Le rôle du Comité d’entreprise dans la mise en place d’un régime de prévoyance complémentaire
« Le rôle du Comité d’entreprise dans la mise en place d’un régime de prévoyance complémentaire » Semaine sociale Lamy du 27 janvier 1997 n° 824
Suivant que le régime de prévoyance est ou non obligatoire, les conséquences sur le plan social et sur le plan fiscal sont différentes.
Le comité d’entreprise peut prendre l’initiative de conclure un contrat de prévoyance, initiative qui entre pleinement dans ses compétences.
Rôle du comité d’entreprise dans la mise en place d’un régime de prévoyance complémentaire
Philippe BOUDIAS
Avocat spécialisé en droit social, Cabinet Giustiniani
Le Groupement européen d’intérêt économique « Juristes sociaux associés » regroupe 28 cabinets indépendants d’avocats conseils en droit social.
L’évolution jurisprudentielle sur le régime social des prestations des comités d’entreprise se caractérise par la soumission à charges sociales de nombreuses des prestations en espèces servies par ces comités avec appel en garantie du comité par l’employeur qui aura dû s’acquitter des cotisations.
Cette expérience ou encore cette menace a conduit nombre de comités à réfléchir à l’utilisation et à l’application de leur budget oeuvres sociales.
Et cette évolution, si elle s’est accompagnée à l’origine d’une certaine inhibition des comités dans la gestion de leurs oeuvres sociales, a eu, au moins, pour vertu cardinale de jouer le rôle d’un véritable aiguillon et de conduire à faire reculer la pratique qui conduisait la plupart des comités à se contenter de redistribuer leurs fonds sous forme de primes diverses (prime de rentrée scolaire, de vacances, de cantine, bons d’achat…).
Cette faculté n’a aujourd’hui plus cours au sein des comités sinon auprès des plus téméraires ou des moins sensibilisés aux risques qui s’attachent à de telles pratiques.
La variété, et par là même la consistance des prestations offertes par les comités d’entreprise aux salariés, est en phase de recomposition avec désormais une primauté accordée aux prestations en nature (facilité d’accès à des équipements de culture ou de loisirs).
Dans le cadre de cette mouvance, le domaine de la prévoyance complémentaire, c’est-à-dire de l’enrichissement de la couverture de santé des salariés, suscite de la part des comités un certain intérêt.
Nombre d’entre eux sont disposés à investir dans cet objectif. Pour autant, il s’agit d’un terrain miné, avec le risque que le comité ne transgresse ses attributions.
Un arrêt encore récent de la Cour de cassation du 27 mars 1996 (affaire Baruch c/Sté La Montagne) en fournit un exemple caractérisé puisqu’un comité avait pris l’initiative d’imposer à l’ensemble du personnel l’adhésion à une mutuelle, perdant par là même totalement de vue le fait qu’une oeuvre sociale doit demeurer une faculté offerte aux salariés et ne saurait en aucun cas se traduire par une obligation.
Aussi, peut-il être utile de baliser sur le plan juridique la marge de manoeuvre dont dispose un comité d’entreprise dans la perspective de bonifier la couverture sociale des salariés de l’entreprise, à sa seule initiative ou en partenariat avec la direction de l’entreprise.
Quelques points de repère
Il convient de situer les principaux éléments juridiques à prendre en considération.
- Distinction entre régime de prévoyance obligatoire et régime de prévoyance facultatif sur le plan social
Le caractère obligatoire ou facultatif d’un régime de prévoyance s’entend par rapport à l’obligation pour les salariés concernés par la couverture d’adhérer au régime et de s’acquitter de leur quote-part de cotisations.
Le régime sera réputé obligatoire dans la mesure où l’ensemble des salariés couverts par le régime y seront obligatoirement affiliés.
Le régime sera réputé facultatif dans la mesure où l’affiliation de tel ou tel salarié procédera d’une initiative de sa part.
L’identification de ces deux types de régime passe par l’examen de la méthode qui a présidé à leur instauration.
Si le régime est adopté par le personnel à travers la signature d’un accord collectif ou par référendum (c’est-à-dire conclu avec un délégué syndical), il s’impose au personnel et chaque salarié est tenu de s’acquitter de sa quote-part salariale. Il a, en tant que tel, un caractère obligatoire.
Si le régime résulte d’une simple décision unilatérale de l’employeur, l’article 11 de la loi du 31 décembre 1989, dite loi Évin, prévoit que, dans ce cas, tout salarié pourra refuser de cotiser.
Dans la mesure où l’employeur ne tire pas de conséquence de ce refus, et où les salariés n’ayant pas cotisé demeurent dans l’entreprise, le régime a un caractère facultatif.
- Conséquences de cette distinction sur le plan social et sur le plan fiscal
Sur le plan fiscal, les cotisations patronales et salariales à un régime de prévoyance sont déductibles fiscalement pour le salarié dans la limite d’un certain plafond, sous réserve qu’elles se rapportent à un régime de prévoyance obligatoire (art. 83 du Code général des impôts).
Sur le plan social, les cotisations patronales à un régime de prévoyance ne sont pas soumises à charges sociales dans la limite d’un certain plafond (art. L. 242-1, alinéa 4, et D. 242-1 du Code de la sécurité sociale).
Cette exonération n’est pas subordonnée au caractère obligatoire du régime.
- Conséquences de cette distinction vis-à-vis du comité d’entreprise
Le texte de référence est ici l’article R. 432-2 du Code du travail :
« Les activités sociales et culturelles établies dans l’entreprise au bénéfice des salariés ou anciens salariés de l’entreprise et au bénéfice de leur famille comprennent : « 1% des institutions sociales de prévoyance et d’entraide telles que des institutions de retraite, les sociétés de secours mutuels… »
Bien que toute discussion ne soit pas close sur ce sujet, il est néanmoins acquis que seuls les régimes de prévoyance revêtant un caractère facultatif ont la nature d’une oeuvre sociale dont la gestion revient ou peut être revendiquée par le comité d’entreprise.
Quelques décisions se sont prononcées clairement en ce sens.
« Constitue une activité sociale dont le comité d’entreprise ou d’établissement peut revendiquer à tout moment la gestion, la prise en charge par l’employeur en dehors de toute obligation légale ou conventionnelle d’une partie de la cotisation due par ses salariés ayant décidé d’adhérer à une mutuelle. » (Cass. soc. 22 juin 1993, Aff. Sté Européenne des souffres industriels.)
« Les activités sociales et culturelles du comité d’entreprise se définissent par le caractère facultatif des avantages qu’elles procurent aux salariés ; il ne peut y avoir activité sociale là où existe une obligation née de la loi ou d’un accord collectif.
« La ratification par la majorité des salariés d’un projet d’accord proposé par l’employeur en vue d’assurer un régime collectif de couverture sociale dans les conditions prévues par la loi du 31 décembre 1989, a fait perdre son caractère facultatif au régime de prévoyance précédemment en place, l’accord majoritaire des salariés par voie de référendum ayant eu pour effet de donner force contractuelle à la proposition de l’employeur ; dès lors, le nouveau système adopté ne constitue plus une oeuvre sociale au sens de l’article L. 432-8 du Code du travail puisqu’il s’impose à l’employeur aussi bien qu’aux salariés. » (T.G.I. Paris, 5 décembre 1994, Aff. C.S.E.E. Transport.)
Situations examinées
Deux situations peuvent se présenter.
1. L’initiative de conclure un contrat de prévoyance est prise par le comité
Cela signifie qu’il y aurait un contrat conclu entre le comité et un organisme de prévoyance, initiative qui entre pleinement dans les compétences du comité d’entreprise.
Dans ce cas, il n’y a aucune raison objective militant pour que ce contrat soit à adhésion obligatoire.
Au contraire, la vocation première du comité est de proposer un « service », ce qui conduirait à ce que le contrat conclu avec la mutuelle soit à adhésion facultative, ce qui vient d’être confirmé par la jurisprudence :
« Il n’appartient pas au comité d’entreprise d’imposer aux salariés l’adhésion à une mutuelle. Par suite, viole l’article 1134 du Code civil la Cour d’appel qui rejette la demande d’un salarié en remboursement de cotisations à une mutuelle prélevée sur son salaire par l’employeur, alors qu’elle n’a pas constaté que le salarié avait personnellement adhéré à cette mutuelle » (Cass. soc. 27 mars 1996, Affaire Baruch c/Sté La Montagne).
Ce contrat devrait, naturellement, définir la part de cotisations revenant au comité et celle assumée directement par chaque salarié adhérent.
Et, dans ce cadre, les cotisations versées par le comité suivraient le régime des contributions patronales à un régime de prévoyance et seraient exonérées de charges sociales dans les mêmes limites.
Il est notable d’ailleurs, que la lettre ACOSS du 14 février 1986, concernant les prestations servies par le comité d’entreprise, exonère les contributions versées par un comité à une mutuelle dont l’adhésion est ouverte sans discrimination. Il doit également être précisé que le fait, pour un comité, de contracter avec un organisme de prévoyance, ne saurait encourir de griefs de la part des salariés :
« Le comité d’entreprise a la faculté de décider, hors de toute discrimination, l’affectation des fonds consacrés à ses activités sociales et culturelles. »
« En conséquence, un salarié ne peut obtenir l’annulation de la décision du comité d’adhérer à une mutuelle déterminée avec participation aux cotisations versées à cette mutuelle, à l’exclusion de toute autre, dès lors que la liberté de ce salarié d’adhérer à la mutuelle de son choix n’est pas affectée et qu’il ne subit donc aucun préjudice » (Cass. soc. 9 mai 1989, Marchand /CAF de St-Étienne).
2. L’initiative de ce contrat est prise par la direction de l’entreprise
C’est donc la direction de l’entreprise qui, cette fois, met en place la couverture sociale complémentaire au profit des salariés, le comité n’intervenant alors que pour assumer une partie de la cotisation salariale. Deux cas de figure étaient à examiner jusqu’alors.
- Il n’y a pas d’obligation pour le personnel d’être affilié au régime de prévoyance
Il convient de savoir que, dans ce cas, si le comité décidait de prendre à sa charge une partie des cotisations salariales à la mutuelle, cette contribution serait assimilée à un complément de salaire et donc soumis à charges sociales. L’instruction ACOSS du 17 avril 1985 et la lettre-circulaire ACOSS du 14 février 1986 posaient très clairement le principe suivant :
« La prise en charge par le comité de la participation des salariés au financement de régimes complémentaires de prévoyance ou de retraite est exonérée de charges sociales, dès lors que le régime revêt un caractère obligatoire. »
L’ACOSS a cependant très récemment remanié sa position à la suite d’un arrêt du 4 avril 1996 (Semaine Sociale Lamy, n° 790), au terme duquel la prise en charge par l’employeur de tout ou partie de la cotisation salariale à un régime de prévoyance bénéficiait de la même exonération que les contributions patronales.
Elle considère désormais (lettre-circulaire n° 96-94 du 3 décembre 1996) que toute prise en charge par un comité d’entreprise d’une contribution sociale doit suivre le même mode d’exonération que celui applicable aux contributions patronales (Semaine Sociale Lamy, n° 821, p. 14).
- Le régime mis en place est obligatoire
Cela signifie que tout salarié de ladite société y sera affilié.
Le comité, dans ce cadre, pourra toujours décider de prendre en charge une partie des cotisations salariales.
Cette contribution serait exonérée de charges (cf. plus haut, référence aux circulaires de l’ACOSS).
Le clivage initial, selon qu’il s’agissait d’un régime à adhésion obligatoire ou facultative, est à présent, semble-t-il, sans conséquence.
Tels sont les différents aspects auxquels il convient de prêter attention.
Enfin, et en raison du fait que les positions de l’administration n’ont qu’une valeur de tolérance et ne lient pas les URSSAF, pas plus que les tribunaux, il convient, le moment venu, et pour prévenir toute versatilité de l’URSSAF, d’obtenir la confirmation écrite par celle-ci, que, par rapport à tel ou tel projet, elle s’aligne sur la position de l’ACOSS.
Erratum
Dans la Chronique européenne de notre numéro 821 relative aux modifications intervenues dans la législation sociale en Allemagne, dans la marge de la page 3 au lieu de lire de 6 à 12 salariés, lire de 6 à 11 salariés.