L’attribution de stock-options : un schisme dans la définition de la rémunération ?

« L’attribution de stocks options : un schisme dans la définition de la rémunération » Semaine sociale Lamy du 5 septembre 2011 n° 1503

Philippe et Louis Boudias, Avocats au Barreau de Paris, Membres du réseau JSA
Aïda Vallat, Avocat au Barreau de Paris, Docteur en droit

Les plus-values réalisées par un salarié lors de la levée des actions, même si elles sont soumises à cotisations sociales par application de l’article L. 242-1 du Code de la sécurité sociale, ne constituent pas une rémunération allouée en contrepartie du travail entrant dans la base de calcul de l’indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse.

La définition de la rémunération s’exprime naturellement dans le Code du travail sous le visa de l’article L. 3221-3 : « Constitue une rémunération au sens du présent chapitre, le salaire ou traitement ordinaire de base ou minimum et tous les autres avantages et accessoires payés, directement ou indirectement, en espèces ou en nature, par l’employeur au salarié en raison de l’emploi de ce dernier. »
Selon ce texte, le salaire est donc la contrepartie directe du travail. Ce principe, en vertu duquel le salaire comprend le salaire de base et tous les autres avantages et accessoires payés directement ou indirectement en espèces ou en nature par l’employeur au salarié en raison de son emploi, est prolongé, sinon transposé, dans le Code de la sécurité sociale à l’article L. 242-1 : « sont considérées comme rémunérations toutes les sommes versées aux travailleurs en contrepartie ou à l’occasion du travail, notamment, les salaires ou gains, les indemnités de congés payés, le montant des retenues pour cotisations ouvrières, les indemnités, primes, gratifications et tous autres avantages en argent, les avantages en nature ainsi que les sommes perçues directement ou par l’entreprise d’un tiers à titre de pourboire. »
Mérite donc de subir les cotisations sur les salaires, toute somme ou avantage conférés au salarié à l’occasion de son travail. Ce texte participe d’une définition plus large de la rémunération puisqu’il englobe toute somme ou avantage versés également à l’occasion du travail.
Sans entrer dans un détail exhaustif, la plupart des avantages consentis par une entreprise à l’un de ses salariés, a, au fil du temps, été sériée comme une rémunération en nature entrant dans l’assiette de calcul des cotisations sociales selon des régimes et barèmes précisément définis, qu’il s’agisse de la fourniture gratuite de nourriture, du logement, d’un véhicule, de matériel informatique ou d’un téléphone portable (nous ne détaillerons pas, ici, le corpus des principes sociaux et fiscaux applicables). De tels avantages apparaissant sur le bulletin de paie, intégrant l’assiette des cotisations sociales, sont assurément un élément de rémunération tant en droit de la sécurité sociale, qu’en droit du travail et au plan fiscal.
Mais il ne s’agit là que d’avantages en valeur le plus souvent à la marge.

LES STOCK-OPTIONS

Un autre avantage, bien plus substantiel, qu’une entreprise peut consentir à l’un de ses salariés et, plus spécifiquement dans la pratique, à ses cadres, tient à l’attribution de stock-options.
Ce dispositif d’inspiration américaine est régi par les articles L. 225-177 à L. 225-186 et R. 225-137 à R. 225-145 du Code du commerce. Ce mécanisme permet au sein de sociétés par actions d’offrir la possibilité à une catégorie de salariés, selon des règles précisément définies, notamment quant au volume de titres et à la période ouverte à l’option, d’acheter à prix privilégié des actions ou de souscrire des actions.
Les bénéficiaires de ce dispositif vont ainsi extraire deux avantages qui ont été traités tant au plan fiscal, qu’au plan de la législation sur l’assiette des cotisations sociales.

• Premier avantage : la plus value d’acquisition égale à la différence entre la valeur de l’action à la date de levée de l’option et le prix de souscription ou d’achat. En vertu des articles 80 bis-1 et 163 bis C du CGI, cette plus-value est imposable au titre de l’impôt sur le revenu (arrêté 10 déc. 2002, JO 27 déc.). Elle est également soumise à cotisations sociales (CSS, art. L. 242-1, qui se réfère au régime fiscal).

• Deuxième avantage : la plus value de cession matérialise le plus souvent le premier avantage et peut encore l’amplifier puisqu’elle correspond à la différence entre le prix de cession des actions et leur prix d’acquisition. Elle n’est taxable qu’au plan fiscal et non au plan de la sécurité sociale.

Cependant, la Cour de cassation n’avait eu, jusqu’alors, l’occasion de statuer à propos de stock-options que sur des questions de type indemnitaire. Elle avait pu ainsi juger qu’un salarié privé, du fait de son licenciement sans cause réelle et sérieuse, de la possibilité de lever des options de souscription d’actions, était justifié à être indemnisé au titre de la perte de cette chance : « le salarié, qui ne peut, du fait de son licenciement sans cause réelle et sérieuse, exercer les options sur titres qui lui avaient été attribuées, a droit à la réparation du préjudice qui en résulte pour lui et non au maintien des options.
Dès lors qu’il a renoncé à la demande de dommages-intérêts soumise aux contrôle du temps de travail réalisé par chaque salarié en forfait-jours. À cet égard, la détermination de durées maximales de travail, quotidiennes et hebdomadaire1, et le renvoi à l’exigence d’un entretien annuel portant sur la charge de travail, l’organisation du travail dans l’entreprise et l’articulation entre l’activité professionnelle et la vie personnelle et familiale (C. trav., art. L. 3121-46), constituent des exigences minimales mais vraisemblablement insuffisantes. Outre que la fréquence des entretiens avec les salariés concernés pour évaluer et ajuster leur charge de travail serait préférablement bisannuelle, voire trisannuelle, il n’est pas seulement question de poser des limites à respecter ; il s’agit surtout de mettre en place des outils de suivi et de contrôle effectif du temps de travail réalisé par le salarié. Car, en tant qu’exécutant de la convention de forfaits-jours, l’employeur a, d’autre part, une responsabilité si l’accord collectif ne prévoit pas de mesures d’encadrement, de suivi et de contrôle du temps de travail des salariés en forfaits-jours, ou si l’entreprise ne s’assure pas de leur respect : les conventions de forfaits-jours sont alors privées d’effet, de sorte que le salarié est en droit de prétendre au paiement d’heures supplémentaires. Et il ne peut être exclu que l’employeur engage en outre sa responsabilité pour manquement à son obligation de sécurité de résultat2 ce qui le rend éventuellement redevable de dommages-intérêts s’il en est résulté un préjudice.
Ces risques sont, il est vrai, aujourd’hui les plus grands pour les entreprises dont les accords sur la durée du travail ne prévoient pas les garanties qu’attend la Cour de cassation. Pour pallier cette carence, il ne servirait à rien de modifier par avenant les conventions individuelles de forfait dans la mesure où ces garanties doivent être programmées dans l’accord collectif lui-même. Il ne reste alors pour les entreprises concernées, soit à accepter de supporter des contentieux individuels, qui ne seront pas forcément massifs, encore que les organisations syndicales pourraient également agir sur le fondement de l’article L. 2132-3 du Code du travail, soit à entreprendre une révision de l’accord existant, avec le risque que la négociation ouverte dépasse le seul point à réviser et que ce dernier, par un effet de boule de neige, conduise à revenir sur l’ensemble de l’économie de l’accord.
Le temps de la négociation n’est donc pas, pour tous les acteurs économiques, totalement libre ; il peut se révéler aussi contraint. Et ce qui est vécu aujourd’hui sur la question des forfaits-jours peut l’être demain pour sur un autre terrain, compte tenu de l’extrême imprévisibilité de notre droit sous l’exposition, en particulier, des normes supranationales. Faute de pouvoir anticiper ces évolutions subies, il faut à tout le moins s’y préparer. À cet effet, l’un des atouts de la conventionalité est de pouvoir stipuler des clauses préventives, du type des clauses de sauvegarde prévoyant que, en cas de modification notable des règles juridiques par le fait d’un changement de législation ou de jurisprudence, nationale ou supranationale, bouleversant l’économie de l’accord ou rendant impossible ou plus difficile la mise en oeuvre de l’une de ses dispositions essentielles, les parties s’obligent à renégocier de bonne foi, dans un délai raisonnable, les dispositions qui seraient affectées. Dans la même perspective de prévention, il peut être opportun de dissocier du corps de l’accord — ayant vocation à exposer les règles essentielles qui font l’économie de l’organisation de la durée du travail dans l’entreprise — des annexes destinées à recevoir des stipulations plus précises et techniques, dont le risque de variabilité est plus important, consacrées aux régimes des différent temps au travail (temps d’astreinte, temps de pause…), à la détermination des jours de récupération, au contingent d’heures supplémentaires ou encore, sans vouloir être exhaustif, aux modalités de prise de la contrepartie obligatoire en repos ou du repos compensateur de remplacement. L’intérêt est alors de pouvoir réviser ces annexes sans revenir sur la partie structurelle de l’accord en introduisant à cet effet une clause de révision des annexes stipulant que, celles-ci étant divisibles de l’accord dont elles constituent le complément, elles sont susceptibles de révision indépendamment de l’accord et sans que leur révision implique celle de l’accord lui-même.
Il y a sans doute bien d’autres formules encore à concevoir, à inventer : avec tout le profit d’un droit issu de la négociation, le droit conventionnel du temps de travail a en tout cas les moyens de devenir, pour son efficacité et sa sûreté, un droit intuitu firmae.

1. Si l’article L. 3121-48 affranchit les salariés de la soumission aux dispositions relatives aux durées quotidiennes (art. L. 3121-34, qui fixe cette durée à dix heures) et hebdomadaires maximales (art. L. 3121-46, qui fixe cette durée à quarante-huit heures), rien n’empêche de fixer conventionnellement des limites. Cela pose il est vrai la difficulté de devoir associer une durée du travail déterminée sur l’année en jours avec des durées maximales de travail fixées sur la journée et la semaine en heures.
2. V not. CA Versailles, 19 mai 2011, n° 10-02.311, SAS Renault, mettant en cause dans l’affaire concernant le suicide d’un ingénieur de la société Renault « l’incapacité des supérieurs hiérarchiques de M. X à pouvoir préciser quel était le volume précis de son travail, l’absence de tout dispositif pour évaluer la charge de travail, et de visibilité des managers sur celle de leurs collaborateurs ».

Semaine sociale Lamy • 5 septembre 2011 • n°1503

Les conditions des délégations de pouvoir entre URSSAF

« Les conditions des délégations de pouvoir entre URSSAF » Semaine sociale Lamy du 23 octobre 2006 n° 1279

Le dilemme de la prévoyance obligatoire
Louis et Philippe Boudias, Avocats au Barreau de Paris
SCP Simon Wurmser Schwach Boudias Frezard

La pratique de la prévoyance obligatoire et des relations triangulaires entre l’employeur, le salarié et l’assureur révèle des sources de difficultés dont l’acuité renvoie, inéluctablement, à des problématiques croisées, convainquant irréductiblement de l’antagonisme de logique existant entre la position « assurantielle » et le point de vue découlant du droit social.

1 L’ENVIRONNEMENT JURIDIQUE

Les régimes de prévoyance peuvent être à adhésion obligatoire ou facultative. Ils sont dit « à adhésion obligatoire » dès lors qu’ils émanent notamment d’une convention collective (cf. Lamy social, 2006, n° 3548 et suiv.). Deux conséquences découlent d’un régime de prévoyance dit « à adhésion obligatoire » :

  • l’ensemble des salariés est tenu d’y adhérer ;
  • chaque salarié supporte un précompte sur son bulletin de salaire au titre du financement de ce régime, l’employeur assumant, généralement, la majeure partie du coût, via les charges patronales.

La gestion de la couverture de tels régimes obligatoires est le plus souvent dévolue par l’entreprise à une compagnie d’assurance, dans le cadre de la mise en oeuvre de cette avancée sociale.

Une relation triangulaire

Il faut ici préciser que l’entreprise et l’assureur ont alors une position de cocontractants, alors que les salariés sont les bénéficiaires sans être eux-mêmes parties au contrat (cf. Liaisons sociales, déc. 2003, La prévoyance d’entreprise, p. 50 et suiv.). La preuve même que les salariés ne sont que les bénéficiaires désignés résulte, par exemple, du fait que ceux-ci doivent être destinataires d’une notice d’information.
L’article 12 de la loi Évin du 31 décembre 1989 prévoit, ainsi, que le souscripteur, autrement dit l’employeur, est tenu de remettre à l’adhérent, autrement dit le salarié, une notice d’information détaillée qui définit les garanties prévues par la convention ou le contrat et leurs modalités d’application.

Caractère collectif des contrats de groupe

Afin de bien être convaincu de l’extrême particularisme de ces contrats d’assurance encadrés par la loi Évin, il n’est pas indifférent de rappeler, ici, que le contrat d’assurance de prévoyance a pour objet de garantir les salariés bénéficiaires, sur un plan collectif et hors même toute individualisation ou particularisme.
Ainsi que le note Marion Del Sol, « la loi Evin du 31 décembre 1989 affirme le caractère collectif des contrats de groupe à adhésion obligatoire souscrits par les entreprises. Autrement dit, les offreurs ne disposent pas du droit d’opérer une sélection parmi les membres composant le groupe à assurer ; soit ils acceptent d’assurer tout le groupe soit ils renoncent au contrat […]. A eux de peser le plus précisément possible les risques portés par le groupe en tenant compte notamment de l’âge des salariés, de leur sexe, de leurs charges de famille, de leur activité professionnelle (appréciation préalable de sinistralité) » (JCPE, n° 10, 7 mars 2002, I-413, « L’entreprise mutualiste : un acteur banalisé sur le marché de la protection sociale complémentaire »).
Corrélativement, M. Guy Courtieux met en perspective le fait que la loi n° 89-1009 du 31 décembre 1989 « a instauré pour ce qui concerne le régime de prévoyance des salariés, une véritable obligation d’assurer ; en ce que, à partir du moment où l’assureur a accepté de garantir un groupe, il ne lui est pas permis d’en exclure un membre. Il ne peut ni rejeter un postulant à l’adhésion au motif qu’il constitue un risque aggravant ni l’accepter moyennant le paiement d’une surprime. » (JCPE, n°25, 20 juin 2002, I-951).
Le même auteur souligne, avec justesse, l’extrême particularisme du contrat de prévoyance à l’égard duquel la loi Evin, en son article 2, « oblige l’assureur à prendre en charge les suites des états pathologiques survenus antérieurement à la souscription du contrat ou de la convention ou à l’adhésion à ceux-ci ».

Résiliation

Poursuivant la même visée de renfort de cette garantie sociale, la même loi Evin a prévu, dans son article 7, que la résiliation du contrat d’assurance de groupe de prévoyance ne constitue pas un motif de dédouanement de l’assureur lui permettant de ne pas continuer à verser les prestations.
De cet article 7 découle, a fortiori, le principe du maintien des garanties en cours de versement en direction du collaborateur dont le contrat de travail est rompu.
C’est dire l’extrême particularisme de ces contrats d’assurance prévoyance enserrés, de par la loi, dans des exigences sociales tout à fait princeps.

2 LE POINT DE VUE « ASSURANTIEL » ET LE POINT DE VUE EN DROIT SOCIAL

Très concrètement, nombre de conventions collectives prévoient des garanties claires qui octroient de faibles marges d’interprétation et induisent presque un systématisme d’indemnisation dès lors que la sécurité sociale verse des indemnités journalières.

Les garanties des conventions collectives

En matière d’incapacité de travail, les conventions collectives prévoient, souvent, que les indemnités sont dues « tant que l’assuré bénéficie des indemnités journalières de sécurité sociale ». On voit encore apparaître l’expression suivante : « l’assureur complète les indemnités journalières de sécurité sociale ». Pareils libellés induisent, en eux-mêmes, une forme d’automaticité à l’indemnisation complémentaire.
En tout état de cause, les conventions collectives ne prévoient généralement, hors les conditions nécessaires à faire émerger le droit à indemnisation par le régime de prévoyance, aucune restriction particulière au versement des compléments aux indemnités journalières.

L’imperium du contrat d’assurance

Or, à l’inverse, les contrats d’assurance souscrits par les entreprises au titre des régimes de prévoyance obligatoires découlant des conventions collectives aménagent la possibilité pour l’assureur de faire passer au salarié une visite devant le médecin expert désigné par la compagnie. On peut, ainsi, par exemple, voir fleurir dans les contrats d’assurance, des expressions de type « en cas d’incapacité reconnue par l’assureur, celui-ci garantit le versement d’indemnités journalières complétant les prestations servies par la sécurité sociale ».
Là où les partenaires sociaux, dans le libellé de la convention collective, ont fait de l’indemnisation de la sécurité sociale la condition fondamentale et unique du versement du complément journalier au titre de la prévoyance, le contrat conclu avec l’assurance en fait une condition nécessaire mais non exclusive au versement de la garantie.
Ainsi, il est absolument commun de voir les compagnies d’assurance cesser d’indemniser, après un certain nombre de mois, un salarié dont l’arrêt maladie se prolonge, motif étant pris du fait qu’après visite devant le médecin expert de la compagnie, cette autorité médicale a, par exemple, conclu à l’état consolidé de la maladie de l’intéressé.
Postérieurement à cette visite médicale et aux conclusions en découlant — et à condition, naturellement, que la contre-expertise proposée ne démente pas les conclusions du premier médecin expert —, les assurances cessent définitivement de verser aux salariés les indemnités complémentaires. Les salariés qui continuent à faire l’objet d’arrêt maladie de par leur médecin traitant et à les transmettre à l’assurance ne sont, dès lors, plus indemnisés.
Pareil descriptif qui est topique des problématiques que les praticiens constatent journellement pose nombre de questions quant à la légitimité de telles postures en regard du droit social et interpellent sur la compatibilité des règles du droit social avec celles relevant du droit des assurances.
Que l’on ne s’y trompe pas, il ne s’agit nullement d’un propos critique envers les assurances mais, plus simplement, de l’énoncé d’une situation très classique, presque banale, qui semble, au surplus, ne pas avoir alimenté le contentieux et dont, pourtant, la multiplicité des acteurs s’y agrégeant, la nature même des enjeux et la transversalité des domaines juridiques empruntés qui nous font cheminer du droit social au droit des assurances, nécessitent que le juriste travailliste s’efforce de poser quelques jalons pour une tentative de résolution.

3 L’UTILE PRÉÉMINENCE DES RÈGLES EMPRUNTÉES AU DROIT SOCIAL

La prééminence des règles empruntées au droit social se justifie, en l’occurrence de trois façons :

  • d’abord, et comme nous l’avons vu, par l’extrême particularisme de ce type de contrat, particularisme exacerbé par l’ensemble des garanties découlant de la loi Évin ;
  • ensuite, par l’article 1158 du Code civil qui érige en principe que la règle d’interprétation est choisie en fonction de la matière qui sied au contrat. Or, la madère objet du contrat relève incontestablement du domaine social. M. Sargos, président de la chambre sociale de la Cour de cassation, ne nous rappelle-t-il pas que « la clarté et la précision sont des facteurs qui sont favorables à la prévisibilité de ses engagements par l’assureur qui doit garder à l’esprit cette norme d’interprétation téléologique que nous évoquions au début de cet exposé : l’indéniable finalité protectrice des assurés de la loi Evin conduira inévitablement les Tribunaux à une interprétation qui leur sera favorable » (JCP, n°47, 21 nov. 2001, 1-363, « Le droit au maintien des prestations et des garanties de l’assurance de prévoyance collective ») ;
  • enfin, par le fait même que les salariés n’ont qu’une position de bénéficiaires du contrat d’assurance et qu’ils ne peuvent être captifs de dispositions contractuelles et de pratiques dépréciatrices, à certains égards, de leurs droits, fussent-elles érigées dans le cadre de dispositions empruntées au droit des assurances.

La possibilité que s’arrogent contractuellement les assurances de cesser, irrémédiablement, de verser les compléments aux indemnités journalières de sécurité sociale en fonction des résultats de la visite qu’elles font passer aux salariés assurés devant le médecin expert de la compagnie nous paraît devoir être battue en brèche par les principes gouvernant le droit social dont la vocation protectrice doit primer, et ce dans l’intérêt de l’employeur et des salariés qui cofinancent le régime. Il ne peut être admis, au plan du droit du travail, qu’une assurance cesse de verser les compléments alors même que le médecin traitant du salarié continue à établir des arrêts maladie bien après l’avis du médecin expert de l’assurance selon lequel l’état du salarié est dit consolidé.
Il ne doit pas être perdu de vue que les assureurs viennent dans de tels régimes en relais de l’employeur dans la couverture du risque maladie et qu’à ce titre, ils « héritent » des droits et obligations de l’employeur sans pouvoir nullement les excéder ou les transgresser au titre d’une prétendue indépendance du contrat d’assurance.
L’attraction sociale de ce type de contrat est absolument incontestable et fondamentale. Elle irradie l’ensemble du contrat d’assurance.

La portée limitée de la contre-visite

Or, au terme d’une jurisprudence constante, la chambre sociale de la Cour de cassation ne cesse de restreindre la portée limitée des contre-visites médicales diligentées par l’employeur envers un salarié malade indemnisé en complément de la sécurité sociale : « l’avis émis par le médecin contrôleur lors du contrôle médical de l’arrêt de travail n’est valable qu’à la date où il a été émis et ne peut disposer pour l’avenir. Lorsque postérieurement à ce contrôle, une prolongation d’arrêt de travail est prescrite au salarié par le médecin traitant, elle rétablit l’intéressé dans son droit aux indemnités complémentaires de maladie et il incombe à l’employeur, s’il lui conteste ce droit, de faire procéder à un nouveau contrôle médical » (notamment : Cass. soc., 28 janv. 1998, SA Pathé Clichy/Arnold ; Semaine sociale Lamy, n° 878, p. 12).
Cela signifie que l’effet d’une contre-visite démentant la légitimité d’un arrêt de travail prescrit par le médecin traitant est annihilé par la prescription postérieure opérée par le médecin traitant d’un nouvel arrêt de travail ou d’une prolongation d’arrêt de travail. Cela démontre combien la chambre sociale est éminemment restrictive quant aux effets des contre-visites médicales diligentées par l’employeur.

La fausse indépendance du contrat d’assurance

L’assurance à qui l’entreprise délègue la gestion de la couverture maladie ne peut, nous semble-t-il, se conférer plus de droits que l’employeur — son délégant — et s’arroger de façon contractuelle, au nom de la prétendue indépendance du contrat d’assurance, la possibilité de tirer des conclusions rédhibitoires des résultats de la visite médicale passée devant son médecin expert et de ne plus indemniser le salarié, en dépit du fait que celui-ci continue à lui adresser de nouveaux arrêts de travail émanant de son médecin traitant.
En effet, il ne serait pas d’un moindre paradoxe qu’un dispositif ayant une visée sociale voit celle-ci être, en partie et de façon circonstancielle, battue en brèche du fait de sa gestion par une assurance et du droit contractuel exorbitant que s’arroge celle-ci de faire cesser sa garantie au vu des conclusions de son médecin expert, là même où l’employeur qui commettrait un médecin contrôleur ne pourrait en tirer les mêmes conclusions définitives.
Il ne saurait être question de laisser s’épanouir une conception polysémique du contrat d’assurance destinée à la couverture maladie là où on doit lui maintenir une vocation univoque et toute entière placée sous l’égide des avancées du droit social.
Il est des réalités, des pratiques qui vous ramènent à des principes juridiques intangibles qu’il convient de rappeler et pourquoi pas de « marteler ».

Garantie retraite : la thèse des droits acquis est elle remise en cause ?

« Garantie retraite : la thèse des droits acquis est elle remise en cause ? » Semaine sociale Lamy du 13 avril 2004 n° 1164

Les idées, opinions et analyses développées dans cette rubrique n’engagent que leurs auteurs et en aucun cas la rédaction de la Semaine sociale Lamy.

Garanties retraite. La thèse des droits acquis est-elle remise en cause ?
Maîtres Louis et Philippe Boudias, avocats au Barreau de Paris,
SCP Simon Wurmser Schwach Boudias Frezard, Groupe JSA1 (Le Groupement européen d’intérêt économique « Juristes sociaux associés » regroupe 28 cabinets indépendants d’avocats-conseils en droit social)

La loi Fillon du 21 août 2003 bat-elle en brèche la théorie des droits acquis dans les régimes de retraite chapeau ? Si certains répondent par l’affirmative, peut-être est-ce accorder trop d’importance au seul intitulé d’une section du Code de la sécurité sociale dont le contenu ne porte pas réforme des textes fondant la thèse des droits acquis.

Dans l’article du 9 octobre 2000 que nous avions publié dans la Semaine sociale Lamy (« Les Retraites Chapeau ou les limites de certaines formes d’ingénierie juridique », Semaine sociale Lamy, n° 998, p. 8), nous évoquions les nombreux arguments qui militaient en faveur de l’analyse dérangeante selon laquelle, contre toute attente, les cadres auraient des droits acquis dans leur régime de retraite « chapeau », nonobstant le fait qu’ils ne remplissent pas la condition d’appartenance à l’entreprise au moment où ils basculent dans la retraite ou même, peut-être, la condition minimale d’ancienneté (généralement 10 ans) inscrite dans de nombreux régimes.

Pour ce faire, nous constations en effet :

  • d’une part, que l’article L. 913-2 du Code de la sécurité sociale prohibe expressément toute disposition entraînant la perte des droits acquis ou en cours d’acquisition à des prestations de retraite ; ce qui signifiait implicitement que toute couverture de retraite entraîne fatalement l’acquisition de droits pendant l’activité des salariés couverts (cf. en ce sens Ph. Laigre, Dr. soc. 1995, p. 411). Selon la maxime bien connue « là où la loi ne distingue pas, il n’y a pas lieu de distinguer ». Or, l’article L. 913-2 du Code de la sécurité sociale ne fait nulle distinction entre les différents régimes de retraite. Il est donc pleinement applicable aux retraites chapeau ;
  • d’autre part, que la loi Evin (article 15 de la loi du 31 décembre 1989 et loi du 8 août 1994) impose aux entreprises ayant mis en place pareils régimes de retraite de garantir financièrement la couverture du risque retraite délibérément consenti en direction de la population des cadres. À quoi bon garantir financièrement l’engagement de retraite s’il n’y a pas de droits acquis dans le régime et s’il ne s’agit que d’un avantage virtuel ?
  • enfin, qu’il est somme toute incohérent, illusoire (voire « scandaleux » selon l’expression du Professeur Saint-Jours, Recueil Dalloz 2002, n° 42, jurisprudence 3167, spéc. p. 3169) de prétendre que les régimes de retraite chapeau ont la visée de fidéliser les cadres à l’entreprise si l’on considère, par ailleurs, que le bénéfice de cette retraite dépend, in fine, du seul bon vouloir de l’entreprise et qu’il serait possible d’y faire échec, en évinçant n’importe quel salarié avant l’âge de la retraite. À l’extrême, et en tirant le trait, le bénéfice ou non d’une retraite chapeau serait fonction du simple jeu d’une condition purement potestative ;
  • au surplus, que la jurisprudence de la Cour de cassation assujettissait à cotisations sociales les provisions constituées en interne par l’entreprise dans ces régimes, ce qui procédait bien d’une assimilation des retraites chapeau à une rémunération différée sur laquelle le salarié était en droit de compter et confortait, à n’en pas douter, l’idée de droits acquis.

Les éléments de conviction étaient donc différenciés, multiples, et leur mise à jour participait d’une évaluation tangible, urgente et indispensable des risques objectifs pesant sur les entreprises.

La portée des nouvelles dispositions législatives du 21 août 2003 est circonscrite au traitement social réservé aux éléments de financement des régimes de retraite chapeau.

Par un article 115-I, la loi Fillon met un terme à l’efficience de la jurisprudence de la Cour de cassation susvisée qui consistait à assujettir à cotisations sociales les provisions internes servant au financement des retraites.

Rien de plus, rien de moins !

Il est ainsi créé une contribution spéciale exclusivement patronale affectée au fond de réserve des retraites (6 % ou 12 % à compter de 2009 en cas de gestion interne).

Cette contribution spéciale sera levée sur option (avant le 5 mai 2004, cf. Semaine sociale Lamy n° 1150, p. 2) :

  • soit sur les rentes liquidées à compter du 1er janvier 2001 et versées à compter du 1er janvier 2004 en exécution de ces engagements ;
  • soit sur les primes versées à un gestionnaire externe (assureur, mutuelle, institutions de retraite) ou les provisions inscrites au bilan.

Loin de se contenter de ce simple constat, certains commentateurs ont cependant été tenté d’extrapoler grandement la portée de la loi « Fillon » et ont ainsi prétendu péremptoirement que celle-ci ruinerait la théorie des droits acquis dans pareils régimes.

Ne trouve-t-on pas, en effet, écrit, à cet égard, sous la plume d’un commentateur, (B. Serizay, « Le renouveau des retraites chapeau », Dr. soc. 2003, p. 977) que « le débat semble clos » ?

Faute de pouvoir compter sur un état jurisprudentiel dont l’interprétation puisse être fiable et, surtout, de trouver dans le corps de la loi des dispositions allant dans le sens qu’ils décrivent, les tenants de la ruine de la théorie des droits acquis prennent argument du titre que le législateur a retenu pour l’article 115-I constituant la nouvelle section 5 du chapitre VII du titre III du livre 1er du Code de la sécurité sociale :

« Contribution sur les régimes de retraite conditionnant la constitution de droits à prestation à l’achèvement de la carrière du bénéficiaire dans l’entreprise »

En l’occurrence, cet intitulé a pour simple fonction de nommer les régimes de retraite auxquels va s’appliquer la nouvelle contribution spéciale. Ce faisant, le législateur n’avait d’autre choix, par souci de précision, que de désigner ce que l’on dénomme communément et par facilité régime de retraite chapeau ou à prestations définies, en visant l’élément caractéristique par lequel ces régimes se décrivent eux-mêmes, à savoir la condition d’appartenance à l’entreprise au moment où l’on prétend au bénéfice des prestations sur-complémentaires (« régimes de retraite conditionnant la constitution de droits à prestation à l’achèvement de la carrière du bénéficiaire dans l’entreprise »).

Nous rappelions nous aussi, en paragraphe introductif de notre article précédent paru dans ces mêmes colonnes, que la garantie du service d’une retraite chapeau est présentée comme dépendant de la satisfaction de deux critères :

  • une durée minimale d’ancienneté dans l’entreprise (clause parfois levée) ;
  • la présence du salarié dans l’entreprise au moment où il fait valoir ses droits à retraite.

Cela ne nous empêchait pas, par ailleurs, dans la suite de notre article, d’attirer l’attention des entreprises sur les risques inhérents à la thèse des droits acquis s’agissant de salariés ayant un départ prématuré.

En adoptant un pareil titre, le législateur ne nous semble pas prendre parti et contrecarrer la thèse, certes dérangeante mais réaliste, qui consiste à affirmer que les salariés quittant une société avant l’âge de la retraite pourraient prétendre juridiquement au bénéfice de droits dans le régime de retraite chapeau au prorata de leur temps de présence.

Si la loi Fillon avait réellement, comme d’aucuns le prétendent, poursuivi le but de battre en brèche la théorie des droits acquis, nul doute que celle-ci l’aurait fait expressément, dans le corps même du texte de la nouvelle loi et qu’il lui aurait été nécessaire de porter réforme d’autres articles du Code de la sécurité sociale et notamment de l’article L. 913-2, qui valide les droits acquis dans tout régime de retraite.

La loi Fillon procède d’une inspiration qui tend assurément à promouvoir les régimes de retraite sur-complémentaire.

La création d’une contribution spécifique et avantageuse dans les régimes de retraite chapeau, en substitut de l’état du droit positif découlant de la seule jurisprudence de la Cour de cassation, en est l’illustration la plus parfaite.

Affirmer que cette loi ferait échec à la thèse des droits acquis ne nous semble pas recevable puisque cela équivaudrait à sceller un avenir funeste aux régimes dits article 39 là même où les pouvoirs publics veulent les promouvoir.

Tel ne peut être le cas ! Tel n’est pas l’esprit de la loi Fillon !

La thèse des droits acquis nous apparaît donc encore parfaitement efficiente, même si les entreprises peuvent le déplorer et les salariés s’en réjouir.

Les ambiguïtés du contrôle URSSAF

« Les ambiguïtés du contrôle URSSAF » semaine sociale Lamy du 9 avril 2002 n° 1101

Les idées, opinions et analyses développées dans cette rubrique n’engagent que leurs auteurs et en aucun cas la rédaction de la Semaine sociale Lamy.

Cotisations sociales. Les ambiguïtés du contrôle Urssaf

Maîtres Philippe et Louis Boudias, avocats au barreau de Paris,
SCP Simon Wurmser Schwach Boudias Frezard, groupe JSA (Le Groupement européen d’intérêt économique « Juristes sociaux associés » regroupe 28 cabinets indépendants d’avocats-conseils en droit social)

Délicate situation que celle du cotisant, pris en tenaille entre les positions du législateur, de la jurisprudence et de l’Acoss.

Le cotisant et l’Urssaf sont devenus aujourd’hui, si l’on ne cherche pas à farder la réalité, des ennemis jurés. Sans instiller des éléments psychologiques inopportuns ou inadéquats, il est néanmoins légitime de s’interroger : cette situation est-elle intrinsèquement liée à la position d’agent contrôleur que tient l’Urssaf vis-à-vis des entreprises ou procède-t-elle d’une dégénérescence des relations entre le cotisant et l’Urssaf ?

La primauté serait facilement accordée à la première de ces propositions d’explication.

Cependant, il n’est pas possible de s’accommoder d’un tel constat, confinant au simplisme, à la seule observation des graves défaillances des différents acteurs chargés d’encadrer le volet juridique du contrôle Urssaf.

Quelques exemples illustreront utilement les incohérences et les rapports de force existant entre le législateur, les tribunaux et l’Acoss, au détriment du cotisant.

Lorsque le pouvoir normatif du législateur gêne l’Acoss

Sous le poids de la jurisprudence de la Cour de cassation, faisant naître l’affirmation des droits du cotisant en cas de contrôle Urssaf, une réforme de la législation apparaissait nécessaire.

Cette réforme au demeurant précipitée et incomplète est intervenue à travers un décret n° 99-434 du 28 mai 1999 (JO 30 mai).

Un des axes essentiels de cette réforme est de prémunir le cotisant contre d’éventuels changements de position de l’Urssaf.

Est ainsi prescrit à l’Urssaf, lors de la remise de ses observations de fin de contrôle au cotisant, l’obligation de donner une liste des documents consultés (CSS, art. R. 243-59 nouv.).

En articulation avec ce principe est posé un autre principe selon lequel l’absence d’observations de l’Urssaf suite à contrôle vaut acceptation tacite de sa part concernant les pratiques ayant fait l’objet de la procédure de contrôle (CSS, art. R. 243-59 nouv.).

Le schéma ainsi tracé pour sécuriser le cotisant et lui apporter de nouvelles garanties apparaît parfaitement défini.

Cela est sans compter avec l’Acoss (Agence centrale des organismes de sécurité sociale), dont la vocation est notamment de promouvoir les orientations en matière de recouvrement et de contrôle des cotisants.

À ce titre, l’Acoss définit bien souvent la doctrine de l’Urssaf auprès de laquelle elle officialise ses positions par voie de circulaires. Or, il est surprenant de constater que l’Acoss dans sa circulaire n° 2000-021 du 17 février 2000, cherchant à tirer parti des lacunes laissées par le décret n° 99-43 du 29 mai 1999, précise que « l’absence d’observations par l’Inspecteur du recouvrement ne saurait être constitutive de l’accord tacite, l’organisme étant lui-même susceptible de désapprouver les dites pratiques par décision administrative adressée au cotisant à une date postérieure à la vérification ».

Subtile distinction, d’autant que le décret ne fixe aucun délai limite à l’Urssaf pour fixer sa position.

En réalité, l’Acoss promeut délibérément un mécanisme de contournement de l’effort de sécurisation du cotisant poursuivi par le décret susvisé.

Lorsque la jurisprudence embarrasse l’Acoss

La législation actuelle n’autorise l’Urssaf à recourir à un mode de taxation forfaitaire que dans le seul cas de déficience du cotisant dans la tenue de sa comptabilité (CSS, art. R. 242-5). En dehors de cette circonstance marginale, l’Urssaf doit donc procéder à un contrôle sur pièces exhaustif et détaillé, ce qui nécessite, dans le cas d’entreprises importantes, moyens et temps.

C’est pourquoi l’Urssaf ne cesse de tenter d’imposer au cotisant et de promouvoir auprès du législateur le contrôle par voie de sondage.

L’Urssaf défend ce mode opératoire avec acharnement, soutenant qu’il a toutes les caractéristiques et garanties d’un travail scientifique.

La jurisprudence a jusque-là, et de la façon la plus ferme, invalidé cette méthodologie, considérant qu’elle constituait la mise en œuvre abusive d’une taxation forfaitaire puisque intervenant en dehors de toute défaillance du cotisant (Cass. soc., 21 janv. 1993, n° 90-17.460 ; Cass. soc., 23 nov. 2000, n° 98-22.035 ; plus récemment, Cass. soc., 24 oct. 2002, n° 01-20.699).

L’Acoss ne cesse, quant à elle, d’encourager la pratique du contrôle par voie de sondage. Ainsi, dans sa lettre circulaire n° 1999-022 du 16 juillet 1999, l’Acoss évoque officiellement le mode de contrôle par sondage, feignant de tenir celui-ci pour parfaitement licite. L’Acoss joue de son rang pour obtenir un cadre légal au contrôle par voie de sondage, quitte, pour ce faire, à promouvoir auprès des Urssaf un dispositif toujours illégal.

Lorsque la jurisprudence contrarie le législateur

Dans le cas d’entreprises ayant plusieurs établissements relevant de différentes Urssaf, il peut être tentant, en cas de contrôle global, d’opérer des délégations de pouvoir répartissant mieux la charge de travail ou mettant en commun le résultat d’opérations de contrôle.

Les seuls textes de références sur le sujet consacrent pourtant la compétence territoriale de chaque Urssaf et notamment les articles L. 213-1 et D. 213-1 du Code de la sécurité sociale.

La Cour de cassation elle-même a constamment, au vu des textes susvisés, manifesté son attachement à la compétence territoriale des Urssaf (Cass. soc., 23 nov. 2000, précité ; Cass. soc., 31 oct. 2000, le 99-13.322). Précédemment, elle avait d’ailleurs clairement statué, en considérant que, « les Urssaf constituant autant de personnes morales distinctes, la décision prise par l’une d’entre elles n’engage pas les autres » (Cass. soc., 29 juin 1995).

Ces principes directeurs étaient fort embarrassants pour les Urssaf qui déjà, en certains cas, avaient institué entre elles des délégations.

Le législateur a donc fini par céder. Et c’est ainsi que l’article 8 de la loi de financement de la sécurité sociale pour 2001 (L. n° 2002-1257, 23 déc. 2000, JO 24 déc.), tout en renvoyant à un décret pour les modalités pratiques, ouvre la possibilité aux Urssaf de se déléguer leurs compétences.

Les textes et la jurisprudence contrarient les Urssaf. Qu’à cela ne tienne, changeons la loi !

Lorsque la jurisprudence dérive à son tour

La jurisprudence de la Cour de cassation, qui, semble-t-il, a été inspirée ces dernières années par le souci d’apporter des garanties au cotisant, vient à son tour de montrer les limites de sa cohérence.

Afin de stigmatiser ce que l’on peut dénommer une véritable hérésie, il convient de préciser, liminairement, que l’article L. 242-1 du Code de la sécurité sociale désigne comme fait générateur des cotisations le versement de sommes à caractère de salaire.

Seule dérogation : l’article R. 242-1, alinéa 6, du Code de la sécurité sociale créant le principe d’une assiette minimale pour les cotisations constituées du smic et de primes s’y ajoutant en vertu d’une disposition législative ou réglementaire.

En dehors de ce cas, l’Urssaf ne peut appeler de cotisations que sur des sommes versées.

L’Urssaf n’est, en effet, pas juge des relations de travail et les conseils de prud’hommes sont là pour trancher ce type de litiges.

Or, la Cour de cassation, dans un arrêt du 17 janvier 2002 et statuant à propos d’un contrôle Urssaf, arroge ce pouvoir à l’Urssaf à propos de la qualification du motif d’un contrat à durée déterminée : « une société fabricant des produits glacés et connaissant seulement un accroissement périodique de production n’a pas d’activité saisonnière de sorte qu’elle est tenue de verser aux salariés concernés une indemnité de précarité rendant exigibles les cotisations recouvrées par l’Urssaf » (Cass. soc., 17 janv. 2002, n° 00-14.709). L’Urssaf était donc fondée à opérer un redressement en raison des indemnités non versées à ces salariés sous contrat à durée déterminée.

Avec un commentateur de cet arrêt, on peut remarquer avec étonnement le pouvoir ici reconnu aux Urssaf (C. Roy-Loustaunau, Dr. soc. 2002, p. 769).

En effet, sans aucun fondement textuel, sans qu’aucun litige prud’homal n’existe entre l’employeur et les salariés concernés, l’Urssaf se voit autoriser à être juge du contrat de travail.

Simple maladresse, arrêt d’espèce ?

En tout état de cause, voilà un nouveau sujet de préoccupation qui s’élève pour le cotisant.

D’autres exemples auraient pu illustrer ce qu’il faut bien qualifier de « rapports d’influence » entre les différents acteurs du contrôle Urssaf.

Le cotisant, dans ce contexte, ne peut qu’être irrité et nous ne pouvons que penser avec lui qu’il est bien souvent maltraité et livré avec le soutien de l’Acoss aux méthodes et pratiques trop souvent exorbitantes et illicites de l’Urssaf !

Les retraites chapeaux ou les limites de certaines formes d’ingénierie juridique

« Les retraites chapeaux ou les limites de certaines formes d’ingénierie juridique » Semaine sociale Lamy du 9 octobre 2000 n° 998

Les idées, opinions et analyses développées dans cette rubrique n’engagent que leurs auteurs et en aucun cas la rédaction de la Semaine Sociale Lamy.
Retraite. Les retraites « chapeau » ou les limites de certaines formes d’ingénierie juridique
Philippe et Louis Boudias, Avocats au barreau de Paris, Groupe JSA (Le groupement européen d’intérêt économique « Juristes sociaux associés » regroupe 28 cabinets indépendants d’Avocats conseils en droit social)


Les retraites « chapeau » pourraient être analysées comme des droits acquis par les salariés même s’ils ne remplissent pas à leur retraite les conditions d’ancienneté et de présence dans l’entreprise. Elles seraient alors de véritables bombes financières à retardement.

 

La retraite « chapeau » est un dispositif à l’origine anglo-saxon qui a pour finalité de fidéliser les cadres à l’entreprise au sein de laquelle ils travaillent.

Dénommée encore « régime article 39 » ou « régime à prestations définies », une telle garantie relève d’une décision unilatérale du chef d’entreprise ou d’un accord collectif.

Elle revêt une portée collective dans le sens où elle concerne une collectivité de cadres.

Par un tel dispositif, l’entreprise garantit à ses salariés, lors de leur prise de retraite, le maintien d’un niveau de revenus prédéfini, via le versement d’une rente venant compléter le montant de celles versées par le régime général et le régime complémentaire de retraite.

En pratique, la garantie du service d’une retraite « chapeau » d’entreprise est généralement présentée comme dépendant de la satisfaction de deux critères :

  • une durée minimale d’ancienneté dans l’entreprise (le plus souvent de 10 ans) ;
  • la présence du salarié au service de l’entreprise au moment où il fait valoir ses droits à retraite dans le régime général.

L’article 15 de la loi du 31 décembre 1989 (loi Evin), dont le dispositif d’application a été étendu à l’ensemble des garanties collectives (et donc aux contrats de retraite supplémentaire) par la loi du 8 août 1994, en encadre la mise en oeuvre.

Il impose aux entreprises ayant mis en place ce type de régime de gager, c’est-à-dire de garantir financièrement la couverture du risque délibérément consenti par elles, le versement, le moment venu, d’un complément de retraite à une partie de la population salariée.

Schématiquement, la couverture du risque de l’entreprise relatif à l’engagement de retraite « chapeau » se traduit par l’inscription de provisions comptables au bilan ou par l’alimentation d’un fonds collectif d’une compagnie d’assurances, ou encore par les deux modes de gestion cumulés et simultanés.

Les provisions sont indivises, donc globales et réactualisées chaque année pour garantir la créance potentielle dont disposent, envers l’entreprise, les bénéficiaires de l’avantage.

Cela se fait sur la base de calculs actuaires complexes, tenant compte de l’évolution des effectifs concernés et de ses caractéristiques intrinsèques.

Jusqu’ici, les choses sont claires et ne semblent pas devoir poser de problèmes.

De l’analyse de ces dispositifs et de l’environnement législatif et/ou jurisprudentiel dans lequel ils s’insèrent naît, cependant, le trouble et le sentiment que les systèmes de retraite « chapeau » constituent, peut-être bien, des bombes à retardement.

En effet, les régimes de retraites d’entreprise et, en l’occurrence, les régimes de retraite « chapeau » ne peuvent nullement être comparés à un avantage virtuel tel qu’une indemnité de fin de carrière. Tout au contraire, ce régime instaure un système de rémunération différée dans le temps.

Outre la philosophie de ces régimes, bien d’autres arguments militent en la faveur de l’analyse dérangeante selon laquelle, contre toute attente, les cadres auraient des droits acquis dans leur régime, nonobstant le fait qu’ils ne remplissent pas la condition d’appartenance à l’entreprise au moment où ils basculent à la retraite ou même peut-être la condition minimale d’ancienneté (10 ans).

Comme le note un éminent analyste, Philippe Laigre, dont les qualités d’expert sont difficilement contestables en tant qu’ancien chef de bureau des régimes complémentaires :

« Toute couverture de retraite mise en place dans une entreprise se traduit par l’acquisition de droits pendant la période d’activité des salariés couverts. Ce constat d’évidence oblige l’employeur à garantir dans les meilleures conditions possibles, les engagements qu’il prend vis-à-vis de son personnel » (Dr. soc. 1995, n° 4, p. 414 + RJS 11/96).

Le même auteur relève d’ailleurs, non sans pertinence, que les dispositions de la loi n° 94-678 du 8 août 1994 consacrent le bien-fondé de cette affirmation.

C’est ainsi que l’article L. 913-2 du Code de la sécurité sociale, issu de cette loi et pleinement applicable en matière de retraite « chapeau », prévoit « Qu’aucune disposition entraînant la perte des droits acquis ou en cours d’acquisition à. des prestations de retraite, y compris à la réversion, des salariés ou anciens salariés en cas d’insolvabilité de l’employeur ou de transfert d’entreprise, établissement ou de partie d’établissement à un autre employeur résultant d’une cession conventionnelle ou d’une fusion, ne peut être insérée à peine de nullité dans les conventions, accords ou décisions unilatérales mentionnée à l’article L. 911-1. »

Même si cet article du Code de la sécurité sociale concerne plus particulièrement les cas de restructuration ou d’insolvabilité de l’employeur, il ne peut être contesté qu’il valide clairement, en tout état de cause, le principe selon lequel les salariés acquièrent, au fil de leur carrière dans l’entreprise, des droits dans les régimes de retraite « chapeau » d’entreprise.

Un autre élément, militant également en cette faveur, peut être tiré de la jurisprudence de la Cour de cassation.

En vertu de l’article L. 242-1 du Code de la sécurité sociale, sont soumises à cotisations toutes les sommes qui sont considérées comme des rémunérations versées en contrepartie ou à l’occasion du travail, et seulement ces sommes précises.

Si les provisions constituées en interne par les entreprises, pour garantir les droits des salariés dans les régimes de retraite « chapeau » créées, ne correspondaient qu’à la couverture d’un avantage virtuel, elles ne pourraient pas être assimilées à des rémunérations sur lesquelles les salariés peuvent compter et ne devraient pas être assujetties à cotisations du tout.

Même si certains contestent ce type d’analyse (Bruno Serisay, Semaine juridique, édition entreprise 96, p. 7/8, spécialement p. 724), il n’en demeure pas moins qu’elle rejoint le bon sens et l’appréhension juridique la plus stricte.

Validant le fait que les régimes de retraite « chapeau » d’entreprise correspondent à un avantage consistant en une rémunération différée sur laquelle les salariés acquièrent des droits au prorata de leur présence dans l’entreprise, la Cour de cassation a bien décidé, dans le cadre des termes de l’article D. 242-1 du Code de la sécurité sociale, d’assujettir à cotisations les provisions constituées en interne par l’entreprise dans ces régimes pour garantir les droits des salariés (Cass. soc., n° 93-18.572, 28 mars 1996, SA Lyonnaise des eaux — Dumez/Urssaf Eure-et-Loire). La question de l’assujettissement à cotisations des provisions constituées à l’extérieur par l’entreprise, via une compagnie d’assurances, reste entière.

C’est bien reconnaître, par là même, de la façon la plus explicite qui soit, que l’avantage consistant en un régime de retraite « chapeau » d’entreprise correspond à une rémunération différée sur laquelle les salariés acquièrent une quote-part de droit avant même leur départ en retraite, via les provisions financées par l’entreprise au titre de son obligation de garantir ses engagements. Le fait que la provision ait une nature indivisible ne constitue pas, à cet égard, un obstacle dirimant.

De ce constat théorique peut découler la conséquence pratique selon laquelle tout cadre salarié d’entreprise entrant dans le champ d’application d’un dispositif de retraite « chapeau » peut revendiquer le bénéfice de droits acquis au prorata de son temps de présence, nonobstant son éviction prématurée de l’entreprise.
Il suffit, d’ailleurs, lors d’une opération de fermeture de site ou d’entreprise de se retourner vers la Compagnie d’assurances afin de récupérer les provisions constituées pour s’apercevoir que celles-ci ne sont pas enclines à les restituer sur la base justement de l’argumentaire selon lequel les salariés auraient peut-être des droits acquis dans le régime, au prorata de leur temps de présence.

Trop d’entreprises qui ont mis en place ce genre de dispositif ne se soucient pas assez de leur suivi et surtout du risque financier qui pèse sur elles à leur insu, en cas notamment de plan social.

Au-delà des enjeux classiques ayant trait à la mise en place et à la validation des plans sociaux, se pose la question de savoir si tout ou partie de la collectivité des personnels licenciés ne pourraient revendiquer le bénéfice de droits dans le régime à hauteur de leurs durées de présence respectives.

Quand on sait déjà que beaucoup d’entreprises sont gravement défaillantes par rapport à la constitution des provisions qu’imposent la loi Evin pour garantir la fiabilité de ces régimes, on entrevoit avec effroi le crash financier qui pourrait découler de telles revendications dont il n’est pas certain qu’elles ne pourraient prospérer.

S’il n’est pas de mise d’être trop péremptoire, ce risque devrait, en tout état de cause, être sérié et évalué.

Phénomène de mode dépassé, ces régimes de retraite « chapeau » ne connaissent plus le même engouement.

Faut-il encore se saisir du traitement des régimes qui ont été mis en place dont toutes les incidences n’ont certainement pas été perçues avec toute l’acuité nécessaire.

Finalement, ce type de dispositif nous montre les limites d’une certaine forme d’ingénierie juridique et, en tout état de cause, la nécessité d’évaluer de façon incessante les risques découlant des dispositifs internes mis en place dans les entreprises qui, par-delà les apparences, peuvent induire des séquelles majeures et produire des contre-effets.

Le rôle du Comité d’entreprise dans la mise en place d’un régime de prévoyance complémentaire

« Le rôle du Comité d’entreprise dans la mise en place d’un régime de prévoyance complémentaire » Semaine sociale Lamy du 27 janvier 1997 n° 824

Suivant que le régime de prévoyance est ou non obligatoire, les conséquences sur le plan social et sur le plan fiscal sont différentes.

Le comité d’entreprise peut prendre l’initiative de conclure un contrat de prévoyance, initiative qui entre pleinement dans ses compétences.

Rôle du comité d’entreprise dans la mise en place d’un régime de prévoyance complémentaire
Philippe BOUDIAS
Avocat spécialisé en droit social, Cabinet Giustiniani
Le Groupement européen d’intérêt économique « Juristes sociaux associés » regroupe 28 cabinets indépendants d’avocats conseils en droit social.

L’évolution jurisprudentielle sur le régime social des prestations des comités d’entreprise se caractérise par la soumission à charges sociales de nombreuses des prestations en espèces servies par ces comités avec appel en garantie du comité par l’employeur qui aura dû s’acquitter des cotisations.

Cette expérience ou encore cette menace a conduit nombre de comités à réfléchir à l’utilisation et à l’application de leur budget oeuvres sociales.

Et cette évolution, si elle s’est accompagnée à l’origine d’une certaine inhibition des comités dans la gestion de leurs oeuvres sociales, a eu, au moins, pour vertu cardinale de jouer le rôle d’un véritable aiguillon et de conduire à faire reculer la pratique qui conduisait la plupart des comités à se contenter de redistribuer leurs fonds sous forme de primes diverses (prime de rentrée scolaire, de vacances, de cantine, bons d’achat…).

Cette faculté n’a aujourd’hui plus cours au sein des comités sinon auprès des plus téméraires ou des moins sensibilisés aux risques qui s’attachent à de telles pratiques.

La variété, et par là même la consistance des prestations offertes par les comités d’entreprise aux salariés, est en phase de recomposition avec désormais une primauté accordée aux prestations en nature (facilité d’accès à des équipements de culture ou de loisirs).

Dans le cadre de cette mouvance, le domaine de la prévoyance complémentaire, c’est-à-dire de l’enrichissement de la couverture de santé des salariés, suscite de la part des comités un certain intérêt.

Nombre d’entre eux sont disposés à investir dans cet objectif. Pour autant, il s’agit d’un terrain miné, avec le risque que le comité ne transgresse ses attributions.

Un arrêt encore récent de la Cour de cassation du 27 mars 1996 (affaire Baruch c/Sté La Montagne) en fournit un exemple caractérisé puisqu’un comité avait pris l’initiative d’imposer à l’ensemble du personnel l’adhésion à une mutuelle, perdant par là même totalement de vue le fait qu’une oeuvre sociale doit demeurer une faculté offerte aux salariés et ne saurait en aucun cas se traduire par une obligation.

Aussi, peut-il être utile de baliser sur le plan juridique la marge de manoeuvre dont dispose un comité d’entreprise dans la perspective de bonifier la couverture sociale des salariés de l’entreprise, à sa seule initiative ou en partenariat avec la direction de l’entreprise.

Quelques points de repère

Il convient de situer les principaux éléments juridiques à prendre en considération.

  • Distinction entre régime de prévoyance obligatoire et régime de prévoyance facultatif sur le plan social

Le caractère obligatoire ou facultatif d’un régime de prévoyance s’entend par rapport à l’obligation pour les salariés concernés par la couverture d’adhérer au régime et de s’acquitter de leur quote-part de cotisations.

Le régime sera réputé obligatoire dans la mesure où l’ensemble des salariés couverts par le régime y seront obligatoirement affiliés.

Le régime sera réputé facultatif dans la mesure où l’affiliation de tel ou tel salarié procédera d’une initiative de sa part.

L’identification de ces deux types de régime passe par l’examen de la méthode qui a présidé à leur instauration.

Si le régime est adopté par le personnel à travers la signature d’un accord collectif ou par référendum (c’est-à-dire conclu avec un délégué syndical), il s’impose au personnel et chaque salarié est tenu de s’acquitter de sa quote-part salariale. Il a, en tant que tel, un caractère obligatoire.

Si le régime résulte d’une simple décision unilatérale de l’employeur, l’article 11 de la loi du 31 décembre 1989, dite loi Évin, prévoit que, dans ce cas, tout salarié pourra refuser de cotiser.

Dans la mesure où l’employeur ne tire pas de conséquence de ce refus, et où les salariés n’ayant pas cotisé demeurent dans l’entreprise, le régime a un caractère facultatif.

  • Conséquences de cette distinction sur le plan social et sur le plan fiscal

Sur le plan fiscal, les cotisations patronales et salariales à un régime de prévoyance sont déductibles fiscalement pour le salarié dans la limite d’un certain plafond, sous réserve qu’elles se rapportent à un régime de prévoyance obligatoire (art. 83 du Code général des impôts).

Sur le plan social, les cotisations patronales à un régime de prévoyance ne sont pas soumises à charges sociales dans la limite d’un certain plafond (art. L. 242-1, alinéa 4, et D. 242-1 du Code de la sécurité sociale).

Cette exonération n’est pas subordonnée au caractère obligatoire du régime.

  • Conséquences de cette distinction vis-à-vis du comité d’entreprise

Le texte de référence est ici l’article R. 432-2 du Code du travail :

« Les activités sociales et culturelles établies dans l’entreprise au bénéfice des salariés ou anciens salariés de l’entreprise et au bénéfice de leur famille comprennent : « 1% des institutions sociales de prévoyance et d’entraide telles que des institutions de retraite, les sociétés de secours mutuels… »

Bien que toute discussion ne soit pas close sur ce sujet, il est néanmoins acquis que seuls les régimes de prévoyance revêtant un caractère facultatif ont la nature d’une oeuvre sociale dont la gestion revient ou peut être revendiquée par le comité d’entreprise.

Quelques décisions se sont prononcées clairement en ce sens.

« Constitue une activité sociale dont le comité d’entreprise ou d’établissement peut revendiquer à tout moment la gestion, la prise en charge par l’employeur en dehors de toute obligation légale ou conventionnelle d’une partie de la cotisation due par ses salariés ayant décidé d’adhérer à une mutuelle. » (Cass. soc. 22 juin 1993, Aff. Sté Européenne des souffres industriels.)

« Les activités sociales et culturelles du comité d’entreprise se définissent par le caractère facultatif des avantages qu’elles procurent aux salariés ; il ne peut y avoir activité sociale là où existe une obligation née de la loi ou d’un accord collectif.

« La ratification par la majorité des salariés d’un projet d’accord proposé par l’employeur en vue d’assurer un régime collectif de couverture sociale dans les conditions prévues par la loi du 31 décembre 1989, a fait perdre son caractère facultatif au régime de prévoyance précédemment en place, l’accord majoritaire des salariés par voie de référendum ayant eu pour effet de donner force contractuelle à la proposition de l’employeur ; dès lors, le nouveau système adopté ne constitue plus une oeuvre sociale au sens de l’article L. 432-8 du Code du travail puisqu’il s’impose à l’employeur aussi bien qu’aux salariés. » (T.G.I. Paris, 5 décembre 1994, Aff. C.S.E.E. Transport.)

Situations examinées

Deux situations peuvent se présenter.

1. L’initiative de conclure un contrat de prévoyance est prise par le comité

Cela signifie qu’il y aurait un contrat conclu entre le comité et un organisme de prévoyance, initiative qui entre pleinement dans les compétences du comité d’entreprise.

Dans ce cas, il n’y a aucune raison objective militant pour que ce contrat soit à adhésion obligatoire.

Au contraire, la vocation première du comité est de proposer un « service », ce qui conduirait à ce que le contrat conclu avec la mutuelle soit à adhésion facultative, ce qui vient d’être confirmé par la jurisprudence :

« Il n’appartient pas au comité d’entreprise d’imposer aux salariés l’adhésion à une mutuelle. Par suite, viole l’article 1134 du Code civil la Cour d’appel qui rejette la demande d’un salarié en remboursement de cotisations à une mutuelle prélevée sur son salaire par l’employeur, alors qu’elle n’a pas constaté que le salarié avait personnellement adhéré à cette mutuelle » (Cass. soc. 27 mars 1996, Affaire Baruch c/Sté La Montagne).

Ce contrat devrait, naturellement, définir la part de cotisations revenant au comité et celle assumée directement par chaque salarié adhérent.

Et, dans ce cadre, les cotisations versées par le comité suivraient le régime des contributions patronales à un régime de prévoyance et seraient exonérées de charges sociales dans les mêmes limites.

Il est notable d’ailleurs, que la lettre ACOSS du 14 février 1986, concernant les prestations servies par le comité d’entreprise, exonère les contributions versées par un comité à une mutuelle dont l’adhésion est ouverte sans discrimination. Il doit également être précisé que le fait, pour un comité, de contracter avec un organisme de prévoyance, ne saurait encourir de griefs de la part des salariés :

« Le comité d’entreprise a la faculté de décider, hors de toute discrimination, l’affectation des fonds consacrés à ses activités sociales et culturelles. »

« En conséquence, un salarié ne peut obtenir l’annulation de la décision du comité d’adhérer à une mutuelle déterminée avec participation aux cotisations versées à cette mutuelle, à l’exclusion de toute autre, dès lors que la liberté de ce salarié d’adhérer à la mutuelle de son choix n’est pas affectée et qu’il ne subit donc aucun préjudice » (Cass. soc. 9 mai 1989, Marchand /CAF de St-Étienne).

2. L’initiative de ce contrat est prise par la direction de l’entreprise

C’est donc la direction de l’entreprise qui, cette fois, met en place la couverture sociale complémentaire au profit des salariés, le comité n’intervenant alors que pour assumer une partie de la cotisation salariale. Deux cas de figure étaient à examiner jusqu’alors.

  • Il n’y a pas d’obligation pour le personnel d’être affilié au régime de prévoyance

Il convient de savoir que, dans ce cas, si le comité décidait de prendre à sa charge une partie des cotisations salariales à la mutuelle, cette contribution serait assimilée à un complément de salaire et donc soumis à charges sociales. L’instruction ACOSS du 17 avril 1985 et la lettre-circulaire ACOSS du 14 février 1986 posaient très clairement le principe suivant :

« La prise en charge par le comité de la participation des salariés au financement de régimes complémentaires de prévoyance ou de retraite est exonérée de charges sociales, dès lors que le régime revêt un caractère obligatoire. »

L’ACOSS a cependant très récemment remanié sa position à la suite d’un arrêt du 4 avril 1996 (Semaine Sociale Lamy, n° 790), au terme duquel la prise en charge par l’employeur de tout ou partie de la cotisation salariale à un régime de prévoyance bénéficiait de la même exonération que les contributions patronales.

Elle considère désormais (lettre-circulaire n° 96-94 du 3 décembre 1996) que toute prise en charge par un comité d’entreprise d’une contribution sociale doit suivre le même mode d’exonération que celui applicable aux contributions patronales (Semaine Sociale Lamy, n° 821, p. 14).

  • Le régime mis en place est obligatoire

Cela signifie que tout salarié de ladite société y sera affilié.

Le comité, dans ce cadre, pourra toujours décider de prendre en charge une partie des cotisations salariales.

Cette contribution serait exonérée de charges (cf. plus haut, référence aux circulaires de l’ACOSS).

Le clivage initial, selon qu’il s’agissait d’un régime à adhésion obligatoire ou facultative, est à présent, semble-t-il, sans conséquence.

Tels sont les différents aspects auxquels il convient de prêter attention.

Enfin, et en raison du fait que les positions de l’administration n’ont qu’une valeur de tolérance et ne lient pas les URSSAF, pas plus que les tribunaux, il convient, le moment venu, et pour prévenir toute versatilité de l’URSSAF, d’obtenir la confirmation écrite par celle-ci, que, par rapport à tel ou tel projet, elle s’aligne sur la position de l’ACOSS.

Erratum
Dans la Chronique européenne de notre numéro 821 relative aux modifications intervenues dans la législation sociale en Allemagne, dans la marge de la page 3 au lieu de lire de 6 à 12 salariés, lire de 6 à 11 salariés.

Du bon usage des clauses de garantie indemnitaire ou de stabilité d’emploi

« Du bon usage des clauses de garantie indemnitaire ou de stabilité d’emploi » Semaine sociale Lamy du 6 février 1995 n ° 730

Philippe BOUDIAS, Avocat G.E.I.E. Juristes Sociaux Associés
Le G.E.I.E J.S.A. regroupe 28 cabinets indépendants d’avocats-conseils en droit social.

A l’exception d’une faute grave ou d’un cas de force majeure, les clauses de stabilité d’emploi restreignent partiellement le droit de l’employeur de rompre le contrat de travail.

Il est fréquent que des cadres qui sont conduits, pour faire évoluer leur carrière, à passer au service d’une nouvelle entreprise, cherchent à s’assurer le bénéfice d’un certain nombre de garanties contractuelles.
Ceci est significatif de ce que le droit, trop longtemps perçu par les non-initiés comme une contrainte ou l’expression d’un formalisme tatillon, est désormais appréhendé par tout individu, acteur de la vie économique, comme un instrument concourant à la protection de ses intérêts.
N’exige-t-on pas d’un juriste chargé de la rédaction d’un document contractuel qu’il soit à même d’appréhender les problématiques éventuelles qui s’attacheront à la vie ou à la rupture du contrat ?
Cet exercice de prospective – cette recherche d’une certaine prévisibilité concernant l’avenir des relations contractuelles – semble désormais avoir gagné la majorité des esprits.
Et si, jusqu’alors seule une légitimité était reconnue à la demande de garanties contractuelles formulées par une minorité de cadres ou, plus exactement une élite, cette situation a depuis largement évolué.
De plus en plus nombreux sont les cadres qui sont portés à solliciter des garanties (Les Échos Management du 8 février 1994).

Deux raisons président à cette évolution.

1. La crise économique a affecté, pour la première fois, le personnel d’encadrement, et ceci quel que soit son niveau de compétence.
Les difficultés de reclassement sont, par ailleurs, devenues également une réalité pour ces salariés.
L’assurance de disposer de garanties contractuelles est alors de nature à apaiser un certain nombre d’inquiétudes.
2. Le recrutement de cadres s’opère, le plus souvent, par le biais de cabinets spécialisés qui sont mandatés pour prendre contact avec des salariés en poste dont le profil et l’expérience présentent un intérêt déterminant pour leur client.
Cette configuration met en situation le cadre de subordonner sa venue dans l’entreprise à certaines conditions. Une véritable négociation financière s’ouvre alors. Les entreprises conduites dans ce contexte à négocier les garanties contractuelles les plus diverses doivent savoir ce qu’impliqueront, sur le plan juridique, leurs initiatives, notamment en ce qui concerne les clauses de garantie indemnitaire et les clauses de stabilité d’emploi.
Clauses de garantie indemnitaire

Le dispositif d’une telle clause consiste à prévoir qu’il sera alloué au salarié, en cas de rupture de son contrat de travail à l’initiative de l’employeur, une indemnité dont le montant est soit prédéterminé, soit exprimé par référence à un certain nombre de mois de rémunération.
L’extrême simplicité de ce mécanisme, s’il suscite le plus souvent une rédaction dépouillée de la clause contractuelle qui le traduit, est, par ailleurs, peu propice à faire naître chez l’une ou l’autre des. parties contractantes des interrogations sur le régime et la portée réelle d’une telle garantie. Tout semble, à leurs yeux, être effectivement consigné dans la traduction contractuelle de la garantie telle que définie après négociation.
Le temps des surprises n’est pas toujours long à venir !

• Rattachement de ce type de clause au régime des clauses pénales

La clause pénale régie par l’article 1152 du Code civil est celle par laquelle deux parties conviennent par avance de la somme qui interviendra à titre de dédommagement pour le cas où l’un des engagements contractés ne serait pas respecté.
Et la spécialité de la clause pénale réside dans le fait que le juge se voit confier le pouvoir de modérer ou de majorer le montant des dommages et intérêts prévus contractuellement (sur les clauses pénales en droit du travail, Isabelle Chevalier, Semaine Sociale Lamy n° 662).
Jusqu’à présent, la Cour de cassation fait obéir les clauses de garantie indemnitaire au régime des clauses pénales (Cass. soc. 18 décembre 1979, – Bull. civ. V, n° 1009 ; Cass. soc. 9 novembre 1983, Bull. civ. V, n° 547; Cass. soc. 2 juillet 1984, Bull. civ. V, n° 279).
Les juridictions du fond développent une analyse similaire (C.A. Paris 23 avril 1992, Fédération française de motocyclisme c/Peyronnet ; C.A. Paris 18 mai 1993, Teresa coiffure c/Guinard ; C.A. Versailles 11 janvier 1994, Tayo international c/Ferrari ; C.A. Paris 25 février 1994, Salaisons Imbert c/Vauclel ; C.A. Aix-en-Provence 17 mai 1994, Roux c/Ets Roux).

Le salarié et l’employeur, le plus souvent seulement au moment de l’établissement du solde de compte du salarié à la suite d’un licenciement, découvrent alors la véritable nature de la garantie prévue contractuellement.
Le salarié qui pensait que la garantie qu’il avait obtenue était inaltérable connaît une certaine déception.
L’entreprise qui, eu égard au parcours du salarié à son service, juge, a posteriori, exorbitante la garantie concédée, retrouve des raisons d’espérer pouvoir se dégager d’une charge qu’elle estime injuste d’avoir à assumer.
Les litiges qui ont pris naissance dans un tel contexte nous enseignent que les tribunaux sont parfois amenés à décider d’une réduction de l’indemnisation du salarié pour des considérations qui tiennent à la durée très courte de la prestation de travail fournie (Cass. soc. 23 mars 1989, Bonrepos c/Financière industrielle Gaz et eaux), à la durée de la période de chômage consécutive à la cessation des relations de travail (Cass. soc. 7 mars 1984, Revillo Frères c/Perrier de Larson), au niveau de la rémunération perçue par le salarié dans son nouvel emploi postérieur à la rupture, ou encore au motif même du licenciement (incompétence avérée).
Le pouvoir de modération de l’indemnité est parfois exercé par le juge de façon radicale : une indemnité contractuelle de licenciement correspondant à deux années de salaire a pu être réduite à 28 000 F, soit une somme très inférieure (Cass. soc. 2 juillet 1984, Bull. civ. V, n° 279).
Ceci étant, et au-delà de ce simple panorama, on peut s’interroger sur le caractère durable de ce rattachement des garanties indemnitaires à l’article 1152 du Code civil.
Il faut ainsi relever, au niveau jurisprudentiel, un arrêt de la chambre sociale de la Cour de cassation du 17 avril 1991 (Sté de travaux électriques c/Viard), qui bien que ne constituant pas un revirement de jurisprudence, témoigne d’une certaine évolution comme se sont plus à le relever certains commentateurs (Cahiers sociaux du Barreau de Paris, n° 34-A 55).
Dans cet arrêt, la Cour de cassation pose, en effet, comme principe à propos d’une clause de garantie indemnitaire, que « le contrat fait la loi entre les parties, quelles que soient les circonstances postérieures à sa conclusion ».
Une telle formulation, même si le problème n’était pas directement posé, peut-elle encore laisser prospérer l’analyse qui fondait les juges à faire application de l’article 1152 du Code civil pour réduire, le cas échéant, l’indemnité due au salarié ?
Il serait prématuré de se prononcer sur ce point, d’autant que la Cour de cassation, à notre connaissance, n’a pas eu l’occasion de prendre une position de principe.
Et sur le plan doctrinal, les plus éminents auteurs ne s’accordent pas sur l’analyse qui
doit être faite quant à la nature de l’indemnité contractuelle de licenciement (en faveur d’un rapprochement avec la clause pénale, H. Blaise, Droit social 1980, p. 365, contra, D. Mazeaud, Droit social 1994, p. 343).
Mais, comme le souligne le Professeur Mazeaud, toute discussion à ce sujet doit, avant tout, prendre en compte la définition même de la clause pénale.
La caractéristique essentielle d’une clause pénale est qu’elle constitue une sanction du non-respect par l’une des parties de ses obligations.
Retrouve-t-on la même inspiration dans l’indemnité contractuelle garantie de licenciement ?
Il ne peut, nous semble-t-il, y avoir de réponse à cette question sans s’intéresser à la rédaction de ces clauses.
Il faut alors faire référence à la variante la plus fréquente que l’on rencontre à ce niveau.
S’il arrive que le contrat de travail octroie au salarié une indemnité sans autre précision sur l’application dans le temps de cette garantie, il est aussi fréquent qu’il soit prévu que cette garantie ne trouvera application que pour le cas où la société serait amenée à rompre le contrat du salarié, par exemple, dans l’année ou les deux années suivant son embauche.
Dans la situation où l’application de la garantie indemnitaire n’est pas limitée dans le temps, la référence au régime des clauses pénales semble critiquable (analyse D. Mazeaud, cité plus haut).
En effet, en accordant ce type de garantie, l’employeur, non seulement n’obère pas pour autant son droit de licencier, mais encore n’a pas donné à l’attribution de l’indemnité contractuelle de licenciement la portée de l’engagement d’une durée minimum d’emploi.
Il ne peut, par conséquent, être considéré que l’indemnité contractuelle répond à la rupture d’un engagement.
Il n’en va pas de même dans l’autre cas.
Dans cette autre hypothèse, l’indemnité contractuelle est connectée avec ce qui apparaît bien être un engagement de l’employeur de pérenniser sa relation de travail sur une durée précise (sans qu’il s’agisse d’un véritable engagement de stabilité d’emploi).
L’indemnité ne fait alors que réparer le préjudice résultant de la décision de l’employeur de ne pas maintenir la relation de travail sur la durée prévue.
Un rattachement au régime des clauses pénales apparaît alors moins osé.

• Portée selon la nature du licenciement

Nous l’avons vu, les clauses garantissant contractuellement à un salarié une indemnité ne sont pas nécessairement très explicites.
Il peut être prévu que certaines situations de rupture à l’initiative de l’employeur n’emportent pas le bénéfice de l’indemnité contractuelle.
Mais il arrive fréquemment que soit énoncé simplement le cas d’un licenciement « pour quelque motif que ce soit ».
D’où la naissance d’un certain nombre de problématiques.

1. En cas de licenciement pour faute grave ou lourde. La jurisprudence, pour le cas de faute grave, admet l’application de la garantie indemnitaire contractuelle si la rédaction de la clause est générale (Cass. soc. 4 juillet 1990, Bull. civ. V, n° 347).
Elle juge qu’une telle disposition ne contrarie pas le pouvoir de l’employeur de mettre un terme à ses relations contractuelles.
Dans le cas d’une faute lourde, il n’en est pas de même.
Ainsi, la Cour d’appel de Douai (18 décembre 1992, Dujanlin c/S.A. H.L.M. Nord Artois), considère alors que, dans cette circonstance, le droit de rupture unilatérale du contrat de travail dont dispose l’employeur et la garantie indemnitaire ne peuvent s’accorder.
Permettre à ladite garantie indemnitaire de s’appliquer en cas de faute lourde conférerait au salarié une certaine immunité heurtant directement le pouvoir de l’employeur de licencier, et la possibilité de s’affranchir de ses obligations contractuelles sans que l’employeur soit dispensé, corrélativement, des siennes.

2. En cas de licenciement économique. Si une entreprise se trouve dans une situation difficile la conduisant à procéder à un licenciement, il a été soutenu que cela devait permettre, lors du licenciement économique du salarié bénéficiaire d’une indemnité contractuelle, de neutraliser cette garantie.
La jurisprudence se refuse à avaliser cette position en précisant de façon très claire que l’engagement de la société devait être examiné à la date à laquelle celui-ci avait été pris (Cass. soc. 17 avril 1991, Sté de travaux électriques c/Viard).
Clauses de stabilité d’emploi

L’insertion de ce type de clause dans le champ contractuel est motivée, le plus souvent, par la volonté d’un salarié auquel est confiée une mission de redressement d’un secteur d’une entreprise de s’assurer qu’il disposera du temps qu’il juge nécessaire pour obtenir des résultats et, ainsi, s’assurer une certaine sérénité indispensable à un travail efficace.
La revendication d’une telle garantie traduit dans d’autres situations une volonté pour le salarié de renforcer son statut et d’échapper aux vicissitudes de la relation de travail, ou encore le souci pour les cadres les plus avancés en âge de favoriser la jonction, dans les meilleures conditions, avec l’âge de la retraite.
Au terme des dispositions figurant alors dans le contrat de travail du salarié, ce dernier se voit
assurer d’une stabilité d’emploi pour une durée certes limitée qui, parfois, n’en est pas moins très conséquente (ex : clause de garantie d’emploi de 10 ans ; C.A. Rouen 24 juin 1993, Formager c/Lemoine).
Le caractère substantiel d’un tel avantage fait, par ailleurs, très souvent, que le salarié ne peut pas obtenir qu’une clause de garantie indemnitaire intervienne en complément ou en relais.

• Compatibilité de ce type d’engagement avec les principes gouvernant la rupture du contrat à durée indéterminée

Il est très clairement admis que l’insertion d’une clause de stabilité d’emploi dans le contrat de travail est parfaitement licite et n’est pas susceptible de remettre en cause la nature du contrat.
L’employeur peut ainsi décider d’aliéner partiellement son droit à rompre le contrat de travail du salarié.
Cette affirmation semble définitivement acquise sur le plan jurisprudentiel (Cass. soc. 16 mai 1990, Groupe service transports c/Cmnpourcy ; Cass. SOC. 7 novembre 1990, Bull. civ. V, IP 524).

• Consistance de cette garantie

Les employeurs n’ont pas alors toujours suffisamment conscience des contraintes qu’ils mettent à leur charge en garantissant à un salarié la stabilité de son emploi sur une certaine période.
Il doit, en effet, être rappelé qu’en souscrivant un tel engagement, l’employeur s’interdit de rompre le contrat de travail du salarié sur la période en cause, en dehors d’un cas de faute grave ou lourde ou d’un cas de force majeure.
L’employeur ne pourra, de ce fait, pas licencier à titre économique le salarié si la situation l’impose, sans se placer en contradiction avec la garantie octroyée.
Il ne pourra, de même, mettre à la retraite le salarié si, à la date à laquelle il peut procéder à cette mise à la retraite, le salarié continue à bénéficier de la garantie de son emploi (Cass. soc. 3 octobre 1991, Banque Sudameris c/Demary).
Notons, par ailleurs, qu’à défaut de précision le salarié conserve, pour sa part, la possibilité de démissionner en cours d’application de la clause (J. Savatier, Droit social 1991, p. 413).
Ces quelques éléments militent en faveur d’un usage très circonstancié de ce type de clauses contractuelles, ce qui n’est pas forcément toujours le cas actuellement.
Par ailleurs, il convient de relever qu’indépendamment des deux types de garanties examinés, d’autres dispositifs sont parfois retenus et notamment la reprise contractuelle de l’ancienneté qu’avait acquise le salarié au service d’un précédent employeur.