JUIN – JUILLET 2021
Editorial
QUEL EST LE POINT DE DÉPART DU DÉLAI DE RECOURS DE 15 JOURS CONTRE UN AVIS D’INAPTITUDE ?
Le sujet peut apparaître anodin mais pour autant, par une décision du 2 juin 2021 (Soc., 2 juin 2021, n° 19-24.061), la Cour de cassation juge que le délai de 15 jours dont dispose l’employeur pour contester, devant le Conseil de Prud’hommes, l’avis d’inaptitude d’un salarié à occuper son poste de travail, court à compter de la notification
de ce même avis, et non pas à compter de la réception des éléments de nature médicale le justifiant.
En l’espèce, une salariée qui était placée en arrêt de travail avait fait l’objet d’un avis d’inaptitude à tout poste par le médecin du travail le 25 octobre 2017.
Le 16 novembre 2017, l’employeur avait saisi la juridiction prud’homale en la forme des référés d’une contestation de cet avis et avait sollicité la désignation d’un médecin-expert.
La Cour d’appel saisie du litige a jugé, par un arrêt « avant dire droit », que l’action formée par l’employeur était hors délai et donc irrecevable. Selon la Cour d’appel, le délai de 15 jours ouvert pour la saisine du Conseil de Prud’hommes court à compter de la notification de l’avis d’inaptitude.
L’employeur soutenait, pour sa part, que le délai de 15 jours lui permettant de saisir le Conseil de Prud’hommes courait à compter du jour où les éléments de nature médicale justifiant la position du médecin du travail lui avaient été notifiés.
La Cour de cassation a confirmé l’irrecevabilité de l’action et approuvé le raisonnement de la Cour d’appel.
Pour rappel, face à l’hypothèse d’un avis d’inaptitude d’un salarié émis par le médecin du travail, l’employeur peut contester les éléments de nature médicale justifiant ledit avis en saisissant le Conseil selon une procédure accélérée au fond.
L’affaire étant antérieure à l’ordonnance du 20 décembre 2017 qui a réformé la procédure de contestation des éléments de nature médicale justifiant l’avis d’inaptitude d’un salarié émis par le médecin du travail, les Hauts magistrats ont interprété les textes applicables dans leur ancienne version.
Cependant, cette décision est transposable dans le cadre juridique actuel, sensiblement identique.
Dans la rédaction applicable à l’époque des faits, le Code du travail précisait que, en cas de contestation portant sur les éléments de nature médicale justifiant les avis, propositions, conclusions écrites ou indications émis par le médecin du travail (la rédaction actuelle étant « en cas de contestation portant sur les avis, propositions, conclusions écrites ou indications reposant sur des éléments de nature médicale émis par le médecin du travail »),
l’employeur pouvait saisir le Conseil de Prud’hommes dans un délai de quinze jours à compter de leur notification.
Cela s’explique par le fait que l’employeur ne reçoit pas les éléments de nature médicale eu égard au secret médical auquel est soumis le médecin du travail.
Par l’arrêt du 2 juin 2021, la Cour de cassation a rejoint la position du Ministère du Travail qui a publié le 26 octobre 2020 un document intitulé « Recours contre un avis d’inaptitude », lequel indiquait que la contestation des avis du médecin du travail devait être portée devant le Conseil de Prud’hommes dans les 15 jours suivant leur notification (site internet du ministère du Travail).
Cette décision peut s’analyser en une « bouteille d’encre » pour l’employeur qui se trouve contraint de contester un avis d’inaptitude physique sans avoir connaissance des éléments de nature médicale sur lesquels repose l’avis du médecin du travail.
Former un recours sans avoir été informé des éléments de nature médicale ou se conformer à un avis médical avec lequel l’employeur est en désaccord : ce dernier se trouve coincé entre des impératifs contradictoires…
Actualité Covid
ACTIVITÉ PARTIELLE : QUELLE INDEMNISATION À PARTIR DU 1ER JUILLET 2021 ?
Le déconfinement a eu pour conséquence positive une reprise de l’activité économique.
Dès lors, s’en est suivie une évolution du dispositif de l’activité partielle par Décret n° 2021-674 du 28 mai 2021.
Cas général pour les salariés des entreprises qui ne sont pas fermées par décisions administratives, qui n’appartiennent pas aux secteurs les plus touchés et en l’absence
d’accord d’activité partielle de longue durée (APLD) : L’indemnité a évolué au 1er juillet 2021 en ce qu’elle est désormais de 60 % de la rémunération antérieure brute, soit environ 72 % de la rémunération nette, avec un minimum de 8,11 € et un maximum de 27,68 € par heure.
Depuis le 1er juillet 2021, le taux de l’allocation d’activité partielle accordée aux employeurs est de 36 % de la rémunération brute de référence.
Cas particulier pour les salariés des secteurs protégés et des établissements fermés administrativement ou soumis à restriction :
La prise en charge intégrale de l’activité partielle est maintenue jusqu’au 31 octobre 2021 au bénéfice des entreprises les plus touchées par les effets de la crise sanitaire.
Sont concernées :
- les entreprises dont l’activité a été interrompue par décision administrative en raison de la crise sanitaire,
- les entreprises situées dans une circonscription territoriale soumise à des restrictions spécifiques des conditions d’exercice de l’activité économique et de circulation des personnes prises par l’autorité administrative lorsqu’elles subissent une forte baisse de chiffre d’affaires,
- les entreprises qui relèvent des secteurs les plus affectés et qui continuent de subir une très forte baisse du chiffre d’affaires.
Les salariés percevront toujours 70 % de leur rémunération brute antérieure, soit environ 84 % de leur rémunération nette, avec un minimum de 8,11 € net et un maximum de 32,29 € par heure chômée.
LICENCIEMENT : DES CIRCONSTANCES DE FAIT EXONÉRATOIRES DU PRONONCÉ D’UN LICENCIEMENT POUR FAUTE GRAVE
(Cour de cassation chambre sociale 12 mai 2021 n°20-10.512 – Cour de cassation chambre sociale 19 mai 2021 n°19-20.566)
Les agressions verbales et les incivilités constituent des éléments de fait et de preuve pouvant caractériser une cause réelle et sérieuse de licenciement, voire une faute
grave.
Il est de jurisprudence constante qu’un salarié, ayant fait preuve d’acrimonie, voire d’une certaine agressivité verbale à l’égard de ses collègues créant ainsi un état de tension dans l’entreprise, puisse se voir notifier son licenciement pour faute grave.
Néanmoins, dans deux arrêts respectivement des 12 et 19 mai 2021, la Cour de cassation vient rejeter la caractérisation de licenciements pour faute grave prononcés en raison de faits d’agressions verbales et de messages à connotation agressive et insultante, de la part de salariés, envers leurs supérieurs hiérarchiques et collègues de travail.
Tout d’abord, la chambre sociale de la Haute Juridiction vient décrire les salariés comme présentant un « état pathologique, conséquence du harcèlement moral dont
il était victime », ou encore traversant « une période de dépression sévère ». Par de telles descriptions, il est notamment fait référence à l’altération de la santé physique
et mentale décrite à l’article L.1152-1 du Code du travail.
Par la suite, en prenant en compte les qualités professionnelles dont chacun des salariés faisait preuve, l’un en tant que VRP, l’autre en tant qu’agent déclarant en douane, la Cour de cassation a estimé nécessaire, au visa de l’article L.1235-1 du Code du travail, de considérer leurs licenciements dépourvus de cause réelle et sérieuse. Une telle application protectrice des dispositions légales amène le juge à octroyer aux salariés une indemnité en réparation du préjudice subi.
La solution jurisprudentielle démontre un assouplissement de l’appréciation du motif de licenciement pour agression verbale. La chambre sociale approuve ainsi le raisonnement casuistique de la Cour d’appel, ici à l’origine des deux arrêts de rejet.
Le harcèlement moral subi par le salarié, son absence de passé disciplinaire, ou son état de santé, peuvent conduire à une exclusion de toute faute reprochée au salarié.
RUPTURE CONVENTIONNELLE : LE BÉNÉFICE D’UN SYSTÈME CONVENTIONNEL D’INDEMNITÉ SPÉCIFIQUE DE RUPTURE PLUS FAVORABLE QUE LE VERSEMENT DE L’INDEMNITÉ LÉGALE
(Cour de cassation chambre sociale 5 mai 2021 N°19-24.650)
L’application limitative d’une indemnité conventionnelle de licenciement ne peut priver un salarié de la possibilité de bénéficier d’une indemnité spécifique plus favorable que celle de l’indemnité légale de l’article L.1234-9 du Code du travail.
Dans un arrêt rendu le 5 mai 2021, la chambre sociale de la Cour de cassation énonce que : « en application de l’avenant du 18 mai 2009 à l’Accord National Interprofessionnel (ANI) du 11 janvier 2008, la salariée pouvait prétendre à une indemnité spécifique de rupture dont le montant ne pouvait être inférieur à l’indemnité conventionnelle de licenciement ».
En l’espèce, la convention collective applicable réservait le versement de l’indemnité conventionnelle de licenciement aux seuls cas d’insuffisance professionnelle ou de licenciements économiques. Selon la Cour, cette exclusivité d’application ne saurait priver la salariée de l’indemnité conventionnelle plus favorable, lorsque cette dernière doit se voir octroyer une indemnité spécifique de rupture conventionnelle. Il est par conséquent refusé à l’employeur de se prévaloir d’une restriction conventionnelle des motifs, pour calculer la présente indemnité sur le seul fondement légal de l’article L.1234-9.
L’indemnité spécifique de rupture conventionnelle devait donc correspondre à minima à l’indemnité conventionnelle de licenciement, plus favorable que l’indemnité légale.
Néanmoins, la récente solution ici énoncée ne contredit aucunement la jurisprudence du 27 juin 2018 excluant le bénéfice d’une indemnité conventionnelle de licenciement, même plus favorable, pour les entreprises dont le secteur d’activité n’est pas couvert par l’ANI du 11 janvier 2008 (pour rappel : professions libérales et agricoles, économie sociale, secteur sanitaire et social, particuliers employeurs).
Bulletin rédigé par Me Luc LALANNE en collaboration avec Me Justine GIBIERGE et Monsieur Paul HEULIN, étudiant en Master I Droit
social à l’Université de Lille – SCP des Jacodins – 1, rue du 33ème Mobiles CS 21508, 72015 Le Mans cedex 2
AVRIL – MAI 2021
Editorial
BARÈME MACRON : LA RÉSISTANCE CONTINUE
Régulièrement critiqué depuis son entrée en vigueur, le barème dit « barème Macron » a été une nouvelle fois écarté, cette fois-ci par la Cour d’appel de PARIS dans un arrêt du 16 mars 2021 (CA PARIS, pôle 6, ch.11, 16 mars 2021, n°19/08721).
Souhaité par Emmanuel Macron alors qu’il était encore ministre de l’économie sous le quinquennat de François Hollande, ce barème a été instauré par l’ordonnance n° 2017-1387 du 22 septembre 2017 (article L. 1235-3 du Code du travail).
Il définit, après avoir pris en compte deux critères que sont l’ancienneté du salarié et la taille de l’entreprise, les indemnités minimales et maximales dues par l’employeur à son ancien
salarié en cas de licenciement considéré par le juge comme étant dépourvu de cause réelle et sérieuse.
Censé permettre aux employeurs d’anticiper et maîtriser les risques en cas de licenciement d’un salarié, ce barème a été remis en cause à plusieurs reprises par les juges du fond, qu’ils s’agissent de Conseils de Prud’hommes ou de Cours d’appel, considérant qu’il n’assurait pas une réparation adéquate et appropriée du préjudice du salarié.
Pour justifier cette position, ces juridictions se sont, pour la plupart, référées à la Convention de Sauvegarde des Droits de l’Homme et des Libertés Fondamentales, à la Charte Sociale Européenne et à la Convention de l’Organisation Internationale du Travail n° 158.
Pourtant, dans deux avis rendus le 17 juillet 2019, la Cour de cassation, en formation plénière, avait considéré que ce barème était conforme aux textes internationaux précités.
N’ayant pas de portée contraignante, cette position est donc loin de faire l’unanimité.
L’arrêt de la Cour d’appel du 16 mars 2021 précité en constitue un nouvel exemple.
En l’espèce, une salariée avait été licenciée alors qu’elle comptait un peu moins de 4 ans d’ancienneté. Considérant la rupture du contrat de travail dépourvue de cause réelle et sérieuse, la Cour d’appel aurait dû, en application du barème Macron, lui accorder une indemnité comprise entre 3 à 4 mois de salaire.
Or, celle-ci a constaté qu’une telle indemnité ne couvrait à peine que la moitié du préjudice financier subi depuis le licenciement et a donc considéré que les dispositions de l’article L. 1235-3 du Code du travail ne permettaient pas une indemnisation adéquate et appropriée du préjudice subi, compatible avec les exigences de l’article 10 de la Convention 158 de l’Organisation Internationale du Travail.
Se basant sur la situation « concrète et particulière » de la salariée (âge, ancienneté, capacité à trouver un nouvel emploi au vu de sa formation et de son expérience professionnelle
et conséquences du licenciement à son égard), les juges ont dès lors écarté le barème Macron pour accorder à l’intéressée une indemnité de 32.000 €, représentant un peu plus de 7 mois de salaire.
Cet arrêt de la Cour d’appel de PARIS, qui se situe sur la même ligne que celle adoptée précédemment par les Cours d’appel de REIMS (arrêt du 25 septembre 2019), CHAMBÉRY (arrêt du 14 novembre 2019), CAEN (arrêt du 12 décembre 2019), GRENOBLE (arrêt du 2 juin 2020) ou BOURGES (arrêt du 6 novembre 2020), vient ainsi accentuer l’incertitude déjà présente autour de l’application de ce barème.
Pour rajouter à cette confusion (cacophonie ?), il est à noter qu’une autre chambre de cette même Cour d’appel de PARIS avait adopté en octobre 2019 une position qui semblait se ranger à l’avis rendu par la Cour de cassation en appliquant strictement le principe de plafonnement issu du barème, sans évoquer dans sa motivation la possibilité d’y déroger (CA
PARIS, Pôle 6, Ch. 8, 30 octobre 2019, n° 16/05602).
Il est donc hautement souhaitable que la Cour de cassation se prononce rapidement sur la question dans un arrêt afin d’apporter une clarification vivement attendue par les employeurs mais également par les salariés.
Actualité
SENSIBILISATION AUX GESTES DE PREMIERS SECOURS : OBLIGATIONS DE L’EMPLOYEUR
La loi n° 2020-840 du 3 juillet 2020 visant à créer le statut de citoyen sauveteur prévoit, en son article 3, que les salariés doivent bénéficier d’une sensibilisation à la lutte contre l’arrêt cardiaque et aux gestes qui sauvent préalablement à leur départ à la retraite (article L. 1237-9-1 du Code du travail).
Le contenu, le champ d’application et les modalités de mise en oeuvre de ce dispositif devaient être définis par décret.
C’est chose faite depuis la publication au Journal Officiel du 20 avril 2021 du décret n° 2021-469 du 19 avril 2021 (codifié aux articles D. 1237-2-2 et D. 1237-2-3 du Code du travail).
Ce dispositif concerne toutes les entreprises, quelle que soit leur taille.
Cette action de sensibilisation, qui doit se dérouler pendant l’horaire normal de travail et être considérée comme du temps de travail, a pour objectif de permettre aux salariés d’acquérir les compétences nécessaires pour :
- assurer leur propre sécurité, celle de la victime ou de toute autre personne et transmettre au service de secours d’urgence les informations nécessaires à son intervention ;
- réagir face à une hémorragie externe et installer la victime dans une position d’attente adaptée ;
- réagir face à une victime en arrêt cardiaque et utiliser un défibrillateur automatisé externe.
Le décret renvoie à un arrêté le soin de définir les organismes et professionnels autorisés à dispenser ces actions de sensibilisation, sachant qu’un arrêté du 30 juin 2017 autorise déjà les services d’incendie et de secours ainsi que les associations agréées et organismes habilités à la formation aux premiers secours, à dispenser ce type d’actions de sensibilisation.
Jurisprudence
ACCIDENTS DU TRAVAIL : LA FAUTE INEXCUSABLE DU PARTICULIER EMPLOYEUR N’OBÉIT PAS À UNE DÉFINITION AUTONOME
Les employés à domicile travaillant pour des particuliers employeurs ne sont normalement soumis qu’à certaines dispositions du Code du travail énumérées à l’article L. 7221- 2 de ce Code (harcèlement, journée du 1er mai, congés payés, congés pour évènements familiaux, surveillance médicale).
Pour autant, la Cour de cassation a, au fil de sa jurisprudence, considéré que les employés de maison étaient également concernés par d’autres dispositions non visées par l’article L. 7221-2 précité, estimant que la liste énumérée à cet article n’était pas limitative (indemnité de licenciement, réglementation en matière de travail dissimulé, règles de preuve relatives
à l’existence ou au nombre (Cass. 2ème civ. 8 avril 2021, n° 20-11.935).
Dans cet arrêt du 8 avril 2021, la Cour de cassation en livre un nouvel exemple.
La question se posait de savoir si l’obligation de sécurité et de protection de la santé qui découle des articles L. 4121-1 et L. 4121-2 du Code du travail ainsi que l’appréciation de la faute inexcusable telles que prévues pour l’employeur professionnel étaient également applicables au particulier employeur.
La réponse des Hauts-Magistrats est sans ambiguïté.
Comme tout employeur, le particulier ayant recours à des employés de maison est tenu à l’obligation légale de sécurité et de protection de la santé. Le manquement à cette obligation est susceptible de constituer une faute inexcusable dans les mêmes conditions que pour l’employeur professionnel (conscience du danger que l’employeur avait ou aurait dû avoir et absence de mesures nécessaires pour préserver le salarié).
Ainsi, la qualité de particulier employeur ne dispense ni de l’obligation de sécurité, ni de la mise en jeu de sa responsabilité au titre de la faute inexcusable, aucune dérogation au droit commun n’étant admise.
PORT DU VOILE : SANS CLAUSE DE NEUTRALITÉ DANS LE RÈGLEMENT INTÉRIEUR, L’ATTEINTE À L’IMAGE COMMERCIALE NE JUSTIFIE PAS L’INTERDICTION(Cass. soc. 14 avril 2021, n° 19-24.079)
L’article L. 1321-2-1 du Code du travail prévoit que le règlement intérieur peut contenir des dispositions inscrivant le principe de neutralité et restreignant la manifestation des convictions des salariés si ces restrictions sont justifiées par l’exercice d’autres libertés et droits fondamentaux ou par les nécessités du bon fonctionnement de l’entreprise et si elles
sont proportionnées au but recherché.
Dans une décision rendue le 22 novembre 2017, la Cour de cassation avait reconnu la possibilité d’insérer dans le règlement intérieur une clause générale permettant d’interdire
aux salariés le port de tout signe religieux, politique ou philosophique, lorsqu’ils sont en contact avec les clients.
A défaut d’une telle clause dans le règlement intérieur, l’interdiction faite aux salariés n’est possible que s’il existe une « exigence professionnelle essentielle et déterminante » et
pour autant que l’objectif soit légitime et l’exigence proportionnée (article L. 1133-1 du Code du travail).
Dans sa décision rendue le 14 avril 2021, la Cour de cassation a jugé qu’en l’absence de clause de neutralité dans le règlement intérieur, l’interdiction faite à une salariée de porter un
foulard islamique caractérisait une discrimination directement fondée sur les convictions religieuses dès lors que l’attente des clients sur l’apparence physique des vendeuses d’un
commerce de vêtements ne pouvait constituer une exigence professionnelle essentielle et déterminante permettant de justifier cette interdiction.
Conséquence : Le licenciement d’une salariée prononcée dans ce contexte suite à son refus de retirer son foulard islamique lorsqu’elle était en contact avec la clientèle, est discriminatoire et donc nul.
Bulletin rédigé par Me Philippe BODIN – SCP BASILIEN-BODIN Associés
4, rue NIEPCE – 60200 COMPIÈGNE
MARS – AVRIL 2021
Editorial
LES SERVICES DE SANTÉ AU TRAVAIL, ENCORE ET TOUJOURS, AU COEUR DES RELATIONS DE TRAVAIL
Parce que la crise sanitaire ne peut indéfiniment voler la vedette aux sujets juridiques du quotidien, il demeure important de s’intéresser à ces problématiques, moins spectaculaires, moins immédiates mais tout aussi prégnantes de la vie sociale des entreprises.
Rappelons que les services de santé au travail suivent chaque année environ 15 millions de salariés, et que 330.000 salariés font l’objet d’aménagements de postes sur prescription du
médecin du travail. Plus de 120.000 salariés sont déclarés inaptes chaque année (chiffres PRESANSE 2018-2019).
Ce n’est pas rien et les responsables des ressources humaines dans les entreprises le savent bien.
Désigné comme l’un des acteurs incontournables de la prévention primaire en entreprise depuis la Directive communautaire de 2009, il n’aura pas échappé au lecteur que le service de santé au travail est, également, un acteur de la régulation sociale en entreprise.
Autant de raisons qui, ajoutées à la crise démographique frappant la population des médecins du travail, à la nécessaire lutte contre les risques psychosociaux et à la désinsertion professionnelle grandissante des salariés, ont mis les services de santé au travail au coeur d’une importante réflexion des pouvoirs publics : ainsi l’IGAS (Inspection Générale des Affaires Sociales) réalisait dès 2019 une mission d’évaluation des SSTI (Services de santé au travail interentreprises), le Sénat rendait un rapport le 3 octobre 2019 et un rapport de deux
députées LREM dont Charlotte Parmentier-Lecocq préconisant, toujours en octobre 2019 une réforme « en profondeur » du système de santé au travail.
Depuis lors, la proposition de loi est « en marche ». Adoptée en première lecture le 17 février 2021, elle est en cours d’examen devant le Sénat pour une entrée en vigueur au plus tard au printemps 2022.
Que les anxieux se rassurent, les députés ont fait leur la pensée du Président Habib Bourguiba selon laquelle « Être réaliste, c’est préférer une réforme modeste, qui en permet une autre, à un miracle impossible. »
Ainsi la réforme ne révolutionne-t-elle pas le paysage connu, mais prend en compte les enjeux de la santé au travail de demain ; les Associations gestionnaires de ces services sont confortées dans leur action au quotidien.
Entre autres changements : Durée de conservation du document unique d’évaluation des risques professionnels portée à 40 ans, création d’une visite de mi-carrière aux 45 ans du salarié, développement du Dossier médical en santé au travail (DMST) partagé entre le médecin de ville correspondant et le médecin du travail, création du « passeport de prévention » retraçant les formations du salarié sur la sécurité et la prévention, allongement de la formation des élus en matière de santé et sécurité, rendez-vous de pré-reprise sur l’initiative du salarié (seulement)…
Autant de mesures dont l’entrée en vigueur devra être minutieusement suivie au sein des services RH des entreprises et dont le présent bulletin se fera l’écho.
Un regret tout de même.
Le recours contre l’avis du médecin du travail prévu à l’article L4624-7 du Code du travail, celui-là même qui a déjà été modifié à trois reprises depuis son entrée en vigueur au 1er janvier 2017 à la suite de la loi Travail du 8 août 2016, n’est ni modifié, ni précisé.
Les juges se chargent donc d’en dessiner les contours.
Depuis le 1er janvier 2018 en effet, les recours contre les avis du médecin du travail sont portés devant le Conseil de Prud’hommes « selon la procédure accélérée au fond » et non plus devant l’autorité administrative. Peuvent être contestés les « avis, propositions, conclusions écrites ou indications émis par le médecin du travail reposant sur des éléments de nature
médicale ». Le Conseil de prud’hommes peut « confier toute mesure d’instruction au médecin inspecteur du travail territorialement compétent » pour l’éclairer.
Le 17 mars 2021, saisie par le Conseil de Prud’hommes de Cayenne, la Cour de cassation a pu indiquer dans un avis sibyllin (n°21-70.002) que cette procédure spécifique ne pouvait être utilisée pour se prononcer sur un éventuel irrespect, par le médecin du travail, des formalités désormais obligatoires préalablement à une déclaration d’inaptitude, mais que les juges pouvaient « se baser sur tous les éléments à leur disposition pour déterminer si l’avis du médecin du travail pouvait être annulé ».
La décision du Conseil de Prud’hommes, si elle annule l’avis du médecin, se substitue à lui.
Cet avis ne fait que renforcer le flou relatif qui entoure ce recours, questionner sur l’intérêt de sa mise en oeuvre, et ce d’autant plus que de nombreuses décisions de cours d’appel rappellent que le recours doit être fondé sur « des éléments de nature médicale », que par hypothèse l’employeur ne saurait détenir (CA Aix en Provence 15 mai 2020 n°19/14579, CA PARIS, 12 mars 2020 n°19/06035, Cour d’appel de CAEN 11 octobre 2018 n°18/00571, etc.).
Si le médecin a retenu une aptitude, alors le recours peut présenter de l’intérêt tant du côté de l’employeur que de celui du salarié.
Mais si le médecin a déclaré une inaptitude, le recours de l’employeur ne doit pas être engagé à la légère, dès lors que le recours ne suspend pas l’obligation de reprendre le paiement du salaire au bout d’un mois suivant la visite médicale.
Il peut être ajouté que la pratique montre que ce recours devient alors l’occasion d’évoquer d’autres points de litige par le biais de demandes reconventionnelles, recevables ou non…
Une décision rendue par la Cour de cassation le 24 mars 2021 (Cass. Soc. 24 mars 2021 n°19-16.558) suite au recours d’une salariée contre un avis d’inaptitude en fournit une illustration récente, en redonnant ses lettres de noblesse à « l’aptitude avec réserves » que l’on pensait presque disparue depuis 2017.
Une caissière de la grande distribution avait été déclarée inapte par le médecin du travail au motif qu’elle ne pouvait plus travailler de nuit (après 22 heures), ce qui impliquait une modification de son contrat de travail, le médecin précisant, du reste, que la salariée pouvant exercer ses missions de caissière en journée.
La Haute Cour confirme l’annulation de l’avis médical d’inaptitude par les juges : la salariée, pouvant continuer d’occuper « son poste » dans le cadre d’un horaire aménagé, est apte et non inapte. L’employeur ne peut licencier.
Dessinant progressivement le rôle du médecin du travail, les juges tendent donc à préserver son indépendance et à le protéger contre les tentatives d’instrumentalisation des parties, comme lorsqu’ils rappellent que le médecin du travail n’a pas à se prononcer sur l’origine, professionnelle ou non, de l’inaptitude du salarié (CA PARIS 28 mai 2020 n°19/06035).
Ce sujet précis, dont l’enjeu financier n’a pas échappé aux plaideurs, n’a pas fini d’agiter les prétoires…
Actualité
COVID-19 : LE RETOUR DE L’ABONDANCE (RÉGLEMENTAIRE)
À la suite des dernières annonces présidentielles, la multiplication de textes réglementaires inonde à nouveau l’actualité. La période d’urgence sanitaire est délimitée au 1er juin 2021.
Alors que deux décrets du 30 mars 2021 reportent la diminution des taux d’activité partielle au 1er mai, un décret du 31 mars 2021 prolonge jusqu’au 30 juin prochain la possibilité de neutraliser les périodes de confinement et autres restrictions à l’activité économique pour les employeurs ayant recours à l’activité partielle de longue durée (APLD).
Les employeurs sont invités par le Gouvernement le 2 avril 2021, à faciliter les prises de congés par les salariés pour tenir compte des nouvelles dates des vacances scolaires.
Les salariés ne pouvant être placés en télétravail et ne pouvant travailler en entreprise en raison de la nécessité de garder leurs enfants sont, quant à eux, placés en activité partielle en produisant une attestation sur l’honneur.
Le Gouvernement garantit dans un nouveau décret un « reste à charge nul » pour les entreprises puisque le taux de l’allocation (versée aux employeurs) sera porté à 70 % de la rémunération antérieure brute. Le taux horaire de l’allocation ne pourra être inférieur à 8,11 euros».
Le sort des titres-restaurants des télétravailleurs fait toujours l’objet d’un débat. Le Tribunal Judiciaire de Nanterre (jugement du 10 mars 2021) et celui de Paris (jugement du 31 mars 2021) n’adoptent pas la même solution concernant le bénéfice des tickets restaurant pour les salariés en télétravail ; Force Ouvrière interpelle la Ministre du travail pour trancher ce point sensible qui n’est donc pas encore réglé.
ADIEU AUX DIRECCTE, MAINTENANT PLACE AUX DREETS
Depuis le 1er avril 2021, par application du décret n°2020- 1545 du 9 décembre 2020, les DIRECCTE sont regroupées avec les services déconcentrés de la cohésion socialeau sein d’une nouvelle structure : les Directions régionales de l’économie, de l’emploi, du travail et des solidarités (DREETS).
Au niveau départemental, le nouvel interlocuteur sont les DDETS(PP) acronyme pour « Directions départementales de l’emploi du travail et des solidarités (et de la protection des populations) ».
Il s’agit d’un interlocuteur unique pour toute question concernant :
• La politique de l’emploi
• L’inspection du travail ;
• Le contrôle des marchés et des relations commerciales et la protection des consommateurs ;
• L’accompagnement des entreprises, les mutations économiques, la compétitivité et la sauvegarde des entreprises ;
• Les politiques de cohésion sociale ;
• Les actions sociales et économiques de la politique de la ville ;
• Le contrôle et l’inspection des établissements et services sociaux ;
• La formation et la certification des professions sociales et de santé non médicale ;
• L’insertion sociale et professionnelle.
Les adresses des Dreets sont disponibles sur dreets.gouv.fr
UN NOUVEAU GUIDE PRÉCIEUX DANS LA « TOOL BOX » DES DRH : LE BOSS
Le 8 mars 2021 était mis en ligne un nouveau site internet dédié au Bulletin officiel de la Sécurité sociale, le BOSS.
Il s’agit d’une base documentaire unique qui vise à regrouper l’ensemble des dispositions juridiques ainsi que la doctrine administrative ministérielle opposable en matière de cotisations et contributions de Sécurité sociale.
Y seront publiés l’ensemble des circulaires et instructions relatives à la législation applicable en matière de cotisations et de contributions sociales, ainsi que leurs commentaires.
Ont déjà été publiés des fiches thématiques très complètes sur les thèmes suivants :
• Assiette générale de cotisations et allègements de charges ;
• Exonérations zonées (exonérations de cotisations dans les ZRR, ZRD et BER et exonérations en outre-mer) ;
• Avantages en nature et frais professionnels ;
• Indemnités de rupture.
Le BOSS sera enrichi progressivement de nouveaux thèmes comme la protection sociale complémentaire.
Ainsi, depuis le 1er avril 2021, les cotisants doivent se conformer à la doctrine administrative publiée sur ce site internet et celle-ci sera opposable aux organismes de recouvrement. Une nouvelle bible donc …
PUBLICATION DE L’INDEX ÉGALITÉ PROFESSIONNELLE : DES NOUVEAUTÉS ET DES DATES À NOTER DANS LES AGENDAS
Conformément à l’article D.1142-4 du Code du travail, les entreprises d’au moins 50 salariés doivent publier chaque année, au plus tard le 1er mars, leur note sur leur site internet.
A défaut, les résultats doivent être portés à la connaissance des salariés par tout moyen.
Le décret n°2021-265 du 10 mars 2021 vient apporter des modifications importantes.
Désormais, les entreprises doivent publier le résultat obtenu pour chaque indicateur de l’index et non pas seulement la note globale.
En outre la publication doit se faire de « manière visible et lisible » sur le site internet de l’entreprise.
Enfin, cette publication devra être accessible jusqu’à la publication des nouveaux résultats l’année suivante.
A noter que les entreprises bénéficient d’un court délai pour se mettre en conformité :
• La publication, de manière visible et lisible, de la note globale pour 2020 doit être réalisée au plus tard le 1er mai 2021 ;
• Les entreprises ont jusqu’au 1er juin 2021 pour publier les résultats obtenus pour chaque indicateur.
Bulletin rédigé par Mes Stéphanie OGEZ & Myriam CASTEL Cabinet SO AVOCATS
34 rue de Rémusat – 31000 TOULOUSE
FEVRIER – MARS 2021
Editorial
LA PREUVE DES HEURES SUPPLÉMENTAIRES PAR LE SALARIÉ : LA COUR DE CASSATION PRÉCISE SA JURISPRUDENCE
Le contentieux de la revendication par les salariés du paiement des heures supplémentaires se multiplie devant nos juridictions, que ce soit à l’occasion de la contestation du motif de licenciement, lors d’une démission, ou encore par une demande de prise d’acte de rupture du contrat de travail ou de résiliation judiciaire.
A l’instar des demandes relatives au harcèlement moral, ces stratégies de contournement constituent un moyen, pour un salarié avec une faible ancienneté et qui s’estime injustement
licencié, d’obtenir une compensation financière bien supérieure à l’indemnité prévue par le barème “Macron” de septembre 2017 (article L.1235-3 du code du travail).
Ce barème n’offre au salarié qu’une indemnité maximale d’un mois de salaire s’il est licencié avant la date anniversaire de son embauche, et deux mois avant le terme de sa deuxième année…
Se placer sur le terrain d’un rappel d’heures supplémentaires peut donc s’avérer bien plus rémunérateur, en particulier si l’élément intentionnel est retenu par le juge, ouvrant alors le bénéfice de l’indemnité forfaitaire pour travail dissimulé représentant 6 mois de salaires bruts.
Le débat porte sur la démonstration de la réalité des heures supplémentaires qui n’auraient pas été payées.
Le Code du travail prévoit un dispositif de preuve partagée entre l’employeur et le salarié, invitant le juge à former sa conviction.
Si la charge de la preuve repose en premier lieu sur le salarié, il faut rappeler que l’employeur a l’obligation légale d’établir les documents nécessaires au décompte de la durée du travail pour les salariés ne travaillant pas selon l’horaire collectif (article L.3171-2 et s. du Code du travail).
Dans un arrêt du 14 mai 2019, la Cour de Justice de l’Union Européenne a jugé que les employeurs avaient “l’obligation de mettre en place un système objectif, fiable et accessible permettant de mesurer la durée du temps de travail journalier effectué par chaque travailleur” (CJUE 14-5-2019 aff. 55/18 : interprétation de la directive 2003/88).
Si cette appréciation de l’existence et de l’évaluation des heures accomplies relève d’une appréciation souveraine des juges du fond, la Cour de cassation cherche à clarifier les conditions d’examen des heures supplémentaires par les juges.
S’agissant de la preuve par le salarié, elle a ainsi opéré une évolution de sa jurisprudence le 18 mars 2020 pour donner suite à cet arrêt de la CJUE (Cass. soc. n°18-10.919 M. A c société GETI) : la Cour de cassation a ainsi abandonné la notion “d’étaiement par le salarié de sa demande” (qu’elle exigeait depuis un arrêt du 25 février 2004) et indique que désormais “le salarié doit présenter à l’appui de sa demande, des éléments suffisamment précis quant aux heures non rémunérées qu’il prétend avoir accomplies afin de permettre à l’employeur, qui assure le contrôle des heures de travail effectuées, d’y répondre utilement en produisant ses propres éléments ”.
ÉTAIT-CE UNE SIMPLE DIFFÉRENCE SÉMANTIQUE COMME NOUS AURIONS PU LE PENSER ?
La Cour de cassation vient de saisir l’occasion de rappeler dans un arrêt du 27 janvier 2021 qu’une évolution était bien à l’œuvre, dans la continuité des arrêts de la CJUE et du 18 mars 2020 (Cass. soc., n° 17-31.046, M. X c société Laboratoire Demavic).
Dans cette dernière affaire, un salarié technico-commercial avait saisi la juridiction prud’homale aux fins d’obtenir la résiliation judiciaire de son contrat de travail et le rappel d’heures supplémentaires impayées.
Le salarié avait produit un décompte des heures de travail qu’il indiquait avoir accomplies, mentionnant, jour après jour, les heures de prise et de fin de service, ainsi que ses rendez- vous professionnels avec la mention du magasin visité, le nombre d’heures quotidien et le total hebdomadaire.
L’employeur, de son côté, admettait ignorer le nombre d’heures accomplies par le salarié et ne pas les contrôler, de sorte qu’il ne fournissait aucun élément en réponse à ceux produits par le salarié.
La Cour d’appel avait rejeté la demande du salarié, au motif que le décompte qu’il produisait est « insuffisamment précis en ce qu’il ne précisait pas la prise éventuelle d’une pause méridienne ».
La Cour de cassation casse l’arrêt d’appel, estimant qu’elle ne pouvait considérer ce décompte comme insuffisamment précis au motif qu’il ne mentionnait pas de pause méridienne.
Le contrôle du temps de travail et le suivi de la charge de travail sont également nécessaires pour garantir la protection, la sécurité et la santé des salariés ayant conclu une convention de forfait en jours.
A défaut de respecter les règles imposées par la convention collective ou par la loi, en particulier l’absence d’un entretien annuel spécifique avec le salarié destiné à “évoquer sa charge de travail, qui doit être raisonnable, l’organisation de son travail, l’articulation entre son activité professionnelle et sa vie personnelle ainsi que sa rémunération, la convention de forfait peut être privée d’effet par le juge.
Devront alors être rémunérées toutes les heures réalisées au delà de la durée légale de 35 heures.
En application de la jurisprudence de la Cour de cassation précisée le 27 janvier 2021, le salarié n’aura qu’à fournir au juge des éléments suffisamment précis sur la réalité des heures accomplies.
Néanmoins, un arrêt du 6 janvier 2021 (Cass. soc., 6 janv. 2021 n°17-28.234, Mr S c société Mademoiselle Desserts Broons) est venu apporter une atténuation à ces actions en tirant toutes les conséquences des effets de la suspension de la convention de forfait en jours. Selon la Cour de cassation, lorsqu’une convention de forfait en jours est privée d’effet, le paiement des jours de repos accordés en exécution de la convention est devenu indu. En conséquence, l’employeur est en droit de réclamer le remboursement au salarié de ces jours de repos pour la durée de la période de suspension de la convention de forfait jours.
Aussi, en application de cet arrêt, si le salarié n’est pas en mesure d’apporter au juge “des éléments suffisamment précis” des heures réalisées, il pourrait se retrouver devoir à l’employeur le remboursement des jours de repos pris…
A l’inverse, à condition qu’il dispose d’éléments probants, le salarié qui s’estime injustement privé de son emploi peut trouver dans cette contestation du forfait jours un moyen de négocier avec son ex-employeur une indemnisation bien supérieure au barème légal.
Les employeurs sont désormais prévenus : compte tenu de l’obligation qui pèse sur eux de contrôler la durée de travail de leurs salariés (prévue au sein du code du travail et rappelée par la CJUE), la charge de la preuve ne peut reposer sur le seul salarié.
Plus que jamais il convient de rappeler la loi et la jurisprudence imposent à l’employeur de comptabiliser les temps de travail de chaque salarié, qu’il devra en outre être en capacité de fournir à l’inspecteur du travail en cas de contrôle.
Actualité
COVID-19 : LES NOUVELLES MISSIONS DES SERVICES DE SANTÉ AU TRAVAIL (SST)
Une Ordonnance du 2 décembre 2020 avait autorisé le médecin du travail :
• à prescrire et renouveler un arrêt de travail en cas d’infection ou de suspicion d’infection à la covid-19 ;
• à établir un certificat médical pour les salariés vulnérables en vue de leur placement en activité partielle ;
• à participer aux actions de dépistage et de vaccination et plus généralement à la lutte contre la propagation de l’épidémie par des actions de sensibilisation à destination des employeurs et des salariés.
L’Ordonnance du 10 février 2021 prolonge ces missions jusqu’au 1er août 2021 (Ord. 2021-135 du 10-2-2021 art.3).
S’AGISSANT DE LA VACCINATION, LE MINISTÈRE DU TRAVAIL A DIFFUSÉ LE 25 FÉVRIER 2021 UN DOCUMENT QUESTIONS/RÉPONSES.
Il est précisé que :
• la vaccination, y compris avec le vaccin AstraZeneca, concerne les salariés de 50 à 64 ans inclus atteints de pathologies présentant une comorbidité avec la covid-19 (IMC supérieur ou égal à 30, antécédent d’accident vasculaire cérébral, etc). Si le médecin n’est pas informé de cet état de santé, le salarié devra en justifier ;
• les employeurs sont invités à informer l’ensemble des salariés qu’ils peuvent se faire vacciner par le SST (lorsque cela est possible), en indiquant de manière explicite que cette vaccination repose sur le principe du volontariat ;
Le Q/R insiste sur l’absence de toute conséquence pour le salarié qui refuserait la vaccination (aucune sanction, ni la possibilité de l’écarter de son poste tout en maintenant son salaire, aucun statut du salarié vacciné, et aucune inaptitude ne peut être tirée du seul refus de se faire vacciner).
• la confidentialité sera scrupuleusement respectée : le médecin du travail n’a pas le droit d’informer l’employeur des salariés vaccinés, le secret médical s’appliquant aux services de santé au travail ;
• aucun coût supplémentaire ne sera supporté par les entreprises ;
DE NOUVEAUX REPORTS POUR LES VISITES ET EXAMENS MÉDICAUX.
Le médecin du travail peut reporter les visites et examens médicaux :
• dont l’échéance résultant des textes applicables antérieurement à l’entrée en vigueur de l’ordonnance n° 2020-386 du 1er avril 2020 (donc avant la crise sanitaire) intervient avant le
2 août 2021;
• qui ont déjà fait l’objet d’un report en raison du premier confinement lié au Covid-19.
Le report est possible dans le délai d’un an, calculé à partir de l’échéance résultant des textes en vigueur avant le 12 mars 2020. La visite doit donc être organisée dans le délai d’un an à
compter de la date initiale (si un salarié devait bénéficier d’une visite en mai 2020, reportée au plus tard au 10 décembre 2020, la nouvelle visite doit être organisée avant mai 2021).
Jurisprudence
CASS. SOC., 17 FÉVRIER 2021 : LA SIGNATURE D’UNE TRANSACTION RÉDIGÉE EN TERMES GÉNÉRAUX EMPÊCHE LE SALARIÉ DE REVENDIQUER L’APPLICATION D’UNE CLAUSE DE NON-CONCURRENCE CONTRACTUELLE.
Une Cour d’appel avait accueilli favorablement la demande d’une salariée, intervenant après signature d’une transaction, de versement de la contrepartie pécuniaire due en exécution d’une clause de non-concurrence insérée à son contrat de travail.
Les juges d’appel relevaient que l’employeur n’avait pas levé la clause et que la transaction n’en faisait pas mention.
La Cour de cassation n’est pas de cet avis : Elle précise que les obligations réciproques des parties au titre d’une clause de non-concurrence sont comprises dans l’objet de la “transaction par laquelle les parties déclarent être remplies de tous leurs droits et mettre fin à tout différend né ou à naître et renoncer à toute action relatives à l’exécution ou à la rupture du contrat de travail”.
La Cour de cassation est venue rappeler sa position prise depuis 2014, donnant plein effet aux transactions rédigées en termes généraux.
La résistance de certains juges doit inciter les employeurs à une rédaction minutieuse du protocole transactionnel, et y inscrire systématiquement un renoncement à une éventuelle
clause de non-concurrence, tout en rappelant l’obligation de loyauté post-contractuelle imposée aux deux parties.
Bulletin rédigé par Me Nicolas SONNET
19 avenue de Grammont – BP 71013 – 37010 TOURS CEDEX 01
JANVIER – FEVRIER 2021
Editorial
RUPTURE CONVENTIONNELLE :SA SÉCURITÉ JURIDIQUE IMPLIQUE LA LOYAUTÉ !
Si l’indemnité de rupture conventionnelle coûte 20% de charges sociales à l’employeur (forfait social) par rapport à l’indemnité de licenciement, elle a l’immense avantage de réduire très fortement le risque de contentieux de la rupture du contrat de travail.
C’est le prix de la (presque) tranquillité, notamment pour des situations où la rupture est quasi impossible.
Rappelons en effet qu’une rupture conventionnelle peut, par exemple, être conclue avec une salariée en congé maternité ou pendant la période de protection suivant la fin de son congé (Cass soc 25 mars 2015 n°14-10.149, Mme N c société Sword).
Il en est de même avec la victime d’un accident du travail : pendant la période de suspension de son contrat (Cass soc 30 septembre 2014 n°13- 16.297, Mme X c Strand Cosmetics Europe), ou ultérieurement alors qu’elle a été déclarée inapte à son poste (Cass soc 9 mai 2019 n°17-28.767, Mme T c société AFR France).
Possible dans ces cas extrêmes, la rupture conventionnelle devrait connaitre un regain d’utilisation dans les mois à venir, lorsque la mise sous perfusion de l’économie française s’arrêtera.
Au-delà des entreprises « zombies » qui étaient déjà condamnées avant la crise sanitaire, bon nombre d’entreprises auparavant saines ont énormément souffert depuis mars 2020 et voudront ajuster leurs effectifs.
La voie naturelle du licenciement pour motif économique étant semée d’embûches et « d’opportunités » d’être condamné pour licenciement sans cause réelle et sérieuse (pertinence du motif économique, catégories professionnelles, critères, reclassement …) la tentation de recourir à une rupture conventionnelle sera forte.
Il suffira d’être persuasif se diront certains, ce d’autant plus qu’un contexte économique n’est pas en soi un motif de refus d’homologation par la DIRECCTE, en dehors de la mise en oeuvre d’un plan de sauvegarde de l’emploi (PSE) ou d’un accord de GPEC.
Mais un arrêt récent devra les inciter à la prudence (Cass soc 6 janvier 2021 n°19-18.549, société Lotoise d’évaporation c M. Z) : dissimuler au salarié la préparation d’un PSE peut vicier son consentement et rendre la rupture conventionnelle nulle.
Rien de révolutionnaire dans le principe de cet arrêt sur la raison de l’annulation : ce sont les vices du consentement.
C’est LE moyen, avec la fraude, d’obtenir l’annulation de la rupture et sa requalification en licenciement sans cause réelle et sérieuse avec les conséquences indemnitaires induites.
Pourtant, au cas présent, il semble que le salarié avait exprimé le souhait de partir, avec le projet de reprise d’une entreprise artisanale.
Mais, deux mois après la signature du cerfa de rupture conventionnelle, l’employeur a présenté au comité d’entreprise un plan de sauvegarde de l’emploi, comprenant notamment la suppression de son poste, manifestement unique (responsable de production).
S’agissant d’un PSE, le salarié aurait pu bénéficier des mesures d’accompagnement, en l’espèce et notamment un congé de reclassement de 12 mois et une aide à la création ou reprise d’entreprise.
Constatant la dissimulation de cette information essentielle et déterminante du consentement du salarié, la cour d’appel a caractérisé que son consentement a été vicié.
Ce faisant, elle sanctionne la déloyauté de l’entreprise.
Certes, dans le contexte précité de sortie de crise sanitaire, toutes les entreprises ne seront pas assujetties à la procédure de PSE (au moins 10 licenciements économiques envisagés sur 30 jours avec un effectif d’au moins 50 salariés).
Elles seront encore moins nombreuses à être assujetties au congé de reclassement (entreprise ou groupe d’au moins 1000 salariés).
Mais le simple CSP (contrat de sécurisation professionnelle) et ses 12 mois d’indemnisation majorée sans carence pôle emploi et avec un dispositif d’accompagnement plus étendu, n’est-il pas bien plus intéressant que l’allocation chômage de droit commun ?
Selon les cas, ce type d’information peut être déterminant du consentement du salarié, et donc être susceptible d’entrainer la nullité de la rupture conventionnelle.
Dès lors, l’entreprise devra veiller à ne pas engager de plan de licenciement économique trop tôt après la signature du cerfa (au cas d’espèce, avec un contexte de difficultés économiques connues, 2 mois étaient insuffisant).
Ou alors, elle devra jouer cartes sur table et conserver la preuve écrite qu’elle a informé son salarié d’une possible procédure de licenciement économique à venir pouvant concerner son poste, ainsi que des conséquences induites.
Mais ce faisant, attention à ne pas porter atteinte au droit d’information du Comité Social et Economique et / ou engendrer l’inquiétude du personnel du fait d’un salarié trop bavard.
La vie d’employeur n’est décidément pas un long fleuve tranquille…
Actualité
PATERNITÉ : LA LOI DE FINANCEMENT DE LA SÉCURITÉ SOCIALE POUR 2021 ALLONGE LE CONGÉ DE PATERNITÉ ET LE REND POUR PARTIE OBLIGATOIRE.
Elle modifie également le régime des congés d’adoption et de naissance.
Ce dispositif est applicable pour les naissances ou adoptions intervenant à compter du 1er juillet 2021, ainsi que pour celles intervenues avant cette date mais supposées intervenir à compter de cette date.
CONGÉ DE NAISSANCE : CONGÉ D’AU MOINS 3 JOURS OUVRABLES OBLIGATOIRES AU MOMENT DE LA NAISSANCE DE L’ENFANT
A ce jour, il est exigé que la naissance intervienne au foyer du père, ce qui interdit au père séparé de la mère de bénéficier de ce congé de naissance.
A l’avenir, le père mais aussi également, le cas échéant, le conjoint ou concubin de la mère ou la personne liée à elle par un Pacs, bénéficiera, s’il est salarié, d’un congé de naissance de trois jours ouvrables minimum (pouvant être augmenté par accord collectif).
Ce congé devra désormais être pris, au choix du salarié, le jour de la naissance ou le premier jour ouvrable qui suivra. En cas de congés payés, ce congé de naissance débutera immédiatement à l’issue de cette période.
Le salarié reste, pendant cette période, normalement rémunéré par son employeur.
La prise de ce congé de naissance est rendue obligatoire. Il est donc interdit, à compter du 1er juillet 2021, d’employer le salarié pendant ces trois jours.
Une telle interdiction risque de poser quelques difficultés à l’employeur de familles en cours de recompositions, pour lesquels plusieurs bénéficiaires pourront être éligibles à ce dispositif.
CONGÉ DE PATERNITÉ : 25 JOURS AU LIEU DE 11, DONT 4 OBLIGATOIRES
A compter du 1er juillet 2021, le père ainsi que, le cas échéant, le conjoint ou concubin de la mère ou la personne liée à elle par un Pacs bénéficiera, s’il est salarié, d’un congé de paternité et d’accueil de l’enfant de 25 jours (contre 11 jours consécutifs à ce jour) ou de 32 jours calendaires en cas de naissances multiples (contre 18 jours consécutifs à ce jour), pendant lequel il percevra des indemnités journalières de sécurité sociale (IJSS).
A la différence du congé de naissance, il s’agit de jours calendaires.
Ce congé est composé d’une première période de quatre jours consécutifs qui fait immédiatement suite au congé de naissance et d’une seconde période de 21 jours – portée à 28 jours en cas de naissances multiples – fractionnable pouvant être prise ultérieurement.
Un décret à venir fixera le délai dans lequel le salarié devra informer son employeur de la date prévisionnelle de l’accouchement, des dates de prise du congé et de sa durée, ainsi que le délai dans lequel les jours de congés doivent être pris et ses modalités de fractionnement. Ces délais de prévenance seront compris entre 15 jours et deux mois.
Comme pour le congé de naissance, la première période de congé de paternité de 4 jours calendaires est assortie d’une interdiction d’emploi. Il est donc également obligatoire.
Cette interdiction d’emploi fait toutefois l’objet d’aménagements :
• elle est reportée si, au moment de la naissance, le salarié est en congés payés ou en congés pour événement familial (mariage, conclusion d’un Pacs, décès, etc.) à la date de fin de cette période ;
• elle ne s’applique pas pendant la prolongation de la période de quatre jours en raison d’une hospitalisation de l’enfant ;
• elle ne s’applique pas si le salarié ne peut pas bénéficier des IJSS, (notamment s’il n’a pas suffisamment cotisé avant la naissance).
Articles L1225-35 modifié, nouvel article L1225-35-1, article L3142-1,3° modifié et 3bis nouveau, article L3142-4 modifié du Code du Travail.
PROTECTION ATTACHÉE À LA PATERNITÉ :
Il est utile de rappeler qu’aucun employeur ne peut rompre le contrat de travail d’un salarié pendant les dix semaines suivant la naissance de son enfant (Article L1225- 4-1 du Code du Travail).
L’employeur peut néanmoins rompre le contrat s’il justifie d’une faute grave de l’intéressé ou de son impossibilité de maintenir ce contrat pour un motif étranger à l’arrivée de l’enfant.
Cette protection ne bénéficie qu’au père biologique de l’enfant.
ÉVOLUTION PARTIELLE DU CONGÉ D’ADOPTION :
A ce jour, un salarié adoptant un enfant peut bénéficier d’un congé de 10 semaines pour les deux premiers enfants arrivant au foyer, allongé lorsque l’adoption concerne un troisième enfant ou des adoptions multiples.
Pour l’adoption d’enfants à compter du 1er juillet 2021, la durée du congé d’adoption est portée à 16 semaines. Le congé n’est toutefois pas allongé lorsque l’adoption porte à trois ou plus le nombre d’enfants au foyer : il reste de 18 semaines et de 22 semaines en cas d’adoptions multiples.
ENTRETIEN PROFESSIONNEL : NOUVEAU REPORT DE DÉLAI
Le premier entretien professionnel « 6 ans » pour l’état des lieux récapitulatif devait être réalisé au plus tard en mars 2020.
Il avait déjà fait l’objet d’un report au 31 décembre 2020.
Il est de nouveau reporté au 30 juin 2021 ce qui suspend également la sanction encourue par les entreprises d’au moins 50 salariés (abondement du CPF de votre salarié à hauteur de 3.000€).
Bulletin rédigé par Me Xavier BOULIER et Me Fabrice VIDEAU VOCA CONSEIL
8, rue Alfred KASTLER – UNICITE – 14000 CAEN
NOVEMBRE – DÉCEMBRE 2020
Bulletin rédigé par Maître Anthony PEILLET
Editorial
Dans notre précédent bulletin, il a bien été évoqué les conséquences immédiates du second confinement en vigueur depuis le 30 octobre 2020 (Cf. Décret n°2020-1310, 29 octobre 2020).
Hormis la fermeture des commerces non essentiels, les autres entreprises sont invitées à poursuivre leur activité, en généralisant le télétravail partout où cela est possible.
Sur ce dernier point, un protocole national pour assurer la santé et la sécurité des salariés en entreprise face à l’épidémie de COVID-19, a pour objet de déterminer les principes d’hygiène et de sécurité applicables.
Ce protocole n’a, en principe, aucune valeur juridique, de sorte que l’on a pu penser que son application n’avait pas caractère obligatoire.
Néanmoins, le Conseil d’État a jugé récemment que les recommandations qu’il contient sont « la déclinaison matérielle de l’obligation de sécurité de l’employeur dans le cadre de l’épidémie covid-19 » (CE, ordonnance du 19 octobre 2020 n°44809).
Les entreprises ont donc intérêt à considérer comme impérative la prise en compte de ce protocole dans l’organisation de l’activité de l’entreprise, et notamment la nécessité de recourir au télétravail dès que possible, afin de ne pas se voir reprocher par les salariés un manquement aux obligations légales.
Et la tâche est délicate puisque ce protocole est évolutif. Il a d’ailleurs fait l’objet de plusieurs aménagements ou précisions, qu’il faut s’efforcer de suivre. Et cela ne facilite pas la tâche des entreprises…
En dernier lieu, un allègement du confinement a été décidé à partir du 28 novembre 2020.
Pour l’essentiel, les entreprises qui étaient autorisées à poursuivre leur activité durant le confinement restent soumises aux mêmes principes. Spécialement, la priorité au télétravail demeure.
Au-delà des assouplissements concernant les possibilités de déplacements, le changement important vient de la réouverture au public de certains établissements.
Sans être exhaustif, il s’agit des commerces culturels, des commerces de détail, des grandes surfaces qui peuvent ouvrir tous leurs rayons, des services à domicile.
Cette réouverture se fera néanmoins à condition de respecter un protocole sanitaire spécifique dit « renforcé » pour l’accueil du public (protocole disponible sur le site du Ministère de l’Économie, des Finances et de la Relance).
Nous sommes donc dans une période où les contraintes et principes évoluent en fonction du recul ou non de l’épidémie.
Ces adaptations pour permettre de préserver autant que possible la santé d’une part et l’activité économique d’autre part, s’opèrent malheureusement au prix d’un manque de lisibilité, au fur et à mesure de l’empilement des textes.
L’occasion est donc donnée de revenir sur quelques points essentiels en matière d’hygiène et de sécurité.
Actualité
1 – LES SALARIÉS PERSONNES VULNÉRABLES
Dès le début de l’épidémie, il est apparu essentiel de protéger les personnes susceptibles de présenter des formes graves de pathologies liées au virus Covid-19 (les personnes âgées de 65 ans et plus, ou celles ayant d’autres pathologies telles que du diabète, de l’obésité ou des antécédents (cardiovasculaires notamment).
Ces personnes dites vulnérables pouvaient ainsi être placées en arrêt maladie alors même qu’elles ne présentaient aucune pathologie liée à la Covid-19.
Depuis le 1er mai 2020, ces personnes peuvent être placées en activité partielle (Cf. Décret n°2020-473, 25 avril 2020).
Avec le recul de l’épidémie après le premier confinement, les cas de personnes vulnérables et la possibilité de leur placement en activité partielle ont été sensiblement réduits à partir du 1er septembre 2020 (Cf. Décret n°2020-1098, 29 août 2020).
Beaucoup trop manifestement…
Le Conseil d’État, en sa forme des référés, a ainsi suspendu une partie des dispositions du décret du 29 août 2020, notamment au motif que le Gouvernement n’avait pas justifié de manière cohérente les cas de personnes vulnérables (Cf. CE, Ordonnance du 15 octobre 2020 n°444425).
Tirant les conséquences de la décision du Conseil d’État, le Gouvernement a publié un nouveau décret au mois de novembre (Cf. Décret n° 2020-1365, 10 novembre 2020).
Les cas de personnes vulnérables sont certes sensiblement élargis par rapport au décret du mois d’août dernier.
Néanmoins, le dernier dispositif conditionne l’entrée des personnes vulnérables dans le dispositif d’activité partielle, à des préalables étroitement dépendants des diligences de l’employeur en matière d’hygiène et de sécurité.
Plus particulièrement, seuls pourront être placés en activité partielle les salariés ne pouvant pas télétravailler ou ne pouvant pas faire l’objet de mesures de protection renforcées.
Par mesures de protection renforcées, il faut entendre :
- l’isolement du poste de travail ;
- le respect, sur le lieu de travail et en tout lieu fréquenté par la personne à l’occasion de son activité professionnelle, de gestes barrières renforcés, l’absence ou la limitation du partage du poste de travail ;
- le nettoyage et la désinfection du poste de travail et des surfaces touchées par la personne au moins en début et en fin de poste, etc. etc.
Alors que l’employeur est tenu à une obligation d’hygiène et de sécurité « renforcée », la frontière entre l’impossibilité de mettre en place les mesures de protection et le manque de diligences de l’employeur apparait extrêmement difficile à déterminer.
Celui-ci aura tout intérêt à s’orienter vers la médecine du travail pour tenter d’y voir clair…
2- ARRÊTS DE TRAVAIL « COVID -19 » POUR LES SALARIÉS DE DROIT PRIVÉ
Les salariés considérés « cas contacts », placés à l’isolement et qui ne peuvent pas télétravailler, ont la possibilité d’être placés en arrêt maladie et de percevoir à ce titre des indemnités journalière de sécurité sociale (IJSS) dans les conditions spécifiques.
Les personnes vulnérables, les parents d’un enfant de moins de 16 ans ou personne en situation de handicap, relèvent pour leur part du dispositif d’activité partielle.
L’octroi des IJSS est grandement facilité, puisque les conditions d’ouverture de droit sont, par dérogation, écartées (spécialement la condition d’avoir travaillé ou d’avoir cotisé pour un certain nombre d’heures avant la survenance de l’arrêt de travail).
De la même manière, les IJSS sont versées sans délai de carence.
Enfin, les IJSS versées dans le cadre du présent dispositif ne s’imputeront pas sur les IJSS exigibles au titre d’un arrêt maladie ayant un autre motif.
En d’autres termes, les IJSS sont versées sans condition préalable, dès l’instant où le salarié relève du dispositif et sans aucune incidence sur les droits à IJSS pour d’autres motifs.
Précisons enfin qu’outre les IJSS versées par la Sécurité Sociale, le salarié pourra prétendre à un complément versé par l’employeur, également dans ces conditions dérogatoires.
Ainsi, l’employeur devra compléter l’indemnisation du régime d’assurance maladie, sans condition d’ancienneté ni délai de carence et sans tenir compte de l’indemnisation dont aura éventuellement bénéficié le salarié antérieurement à l’arrêt de travail « Covid-19 » (Cf. Ordonnance n°2020-428,15 avril 2020 art. 9 ; Décret n°2020-434, 16-4-2020).
3- GESTION DES « CAS CONTACTS »
Le Ministère du travail a déjà abordé cette situation dans son « Questions-Réponses ». Ce point a néanmoins fait l’objet de précisions dans le courant du mois de novembre.
Qui sont les « cas contacts » ?
Un cas contact est une personne ayant eu un « contact à risque » avec une personne contaminée par la Covid-19.
Au fil des mois, cette définition est de plus en plus précise. Le simple fait d’avoir été en présence d’une personne contaminée n’induit pas nécessairement que l’on est un cas contact.
Le « contact à risque », se caractérise par les situations suivantes :
- Avoir été en face à face à moins d’un mètre (embrassade, poignée de main…) et sans masque ou autre protection efficace ;
- Avoir partagé un espace confiné (bureau ou salle de réunion, véhicule personnel, taxi…) pendant au moins 15 minutes avec un cas, ou étant resté en face à face avec un cas durant plusieurs épisodes de toux ou d’éternuement ;
- Avoir échangé avec une personne contaminée du matériel ou un objet non désinfecté ;
- Avoir prodigué ou reçu des actes de soins ou d’hygiène à/par une personne contaminée ;
- Avoir partagé le même lieu de vie que la personne contaminée.
Ainsi et sans être exhaustif, un croisement fugace dans la rue ne caractérise pas un cas contact. De même, le cas contact d’un cas contact n’est pas un cas contact.
Il faut surtout préciser que les cas contacts sont identifiés par les professionnels de santé, la médecine du travail et l’Assurance maladie ou l’Agence régionale de santé (ARS).
Que doit faire le salarié cas contact ?
Le salarié doit rester ou rentrer chez lui, avec un masque chirurgical s’il utilise les transports en commun, et avertir son employeur.
A défaut de pouvoir télétravailler, le salarié est placé en arrêt maladie.
Celui-ci doit rester isolé pendant 7 jours après le dernier contact avec la personne déclarée positive à la Covid-19.
Si la personne contaminée à l’origine du contact vit avec le salarié, celui-ci doit faire un test dès que possible et rester isolé jusqu’à 7 jours après la guérison de tous les cas du foyer.
Un test de dépistage est réalisé 7 jours après le dernier contact avec la personne contaminée.
Si le test de dépistage est négatif, le salarié peut arrêter son isolement et reprendre le travail sans avoir besoin d’un certificat médical. Il doit respecter strictement le port du masque, les gestes barrières et la distanciation.
Si le test est positif, le salarié doit s’isoler 7 jours supplémentaires à partir de la date du test, envoyer son arrêt de travail à son employeur et respecter sa durée.
Une prolongation d’arrêt de travail par le médecin traitant peut intervenir si les symptômes du virus demeurent. Au terme de l’arrêt de travail, le salarié n’a pas besoin de certificat médical de reprise d’activité.
Le gouvernement conclut ses préconisations en indiquant que la reprise d’activité à l’issue de la période d’isolement doit s’accompagner pendant au moins 7 jours du port du masque et du strict respect des mesures barrières et de la distanciation.
Si le salarié cas contact s’avère être contaminé, il peut informer son employeur de sa contamination, ce qui permettra de prendre rapidement les mesures nécessaires pour préserver ses collègues et rompre la chaîne de contamination. Il peut ainsi communiquer à son employeur le nom des personnes avec qui il a été en contact au travail, au cours des 7 derniers jours s’il est asymptomatique, ou au cours des dernières 48 heures s’il est symptomatique, précédant son test, afin qu’elles soient dépistées rapidement.
Jurisprudence
INAPTITUDE : LA CONSULTATION DU CSE EST-ELLE TOUJOURS OBLIGATOIRE EN L’ABSENCE DE SOLUTION DE RECLASSEMENT ?(Cass. Soc. 30-9-2020 no 19-11.974)
Un salarié a été déclaré physiquement inapte à son poste de travail par le médecin du travail.
Le praticien a précisé dans son avis que le salarié demeurait apte à d’autres postes, à condition de respecter des contraintes fortes (ports de charges et déplacements très limités).
L’employeur a bien procédé à une recherche de reclassement mais n’a identifié aucune solution de poste compatible avec l’état de santé du salarié.
Il a notifié par la suite un licenciement, sans avoir consulté préalablement les représentants du personnel au sujet de sa recherche de reclassement.
Le salarié a contesté le bien-fondé du licenciement, notamment au motif de l’absence de consultation des représentants du personnel.
L’entreprise soutenait de son côté qu’elle n’avait pas à consulter les représentants du personnel, en l’absence de solution de reclassement à proposer au salarié.
L’examen des textes aurait pu lui donner raison, dans le sens où le Code du travail précise uniquement qu’il faut consulter les représentants du personnel avant toute proposition de reclassement.
A contrario, on pourrait en déduire qu’en l’absence de proposition de reclassement à formuler, il n’y a pas de consultation à opérer.
Ce n’est pas l’avis de la Cour de Cassation.
Elle rappelle que la consultation des représentants du personnel s’impose même lorsqu’il n’y a pas de solution de reclassement.
A défaut, le licenciement est nécessairement sans cause réelle et sérieuse.
La situation rencontrée en l’espèce doit être distinguée de celle où le médecin du travail a précisé dans son avis d’inaptitude que « tout maintien du salarié dans un emploi serait gravement préjudiciable à sa santé ou que l’état de santé du salarié fait obstacle à tout reclassement dans un emploi » (Cf. article L1226-2-1 et L1226-10 du Code du travail).
Dans ce dernier cas uniquement, la consultation du CSE n’apparait pas nécessaire.
Bulletin rédigé par Me Anthony Peillet, Avocat à la Cour
17, rue des Teinturiers 31300 Toulouse
OCTOBRE – NOVEMBRE 2020
Bulletin rédigé par Maître Manuella GUERRE
Éditorial
RECONFINER TOUT EN PRÉSERVANT L’ÉCONOMIE OU COMMENT CONCILIER L’INCONCILIABLE ?
A l’instar d’autres pays européens, la France métropolitaine est de nouveau confinée depuis le 30 octobre minuit, pour une durée initiale de 4 semaines avec réévaluation de la situation tous les quinze jours (Décret 2020-1310, 29 octobre 2020).
A l’égard des entreprises, le droit à la protection de la santé vient donc de nouveau se heurter à la liberté d’entreprendre (1).
Le conflit entre les deux se pose inévitablement avec une acuité renforcée par rapport au confinement du printemps, tant les entreprises ont vu leur situation dégradée, avec la crainte de ne pas pouvoir se relever d’un second confinement.
PRIMAUTÉ DU DROIT À LA SANTÉ …
Dans son allocution du 28 octobre, le Chef de l’Etat a réaffirmé la primauté du droit à la protection de la santé, principe fondateur, s’il en est, de notre Etat providence. S’appuyant sur les données sanitaires, (« nous sommes submergés …, près de 9 000 patients en réanimation … mi-novembre, soit la quasi-totalité des capacités»), il a conclu en ces termes : Si nous ne faisons rien, « à très court terme cela signifie le tri entre les patients » et « au moins 400 000 morts supplémentaires ». Jamais la France n’adoptera cette stratégie.
… MAIS CONFINEMENT ALLÉGÉ
Non sans décalage avec la fermeté de ces déclarations alarmistes, il annonçait toutefois un confinement plus souple que le 1er, aux fins notamment de « protéger l’économie » (2).
LES COMMERCES NON-ESSENTIELS ET ERP DE NOUVEAU FERMÉS, MAIS …
Comme en mars, les commerces définis comme non essentiels et établissements recevant du public, tels les bars et restaurants, sont fermés au public. Ils sont néanmoins expressément encouragés à maintenir une activité en innovant via des commandes en ligne, ventes à emporter, livraisons à domicile, avec annonce d’un accompagnement étatique pour l’entrée en numérisation des artisans et TPE/PME. Les français –sont eux-mêmes invités à soutenir ces innovations auprès de leurs commerces de proximité et la fermeture s’accompagne de la promesse d’un principe « quoiqu’il en coûte » encore renforcé (maintien du chômage partiel aux mêmes conditions, prise en charge jusqu’à 10 000 euros mensuels des pertes en chiffres d’affaires des petites entreprises, mesures pour les charges et loyers, etc.).
… POUR LE RESTE, POURSUITE DU TRAVAIL
Pour les autres secteurs, le principe annoncé est clairement celui de la poursuite du travail (là où en mars, il était plutôt apparu comme inverse, avec une période de flottement durant laquelle des employeurs avaient précipitamment stoppé leurs activités, BTP notamment, avant de parvenir à s’approprier le cadre juridique d’une possible poursuite d’activité). Nul flottement pour cette entrée en confinement 2 : Affirmant que « l’activité continuera avec plus d’intensité », le Chef de l’Etat a expressément indiqué que « Les usines, le BTP et les exploitations agricoles peuvent continuer à fonctionner », à l’instar des commerces de gros et marchés alimentaires.
Plus généralement, les français sont invités à participer au soutien de l’économie « en travaillant », sous le principe, néanmoins, de la généralisation du télétravail « partout où c’est possible ». A cet égard, coupant court aux débats naissants, la Ministre du travail a aussitôt précisé que « le télétravail n’est pas une option ».
Le protocole national pour assurer la santé et la sécurité des salariés en entreprise face à l’épidémie de COVID-19, actualisé le 29 octobre, confirme que le télétravail est la règle. Il doit ainsi être porté à 100 % pour les salariés pouvant effectuer toutes leurs tâches à distance, seules les tâches ou postes strictement non « télé-travaillables » apparaissant justifier la présence en entreprise, et sous précautions sanitaires renforcées. Selon le protocole :
- Les règles sont à fixer « dans le cadre du dialogue social de proximité », en veillant au maintien des liens collectifs et à prévenir le risque d’isolement. A minima, la consultation du CSE dans les entreprises d’au moins 50 salariés est requise (3) et selon nous fortement opportune pour les autres pour limiter les risques de litiges quant au respect par l’employeur de son obligation de sécurité, notamment dans l’identification des postes/tâches télé-travaillables. A la parution du présent bulletin, l’administration vient de proposer une méthodologie en trois étapes devant faciliter cette identification , à mener « impérativement … avec les salariés concernés » (A savoir :
Lister les principales activités pour chaque fonction ou métier ; Pour chacune, évaluer les éventuels freins au télétravail ; Identifier les moyens pouvant permettre de lever ces freins), non sans conclure que l’activité ne peut se poursuivre en présentiel que « si aucune solution technique » ne permet le télétravail (Voir FAQ télétravail – coronavirus à jour au 9 novembre). - Face à l’urgence, les entreprises peuvent toutefois, sur le fondement de l’article L 1222-11 du Code du travail, procéder à la consultation du CSE sur le télétravail a posteriori, selon la chronologie suivante : décision de mise en oeuvre, information sans délai du CSE, puis consultation.
(Sur l’actualisation du protocole sanitaire et sa force obligatoire, voir « Actualité » et « Jurisprudence » ci-après).
Dans la logique d’activité renforcée souhaitée, la continuité des services publics est également la règle. Le décret précité du 29 octobre autorise notamment les déplacements pour répondre aux convocations judiciaire ou administrative ou chez un professionnel du droit pour les actes ou démarches non réalisables à distance et les tribunaux poursuivent leurs activités.
OU COMMENT CONCILIER L’INCONCILIABLE ?
Ce confinement assoupli n’a pas empêché la fronde d’une partie des acteurs économiques, notamment les commerces non-essentiels aussitôt montés au créneau pour plaider leur réouverture mais n’ayant obtenu que l’interdiction faite aux grandes surfaces de vendre des produits non-essentiels au nom du principe d’égalité (le gouvernement s’étant néanmoins aussitôt vu accuser de faire le lit des géants de la vente en ligne).
En parallèle, de premiers doutes se sont élevés quant à l’efficacité sanitaire de ce confinement allégé sur la régulation des capacités d’accueil en réanimation.
Sous ces pressions inverses, l’exécutif a malgré tout tenu son cap lors du point d’étape du 12 novembre : maintien inchangé des règles pour la quinzaine à venir mais, au vu du léger infléchissement des indicateurs sanitaires, possible réouverture avant Noël d’une partie des commerces. A suivre …
(1) L’état d’urgence sanitaire, rétabli par décret du 14 octobre dernier, a autorisé le gouvernement à restreindre les libertés individuelles.
(2)Outre d’autres assouplissements d’importance, tels le maintien d’ouverture des écoles et EPHAD.
(3) Article L 2312-8 du Code du travail.
Actualité
ACTUALISATION DU PROTOCOLE NATIONAL POUR ASSURER LA SANTÉ ET LA SÉCURITÉ DES SALARIÉS EN ENTREPRISE FACE A L’ÉPIDÉMIE DE COVID-19
Le protocole a été réactualisé par le Ministère du travail au 29 octobre 2020.
Présentation ci-dessous des principaux changements par rapport à la version du 16 octobre 2020.
LE TÉLÉTRAVAIL DEVIENT LA RÈGLE, SOIT :
➜ Télétravail à 100 % pour les salariés pouvant effectuer toutes leurs tâches à distance
➜ Pour les autres, mise en place d’une organisation pour réduire les déplacements domicile-travail et aménager le temps de présence pour réduire les interactions sociales, avec organisation systématique du lissage des horaires départ/arrivée pour limiter l’affluence aux heures de pointe.
DÉLIVRANCE PAR L’EMPLOYEUR D’UN JUSTIFICATIF DE DÉPLACEMENT PROFESSIONNEL aux salariés concernés, pour une durée qu’il détermine lui-même. Selon le texte du justificatif, l’employeur certifie que les déplacements de l’intéressé domicile/lieu(x) d’exercice de l’activité, ou à l’occasion de l’exercice des fonctions, ne peuvent être différés ou sont indispensables à l’exercice d’activités ne pouvant être télétravaillées.
PROTECTION RENFORCÉE POUR LE TRAVAIL EN PRÉSENTIEL :
➜ La modulation de l’intensité du port du masque selon degré de circulation du virus est supprimée. La possibilité de retrait intermittent du masque au cours de la journée disparait.
➜ L’employeur doit procéder à un rappel régulier du respect systématique des règles d’hygiène et de distanciation.
➜ Les réunions en audio ou visioconférence doivent constituer la règle, les réunions en présentiel l’exception.
➜ Les moments de convivialité dans le cadre professionnel sont suspendus
APPLICATION «TOUSANTICOVID » / TESTS EN ENTREPRISE
➜ Les employeurs doivent informer les salariés de l’existence de cette application et de l’intérêt de l’activer pendant les horaires de travail.
➜ Ils peuvent proposer des actions de dépistage intégralement financées par l’entreprise aux salariés volontaires (à réaliser dans le respect des conditions réglementaires, de celles garantissant la bonne exécution du test et sous respect du secret médical – aucun résultat ne pouvant être communiqué à l’employeur).
Notes de service sur les mesures de protection :
Leur communication au CSE suffit (4). Néanmoins, elles peuvent toujours être intégrées au règlement intérieur.
(4) Le protocole exigeait auparavant la «présentation préalable » au CSE des notes de service, en contradiction avec l’article L 1321-5 du Code du Travail permettant, en cas d’urgence de santé ou sécurité, une application immédiate sur communication simultanée au CSE et à l’inspection du travail.
Jurisprudence
LE PROTOCOLE NATIONAL POUR ASSURER LA SANTÉ ET LA SÉCURITÉ DES SALARIÉS EN ENTREPRISE A-T-IL FORCE OBLIGATOIRE ?
(CE, ordonnance du 19.10.20 n°444809)
Peu avant son actualisation du 29 octobre dernier, le Conseil d’Etat s’est prononcé sur la valeur juridique du protocole sanitaire en entreprise, question taraudant les employeurs depuis l’apparition de ce document suite au 1er confinement.
Un syndicat employeur sollicitait en référé la suspension de son application, arguant notamment de l’incompétence du Ministre du travail pour réglementer l’accès et la présence dans des établissements recevant du public et lieux de réunion, ainsi que d’une atteinte disproportionnée aux libertés.
Sa requête a été rejetée aux termes du raisonnement suivant : Le protocole ne constitue qu’un « ensemble de recommandations » mais cet ensemble correspond à la simple « déclinaison matérielle de l’obligation de sécurité de l’employeur dans le cadre de l’épidémie de covid-19 » en l’état des connaissances scientifiques.
En substance, le Ministère du travail n’outrepasse donc pas ses compétences en guidant les entreprises dans le respect des articles L. 4121-1 et suivants du code du travail relatifs à leurs obligations générales en matière de santé et sécurité au travail. Selon le Conseil d’Etat, une suspension du protocole n’aurait ainsi pas pour effet de les dispenser d’un tel respect.
En conclusion, le protocole a certes valeur de simple recommandation (se rattachant au « droit souple » par opposition au « droit dur »), mais les recommandations contenues n’étant rien d’autre que celles reconnues par les autorités sanitaires comme nécessaires pour protéger de la contamination, l’employeur qui s’en écarterait s’expose à un risque accru de voir sa responsabilité civile et pénale engagée pour manquement à son obligation de sécurité. Dans son FAQ sur les Mesures de prévention dans l’entreprise, actualisé au 2 novembre – Mesures générales – l’administration précise d’ailleurs que le protocole constitue un document de référence pour l’inspection du travail et que ses agents « l’utilisent comme base pour conseiller les acteurs du dialogue social ainsi que lors des contrôles en matière d’hygiène et de santé-sécurité ».
A bon entendeur …
Bulletin rédigé par Me Manuella GUERRE–Cabinet MG Avocat – 27, Place aux Aires – 06130 GRASSE
SEPTEMBRE – OCTOBRE 2020
Bulletin rédigé par Maître Frédéric BAUSSET
Éditorial
LA QUESTION DE LA FORCE JURIDIQUE DES QUESTIONS-RÉPONSES DU MINISTÈRE DU TRAVAIL
« … les circulaires de commentaire ou d’interprétation de la norme sont des outils du passé inadaptés aux nécessités de notre époque marquées par la transparence et l’accès immédiat et partagé à la formation et qui doivent faire face à « la mise à disposition d’une documentation, régulièrement tenue à jour, sur les sites Internet des ministères ».
C’est en ces termes qu’une circulaire du premier ministre en date du 5 juin 2019 (JO 6) légitimait le recours aux questions-réponses.
Si cette pratique n’est pas récente en droit du travail et de la sécurité sociale, elle a pris ces dernières années une ampleur qui s’est intensifiée avec la crise sanitaire que nous vivons actuellement.
Ainsi, il n’est pas une entreprise qui n’a pas entendu parler du questions-réponses du Ministère du Travail sur l’activité partielle.
Mais, il en existe bien d’autres dont les derniers en date portent sur l’épargne salariale, les accords de performance collective ou encore les procédures de licenciement.
Régulièrement actualisées et mis à jour, ces questions réponses sont construites comme un outil pratique et pédagogique expliquant la norme dans un domaine en particulier. Animée par une logique du type « mode d’emploi » – comme les circulaires et les instructions ministérielles d’hier –ces questions réponses se veulent être une réponse adaptée à notre temps d’inexorable inflation – pour ne pas dire emballement – de normes législatives et réglementaires.
Nous sommes très loin des déclarations de bonne volonté en matière de simplification réglementaire.
La réalité est tout autre. La norme est multiple, complexe, changeante.
Les acteurs économiques s’y perdent.
Pour les aider et surtout pour s’assurer d’une application efficiente de ses normes, le gouvernement a recours à ces outils afin de favoriser une bonne compréhension des règles et ainsi garantir une meilleure mise en oeuvre.
Si l’on peut comprendre dans les temps qui courent leur utilité voire même leur nécessité, ils sont aussi l’indicateur d’une société qui s’étouffe de ce recours systématique à la règle édictée par l’État.
Phénomène révélateur de notre société judiciarisée, il convient de s’interroger sur la portée juridique de ces questions-réponses.
VIS-À-VIS DE L’ADMINISTRATION QUI A ÉDICTÉ SES QUESTIONS RÉPONSES :
La jurisprudence considère qu’à condition de clarté et de publicité, ces documents peuvent être rattachés à la doctrine administrative et en cette qualité sont parfaitement opposables à l’administration (CE 14 mai 2014 n° 358498).
Ce principe est entériné par le Code des relations entre le public et l’administration puisque l’article L 312–3 dispose que « Toute personne peut se prévaloir des documents administratifs mentionnés au premier alinéa de l’article L. 312-2, émanant des administrations centrales et déconcentrées de l’Etat et publiés sur des sites internet désignés par décret.
Toute personne peut se prévaloir de l’interprétation d’une règle, même erronée, opérée par ces documents pour son application à une situation qui n’affecte pas des tiers, tant que cette interprétation n’a pas été modifiée.». L’article L 312–2 précise que les documents concernés sont notamment : « (…) les notes et réponses ministérielles qui comportent une interprétation du droit positif ou une description des procédures administratives ».
Dans ces conditions, il est parfaitement possible de se prévaloir du contenu de ces questions-réponses vis-à-vis des DIRECCTE et des agents de contrôle de l’inspection du travail en cas de contestation d’une de leurs décisions.
De même, il sera possible à notre sens de solliciter une indemnisation pour un préjudice subi du fait d’une application erronée d’une règle en raison d’une mauvaise interprétation mentionnée dans ledit texte.
VIS-À-VIS DU JUGE JUDICIAIRE :
Fidèle à sa jurisprudence notamment en matière de cotisations et de contributions sociales, ces textes, s’ils ont une certaine opposabilité vis à vis de l’URSSAF, ne s’imposent pas aux juges judiciaires (notamment Cass.Civ. 2ème ch. 30 mars 2017 n°15-25.453).
QU’EN EST-IL DANS LES RELATIONS ENTRE EMPLOYEURS ET SALARIÉS OU AVEC LES REPRÉSENTANTS DU PERSONNEL ?
En principe, il n’existe aucune opposabilité si la règle invoquée n’est pas rattachée à une règle juridique légale ou réglementaire, voire jurisprudentielle.
Pourtant, un examen attentif de certaines décisions de justice rendues à l’occasion de la crise sanitaire montre que certains tribunaux ont motivé leurs décisions sur la base des précisions du Ministère du Travail leur donnant ainsi une véritable force juridique.
Ainsi, la Cour d’appel de Versailles ou encore le Tribunal Judiciaire de Lille ont-ils considéré qu’au regard des recommandations du Ministère sur son site, il y avait lieu d’imposer la consultation du CSE lors de la mise à jour du document unique d’évaluation des risques professionnels (DUERP) et ce alors qu’aucun texte dans le Code du travail ne prévoit une telle obligation (CA Versailles 24 avril 2020 n°20/01993 et Trib. Judi. Lille 24 avril 2020 n°20/00395).
Si a priori l’opposabilité directe n’existe pas, elle peut donc naître indirectement par intégration à une décision de justice.
En outre, le Ministère du Travail a montré qu’il était parfois tenté d’outrepasser le simple rôle explicatif des questions réponses pour y intégrer des précisions qui vont bien au-delà des textes sur lesquels le « questions-réponses » porte. Le « questions-réponses » en matière d’activité partielle a parfois révélé cette tentation d’interprétation normative qui peut s’expliquer par la soudaineté, l’ampleur et la gravité de la crise sanitaire.
Dans tous les cas, il conviendra d’examiner avec attention l’évolution de la jurisprudence sur ses questions-réponses et leur opposabilité.
Actualité
RECONNAISSANCE DE LA COVID-19 COMME MALADIE PROFESSIONNELLE (DÉCRET N°2020-1131 DU 14 SEPTEMBRE 2020)
Avec le décret 2020–1131 du 14 septembre 2020, le gouvernement permet sous certaines conditions la reconnaissance de la COVID-19 en tant que maladie professionnelle.
Le texte envisage deux types de reconnaissance selon les modalités classiques, l’une via l’inscription de la maladie dans un tableau annexé au Code la sécurité sociale (article R 461-3) et l’autre via un avis émis suite à expertise individuelle par un comité de reconnaissance de maladie professionnelle.
Rappelons que les enjeux sont importants pour l’entreprise puisqu’en cas de reconnaissance de maladie professionnelle, outre la possibilité pour les salariés de bénéficier d’un remboursement des frais de soins et la perception d’indemnités journalières plus favorables, cette reconnaissance permet le cas échéant l’indemnisation d’une incapacité permanente, le versement d’une rente aux ayants droits en cas de décès, et surtout la possibilité pour le salarié d’engager une action en reconnaissance de faute inexcusable contre son employeur ouvrant ainsi le moyen d’obtenir réparation de nombreux préjudices subis du fait de la contamination au COVID-19.
La question n’est donc pas neutre pour l’entreprise et mérite qu’on s’y attarde.
INSCRIPTION DANS UN TABLEAU :
L’examen du tableau permet de constater que les conditions qui y sont mentionnées peuvent être qualifiées de restrictives.
En effet, seuls les assurés travaillant dans le secteur de la santé entendu toutefois au sens large (personnels de soins et assimilés, de laboratoire, de service, d’entretien, administratif ou de services sociaux) pourront être pris en charge à la stricte condition que la contamination ait entraîné une affection respiratoire grave avec recours à l’oxygénothérapie ou toute autre forme d’assistance respiratoire.
La maladie professionnelle est donc conditionnée par un critère de gravité.
Par ailleurs, les activités concernées ainsi que les attestations ou examens requis sont précisément listées dans le tableau.
L’examen de ces activités montre que seuls les travaux en présentiel sont pris en considération.
Enfin, le délai de prise en charge, c’est-à-dire la période au cours de laquelle la maladie doit se révéler et être médicalement constatée, a été fixé à une durée de 14 jours, ce qui constitue en soi un délai relativement court.
Il apparaît très clairement que la rigueur des conditions mentionnées dans le tableau laisse à penser que les possibilités de reconnaissance ne seront pas très importantes.
RECONNAISSANCE SUR EXPERTISE INDIVIDUELLE :
Pour les assurés non visés ou qui ne remplissent pas les conditions prévues par ce tableau, la COVID-19 pourra tout de même être prise en charge à titre professionnel sur avis d’un comité de reconnaissance des maladies professionnelles.
Une expertise individuelle interviendra dans ce cadre et elle devra démontrer un lien de causalité entre la COVID-19 et l’activité professionnelle exercée.
Etant donné les caractéristiques de contamination du COVID-19, le lien de causalité risque d’être difficile à établir.
Le décret du 14 septembre 2020 prévoit par ailleurs la possibilité de confier l’instruction des demandes à un comité unique, à compétence nationale et composition allégée et ce afin de permettre un traitement plus rapide des dossiers de reconnaissance.
Jurisprudence
19 ET JURISPRUDENCE : L’ESSENTIEL A RETENIR
Voici un panorama qui, en synthèse, présente ce qu’il convient de retenir de la jurisprudence rendue au cours du deuxième trimestre de cette année en lien avec la situation de crise sanitaire.
Les principes ainsi posés, même si certains font l’objet de décisions contradictoires, restent applicables dans la période que nous continuons à traverser.
1 /
L’évaluation des risques spécifiques au contexte du COVID-19 et tout protocole sanitaire établi par l’entreprise doivent être intégrés dans le document unique d’évaluation des risques professionnels (DUERP) en le mettant à jour.
Trib. Judi. Paris 9 avril 2020 n° 20/52223
Le DUERP doit contenir le cas échéant une évaluation par site et par métier.
Trib. Judi. Lyon 11 mai 2020 n° 20/00593
2/
L’évaluation des risques spécifiques au contexte du COVID-19 et donc le DUERP doivent intégrer :
– l’évaluation des risques psychosociaux
Cour d’appel de Versailles 24 avril 2020 n°20/01993
Trib. Judi. Le Havre 24 avril 2020 n°20/00395
– la réglementation relative à la prévention des risques biologiques
Trib. Judi. Lille 3 avril 2020 n° 20/00380, 14 avril 2020 n° 20/00386, 24 avril 2020 n° 20/00395
Trib. Judi. Lyon 11 mai 2020 n° 20/00593
A contrario, certains Tribunaux Judiciaires ont exclu le respect de cette règlementation.
Trib. Judi. Aix-en-Provence 30 avril 2020 n°20/00365
Trib. Judi. Le Havre 7 mai 2020 n° 20/00143
3/
Les salariés mais également les personnes intérimaires et les prestataires provenant des entreprises extérieures doivent bénéficier d’une formation individuelle appropriée, traçable et tracée.
Cour d’appel de Versailles 24 avril 2020 n°20/01993
Trib. Judi. Lyon 11 mai 2020 n° 20/00593
4/
Le ou les CSE (central et d’établissement) doit être consulté lors de la modification du DUERP et préalablement à sa mise en oeuvre
Cour d’appel de Versailles 24 avril 2020 n°20/01993
Trib. Judi. Lille 24 avril 2020
A contrario, le Tribunal Judiciaire de Lyon a, quant à lui, considéré que, faute de texte, il n’y avait pas lieu de procéder à cette consultation avant la mise à jour du DUERP.
Trib. Judi. Lyon 22 juin 2020 n° 20/00701
Dans tous les cas, il est obligatoire d’associer le CSE aux démarches de prévention.
5/
En cas de reprise d’activité, le CSE doit être consulté à chaque étape du plan de reprise.
Trib. Judi. Nanterre 15 juillet 2020 n° 20/01157
Bulletin rédigé par Me Frédéric BAUSSET,
Cabinet Frédéric BAUSSET – 5 boulevard Berthelot – Immeuble Valois – 6ème étage 16000 Angoulême
MAI – JUIN 2020
Bulletin rédigé par Maître Philippe GROS, Cabinet CEFIDES
Maître Brice BRIEL, Cabinet SOCIAL JURISTE,
Maître Pierre CHICHA, Cabinet CHICHA
Editorial
LE TÉLÉTRAVAIL : UN MODE ORGANISATIONNEL IDÉAL ?
Certains considèrent le télétravail comme l’organisation miracle permettant de concilier une certaine vie familiale avec une activité professionnelle soutenue.
Mais n’est-ce pas une illusion ?
Le télétravail isole le salarié, cadre ou non, de ses collègues de travail, de ses équipes, de l’entreprise.
Il peut même être vecteur d’inégalités sociales, certains étant plus aptes à utiliser les outils informatiques que d’autres et moins réceptifs à la formation adéquate rendue nécessaire par ce type d’organisation.
Ce mode de travail conduit à une utilisation continue et intense des réseaux sociaux, des banques de données, laissant peu de temps à une réflexion individuelle posée.
Bien sûr, les nouvelles technologies, sous toutes leurs formes, semblent permettre de maintenir le lien, mais un lien bien artificiel, le télétravailleur restant dans son bureau, sa salle à manger ou encore sa cuisine.
La sortie de la crise actuelle nous donnera des informations très intéressantes sur les conséquences du télétravail : l’isolement crée du mal être, un sentiment de solitude et de stress. Les psychologues évoquent le syndrome de la cabane ou encore de l’escargot, correspondant à une peur de sortir de son lieu de confinement. Nous entendons déjà parler des troubles psychosociaux que les employeurs n’ont pu anticiper dans la gestion de cette crise totalement imprévisible.
Des problèmes de durée du travail vont aussi surgir, dès lors que les décomptes individuels de temps n’auront pas été mis en place, et que la déconnexion des communications électroniques n’aura pas été anticipée. Certains contrôles des inspecteurs du travail pourraient aboutir à de sévères remises en cause de l’activité partielle…
Il serait terrible que la crise sanitaire qui semble se terminer génère de nouveaux contentieux que les entreprises déjà fragilisées auront du mal à supporter.
Le télétravail suppose une nouvelle organisation avec un management adapté à cette nouvelle situation.
Surtout le télétravail ne remplace pas le contact humain.
L’utiliser en complément d’une organisation couplée avec un fonctionnement juridique et managérial optimal oui, mais l’idéaliser et l’ériger en principe me paraît déraisonnable à l’heure où notre société est déjà bien malade d’un individualisme forcené. Une sortie de crise suppose une unité tant au sein de la nation qu’au sein des entreprises, et non la poursuite d’un confinement en télétravail générateur, non seulement de potentielles inégalités, mais également de syndromes destructeurs chez les salariés.
Actualités
LA GÉNÉROSITÉ DE L’ETAT EN MATIÈRE D’ACTIVITÉ PARTIELLE FERA L’OBJET DE CONTRÔLES A POSTERIORI
Eu égard à l’automatisation des autorisations de mobilisation du dispositif exceptionnel d’activité partielle et à l’importance des volumes financiers en jeu, le Ministère du travail ne s’est jamais caché sur sa volonté d’opérer des contrôles a posteriori. Certains de nos clients ont déjà eu à les subir.
Par deux instructions des 5 et 14 mai 2020, le Ministère du travail a détaillé les modalités des contrôles qui seront ainsi opérés.
L’objectif du plan de contrôle est :
– à titre principal, de lutter contre les fraudes (mise en activité partielle de salariés auxquels il est demandé parallèlement de travailler, demandes de remboursement majorées par rapport aux salaires effectivement payés…) ;
– à titre subsidiaire, de régulariser les erreurs (taux horaires erronés …), le ministère du travail reconnaissant bien volontiers que les nombreux atermoiements ayant conduit à des changements de paramètres courant avril 2020, aient pu générer des erreurs.
Les contrôles s’opéreront sur 3 niveaux :
– croisement des données administratives (bases de l’ASP et DSN …) ;
– contrôle sur pièces (bulletins de paie, avis du CSE, justificatifs du temps de travail en cas de réduction d’activité …) ;
– contrôle sur place permettant ainsi d’interroger le chef d’entreprise, les représentants du personnel et les salariés.
Les contrôles seront ciblés sur les entreprises suivantes :
– celles ayant présenté des demandes d’indemnisation sur la base de taux horaires élevés ;
– celles relevant de secteurs consommateurs d’activité partielle : BTP / activités de services administratifs, de soutien et de conseil aux entreprises ;
– celles dont l’effectif est composé majoritairement de cadres et/ou dont l’activité est susceptible d’être exercée en télétravail.
Les sanctions prévues au menu sont variées :
– retrait dans les 4 mois de sa délivrance, de la décision d’autorisation de mise en activité partielle lorsque les conditions légales n’étaient pas réunies lors de la demande ;
– retrait de la décision d’indemnisation lorsque les conditions ne sont pas ou plus remplies ;
– régularisation des demandes d’indemnisations payées, que l’erreur soit favorable ou défavorable à l’employeur ;
– exclusion pendant une période maximale de 5 ans de l’accès à certaines aides publiques et remboursement des aides accordées dans les 12 mois précédant l’établissement du procès-verbal, en cas de fraude constatée par Procès Verbal ;
– poursuites pénales dont notamment au titre de l’infraction de travail illégal passible de peines pouvant aller jusqu’à deux ans d’emprisonnement et 30.000,00 € d’amende.
L’URSSAF ne sera pas oubliée, les exonérations appliquées à l’indemnisation erronée ou frauduleuse entraineront des régularisations de charges.
Conclusions
Il est vivement recommandé de conserver tous justificatifs :
– de la situation ayant motivé le recours au dispositif exceptionnel d’activité partiel
– en cas de réduction d’activité, de la réalité du temps travaillé / temps d’activité partielle.
Jurisprudence
LA CRISE DU COVID : OCCASION POUR LES JURIDICTION DE PRÉCISER DIFFÉRENTES RÈGLES RELATIVES À LA SÉCURITÉ DES SALARIÉS
La crise sanitaire qui a touché la France a été l’occasion pour différentes institutions d’insister sur le rôle du CSE et sur la nécessité de se concerter avec lui sur les différentes mesures de nature à assurer la sécurité des salariés alors que son intervention n’était en aucun cas imposée par les textes. Dans le cadre de ces mêmes décisions, outre les missions du CSE, a été mise en exergue l’impérieuse nécessité de différentes obligations.
Si ces décisions ont été rendues dans le cadre de structures maintenant leur activité sur initiative, soit d’organisations syndicales, soit de contrôles opérés par l’inspection du travail laquelle a directement saisi le Tribunal judiciaire, les règles qu’a pu dégager la jurisprudence abondante doivent nécessairement être prises en compte par tous, y compris dans le cadre de la reprise de l’activité.
Il convient ainsi de rappeler au regard de ces multiples jurisprudences les règles qu’elles ont pu dégager et les obligations ou précautions qui en découlent :
I) LES DIFFÉRENTES DÉCISIONS RENDUES DEPUIS LE MOIS D’AVRIL SONT ALLÉES CRESCENDO SUR L’OBLIGATION DE CONSULTATION DU CSE
Aux termes de deux décisions rendues par le TJ de Paris et de Nanterre les 9 et 14 avril 2020, les juges ont entendu systématiquement rappeler la nécessité « d’associer » le CSE à la démarche de prévention, laquelle démarche d’association est particulièrement curieuse et ne résulte d’aucun texte. Ainsi le TJ de Paris indique t-il : « Rappelons à la SA La POSTE son obligation spécifique d’Elaboration d’un Document Unique d’Évaluation des Risques (DUER) sur l’ensemble de son périmètre d’intervention et de ses branches d’activité et métier, en association autant que possible avec les services de la médecine du travail, les IRP et notamment les CHSCT compétents… ».
Quant à la Cour d’appel de Versailles, dans son arrêt du 24 avril 2020, confirmant en grande partie l’ordonnance du TJ de Nanterre, elle indique : « qu’il résulte de l’ensemble de ces éléments, qu’à la date à laquelle les premiers juges ont statué, l’absence d’une évaluation des risques adaptée au contexte d’une pandémie et en concertation avec les salariés, en particulier les membres de chaque CSE d’établissement après consultation préalable du CSE central, étaient constitutifs d’un trouble manifestement illicite. »
Le TJ du Havre, dans une décision Renault Sandouville du 7 mai 2020, est allé plus loin puisqu’il a exigé la consultation préalable du CSE et de la commission CSSCT, préalablement à toute reprise d’activité, et a sanctionné la régie Renault :
– du fait « de la non communication des éléments permettant au CSE , de rendre un avis éclairé »,
– et du fait « du non-respect du délai de 8 jours entre l’ordre du jour et la réunion du CSE ».
Le TJ en a conclu à l’annulation de la réunion du CSE. Subséquemment il ordonne la suspension du projet portant sur des modalités organisationnelles de l’activité, en vue de la reprise de la production pendant l’épidémie de Covid 19, le temps de la régularisation de la procédure d’information et de consultation du CSE ».
La tendance des différentes décisions vise à imposer la consultation du CSE préalablement à toute mise en oeuvre d’un plan de reprise ou de mesures visant à assurer la protection de la santé des salariés.
II) SUR LES MESURES À METTRE EN OEUVRE
Le préalable indispensable à toute reprise d’activité est la remise à jour d’un DUER incluant des dispositions sur le COVID 19, mais pas uniquement sur le plan opérationnel. Certaines des décisions précitées reprochaient en effet à l’employeur d’avoir pris en compte toutes les problématiques organisationnelles, mais par les risques psycho sociaux. Il est donc impératif d’anticiper la reprise et de mettre à jour en permanence le DUER sur tous les plans (y compris RPS).
A cet égard il conviendra de prendre toutes mesures destinées à :
– éviter les risques d’introduction du virus sur le site d’activité,
– adapter l’organisation de l’activité,
– former les salariés aux équipements de sécurité et aux mesures recommandées,
– valider les procédures mises en œuvre au regard notamment des documentations mises en place pour chaque secteur d’activité sur le site du gouvernement.
III) IMPORTANCE DE BIEN GÉRER LA REPRISE
Les jurisprudences précitées ne sont que quelques illustrations de procédures de référé. Elles portent sur des mesures d’urgences qui ont conduit à un arrêt pur et simple d’activité. S’il s’agit d’un risque lourd, il demeure limité dans le temps et ne doit en aucun cas occulter les risques tout aussi significatifs qui pourront ressortir pendant des mois voire des années. A titre non exhaustif, quelques exemples qui ne seront probablement pas des cas d’école :
– risque pénal dans l’hypothèse d’une contamination dès lors que l’employeur n’aurait pas respecté une obligation réglementaire ou légale (l’absence de tenue à jour d’un DUER pourrait probablement suffire à caractériser l’infraction)
– risque de prise d’acte de la rupture du contrat de travail par le salarié ainsi que toutes les conséquences qui pourraient en résulter (rupture avec les effets d’un licenciement sans cause réelle et sérieuse et notamment dommages et intérêts consécutifs)
– risque d’une reconnaissance au titre de la réglementation sur les accidents du travail ou maladies professionnelles par la CPAM, s’il s’avérait que le Covid a été contracté dans l’entreprise du fait d’un manquement de l’employeur Les cabinets du groupement JSA sont à votre disposition pour vous assister dans toutes ces problématiques.
Bulletin rédigé par Me Philippe Gros (CEFIDES) Lyon, Me Brice Briel (SOCIAL JURISTE) Lyon
et Me Pierre Chicha (CABINET CHICHA) Paris