans sa propre jurisprudence. ».

La CEDH a ajouté que, certes, il y avait une infraction au respect de la vie privée du fait de la non information de la localisation des dispositifs de surveillance nonobstant l’information sur la mise en place d’un tel système mais que, dès lors, que le lieu filmé correspondait aux caisses où il y avait beaucoup de passage et que les dommages de l’Employeur étaient importants, cette atteinte était proportionnée.

S’agissant de l’article 6 : constatant que les enregistrements n’étaient pas les seuls éléments sur lesquels l’Employeur s’était fondé se référant, également, aux tickets de caisse « éléments de preuves non susceptibles d’être viciés » ; la Cour considère que l’utilisation comme preuves des images, n’a donc pas porté atteinte au caractère équitable de la procédure en l’espèce. »

En droit interne, aux termes de l’article L 1121-1 du Code du Travail : « Nul ne peut apporter aux droits des personnes et aux libertés individuelles et collectives de restrictions qui ne seraient pas justifiées par la nature de la tâche à accomplir ni proportionnées au but recherché. ». Ce texte est en tous points conforme à la position de la CEDH.

Pour autant, en l’état actuel du droit positif, il demeure interdit de recourir aux caméras cachées. D’une part le système et son emplacement doivent faire l’objet d’une information du CSE et d’autre part quand bien même depuis l’adoption du RGPD la CNIL ne doit plus être consultée préalablement à la mise en place, elle dispose d’un pouvoir de sanction si elle estime le dispositif disproportionné.

Cette décision de la CEDH apportera-t-elle un souffle nouveau à notre droit interne ?

Actualité

PRÉJUDICE D’ANXIÉTÉ : RETOUR ET GÉNÉRALISATION

Par deux décisions de principe rendues le 11 septembre 2019, la Cour de Cassation est venue préciser les modalités et conditions de l’indemnisation d’un préjudice d’anxiété l’étendant au-delà de l’amiante. Lesdits arrêts seront publiés au Bulletin des arrêts de la Cour de Cassation. L’articulation de ces arrêts permet (1) de définir le périmètre de l’application possible du préjudice d’anxiété (2) de rappeler les conditions nécessaires pour pouvoir solliciter des dommages et intérêts (3) et de rappeler les conditions nécessaires pour l’employeur pour s’exonérer de sa responsabilité.

1- Tout salarié peut donc solliciter une indemnisation dès lors qu’il a été en contact avec une substance toxique ou nocive.
La Cour de Cassation était saisie d’une demande de dommages et intérêts par des salariés anciens mineurs des Houillères du Bassin de Lorraine et donc en rapport avec d’autres substances que de l’amiante. Au détour de son arrêt la Chambre Sociale de la Cour de Cassation est venue préciser : « En application des règles de droit commun régissant l’obligation de sécurité de l’employeur, le salarié qui justifie d’une exposition à une substance nocive ou toxique générant un risque élevé de développer une pathologie grave et d’un préjudice d’anxiété d’une telle exposition, peut agir contre son employeur pour manquement de ce dernier à son obligation de sécurité. » (Cass Soc 11/09/2019 n°17-24.879 FP-PB A. c/ Agent Judiciaire de l’Etat)

2- … Encore faut il prouver avoir été en contact avec la substance sus mentionnée
« … en application des règles de droit commun régissant l’obligation de sécurité de l’employeur les salariés devaient justifier d’une exposition à l’amiante générant un risque élevé de développer une pathologie grave et d’un préjudice d’anxiété personnellement subi résultant d’une telle exposition » Cassation Sociale du 11/09/2019 n°17-26.879 FS-PB

3- Les conditions d’exonération de la responsabilité Conformément aux dispositions de droit commun l’indemnisation suppose une faute, un préjudice ainsi qu’un lien de causalité.
L’existence de la faute a été rappelée par la Cour de Cassation en Assemblée plénière le 5 avril 2019 (Cassation Assemblée Plénière 5/04/2019 n°18.17-442, RJS 6/19 n°360): Attendu que ne méconnaît pas l’obligation légale lui imposant de prendre les mesures nécessaires pour assurer la sécurité et protéger la santé physique et mentale des travailleurs, l’employeur qui justifie avoir pris toutes les mesures prévues par les textes susvisés ;

Attendu que, pour condamner la société à payer au salarié une certaine somme à titre de dommages-intérêts en réparation de son préjudice d’anxiété, l’arrêt retient que le demandeur justifie par les pièces qu’il produit, d’une exposition au risque d’inhalation de poussières d’amiante et que, l’exposition du salarié à l’amiante étant acquise, le manquement de la société à son obligation de sécurité de résultat se trouve, par là même, établi, et sa responsabilité engagée, au titre des conséquences dommageables que le salarié invoque du fait de cette inhalation, sans que la société puisse être admise à s’exonérer de sa responsabilité par la preuve des mesures qu’elle prétend avoir mises en œuvre ; Qu’en statuant ainsi, en refusant d’examiner les éléments de preuve des mesures que la société prétendait avoir mises en œuvre, la cour d’appel a violé les textes susvisés ;

Dans l’arrêt concernant les salariés des Houillères du Bassin de Lorraine (voir ci-avant) la Cour de Cassation tout en rappelant que l’employeur pouvait s’exonérer de sa responsabilité a également entendu préciser que c’est désormais à l’employeur de prouver qu’il a pris toutes les mesures nécessaires en application des articles L 4121-1 et L 4121- 2 du Code du Travail.


Bulletin rédigé par Me Pierre CHICHA
Cabinet CHICHA 33, rue de la Tour 75116 Paris

AOUT – SEPTEMBRE 2019

Éditorial

LE BARÈME MACRON VALIDÉ PAR LA COUR DE CASSATION (AVIS CASS. 17-7-2019 N°19-70.010 ET 19-10.011 – FORMATION PLÉNIÈRE)

La décision était très attendue. Sans surprise pour certains, profonde déception pour d’autres… La Cour de cassation a tranché par avis du 17 juillet 2019 : le barème Macron limitant l’indemnisation pour licenciement sans cause réelle et sérieuse (art. L 1235-3) est conforme au droit international et européen.

Deux conseils de prud’hommes avaient initié la même démarche (Louviers et Toulouse). Deux avis ont donc été rendus le même jour, dans les mêmes termes, le premier étant, cependant, un peu plus complet, d’où notre choix de le commenter ici.

Pour mémoire, l’affaire opposait la société Sanofi Pasteur à un ancien salarié (susceptible de prétendre à une indemnité comprise en 1 et 2 mois de salaire), mais d’autres acteurs se sont joints à la procédure pour faire entendre, également, leurs arguments (CFDT, CGT-FO, CGT, CFE CGC, MEDEF, Syndicat des avocats de France, Association Avosial), à tort pour les deux derniers, dont l’intervention a été jugée irrecevable, faute d’intérêt à agir.

Trois textes étaient invoqués :

– La Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales dont l’article 6 §1 consacre le droit à un procès équitable ;
– La Charte sociale européenne dont l’article 24 (Droit à la protection en cas de licenciement) énonce que « les Parties s’engagent à reconnaître …le droit des travailleurs licenciés sans motif valable à une indemnité adéquate ou à une réparation appropriée » ;
– La convention n°158 de l’OIT (Organisation internationale du travail) dont l’article 10 reconnait de même au profit du travailleur injustement licencié le droit à « une indemnité adéquate ou toute autre forme de réparation considérée comme appropriée ».

Il convient de préciser, d’un point de vue technique, qu’avant même de se prononcer sur le fond, la Cour de cassation devait pour chacun des textes considérés trancher la question de savoir s’il était directement applicable en droit interne, sachant que tous les textes internationaux ou européens ne le sont pas automatiquement.

En effet, certains textes peuvent être opposables dans une relation entre l’Etat et un particulier (dit « effet vertical »), mais ne pas l’être dans une relation entre particuliers (dit « effet horizontal »), étant précisé que la relation employeur-salarié entre dans cette deuxième catégorie.

La Cour a donc examiné successivement les trois textes et est parvenue pour chacun d’eux à l’analyse qui suit.

– La Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales a été rapidement écartée, non pas au regard de son application directe en droit interne, reconnue de longue date, mais parce que son article 6 §1 implique de distinguer entre ce qui est d’ordre procédural (accès au juge) et d’ordre matériel (ce que le juge est en mesure d’accorder), sachant que la CEDH (Cour européenne des droits de l’homme), juridiction en charge du respect de la Convention, a toujours limité le champ d’application de cet article à l’aspect purement procédural. Par conséquent, le fait de limiter le montant de l’indemnisation (relevant de l’aspect matériel) ne pouvait constituer un obstacle procédural.

– La Charte sociale européenne a également été écartée, cette fois, eu égard à son absence d’effet direct en droit interne. Pour ce faire, la Cour a relevé que les « Parties » visées dans la partie II de la Charte où figure l’article 24 sont les États (lesquels « s’engagent… à se considérer comme [liés]…par les obligations …ci-après. »). Elle en a déduit que chaque Etat dispose d’une importante « marge d’appréciation » dans la mise en œuvre de la Charte et que celle-ci n’a donc « pas d’effet direct en droit interne entre particuliers ».

– Ne restait donc en piste que la Convention n°158 de l’OIT. La question de son application directe en droit interne ne faisait guère de doute, dans la mesure où la Cour de cassation a déjà eu l’occasion par le passé de l’admettre, en particulier, lors du débat animé qui s’est instauré devant nos juridictions entre 2005 et 2008 à propos du CNE (contrat (suite) nouvelles embauches). Certes, il ne s’agissait pas du même article, mais néanmoins de la même Convention, raison pour laquelle, la Cour n’a pas jugé utile de motiver longuement son avis sur le sujet.

Dès lors, il lui revenait de trancher ce qu’il faut entendre par « une indemnité adéquate ou toute autre forme de réparation considérée comme appropriée ». Son appréciation ne pouvait que s’inscrire que dans la « culture » de la Convention, c’est-à-dire une prescription internationale dont le cadre d’adoption a vocation à couvrir de nombreux états dans des situations économiques et sociales extrêmement variées. Raison pour laquelle, les organes mêmes de l’OIT ont toujours fait preuve de beaucoup de souplesse à l’égard des Etats ayant accepté de la ratifier (très peu) et donc de la mettre en oeuvre. De ce fait, l’appréciation devait dépasser le simple cadre de l’article L 1235-3 pour englober plus généralement toute l’économie de la réparation du licenciement en droit français, qui ne se limite pas au barème mais comporte également des dispositions très protectrices en cas de nullité (L 1235-3-1). Ce faisant, et après s’être référé à cet ensemble législatif, la Cour a considéré que le terme « adéquat » devait être compris comme réservant aux Etats une marge d’appréciation, pour en conclure que l’article L 1235-3 était compatible avec la convention n°158 de l’OIT.

Ainsi, le message est clair : les outils du droit international et européen sont impuissants à remédier par la voie juridique à une question qui reste avant tout politique, étant rappelé que le texte en cause a été adopté par voie d’ordonnance et n’a donc fait l’objet d’aucun débat devant le parlement.

Il reste que, techniquement parlant, l’avis de la Cour de cassation ne lie pas le juge, ce qui n’a pas échappé à certains conseils de prud’hommes, résolument déterminés à faire de la résistance. Tel est le cas des Conseils de prud’hommes de Grenoble, Troyes, Nevers ou encore Le Havre ayant récemment écarté le barème.

Symbolique, certes, mais efficace, peu probable, car il va de soi que les employeurs auront tout intérêt à résister eux aussi et donc à aller jusqu’en cassation s’il le faut.

Gageons, en effet , que la Cour de cassation ne se dédise pas si elle est saisie d’un pourvoi !


Actualité

RÉFORME DE L’ASSURANCE CHÔMAGE EN BREF

Le départ a été donné par la Loi Avenir du 5-9-2018 ayant fixé les grands axes d’une réforme et contraint les partenaires sociaux à une renégociation anticipée des règles de l’assurance chômage, sur la base d’une feuille de route gouvernementale laissant peu d’espace à un consensus.

Les négociations ayant échoué, le gouvernement a pris la main sur le dispositif avec la publication de deux décrets en date du 26 juillet 2019 (n°2019-796 et n°2019-797) qui sont dans la droite ligne des annonces faites en juin dernier. Plus précisément d’un point de vue formel, la Convention d’assurance chômage du 14 avril 2017 (en vigueur depuis novembre 2017) est abrogée et le Règlement qui lui était annexé, l’est désormais au décret n°2019-797.

Souplesse d’un côté avec l’ouverture de l’assurance chômage aux travailleurs indépendants et aux démissionnaires ayant un projet professionnel, durcissement de l’autre avec des conditions plus restrictives pour les allocataires, outre un bonus-malus pour les entreprises dans certains secteurs d’activité.

BONUS-MALUS SUR LA CONTRIBUTION CHÔMAGE
Nouveau concept qui ne s’annonce pas des plus simples.
Principe : modulation à la hausse ou à la baisse (entre 3% et 5,05%) du taux de la contribution d’assurance chômage en fonction du taux de fins de contrat de l’employeur.
Mode de détermination : taux modulé défini en comparant le taux de séparation de l’entreprise (nombre de fins de contrat imputables à l’employeur rapporté à l’effectif une période de référence de 3 ans) avec le taux de séparation médian dans le secteur d’activité.
Entreprises concernées : celles d’au moins 11 salariés appartenant aux secteurs d’activité dans lesquels le taux de séparation médian est supérieur à un seuil qui sera fixé par arrêté pour une période de 3 ans. L’arrêté précisera les secteurs d’activité concernés par référence à la nomenclature des activités françaises (NAF).
Fins de contrat prises en compte : toutes (via l’attestation pôle emploi ou la DSN) sauf contrat de mission, d’apprentissage, de professionnalisation, unique d’insertion et CDD conclus au titre de la politique de l’emploi.
Salariés concernés : Le taux majoré ou minoré s’appliquera à la rémunération de tous les salariés de l’entreprise, sous réserve de quelques exceptions (embauche en CDI à l’issue d’un CDD, contrats de travail temporaire, CDD conclus pour
remplacement ou accroissement temporaire d’activité).
Notification des taux : le taux de séparation et le taux de contribution seront notifiés à chaque entreprise (conditions
fixées par arrêté à paraître).
Entrée en vigueur : 1er janvier 2021 (en pratique, appel des premières contributions modulées à partir du 1er mars 2021).

– TRAVAILLEURS INDÉPENDANTS
Grande nouveauté de la réforme, les travailleurs indépendants qui ont toujours été exclus de l’assurance chômage, historiquement réservée jusque-là aux salariés, peuvent désormais en bénéficier, mais les conditions d’ouverture, comme le montant (annoncé) des allocations, font que l’impact de la mesure restera limité.
Dénomination : allocation des travailleurs indépendants (ATI).
Bénéficiaires : travailleur indépendant au titre de la dernière activité.
Condition d’ouverture : liquidation ou redressement judiciaire.
Durée minimale d’activité : au moins 2 ans au titre d’une seule et même entreprise.
Condition de revenu antérieur : au moins 10.000 € par an au titre de l’activité non-salariée.
Montant et durée de l’allocation forfaitaire : ces deux points doivent faire l’objet d’un autre décret qui devrait être publié prochainement. Selon les annonces du gouvernement, le montant pourrait s’élever à environ 800 € par mois.
Entrée en vigueur : 1er novembre 2019.

– DÉMISSIONNAIRES AYANT UN PROJET DE RECONVERSION PROFESSIONNELLE
La liste des démissions considérées comme légitimes s’enrichit donc d’un nouveau cas, inédit jusque-là, mais qui reste soumis à des conditions assez strictes.
Durée minimum d’activité préalable : 5 années ininterrompues (soit au minimum 1300 jours travaillés au cours des 60 mois précédant la fin du contrat).
Justifications à apporter : projet de reconversion professionnelle réel et sérieux ayant mobilisé un conseil en évolution professionnelle préalablement à la démission.
Examen du dossier : par la CPIR (Commission paritaire Interprofessionnelle Régionale) destinataire des pièces justificatives (dont la liste sera fixée par arrêté à paraître).
En cas de refus : recours gracieux possible dans les deux mois.
En cas d’accord : demande d’allocation à déposer dans les six mois suivants la décision.
Contrôle de la mise en œuvre du projet de reconversion : assuré par pôle emploi au bout de six mois de perception des allocations.
Entrée en vigueur : 1er novembre 2019.

DROITS DES ALLOCATAIRES
Des conditions d’ouverture et de rechargement des droits plus restrictives et dégressivité des allocations à partir d’un certain montant, constituent l’essentiel des nouveautés en
la matière.
Conditions d’affiliation pour allocataires < 53 ans :
minimum de 130 jours ou 910 heures au cours des 24 mois précédant la fin du contrat, soit 6 mois (au lieu 4 mois
avant sur une période de 28 mois)
Conditions d’affiliation pour allocataires ≥ 53 ans : mêmes conditions que ci-dessus mais appréciées sur une période de 36 mois.
Durée minimale d’indemnisation (majorée en conséquence) : 182 jours calendaires (au lieu de 122 jours avant)
Rechargement des droits : le principe est en théorie maintenu (activité exercée en cours d’indemnisation permettant de retrouver des droits à la fin de la période d’indemnisation). En revanche, la condition minimale d’activité actionnant le mécanisme devient nettement plus difficile à atteindre puisqu’il faut désormais 910 heures (ou 130 jours) au cours des 24 derniers mois alors qu’auparavant 150 heures suffisaient. Les seuils de rechargement se trouvent ainsi alignés sur les seuils d’ouverture des droits, ce qui fait que le concept même du rechargement perd de son intérêt.
Période d’appréciation pour la détermination du salaire de référence : à compter du 1-4-2020, la période prise en compte sera les 24 mois précédant le dernier jour travaillé et payé, au lieu de 12 mois jusque-là.
Mode de calcul du salaire journalier de référence (SJR) :
• Formule applicable jusqu’au 1-4-2020 : total des rémunérations sur 12 mois / [nombre de jours travaillés (dans la limite de 261) x 1,4]
• Formule applicable à compter du 1-4-2020 : total des rémunérations sur 24 mois / nombre de jours calendaires à
compter du 1er jour de la 1ère période d’emploi incluse dans la période de référence.
Dégressivité de l’allocation sur les hauts revenus :
application d’un coefficient de dégressivité de 0,7 à compter du 183ème jour d’indemnisation, sans que cette réduction ne puisse porter le montant de l’allocation journalière en dessous de 84,33 €. En pratique, cette mesure n’affectera que les allocataires dont le SJR est supérieur à 147,95 €, soit un revenu brut mensuel moyen de l’ordre de 4505 €.
La réduction pourra atteindre jusqu’à 30% (dans la limite indiquée de 84,33 €).
Différé congés payés : prise en compte des indemnités de congés payés versées lors de toutes les fins de contrat intervenues au cours de la période de 24 mois, alors qu’auparavant seule l’indemnité versée par le dernier employeur entrait dans le calcul.
Entrée en vigueur : 1er novembre 2019 (sauf dispositions pour lesquelles l’entrée en vigueur est reportée au
1-4-2020)


Jurisprudence

RUPTURE CONVENTIONNELLE ET HARCÈLEMENT MORAL LICENCIEMENT POUR FAUTE GRAVE ET PRÉAVIS

La Cour de cassation vient de préciser qu’une situation de harcèlement moral n’empêche pas de recourir à une rupture conventionnelle individuelle avec le salarié qui en est la victime.

La convention ne pourrait être annulée que si l’existence d’un vice du consentement est démontrée.

Dans cette affaire, la Cour d’appel avait déclaré nulle la rupture conventionnelle au motif que la salariée l’avait signée dans un contexte de harcèlement moral, sans qu’elle n’ait à prouver un quelconque vice du consentement.

La haute-juridiction précise : « Qu’en statuant ainsi, alors qu’en l’absence de vice du consentement, l’existence de faits de harcèlement moral n’affecte pas en elle-même la validité de la convention de rupture intervenue en application de l’article L. 1237-11 du code du travail, la Cour d’appel a violé les textes susvisés. » Cass. soc. du 23 janvier 2019 n°17-21.550

LICENCIEMENT POUR FAUTE GRAVE ET PREAVIS

Chacun sait que le licenciement pour faute grave, s’il est reconnu, est effectif sans préavis et prive le salarié du bénéfice de l’indemnité de licenciement.

Attention, toutefois, à des rédactions de contrat de travail parfois approximative ; il arrive, en effet, qu’un contrat de travail prévoit un préavis en cas de rupture du contrat du fait de l’une ou l’autre des parties, sans établir de distinction selon le motif de la rupture.

Cette maladresse n’est pas sans conséquence.

Dans une telle hypothèse, la Cour de cassation a eu l’occasion de rappeler récemment que même licencié pour faute grave, le salarié devra donc bénéficier du préavis. Cass. soc. 20 mars 2019 n°17- 26.999

MOURIR APRÈS UNE RELATION SEXUELLE PEUT ÊTRE UN ACCIDENT DU TRAVAIL

Non, vous ne rêvez pas et la victime qui vient de faire jurisprudence n’était pas une escort-girl.

Il n’empêche que son décès après un rapport sexuel est considéré, par la justice, comme un accident du travail.

C’est une décision de la Cour d’appel de Paris en date du 17 mai 2019, celle ci précisant que : «Le salarié effectuant une mission, a droit à la protection prévue à l’article L. 411-1 du Code de la sécurité sociale, peu important que l’accident survienne à l’occasion d’un acte professionnel ou d’un acte de la vie courante, sauf la possibilité pour l’employeur de rapporter la preuve que le salarié a interrompu sa mission pour un motif personnel. »

Pour la Cour : « il est constant qu’un rapport sexuel est un acte de la vie courante ».

Gageons et osons espérer que l’affaire n’en restera pas là et que la Cour de cassation apportera un éclairage différent, l’employeur pouvant rapporter la preuve, par hypothèse, que le salarié avait interrompu sa mission pour un motif personnel.

Sans malice aucune, espérons que cette décision restera isolée dans les annales de la jurisprudence ! CA Paris (Pôle 6, 12ème ch.) du 17 mai 2019, n° 16/08787


Bulletin rédigé par Mes Marie-France THUDEROZ et Yves BOULEZ
Cabinet SOCIAL JURISTE – 7 Quai SARRAIL – 69006 LYON

Bulletin JSA – JUILLET AOUT 2019

Bulletin rédigé par Maître Annette PAUL
Cabinet BASTILLE AVOCAT
10 Avenue Alsace Lorraine
38000 GRENOBLE

Editorial

LA LOI PACTE LOI N° 2019-486 DU 22 MAI 2019 RELATIVE À LA CROISSANCE ET LA TRANSFORMATION DES ENTREPRISES
VIENT MODIFIER/ASSOUPLIR CERTAINES RÈGLES EN MATIÈRE D’ÉPARGNE SALARIALE.

La loi PACTE LOI n° 2019-486 du 22 mai 2019 relative à la croissance et la transformation des entreprises vient modifier/ assouplir certaines règles en matière d’épargne salariale.

Compte tenu du faible taux de mise en place des dispositifs d’épargne salariale, notamment dans les PME, de nouvelles mesures ont été prises pour assouplir les règles en vigueur.

Il a déjà été évoqué dans le Bulletin JSA de mai/juin l’impact de la loi PACTE sur le régime de la participation. Des modifications sont également intervenues dans le régime de l’intéressement et de l’épargne salariale.

La mise en place d’un accord d’intéressement, qui rappelons- le permet de verser un « supplément de rémunération » non soumis aux charges sociales, lorsqu’un certain nombre de critères aléatoires propres à l’entreprise sont remplis, connait donc quelques
aménagements, visant à simplifier et favoriser la mise en place de ce dispositif dans les PME.

ASPECTS FINANCIERS

Déjà depuis le 1er janvier 2019, le forfait social est supprimé sur les sommes versées au titre de l’intéressement pour les entreprises de moins de 250 salariés, ainsi que sur l’ensemble des versements d’épargne salariale.

Le plafond qui peut être distribué à chaque salarié vient d’être relevé à ¾ du PASS, soit la somme de 30 393 euros par bénéficiaire (y compris le chef d’entreprise et son conjoint collaborateur dans les entreprises de moins de 250 salariés) et toute somme au- delà peut être immédiatement répartie sur les autres bénéficiaires si l’accord le permet.

ÉLARGISSEMENT DES CRITÈRES

Par ailleurs la formule permettant de quantifier la somme à verser fait l’objet d’un élargissement à des objectifs pluri annuels liés aux résultats ou aux performances de l’entreprise.

L’accord peut comporter un intéressement de projet définissant un objectif commun à tout ou partie des salariés de l’entreprise, c’est
à dire viser la bonne fin d’un projet dans un délai donné pour inciter tous les intervenants à respecter « le cahier des charges » de ce projet.

SÉCURISATION

En l’absence de sollicitation de la DIRECCTE dans les 4 mois du dépôt de l’accord, celui-ci se trouve dorénavant sécurisé pour toute la durée de son application (soit 3 ans) vis-à- vis de l’URSSAF et du fisc.

Cependant, l’administration reste autorisée à solliciter des modifications dans les 6 mois du dépôt dès lors que des dispositions de l’accord sont contraires à la loi ; mais cette mise en conformité ne vaut que pour les exercices suivants.

Enfin, la loi prévoit l’engagement de négociations au niveau de chaque branche en vue de la mise en place d’un régime d’intéressement, de participation ou d’épargne salariale (PEI, PERCO) au plus tard le 31 décembre 2020.

PLAN EPARGNE ENTREPRISE

Le PEE a lui aussi fait l’objet d’aménagements visant notamment à permettre une possibilité de versement de l’employeur sans
contrepartie du salarié.

Le plafond d’exonération d’impôt des versements est porté par année à 3/4 du PASS.

Toutes ces mesures, qui visent à inciter les employeurs à s’approprier les différents outils collectifs, nécessitent cependant pour le chef d’entreprise de définir les objectifs à atteindre et à communiquer auprès du personnel pour que chaque acteur se sente concerné par cette récompense collective.

Actualité

RUPTURE CONVENTIONNELLE, ENCORE DES PRECISIONS !

Alors que le dispositif de la Rupture Conventionnelle est en vigueur depuis 2008, la Haute Juridiction est encore amenée à fournir certaines clés d’utilisation

RÉTRACTATION : POUR LE DELAI DE RÉTRACTATION DE 15 JOURS C’EST LA DATE D’ENVOI QUI COMPTE

Selon l’article L 1237-13 du Code du travail, à compter de la date de signature d’une rupture conventionnelle, chacune des parties
dispose d’un délai de 15 jours calendaires pour exercer son droit à rétractation, sous la forme d’une lettre adressée par tout moyen attestant de sa date de réception par l’autre partie.

La Cour de cassation a récemment jugé qu’une rupture conventionnelle non datée est nulle, en ce qu’elle ne permet pas de déterminer le point de départ du délai de rétractation qui est une garantie fondamentale dont le non-respect est de nature à compromettre l’intégrité du consentement des parties Cass. soc. 27-3-2019 no 17-23.586 FS-D Mme D/ Laboratoire des Carmes.

Une telle rupture nulle produit alors les effets d’un licenciement sans cause réelle et sérieuse.

La Cour de cassation a déjà jugé que la fin de ce délai s’apprécie à la date d’envoi du courrier par le salarié et non à sa date de réception par l’employeur (Cass. soc. 14-2-2018 no 17-10.035 FS-PB Mr X / Sponsor Graphic).

Elle vient de confirmer que cette règle de décompte s’applique aussi dans le cas où c’est l’employeur qui exerce son droit à rétractation. Cass. soc. 19-6-2019 n° 18-22.897 F-D MrJ/ Société tous services Rappel : Le délai de rétractation démarre au lendemain de la date de signature de la convention de rupture et se termine au quinzième jour à 24 heures (Circ. DGT 2008-11 du 22-7-2008).

Conformément à l’article R 1231-1 du Code du travail, lorsque ce délai expire un samedi, un dimanche ou un jour férié ou chômé, il est prorogé jusqu’au premier jour ouvrable suivant.

Si la demande d’homologation à la DIRECCTE est expédiée avant réception de la rétractation adressée dans le délai de 15 jours, cet envoi rend inopérant l’homologation qui sera accordée par l’Administration.

RUPTURE CONVENTIONNELLE ET ACCIDENT DU TRAVAIL

Cass. soc. 9-5-2019 n° 17-28.767 FS-PB, T. c/ Sté AFR France

La Cour de cassation reconnait la validité d’une rupture conventionnelle homologuée conclue avec un salarié qui bénéficie d’un avis d’inaptitude physique d’origine professionnelle, SAUF preuve d’une fraude ou d’un vice du consentement.

La Cour a déjà validé cette possibilité pour une rupture conventionnelle conclue pendant la période de suspension du contrat de travail consécutive à l’accident (Cass. soc. 30-9-2014 n° 13-16.297 FS-PBR Mme X /société Strand Cosmetics Europe)

Elle permet aussi de conclure une rupture conventionnelle avec un salarié déclaré apte avec réserves à la reprise du travail, SAUF si ce dernier prouve que l’employeur avait en réalité voulu éluder les dispositions du Code du travail relatives à la réintégration du salarié apte (Cass. soc. 28-5-2014 n° 12-28.082 FS-PB Mme X /société Biscuiterie Les Deux Soleils).

L’employeur doit s’assurer de pouvoir démontrer que l’ensemble du processus a été scrupuleusement respecté, et que le salarié a ainsi pu s’engager en toute connaissance de cause.

CANICULE ET CONDITIONS DE TRAVAIL

Avec les périodes de forte chaleur revient le leitmotiv des « congés canicules ». Nous revenons sur les obligations en vigueur.

Selon l’INRS, au-delà de 30 °C pour une activité sédentaire, et de 28 °C pour un travail nécessitant une activité physique, la chaleur peut constituer un risque pour les salariés.

En période de canicule, période de vigilance orange telle que nous venons de traverser, il y a donc un risque accru d’accidents, qui impose que chacun agisse pour préserver la santé des salariés.


Il sera rappelé que l’employeur est tenu à une obligation de moyens renforcés en matière de santé au travail.


Le document unique d’évaluation des risques professionnels, obligatoire pour toute entreprise se doit d’évaluer les risques liés aux ambiances thermiques, de vérifier que la ventilation des locaux de travail est correcte et conforme à la réglementation et d’aménager les postes extérieurs. L’employeur doit mettre à la disposition des salariés de l’eau fraîche et potable, à proximité des postes de travail.


Par ailleurs il est vivement conseillé aux employeurs de prendre, durant les vagues de chaleur, des dispositions en termes d’organisation et de fonctionnement de l’entreprise telles que :

  • informer les salariés des risques, des moyens de prévention, mettre en place les adaptations techniques pour limiter les effets de la chaleur (stores, volets, etc.);
  • prévoir des moyens utiles de protection (ventilateurs, brumisateurs d’eau, etc.) ;
  • adapter l’organisation du travail, ajuster les horaires de travail, par exemple, en organisant un début d’activité plus matinal et en décalant le travail des heures les plus chaudes; organiser des pauses supplémentaires ou plus longues ; pour rappel il n’y a pas de prise en charge de la chaleur au titre du chômage intempérie dans le BTP.
  • s’assurer que le port des protections individuelles est compatible avec les fortes chaleurs et à défaut adapter le travail.

Enfin, si la température intérieure des locaux atteint ou dépasse 34 °C, en cas de défaut prolongé du renouvellement
de l’air, la Cnam recommande d’organiser l’évacuation des locaux.

Les salariés doivent également être acteurs de leur protection.

Il leur est ainsi prôné de respecter les consignes générales telles que boire suffisamment et en quantité, porter des vêtements
adaptés, ce que l’employeur n’aura pas manqué de leur rappeler.

En dernier ressort, si la chaleur est trop prégnante compte tenu des tâches à réaliser, le salarié s’estimant en danger pourra faire valoir son droit de retrait.

Une concertation devient donc nécessaire pour permettre à chacun de passer ce cap des fortes chaleurs.

Jurisprudence

L’absence de l’employeur sur le lieu de travail lors du décès d’un salarié à la suite d’un accident intervenu à l’occasion de l’exercice de sa mission est un élément indifférent à la constitution du délit d’homicide involontaire et à la mise en œuvre de la responsabilité pénale dudit employeur

Cass. crim., 7 mai 2019, pourvoi no 18-80.418, arrêt no 624 FS-P+B+I.

Il en va ainsi d’un salarié décédé alors qu’il était revenu travailler sur un chantier dont l’architecte lui avait demandé de quitter les lieux pour raison de sécurité, sans utilisation des équipements de sécurité à sa disposition, l’absence de l’employeur étant jugée inopérante, les manquements constatés dans l’organisation de la sécurité du chantier étant par ailleurs soulignés par la juridiction.


Bulletin rédigé par Maître Annette PAUL
Bastille Avocat – 10 Avenue Alsace Lorraine 38000 GRENOBLE

Bulletin JSA – JUIN JUILLET 2019

bulletin rédigé par Maîtres BOULIER et Fabrice VIDEAU
Cabinet VOCA CONSEIL
8 rue Alfred Kastler
14000 CAEN

Editorial

LE NÉCESSAIRE RESPECT DE LA VIE PRIVÉE DES SALARIÉS DANS LE CONTENTIEUX SOCIAL

En matière sociale, la preuve s’avère parfois délicate à établir, et l’exercice des droits de la défense malaisé.

Le droit à la preuve, tout comme le droit au respect de la vie privée, sont deux droits fondamentaux.

Ils ont donc la même valeur normative, ce qui exclut, par principe, que l’un soit préféré à l’autre.

Mais il arrive fréquemment que ces principes s’affrontent : la preuve pouvant porter atteinte à la vie privée d’un salarié.

Dans une telle hypothèse, c’est la proportionnalité de l’atteinte au droit qui est appréciée par le Juge.

Ainsi, si le droit à la preuve peut justifier la production d’éléments portant atteinte à la vie personnelle d’un salarié, il faut néanmoins que cette production soit nécessaire à l’exercice de ce droit, et que l’atteinte soit proportionnée au but poursuivi (Cass. Soc 9 novembre 2016 n° 15-10203).

Deux décisions récentes de la Cour de Cassation illustrent cette condition d’admissibilité de l’atteinte à la vie privée d’un salarié à des fins probatoires.

Il apparaît clairement que la Cour de Cassation adopte une lecture stricte, pour ne pas dire déséquilibrée, du principe de proportionnalité, privilégiant le droit à la vie privée au détriment du droit à la preuve.

Dans une première affaire, un employeur avait saisi le Tribunal d’Instance pour contester la candidature de trois salariés dans des collèges électoraux, considérant qu’ils relevaient d’un autre collège au regard de leurs fonctions et classifications.

Dans le cadre de cette procédure, l’employeur a produit en justice, sans leur accord préalable, et in extenso, les bulletins de salaire des salariés concernés. Ceux-ci ont donc été transmis aux organisations syndicales également parties au litige.

Les salariés concernés ont saisi en référé le Conseil de Prud’hommes pour faire cesser ce qu’ils considéraient comme étant une atteinte à leur vie privée.

Le Conseil de Prud’hommes et la Cour d’Appel statuant en référé, ont reconnu l’atteinte à la vie privée et ordonné le versement à chacun des salariés concernés d’une provision de 1.000,00 € à titre de dommages et intérêts en réparation de leur préjudice moral.

L’employeur saisit la Cour de Cassation, estimant que la production de ces bulletins de salaire était nécessaire à sa défense, et proportionnée au but poursuivi, soulignant que les informations litigieuses pouvaient être transmises aux organisations syndicales dans le cadre de leur mission.

La Cour de Cassation ne l’entend pas ainsi.

Constatant que le bulletin de salaire mentionnait des données personnelles tel que l’âge, le salaire, l’adresse, la domiciliation bancaire et l’existence d’arrêts de maladie, la Cour de Cassation retient qu’il ne pouvait être transmis en l’état sans l’accord préalable des salariés.

Seules les mentions relatives à l’emploi occupé et la classification, voire au coefficient, étaient nécessaires à la défense de l’employeur.
Celui-ci aurait donc dû occulter les données personnelles avant de verser ces bulletins aux débats.

La preuve est donc jugée illicite, et la violation de l’article 9 du Code Civil pour atteinte à la vie privée des salariés confirmée (Cass. Soc 7 novembre 2018 n° 17.16799).


Dans une autre affaire plus récente, (Cass. Soc 27 mars 2019 n° 17-31715) portant sur la remise en cause d’une convention de forfait en jours, la Cour de Cassation a eu l’occasion de confirmer sa position.

La Cour d’Appel de Paris avait considéré qu’un salarié ne disposait pas d’une autonomie suffisante pour être soumis à une convention de forfait, et fait droit à sa demande d’heures supplémentaires en écartant des débats les tickets de cantine produits par l’employeur afin de démontrer que le salarié prenait des pauses pour déjeuner.

S’estimant lésé dans son droit à la preuve, l’employeur a saisi la Cour de Cassation.

Si le débat portait sur l’application d’une délibération de la CNIL, aujourd’hui dépourvue d’effet suite à l’entrée en vigueur du règlement général sur la protection des données (RGPD) le 25 mai 2018, le principe adopté par la Cour de Cassation reste, néanmoins, d’actualité puisque visant à protéger la vie privée du salarié.

Au cas présent, les tickets de cantine produits par l’employeur comportaient des indications détaillées permettant de déterminer les habitudes alimentaires du salarié.

Pour la Cour de Cassation, ces tickets auraient dû être présentés sous la forme « hors d’œuvre », « plat », « dessert », « boissons » ou être occultés par l’employeur afin de préserver ces données considérées comme personnelles.

Dès lors, la production de ces tickets de cantine portant atteinte à la vie personnelle du salarié n’était pas justifiée.

Ces mises en garde appellent les employeurs à la vigilance et à la prudence avant de verser aux débats des pièces apportant des informations relatives à la vie privée de leurs salariés.

Il faut veiller à obtenir l’autorisation de la personne concernée. A défaut, il convient d’occulter les informations non nécessaires à l’exercice du droit à la défense.

Or, la détermination de ces informations « nécessaires » peut parfois s’avérer délicate.

Elle est pourtant cruciale eu égard à la recevabilité de ces pièces, sachant, de surcroit, que la responsabilité de l’employeur peut être engagée en cas de mauvaise appréciation et ouvrir droit à l’octroi de dommages et intérêts.

A cet égard, il est précisé que l’évolution de la jurisprudence récente relative à l’abandon de la notion de préjudice nécessaire en cas de manquement de l’employeur (Cass. Soc 13 avril 2016 n° 14-28293) ne s’applique pas en cas d’atteinte la vie privée (Cass. Soc 7 novembre 2018 précité).

CONGÉ PARENTAL À TEMPS PARTIEL : L’INDEMNITÉ DE LICENCIEMENT DOIT SE CALCULER SUR LA BASE DE SON TEMPS COMPLET INITIAL

C’est la CJUE qui le dit et pas pour un salarié belge cette fois : c’est bien le droit français qui est mis en cause au regard de l’accord cadre européen sur le congé parental, suite à une question préjudicielle de la Cour de cassation. (CJUE 8 mai 2019 affaire 468/18).

Depuis 1981, en France, l’indemnité de licenciement du salarié ayant été occupé à temps complet et à temps partiel dans la même entreprise est calculée proportionnellement aux périodes d’emploi accomplies selon l’une et l’autre de ces deux modalités depuis son entrée dans l’entreprise (actuellement article L 3123 al. 5 du code du travail).

Cette disposition était logiquement appliquée au CPE à temps partiel.

Selon la CJUE, cette situation est illicite car elle réduit les droits découlant de la relation de travail en cas de congé parental.

En conséquence, l’indemnité de licenciement doit être entièrement calculée sur la base de la rémunération correspondant aux périodes de travail à temps plein.

Au surplus, la CJUE précise que cette situation est de nature à dissuader le salarié d’avoir recours au CPE à temps partiel.

On ne peut qu’être circonspect quant à la pertinence de cette affirmation qui n’a sans doute jamais effleuré l’esprit des millions de salariés ayant choisi un jour de réduire leur temps de travail pour passer plus de temps avec leur progéniture.

Enfin, bien aidée par la question préjudicielle posée par la Cour de Cassation, la CJUE affirme que cette situation constitue une discrimination indirecte en raison du sexe : bien que rédigée de manière neutre (sans distinguer naturellement entre les femmes et les hommes), ce mode de calcul conduit, de fait, à désavantager les femmes, bénéficiaires à 96% du congé parental d’éducation à temps partiel.

L’article L 3123 al. 5 du code du travail n’est donc pas conforme au principe d’égalité de rémunération entre les femmes et les hommes, principe visé à l’article 157 TFUE (Traité sur le fonctionnement de l’Union européenne) avec un effet direct pour le droit interne des états membres.

Certes, cette construction intellectuelle n’est pas nouvelle pour la CJUE mais n’est-ce pas ouvrir « la boite de pandore », puisque la Cour de cassation devrait logiquement suivre l’avis de la CJUE ?

En effet, quid de leurs droits à retraite qui subissent une réduction du fait ? Faudra-t-il les recalculer base temps complet ?

En poussant le raisonnement à l’extrême, ne faut-il pas alors les rémunérer à temps plein ?

Au-delà du congé parental d’éducation lui-même, ce sont d’autres situations de travail à temps partiel qui pourraient donner lieu à contentieux comme la situation du mi-temps thérapeutique : l’application du même article L 3123 al. 5 du code du travail n’est-elle pas de nature à constituer une discrimination fondée sur l’état de santé du salarié ?

On peut penser ce qu’on veut de la position de la CJUE pour les CPE mais ce n’est certainement que le début de profonds changements en droit interne français.

PARTICIPATION : FORT ASSOUPLISSEMENT DE L’EFFET DE SEUIL

L’obligation de mettre en place un accord de participation se déclenchait si l’employeur avait employé au moins 50 salariés sur 12
mois consécutifs.

La Loi PACTE assouplit considérablement cette obligation en exigeant désormais que le seuil soit franchi pendant 5 années civiles consécutives (Article 155-I-11° modifiant l’article L. 3322-1 du code du travail).

Au surplus, l’abaissement du seuil d’effectif en dessous de 50 salariés sur une année civile (par exemple la cinquième année), fera courir à nouveau le délai de 5 années.

Après la souplesse de franchissement du même seuil pour le CSE à attributions élargies issu des ordonnances de fin 2017, voilà
qui devrait tranquilliser les employeurs flirtant volontairement avec le seuil de 50 salariés.

Il est à noter que le VII de l’article 155 de la Loi PACTE prévoit une entrée en vigueur rétroactive au 1er janvier 2019.

Bulletin rédigé par Maîtres Xavier BOULIER et Fabrice VIDEAU
Cabinet Voca Conseil – 8 Rue Alfred KASTLER – 14 000 CAEN

Bulletin JSA – AVRIL MAI 2019

bulletin rédigé par Maîtres Mélina VARSAMIS et Julie DUBAND
SCP WELSCH & KESSLER
57 rue du Faubourg de Pierre
67000 STRASBOURG

Editorial

REVIREMENT : GÉNÉRALISATION DU PRÉJUDICE D’ANXIÉTÉ À TOUS LES TRAVAILLEURS ÉXPOSÉS À L’AMIANTE

Par un arrêt rendu le 5 avril 2019 (n°18-17.442), l’Assemblée Plénière de la Cour de Cassation opère un revirement de jurisprudence en matière de réparation du préjudice d’anxiété lié à l’amiante.

Jusqu’à aujourd’hui, seuls les salariés bénéficiaires de l’allocation de cessation anticipée d’activité des travailleurs de l’amiante (A.C.A.A.T.A.) ou ayant travaillé dans un des établissements mentionnés à l’article 41 de la loi n°98-1194 du 23 décembre 1998 et figurant sur une liste établie par arrêté ministériel pendant une période où étaient fabriqués ou traités de l’amiante ou des matériaux
contenant de l’amiante, pouvaient demander la réparation d’un préjudice d’anxiété (Cass. Soc. 11.05.2010, n°09-42.241 ; Cass. Soc.
03.03.2015, n°13-26.175 ; Cass. Soc. 26.04.2017, n°15-19.037).

Cette position adoptée par la Chambre Sociale de la Cour de Cassation a été fortement critiquée par les défenseurs de salariés exposés à l’amiante mais n’entrant pas dans les conditions susmentionnées.

Il ressort de la note explicative de l’arrêt rendu publiée sur le site internet de la Cour de Cassation que c’est justement le développement important du contentieux concernant les salariés ne relevant pas des dispositions de l’article 41 de la loi du 23
décembre 1998 susmentionnée, mais ayant toutefois été exposés à l’inhalation de poussières d’amiante dans des conditions de nature à compromettre gravement leur santé, qui a amené l’Assemblée Plénière à procéder à un « réexamen complet de la
question de la réparation du préjudice d’anxiété de ces salariés exposés à l’amiante
».

Sans revenir sur le régime applicable aux travailleurs relevant des dispositions de l’article 41 de la loi susmentionnée qui permet une réparation automatique du préjudice d’anxiété, l’Assemblée Plénière reconnaît désormais la possibilité pour un salarié justifiant d’une exposition à l’amiante, générant un risque élevé de développer une pathologie grave, d’agir contre son employeur, sur le fondement du droit commun régissant l’obligation de sécurité de l’employeur, quand bien même il n’aurait pas travaillé dans l’un des établissements mentionnés à l’article 41 de la loi précitée.

Cela étant, en basculant le préjudice d’anxiété dans le régime de l’obligation de sécurité de résultat, l’employeur pourra être exonéré de sa responsabilité :

1/ s’il justifie avoir pris toutes les mesures prévues par les textes pour assurer la sécurité et protéger la sécurité physique et mentale du travailleur.

A ce titre, l’Assemblée Plénière rappelle la position rendue par la Chambre Sociale de la Cour de Cassation dans un arrêt du 25 novembre 2015 (n°14-24.444).

L’Assemblée Plénière, dans cet arrêt du 5 avril 2019, a d’ailleurs cassé sur ce point l’arrêt de la Cour d’Appel pour avoir refusé d’examiner les éléments de preuve des mesures que l’employeur prétendait avoir mises en oeuvre.

Il conviendra d’être attentifs aux mesures de prévention qui pourront être retenues, par les juridictions dans les contentieux futurs, comme étant suffisantes à exonérer la responsabilité de l’employeur.

2/ si le préjudice subi par le salarié est insuffisamment caractérisé.

Il reviendra au salarié de rapporter la preuve du préjudice subi et au juge de le caractériser par des motifs suffisants.

La Cour de cassation devra certainement se prononcer ultérieurement sur la naissance du préjudice et le point de départ de l’état d’anxiété, lequel devra faire courir la prescription.

Même si cet arrêt a été rendu en matière d’amiante, on peut se demander s’il ne va pas permettre à des salariés exposés à d’autres substances toxiques de solliciter également la réparation de leur préjudice d’anxiété… A suivre…

Actualité

UNE NOUVELLE PROCÉDURE DE RECONNAISSANCE DES ACCIDENTS DE TRAVAIL ET MALADIES PROFESSIONNELLES À COMPTER DU 1ER DECEMBRE 2019

Le décret du 23 avril 2019 n° 2019-356 (J.O. 25 avril 2019) vient modifier la procédure applicable à la reconnaissance des accidents de travail et maladies professionnels déclarés à partir du 1er décembre 2019.

• ACCIDENT DE TRAVAIL

Un mode de transmission assoupli

L’information par le salarié de l’existence d’un accident de travail à l’employeur pourra dorénavant être effectuée par «tous moyens conférant date certaine à sa réception», et cela dans un délai de 24 heures au plus tard.

La déclaration que doit ensuite faire l’employeur auprès de la Caisse Primaire d’Assurance Maladie sera elle aussi soumise à ce formalisme plus souple.

On peut imaginer une transmission par courrier électronique, voire télécopie.

Un délai restreint pour formuler des réserves

Alors que dans le régime actuel, l’employeur peut émettre des réserves tant que la Caisse n’a pas statué sur le caractère professionnel de l’accident, le décret institue un délai de 10 jours francs à compter de la date de la déclaration de l’accident de travail auprès de la caisse lorsqu’elle émane de l’employeur ou à compter de la date de la réception par ce dernier du double de la déclaration transmise par la caisse, lorsque cette dernière a été effectuée par le salarié.

Une information renforcée quant aux différentes étapes de l’instruction

Pour rappel, la caisse dispose d’un délai de 30 jours francs à compter de la date de réception de la déclaration et du certificat médical initial pour statuer sur le caractère professionnel de l’accident ou engager des investigations (nouvel article R.441-7 du Code de la Sécurité Sociale).

Dans ce cas, le questionnaire portant sur les circonstances ou les causes de l’accident sera adressé à l’employeur dans les 30 jours à compter de la date de réception de la déclaration et du certificat médical initial et l’employeur disposera de 20 jours pour le retourner.

Lors de la réception du questionnaire ou le cas échéant lors de l’ouverture de l’enquête, la Caisse informera les parties de la date d’expiration du délai de 90 jours (nouvel article 441-8 I du Code de la Sécurité Sociale).

Aménagement et encadrement de la phase dédiée à la consultation et l’enrichissement du dossier

A l’issue des investigations diligentées par la caisse, et au plus tard 70 jours francs à compter de la date de réception de la déclaration et du certificat médical initial, la Caisse mettra à la disposition des parties le dossier.

Celles-ci disposeront alors de 10 jours francs pour le consulter et, le cas échéant, faire connaître leurs observations.

A l’issue de ce délai, les parties n’auront plus que la possibilité de consulter le dossier sans pouvoir formuler d’observations.

Le nouvel article R. 441-8 II du Code de Sécurité Sociale prévoit que les parties seront informées des dates d’ouverture et de clôture de la période de consultation du dossier et de celle au cours de laquelle elles peuvent formuler des observations et cela au plus tard 10 jours francs avant le début de la période de consultation.

MALADIE PROFESSIONNELLE

La caisse disposera d’un délai de 120 jours francs pour statuer sur le caractère professionnel d’une maladie ou pour saisir le Comité Régional de Reconnaissance des Maladies Professionnelles (C.R.R.M.P.).

Ce délai commence à courir à la réception de la déclaration intégrant le certificat médical initial et les résultats des examens médicaux complémentaires qui pourraient être exigés par les tableaux de maladies professionnelles (nouvel article R. 461-9 du Code de la Sécurité Sociale).

Durant cette période, la caisse engagera des investigations et procèdera à l’envoi systématique d’un questionnaire aux parties, qui disposeront d’un délai de 30 jours suivant sa réception pour le retourner.

Là encore, une information renforcée quant aux différentes étapes de l’instruction

Les parties seront informées de la date d’expiration de cette période de 120 jours, lors de l’envoi du questionnaire ou de l’ouverture de l’enquête éventuellement diligentée en complément (nouvel article R.461-9 du Code de la Sécurité Sociale).

A la suite des investigations, et au plus tard 100 jours francs à compter de l’ouverture de la période de 120 jours précitée, la caisse mettra le dossier à la disposition des parties qui disposeront alors de 10 jours francs pour le consulter et faire connaître leurs observations.

Là encore, la Caisse informera les parties de la date d’ouverture et de clôture de la période de consultation et de celle au cours de laquelle elles pourront formuler les observations.

Cette information aura lieu au plus tard 10 jours francs avant le début de la période de consultation (nouvel article R. 461-9 III du Code de la Sécurité Sociale).

MALADIE PROFESSIONNELLE AVEC SAISINE D’UN C.R.R.M.P.

En cas de saisine d’un C.R.R.M.P. la Caisse disposera pour statuer d’un nouveau délai de 120 jours à compter de la saisine.

Elle devra mettre le dossier à la disposition des parties pendant un délai de 40 jours francs.

Les parties pourront alors consulter le dossier, le compléter et également faire valoir leurs observations au cours des 30 premiers jours.

La caisse et le service du contrôle médical disposent du même délai pour compléter ledit dossier.

Au cours des 10 jours restants, seule la consultation et la formulation d’observations resteront possibles.

La caisse informera les parties des dates d’échéances de ces différentes phases.

Le C.R.R.M.P. examinera le dossier à l’issue de cette procédure et rendra un avis motivé à la caisse dans un délai de 110 jours francs à compter de sa saisine.

La caisse devra alors notifier immédiatement aux parties sa décision conforme à l’avis rendu (nouvel article R. 461-10 du Code de la Sécurité Sociale).

Jurisprudence

LA FRONDE CONTRE LE « BAREME MACRON » SE POURSUIT

Dans une nouvelle décision du Conseil de Prud’hommes de BORDEAUX en date du 9 avril 2019 (N° 18/00659, X. contre S.A.S. URBIN), le
juge prud’homal a, à nouveau, argumenté et jugé que le barème des indemnités pour licenciement abusif était contraire à la
convention 158 de l’O.I.T. et à l’article 24 de la Charte Sociale Européenne.

Cette décision vient s’ajouter à celles des Conseils de Prud’hommes de TROYES, LYON, AMIENS, GRENOBLE, AGEN, et PARIS.

Cela étant, face à l’argumentation développée sur la conventionalité du barème, les juges prud’homaux du MANS et de CAEN, dans des décisions contemporaines, ont affirmé que le barème était parfaitement conventionnel.

La question continue de diviser et faire débat…

dans l’attente des premières décisions de Cours d’appel, qui devraient intervenir dans les mois à venir.

Bulletin rédigé par Maîtres Mélina VARSAMIS et Julie DUBAND
S.C.P. WELSCH & KESSLER – 57 rue du Faubourg de Pierre 67000 STRASBOURG

Bulletin JSA – FEVRIER MARS 2019

Bulletin rédigé par Maître Jehan BASILIEN
SCP BASILIEN BODIN ASSOCIES
6 rue Colbert
80000 AMIENS


Editorial

DES VERTUS DE LA TRANSACTION RÉDIGÉE EN TERMES GÉNÉRAUX

Dans un arrêt du 20 Février 2019 (17-19.676 Société Pfizer) la Cour de cassation confirme que la transaction rédigée en termes généraux fait obstacle aux demandes ultérieures d’indemnisation exprimées par le salarié.

En l’espèce, s’agissant des suites d’un licenciement économique, la transaction fait obstacle à toutes demandes relatives aux obligations de reclassement et de réembauche dans la mesure où cet accord amiable est rédigé en termes généraux et vise
tout litige lié à l’exécution ou à la rupture du contrat de travail ainsi que toute instance ou action de quelque nature que ce soit ayant trait au contrat de travail.

Cette rédaction en termes généraux permet même d’interdire toute revendication relative à une obligation ayant vocation à trouver application postérieurement à la rupture du contrat ainsi, en l’espèce, l’obligation de réembauche.

Il s’agit là, pour la Cour de cassation, de renouer avec une position adoptée naguère en Assemblée Plénière (Cass. ass. plénière 04 Juillet 1997 n°93-43.375) et qu’elle avait abandonnée au cours des années 2000 au profit d’une conception plus restrictive selon laquelle en l’absence de mention expresse figurant dans la transaction, le salarié ne pouvait pas être considéré comme ayant renoncé à un droit dont l’exercice est éventuel (Cass. soc. 29 Novembre 2000 n°98-43.518). Il s’agissait déjà, à cette époque, d’un problème de
priorité de réembauche.

Ce retour au caractère libératoire d’une transaction rédigée en termes généraux avait d’ailleurs été amorcé dans un arrêt de début 2017 (Cass. soc. 11 Janvier 2017 n°15-20.040).

L’arrêt du 20 Février 2019 confirme cette tendance.

Pour autant, il convient de demeurer vigilant dans l’établissement de transactions prétendument rédigées en termes généraux.

En effet, dans son arrêt du 20 Février 2019, la Cour de cassation précise que si la transaction exclut expressément certaines questions
ou litiges, les parties restent recevables en leurs réclamations sur ces thèmes.

En un mot, il va s’agir désormais de s’attacher à rédiger des transactions dont les termes généraux le seront vraiment. Il est recommandé, à cet égard, d’énumérer, en précisant son caractère non exhaustif, le plus grand nombre de chefs de demande potentiels de manière à ce que l’acte renonciateur soit éclairé.

Qu’il nous soit, toutefois, permis de trouver cette jurisprudence concernant un acte transactionnel muni de l’autorité de la chose jugée
un brin contradictoire avec la législation ayant mis fin au principe de l’unicité de l’instance.

Bon courage aux rédacteurs de tels actes… en attendant le prochain revirement de jurisprudence !

Actualité

LE BARÈME MACRON ÉCARTÉ PAR CERTAINS JUGES DU FOND : ENJEUX ET CONSÉQUENCES ÉVENTUELLES

L’ordonnance n°2017-1387 Macron du 22 septembre 2017 a bouleversé les règles d’indemnisation du licenciement sans cause réelle
et sérieuse en imposant au juge de respecter un barème de dommages et intérêts, dont les montants planchers et plafonds dépendent de l’ancienneté du salarié et de l’effectif de l’entreprise.

La mise en place de ce barème devait notamment permettre aux entreprises, d’évaluer les risques financiers d’une rupture du
contrat de travail.

Or, avant même sa ratification, cette ordonnance avait fait l’objet, devant le Conseil d’État, d’une action en référé suspension sur le fondement :
• d’une part, de l’article 10 de la Convention 158 de l’Organisation internationale du travail, qui impose le versement d’une « indemnité
adéquate ou toute autre forme de réparation considérée comme appropriée » en cas de licenciement injustifié ;
• d’autre part, de l’article 24 de la Charte sociale européenne, qui consacre le « droit des travailleurs licenciés sans motif valable à une
indemnité adéquate ou à une autre réparation appropriée ».
Le Conseil d’État a cependant jugé que le barème d’indemnisation du licenciement sans cause réelle et sérieuse n’entrait pas en
contradiction avec ces traités, notamment parce que le juge français conservait une certaine marge de manœuvre, qui lui permettait
d’accorder une réparation en lien avec le préjudice subi.

Malgré cette décision, en décembre 2018, plusieurs Conseil de prud’hommes ont écarté le barème :
• Le 13 décembre 2018, leConseil de prud’hommes de Troyes a considéré que le barème de l’article L. 1235-3 violait la Charte sociale européenne et la Convention 158 de l’OIT (CPH de Troyes, 13 décembre 2018, RG F 18/00036) ;
• Le 19 décembre 2018, le Conseil de prud’hommes d’Amiens a ensuite enfoncé le clou cette fois sur le seul fondement de la Convention.

Dans cette affaire, les conseillers prud’hommes sont sortis de la fourchette fixée par le barème pour décider d’une indemnité plus « appropriée », selon la terminologie employée par la Convention (CPH d’Amiens, 19 décembre 2018, RG F 18/00040) ;
• Le 21 décembre 2018 : le Conseil de prud’hommes de Lyon a rejoint le mouvement de fronde, par une décision qui ne fait même pas allusion au barème légal : pour fixer le montant de l’indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, les conseillers prud’homaux se sont contentés de faire référence à la Charte sociale européenne (CPH de Lyon, 21 décembre 2018, RG F 18/01238)
Ces décisions ouvrent donc une période d’incertitude, car certains conseils de prud’hommes sont susceptibles de s’inscrire dans
la jurisprudence «« Troyes- Amiens-Lyon ». La Cour d’appel de Paris, saisie de l’inconventionnalité du barème Macron, devrait entendre l’avis de l’avocat général sur le sujet lors d’une audience exceptionnelle qui se tiendra le 23 mai 2019.

En tout état de cause, pour y voir plus clair, employeurs et salariés devront attendre que l’une de ces affaires arrive devant la Cour de cassation.

Celle-ci décidera alors, une fois pour toutes, si le barème Macron est conforme ou non à la convention 158 de l’OIT et/ou à la Charte
sociale européenne.

En réalité, tout le débat s’articulera autour de la reconnaissance ou non de l’application directe de ces deux normes, l’une internationale, l’autre européenne.

La réponse à cette question ressort de la combinaison de deux critères :

  • L’un subjectif, consistant à se demander si les états contractants ont souhaité faire des particuliers les destinataires de la norme
    négociée ou s’ils ont entendu mettre à la charge des états des obligations dont le non-respect est sanctionné par l’engagement de leur responsabilité ;
  • L’autre objectif, consistant à vérifier que les dispositions de ladite norme peuvent s’appliquer directement sans relais de norme
    interne.

    Or, pour la convention OIT n° 158, la Cour de cassation a déjà admis, certes pour son article 2, son application directe (Cass.
    soc. 29 mars 2006 n°04- 46- 499 et Cas. soc. 26 mars 2013 n° 11-25-580
    ).

    On peut donc estimer que le débat est clos.

    Pour la charte sociale européenne, le débat apparait un peu moins tranché. Certes, il est déjà arrivé à la Cour de cassation de reconnaître l’effet direct de certains des articles de la charte mais jamais de manière autonome puisque concernant des cas où elle était couplée à des dispositions internes d’applicabilité directe (Cass. soc. 29 juin 2011 n°09-71-107) Le plus grand nombre de la doctrine souligne, par ailleurs, que dans sa partie I, la charte énonce que « les parties, autrement dit les états, reconnaissent
    comme objectif d’une politique qu’elles poursuivront par tous moyens, la réalisation des conditions propres à assurer l’exercice des droits et principes suivants dont le droit à la protection contre le licenciement de l’article 24 » Ceci démontrerait que cette charte n’est pas en elle-même « justiciable » mais nécessiterait une transposition directe en droit interne.

    De ce débat savant, controversé, ressortira une position de la Cour de cassation certes érudite et tranchante dont la finalité sera, néanmoins, circonstancielle et disons-le, politique au sens le plus noble du terme. A suivre donc ….

Jurisprudence

PRÉCISIONS SUR LE MONTANT DE L’INDEMNITÉ OCTROYÉE AU SALARIÉ PROTÉGÉ DONT L’AUTORISATION DU LICENCIEMENT A
ÉTÉ ANNULÉE

En cas d’annulation de l’autorisation du licenciement d’un salarié protégé, celui-ci est en droit de bénéficier d’une indemnité fixée en fonction du préjudice subi.

A ce titre, la Cour de cassation précise que la Cour d’appel ne saurait condamner une société à payer au salarié protégé une indemnité
calculée en fonction de l’ensemble des revenus bruts qu’il aurait dû percevoir pendant la période d’indemnisation, sous déduction
des revenus de substitution perçus calculés en brut, sans rechercher si ce mode de calcul ne conduisait pas à lui octroyer une indemnité plus importante que le préjudice réellement subi, dès lors que les salaires et revenus de remplacement ne sont pas soumis
aux mêmes taux de cotisations de sécurité sociale. (Cass. soc. 6-3-2019 n° 17-25.924 F-D).

LE RECOURS À UN SYSTÈME DE GÉOLOCALISATION DOIT ÊTRE JUSTIFIÉ PAR LA NATURE DE LA TÂCHE À ACCOMPLIR ET PROPORTIONNÉ AU BUT RECHERCHÉ

L’arrêt rendu par la Cour de cassation en date du 19 décembre 2018 (Cass. soc. 19 décembre 2018 n°17-14631) rappelle que :

• L’utilisation par un employeur d’un système de géolocalisation pour contrôler la durée du travail de ses salariés n’est licite que lorsque ce contrôle ne peut pas être fait par d’autres moyens, même moins efficaces que la géolocalisation ;
• La géolocalisation n’est pas justifiée lorsque le salarié dispose d’une liberté dans l’organisation de son travail.

En l’espèce, un syndicat contestait la validité d’un système de géolocalisation mis en place par une entreprise, et proposait des modes alternatifs de suivi du temps de travail (le système auto-déclaratif ou le contrôle par un responsable d’enquêtes). Saisie du litige, la Cour d’appel a considéré que ces modes alternatifs n’étaient pas adaptés au but recherché et a ainsi validé les mesures mises en place par l’entreprise.

La Chambre Sociale a censuré cette décision au motif que la Cour d’appel n’a pas caractérisé que ce système de géolocalisation
était le seul permettant de contrôler la durée du travail des salariés. Les juges doivent, par conséquent, rechercher si la géolocalisation était réellement le seul moyen permettant ce contrôle.

Maître Jehan BASILIEN
SCP Basilien Bodin Associés – 6, rue Colbert 80000 AMIENS

Bulletin JSA – JANVIER FEVRIER 2019

Bulletin rédigé par Maître Philippe RAINEX

SELARL ACDP
11 boulevard Voltaire
19100 BRIVE


Editorial

LE TRAVAIL C’EST LA SANTÉ : MAIS L’EMPLOYEUR EST RAREMENT MÉDECIN

La santé des salariés est un souci majeur du chef d’en­treprise depuis de longues années, et la jurisprudence se montre de plus en plus sévère à son égard.

Fort curieusement, le légis­lateur, qui réforme et innove à tout va depuis quelques temps en matière de règle­mentation sociale, instaure des mécanismes qui corres­pondent de moins en moins aux ambitions affichées en matière de santé au travail.

Le premier exemple a été la réforme des services médi­caux du travail, notamment en matière de visite médicale. La loi n° 2016-1088 du 8 août 2016, dite loi « Travail » a instauré depuis le 1er jan­vier 2017, pour le travailleur qui n’entre pas dans la caté­gorie des personnels affectés à des travaux à risques, à la place de la visite médicale d’embauche traditionnelle, une simple visite d’informa­tion et de prévention, qui peut être effectuée par le médecin du travail comme aupara­vant, ou par un infirmier, cas devenu le plus fréquent. Un médecin collaborateur ou un interne en médecine du travail peuvent également effectuer cette visite qui, dans le cas général, doit intervenir dans les trois mois de la prise ef­fective du poste, et non plus avant l’embauche ou au plus tard avant la fin de la période d’essai, comme cela était le cas auparavant.

Les visites périodiques devaient être effectuées annuellement, puis tous les 24 mois avant le 1er janvier 2017. Elles ont lieu désor­mais selon une périodicité qui peut aller jusqu’à cinq ans.

L’aggravation de la pénu­rie de médecins depuis quelques années est à l’ori­gine essentiellement de ces nouvelles dispositions de droit du travail, en contra­diction évidente avec la vo­lonté affichée d’optimiser les conditions de travail, l’hy­giène, la sécurité, la santé des salariés.

La conséquence de cette réforme est inévitablement l’accroissement des obliga­tions de l’employeur, et ceci dès l’embauche. En effet, en trois mois, le nouveau sala­rié a le temps d’être affecté par des conditions de travail auxquelles il n’aurait pas dû se soumettre, soit involontai­rement, soit volontairement, par nécessité d’emploi par exemple. Les conséquences peuvent être lourdes pour le nouvel employeur en cas de reconnaissance du carac­tère professionnel de l’acci­dent ou d’une maladie, non professionnelle mais pré­existante, au-delà de l’obli­gation de procéder à un licenciement, notamment lorsque la période d’essai est écoulée.

Le risque est de plus en plus important avec l’ancienneté du salarié, dans la mesure où le salarié pourra n’être exa­miné que tous les cinq ans, ou pourra n’être reçu que par un infirmier avec lequel, l’expérience le montre, la relation est plus subjective, inévitablement moins appro­fondie, moins soumise aux obligations déontologiques du médecin du travail…

L’éloignement de facto du médecin du travail des sala­riés génère nécessairement une moindre connaissance de chaque salarié et de leur dossier.

Cela signifie que l’employeur doit être encore plus vigilant sur les conditions de travail de chacun de ses salariés et doit veiller lui-même à tous les symptômes pouvant lais­ser supposer une difficulté.

Le deuxième exemple est l’instauration par l’Ordon­nance 2017-1386 du 20 septembre 2017, relative à la « nouvelle organisation du dialogue social et éco­nomique dans l’entreprise », du Comité Social et Eco­nomique (CSE), qui réunit, en une seule institution, les anciens comités d’entreprise, délégués du personnel et CHSCT.

Le CHSCT, obligatoire à par­tir de 50 salariés, disparaît au profit d’une Commission Santé, Sécurité et Condi­tions de Travail (CSSCT), dans les entreprises et éta­blissements de plus de 300 salariés.

A première vue, cet assou­plissement de la règlementa­tion en matière d’hygiène et de sécurité pour les PME est une contrainte importante de moins. Mais en réalité, les risques pour l’employeur peuvent s’avérer bien plus lourds que le bénéfice appa­rent.

En effet, le médecin du travail, qui, de par la loi « Travail », rencontre déjà de moins en moins chacun des salariés de l’entreprise, et les connaît donc moins bien, ne va plus avoir, avec l’Ordonnance du 20 septembre 2017, de regard direct et aiguë sur les salariés en conditions réelles de travail. Il pourra moins facilement détecter les risques.

Le comble est que cela concerne les PME de moins de 300 salariés, c’est-à-dire l’essentiel de l’activité indus­trielle et commerciale d’une part, les entreprises les moins équipées en moyen techniques et humains de prévention d’autre part.

Or, en matière de sécurité, l’employeur est tenu envers le salarié à une obligation de résultat. Le moindre man­quement à cette obligation est constitutif de la faute inexcusable si l’employeur avait conscience ou, en raison de son expérience et de ses connaissances techniques, aurait dû avoir conscience du danger en­couru par les salariés et n’a pas pris les dispositions nécessaires pour les en pré­server.

L’employeur doit donc se comporter en homme averti. Le médecin du travail et le CSSCT sont précisément des sentinelles importantes que la nouvelle règlementa­tion du travail écarte partiel­lement, voire enlève totale­ment aux responsables de PME.

Pour rénover le système de santé au travail le gouverne­ment a demandé un rapport (le rapport LECOCQ) diffusé le 28 août 2018 et intitulé « Santé au Travail : vers un système simplifié pour une prévention renforcée ». Ce rapport propose de créer un organisme public qui pourrait s’appeler FRANCE SANTE TRAVAIL, qui rassemblerait ce qui existe déjà (l’INRS, l’ANACT, et l’OPBTP), et qui créerait des structures régio­nales regroupant sous forme de guichets uniques les ser­vices régionaux de santé et de prévention existant déjà au sein des CARSAT et des services de santé au travail interentreprises (SSTI)…

Autant dire que dans un tel contexte de législation ap­plicable et de perspectives d’organisation administra­tive bien peu rassurantes au niveau de l’Etat, les chefs d’entreprise de moins de 300 salariés ont tout intérêt à anticiper les conséquences d’une règlementation faus­sement assouplie.

On ne saurait trop leur conseiller, outre de tenir des fiches de postes détaillées, de demander à leurs ser­vices médicaux des visites médicales avec médecin tous les deux ans au moins pour le personnel non sou­mis à des examens pério­diques plus rapprochés, à organiser (au moins pour ceux qui ont 50 salariés ou plus) une commission non obligatoire fonctionnant sur les principes pouvant être améliorés de la CSSCT. Les retours d’information pour­ront être très bénéfiques, la tendance naturelle, humaine, de l’encadrement intermé­diaire, à taire ou occulter certains comportements ou évènements, ne devant pas être négligée.

Les partenaires sociaux semblent l’avoir compris puisque, dans le cadre de la révision de la convention col­lective de l’industrie pharma­ceutique, afin de promouvoir la santé au travail et de favo­riser le dialogue social, leurs représentants ont signé un accord instituant la CSSCT à partir de 50 salariés.

Par ailleurs, toute mesure mise en place, de manière non obligatoire, ne pourra que sensibiliser le juge, éven­tuellement saisi, sur l’impor­tance accordée par le chef d’entreprise au problème de la santé de ses salariés. Ap­pliquer dans les entreprises qui n’y sont pas obligées des règles essentiellement de forme, c’est leur donner un fond bien plus important qu’apprécieront également les organismes de contrôle.

Actualité

LE PLAN DE DÉVELOPPEMENT DES COMPÉTENCES

Le plan de développement des compétences (PDC) remplace, à compter du 1er janvier 2019, le plan de for­mation en application des dispositions de la loi du 5 septembre 2018 « pour la liberté de choisir son avenir professionnel ».

Un décret du 24 décembre 2018 est venu préciser les conditions d’application de cette nouvelle règlementa­tion.

Deux situations doivent être considérées

Lorsque les formations sont obligatoires en application d’une convention interna­tionale ou de dispositions légales et règlementaires, parce qu’elles conditionnent l’exercice d’une activité ou d’une fonction, elles doivent être réalisées sur le temps de travail, elles sont consi­dérées comme du temps de travail effectif, et doivent être rémunérées normalement. (Art. L. 6321-2 du Code du travail)

Lorsque les formations ne sont pas obligatoires, elles peuvent être suivies en dehors du temps de tra­vail. Le temps de formation est considéré comme du temps de travail effectif, et la rémunération est main­tenue. Ceci, sous réserve des dispositions d’accords collectifs d’entreprise ou de branche, et, en l’absence d’accords, de ne pas dé­passer 30 heures par an et par salarié, 2% du forfait en jours ou en heures sur l’année. (Art. L. 6321-6 du Code du travail)

En l’absence d’accord d’entreprise ou de branche, l’accord écrit du salarié est nécessaire lorsque tout ou partie de la formation est assuré hors temps de travail, et ce dernier peut le dénon­cer dans les huit jours de sa conclusion. (Art. R. 6321-4 du Code du travail)

Dans les cas prévus aux 1° et 2° de l’article L. 6321-6, le refus du salarié de parti­ciper à des actions de for­mation « hors temps de tra­vail » ou la dénonciation de l’accord dans les conditions prévues à l’article L. 6321-6, ne constitue ni une faute ni un motif de licenciement. Il s’agit :

1° Des actions de forma­tion déterminées par accord collectif d’entreprise ou, à défaut, de branche qui peuvent se dérouler, en tout ou partie, hors du temps de travail, selon le cas, soit dans une limite horaire par salarié, soit dans une limite corres­pondant à un pourcentage du forfait pour les salariés dont la durée de travail est fixée par une convention de forfait en jours ou en heures sur l’année, fixées par ledit accord. L’accord peut éga­lement prévoir les contre­parties mises en œuvre par l’employeur pour compen­ser les charges induites par la garde d’enfant pour les salariés qui suivent des formations se déroulant en dehors du temps de travail;

2° en l’absence d’accord collectif et avec l’accord du salarié, des actions de for­mation qui peuvent se dé­rouler, en tout ou partie, hors du temps de travail, dans la limite de trente heures par an et par salarié.

L’allocation versée jusqu’en 2018 pour les heures de for­mation suivies en dehors du temps de travail n’est plus applicable.

LE CONTRAT DE PROFESSIONNALISATION EXPÉRIMENTALE

La loi du 5 septembre 2018 pour la liberté de choisir son avenir professionnel a égale­ment créé le Contrat de Pro­fessionnalisation expérimen­tale dont les conditions de mise en oeuvre ont été fixées par un Décret et un Arrêté du 26 décembre 2018.

Le but est d’élargir l’objet du contrat de profession­nalisation sur la base d’une expérimentation pendant trois ans. Il ne diffère pas du contrat classique pour l’essentiel.

La volonté du législateur est d’adapter le contrat de pro­fessionnalisation en particu­lier pour les personnes les plus éloignées de l’emploi, de leur assurer une forma­tion sur mesure, plus adap­tée à leurs besoins, et de permettre aux entreprises d’embaucher un salarié qui sera formé au plus près des besoins réels.

Pour ce faire, le contrat expérimental est conclu en vue d’acquérir des com­pétences définies conjoin­tement par l’employeur et l’opérateur de compétences (OPCO), en accord avec le salarié, dans le cadre d’un ou plusieurs blocs de com­pétences de certifications professionnelles, définis à l’article L. 6113-1 du Code du travail.

Jurisprudence

DATE D’ENVOI ET DATE DE RÉCEPTION DE LA LETTRE DE LICENCIEMENT POUR INAPTITUDE

Par un arrêt du 12 dé­cembre 2018, la Cour de cassation distingue les conséquences de la date d’envoi de la lettre de licenciement pour inapti­tude et les conséquences de la date de réception. (Cass. soc. n° 17-20.801)

Il en résulte que la date d’envoi de la lettre de licenciement pour inapti­tude constitue la date de rupture du contrat de tra­vail, mais que le licencie­ment ne produit ses effets à l’égard du salarié qu’à la date de présentation de la lettre le notifiant.

La date de présentation de la lettre de licencie­ment constituant le point de départ du préavis, en application de l’article L. 1234-3 du Code du tra­vail, il résulte de ce nouvel arrêt que l’employeur doit verser le salaire jusqu’à la présentation de la lettre de licenciement, même si le salarié n’a pas droit à un préavis parce qu’il ne peut l’exécuter, comme cela est le cas en l’espèce, l’inapti­tude faisant suite à un ac­cident du travail sans pos­sibilité de reclassement.

La solution dégagée dans le cadre de l’inaptitude sera selon toute vraisem­blance la même dans d’autres cas, comme celui du licenciement prononcé pour faute grave sans qu’il y ait eu mise à pied conservatoire préalable.

 

Bulletin rédigé par Maître Philippe RAINEIX
Selarl ACDP – 11, boulevard Voltaire – 19100 BRIVE

Bulletin JSA – AVRIL MAI 2018

Bulletin rédigé par Maître LALANNE Lire la suite