Bulletins JSA

JANVIER – FEVRIER 2021

Editorial

RUPTURE CONVENTIONNELLE :SA SÉCURITÉ JURIDIQUE IMPLIQUE LA LOYAUTÉ !

Si l’indemnité de rupture conventionnelle coûte 20% de charges sociales à l’employeur (forfait social) par rapport à l’indemnité de licenciement, elle a l’immense avantage de réduire très fortement le risque de contentieux de la rupture du contrat de travail.
C’est le prix de la (presque) tranquillité, notamment pour des situations où la rupture est quasi impossible.
Rappelons en effet qu’une rupture conventionnelle peut, par exemple, être conclue avec une salariée en congé maternité ou pendant la période de protection suivant la fin de son congé (Cass soc 25 mars 2015 n°14-10.149, Mme N c société Sword).
Il en est de même avec la victime d’un accident du travail : pendant la période de suspension de son contrat (Cass soc 30 septembre 2014 n°13- 16.297, Mme X c Strand Cosmetics Europe), ou ultérieurement alors qu’elle a été déclarée inapte à son poste (Cass soc 9 mai 2019 n°17-28.767, Mme T c société AFR France).
Possible dans ces cas extrêmes, la rupture conventionnelle devrait connaitre un regain d’utilisation dans les mois à venir, lorsque la mise sous perfusion de l’économie française s’arrêtera.
Au-delà des entreprises « zombies » qui étaient déjà condamnées avant la crise sanitaire, bon nombre d’entreprises auparavant saines ont énormément souffert depuis mars 2020 et voudront ajuster leurs effectifs.
La voie naturelle du licenciement pour motif économique étant semée d’embûches et « d’opportunités » d’être condamné pour licenciement sans cause réelle et sérieuse (pertinence du motif économique, catégories professionnelles, critères, reclassement …) la tentation de recourir à une rupture conventionnelle sera forte.
Il suffira d’être persuasif se diront certains, ce d’autant plus qu’un contexte économique n’est pas en soi un motif de refus d’homologation par la DIRECCTE, en dehors de la mise en oeuvre d’un plan de sauvegarde de l’emploi (PSE) ou d’un accord de GPEC.
Mais un arrêt récent devra les inciter à la prudence (Cass soc 6 janvier 2021 n°19-18.549, société Lotoise d’évaporation c M. Z) : dissimuler au salarié la préparation d’un PSE peut vicier son consentement et rendre la rupture conventionnelle nulle.
Rien de révolutionnaire dans le principe de cet arrêt sur la raison de l’annulation : ce sont les vices du consentement.
C’est LE moyen, avec la fraude, d’obtenir l’annulation de la rupture et sa requalification en licenciement sans cause réelle et sérieuse avec les conséquences indemnitaires induites.
Pourtant, au cas présent, il semble que le salarié avait exprimé le souhait de partir, avec le projet de reprise d’une entreprise artisanale.
Mais, deux mois après la signature du cerfa de rupture conventionnelle, l’employeur a présenté au comité d’entreprise un plan de sauvegarde de l’emploi, comprenant notamment la suppression de son poste, manifestement unique (responsable de production).
S’agissant d’un PSE, le salarié aurait pu bénéficier des mesures d’accompagnement, en l’espèce et notamment un congé de reclassement de 12 mois et une aide à la création ou reprise d’entreprise.
Constatant la dissimulation de cette information essentielle et déterminante du consentement du salarié, la cour d’appel a caractérisé que son consentement a été vicié.
Ce faisant, elle sanctionne la déloyauté de l’entreprise.
Certes, dans le contexte précité de sortie de crise sanitaire, toutes les entreprises ne seront pas assujetties à la procédure de PSE (au moins 10 licenciements économiques envisagés sur 30 jours avec un effectif d’au moins 50 salariés).
Elles seront encore moins nombreuses à être assujetties au congé de reclassement (entreprise ou groupe d’au moins 1000 salariés).
Mais le simple CSP (contrat de sécurisation professionnelle) et ses 12 mois d’indemnisation majorée sans carence pôle emploi et avec un dispositif d’accompagnement plus étendu, n’est-il pas bien plus intéressant que l’allocation chômage de droit commun ?
Selon les cas, ce type d’information peut être déterminant du consentement du salarié, et donc être susceptible d’entrainer la nullité de la rupture conventionnelle.
Dès lors, l’entreprise devra veiller à ne pas engager de plan de licenciement économique trop tôt après la signature du cerfa (au cas d’espèce, avec un contexte de difficultés économiques connues, 2 mois étaient insuffisant).
Ou alors, elle devra jouer cartes sur table et conserver la preuve écrite qu’elle a informé son salarié d’une possible procédure de licenciement économique à venir pouvant concerner son poste, ainsi que des conséquences induites.
Mais ce faisant, attention à ne pas porter atteinte au droit d’information du Comité Social et Economique et / ou engendrer l’inquiétude du personnel du fait d’un salarié trop bavard.
La vie d’employeur n’est décidément pas un long fleuve tranquille…

Actualité

PATERNITÉ : LA LOI DE FINANCEMENT DE LA SÉCURITÉ SOCIALE POUR 2021 ALLONGE LE CONGÉ DE PATERNITÉ ET LE REND POUR PARTIE OBLIGATOIRE.

Elle modifie également le régime des congés d’adoption et de naissance.
Ce dispositif est applicable pour les naissances ou adoptions intervenant à compter du 1er juillet 2021, ainsi que pour celles intervenues avant cette date mais supposées intervenir à compter de cette date.

CONGÉ DE NAISSANCE : CONGÉ D’AU MOINS 3 JOURS OUVRABLES OBLIGATOIRES AU MOMENT DE LA NAISSANCE DE L’ENFANT

A ce jour, il est exigé que la naissance intervienne au foyer du père, ce qui interdit au père séparé de la mère de bénéficier de ce congé de naissance.
A l’avenir, le père mais aussi également, le cas échéant, le conjoint ou concubin de la mère ou la personne liée à elle par un Pacs, bénéficiera, s’il est salarié, d’un congé de naissance de trois jours ouvrables minimum (pouvant être augmenté par accord collectif).
Ce congé devra désormais être pris, au choix du salarié, le jour de la naissance ou le premier jour ouvrable qui suivra. En cas de congés payés, ce congé de naissance débutera immédiatement à l’issue de cette période.
Le salarié reste, pendant cette période, normalement rémunéré par son employeur.
La prise de ce congé de naissance est rendue obligatoire. Il est donc interdit, à compter du 1er juillet 2021, d’employer le salarié pendant ces trois jours.
Une telle interdiction risque de poser quelques difficultés à l’employeur de familles en cours de recompositions, pour lesquels plusieurs bénéficiaires pourront être éligibles à ce dispositif.

CONGÉ DE PATERNITÉ : 25 JOURS AU LIEU DE 11, DONT 4 OBLIGATOIRES

A compter du 1er juillet 2021, le père ainsi que, le cas échéant, le conjoint ou concubin de la mère ou la personne liée à elle par un Pacs bénéficiera, s’il est salarié, d’un congé de paternité et d’accueil de l’enfant de 25 jours (contre 11 jours consécutifs à ce jour) ou de 32 jours calendaires en cas de naissances multiples (contre 18 jours consécutifs à ce jour), pendant lequel il percevra des indemnités journalières de sécurité sociale (IJSS).
A la différence du congé de naissance, il s’agit de jours calendaires.
Ce congé est composé d’une première période de quatre jours consécutifs qui fait immédiatement suite au congé de naissance et d’une seconde période de 21 jours – portée à 28 jours en cas de naissances multiples – fractionnable pouvant être prise ultérieurement.
Un décret à venir fixera le délai dans lequel le salarié devra informer son employeur de la date prévisionnelle de l’accouchement, des dates de prise du congé et de sa durée, ainsi que le délai dans lequel les jours de congés doivent être pris et ses modalités de fractionnement. Ces délais de prévenance seront compris entre 15 jours et deux mois.
Comme pour le congé de naissance, la première période de congé de paternité de 4 jours calendaires est assortie d’une interdiction d’emploi. Il est donc également obligatoire.
Cette interdiction d’emploi fait toutefois l’objet d’aménagements :
• elle est reportée si, au moment de la naissance, le salarié est en congés payés ou en congés pour événement familial (mariage, conclusion d’un Pacs, décès, etc.) à la date de fin de cette période ;
• elle ne s’applique pas pendant la prolongation de la période de quatre jours en raison d’une hospitalisation de l’enfant ;
• elle ne s’applique pas si le salarié ne peut pas bénéficier des IJSS, (notamment s’il n’a pas suffisamment cotisé avant la naissance).
Articles L1225-35 modifié, nouvel article L1225-35-1, article L3142-1,3° modifié et 3bis nouveau, article L3142-4 modifié du Code du Travail.

PROTECTION ATTACHÉE À LA PATERNITÉ :

Il est utile de rappeler qu’aucun employeur ne peut rompre le contrat de travail d’un salarié pendant les dix semaines suivant la naissance de son enfant (Article L1225- 4-1 du Code du Travail).

L’employeur peut néanmoins rompre le contrat s’il justifie d’une faute grave de l’intéressé ou de son impossibilité de maintenir ce contrat pour un motif étranger à l’arrivée de l’enfant.
Cette protection ne bénéficie qu’au père biologique de l’enfant.

ÉVOLUTION PARTIELLE DU CONGÉ D’ADOPTION :

A ce jour, un salarié adoptant un enfant peut bénéficier d’un congé de 10 semaines pour les deux premiers enfants arrivant au foyer, allongé lorsque l’adoption concerne un troisième enfant ou des adoptions multiples.
Pour l’adoption d’enfants à compter du 1er juillet 2021, la durée du congé d’adoption est portée à 16 semaines. Le congé n’est toutefois pas allongé lorsque l’adoption porte à trois ou plus le nombre d’enfants au foyer : il reste de 18 semaines et de 22 semaines en cas d’adoptions multiples.

ENTRETIEN PROFESSIONNEL : NOUVEAU REPORT DE DÉLAI

Le premier entretien professionnel « 6 ans » pour l’état des lieux récapitulatif devait être réalisé au plus tard en mars 2020.
Il avait déjà fait l’objet d’un report au 31 décembre 2020.
Il est de nouveau reporté au 30 juin 2021 ce qui suspend également la sanction encourue par les entreprises d’au moins 50 salariés (abondement du CPF de votre salarié à hauteur de 3.000€).

Bulletin rédigé par Me Xavier BOULIER et Me Fabrice VIDEAU VOCA CONSEIL
8, rue Alfred KASTLER – UNICITE – 14000 CAEN