Bulletin JSA – Janvier 2013
Bulletin rédigé par
Olivier ROMANI & Virginie POULET-CALMET
Avocats associés
SELARL POLI-MONDOLONI-ROMANI & Associés
39, Boulevard Carabacel – 06000 NICE
1 EDITORIAL
RÉFLEXIONS SUR UN CONCEPT À GÉOMÉTRIE VARIABLE : LE GROUPE EN DROIT DU TRAVAIL
Aucun texte ne définit positivement le groupe: le juriste ne peut donc se référer qu’à des notions variables d’un droit à l’autre, ainsi qu’à une jurisprudence riche mais hétérogène.
Une définition négative du groupe par référence à des notions voisines (unité économique et sociale, groupements d’employeurs…) ou une définition purement économique apparaît rapidement décalée et/ou insuffisante.
Tenter de définir le groupe en droit du travail impose, assurément, de maîtriser les définitions de filiale, de participation, de contrôle, de comptes consolidés fixées par le Code de commerce (L233-1, L233-2, L233-3, L233-16) et de les dépasser puisque le juge social est presque toujours indifférent à la nature juridique des liens sociétaires. Identifier le groupe «social» implique, en effet, de régler plusieurs problématiques : la définition du groupe varie-t-elle réellement en fonction de la règle invoquée ? Le groupe est-il une notion passive réduite à un espace d’obligations spécifiques pour l’employeur et de droits pour le salarié ou est-il une notion active entendue comme une entité juridique autonome et directement responsable ?
I – LE CONCEPT DE GROUPE DANS LES RELATIONS COLLECTIVES DE TRAVAIL OU LA RÉSISTANCE RELATIVE DU DROIT DES SOCIÉTÉS.
Les relations collectives de travail empruntent essentiellement au droit des sociétés la notion de groupe et laissent bien plus de marge de manoeuvre aux partenaires sociaux qu’au juge du travail.
A – Groupe et représentation du personnel
Au sein des groupes nationaux, un comité de groupe doit être mis en place par l’entreprise dominante dont le siège est sur le territoire français et les entreprises qu’elle contrôle au sens des articles L233-1 (filiale), L233-3 (contrôle) et L233-16 (comptes consolidés) du Code de commerce, ou sur l’une desquelles elle exerce une influence dominante et dont elle détient au moins 10% du capital lorsque la permanence et l’importance des relations de ces entreprises établissent l’appartenance de l’une et de l’autre à un même ensemble économique : cette influence dominante est même présumée dans certains cas (L2331-1 du Code du travail).
Cette même définition est reprise pour la mise en place du comité d’entreprise européen au sein des groupes transnationaux (L2341-5 du Code du travail).
B – Groupe et négociation collective
Au sein des groupes nationaux, une convention ou un accord de groupe peut être conclu. De quel groupe s’agit-il puisque l’article L. 2232-30 du Code du travail énonce seulement que l’accord de groupe doit fixer «son champ d’application constitué de tout ou partie des entreprises constitutives du groupe» ? L’administration du travail se réfère à la définition applicable au comité de groupe alors qu’une partie de la doctrine privilégie la liberté contractuelle que semble offrir la rédaction générale de l’article L. 2232-30.
C’est ainsi qu’un distinguo peut être opéré entre, d’une part, le domaine d’application de l’accord et, d’autre part, les limites du groupe lui-même. Mais les négociateurs peuvent aller encore plus loin en définissant un périmètre d’application et un périmètre «d’influence» de l’accord :
– pour le premier, les méthodes varient, certains recourent à l’établissement de listes d’entreprises tout en posant les modalités d’entrée ou de sortie de liste ; d’autres raisonnent en fonction de critères objectifs (notamment en pourcentage de participation) ;
– pour le second, il s’agit d’étendre l’application de certaines dispositions à des tiers : c’est notamment le cas en matière de risques psycho-sociaux lorsqu’un mécanisme de détection permet d’identifier un stress subi par le salarié d’un prestataire ou d’un sous-traitant (par exemple accord EADS sur les RPS).
Au sein de dimension européenne ou internationale, les accords groupe conclus à ce jour portent pour l’essentiel sur les questions de mobilité ou de santé au travail. Mais l’on connaît toutefois la faiblesse juridique de ces accords qui n’entrent pas dans les prévisions de l’article 155 du Traité de Rome relatif aux accords entre partenaires sociaux et qui ne vise que les accords à caractère sectoriel ou plurisectoriel.
II – LE CONCEPT DE GROUPE DANS LES RELATIONS INDIVIDUELLES DE TRAVAIL OU LA PRÉÉMINENCE DE LA JURISPRUDENCE SOCIALE.
A – Groupe et exécution du contrat travail
a/ La rémunération
➢ Les dispositifs collectifs de rémunération variable : la négociation annuelle obligatoire n’a pas été envisagée, à ce jour, au niveau du groupe (L2242-8 du Code du travail). Par ailleurs, la négociation triennale dans les entreprises et les groupes de 300 salariés et plus ne vise pas directement les salaires mais seulement la stratégie de l’entreprise ainsi que ses effets prévisibles sur l’emploi et les salaires (L2242-15 1° du Code du travail).
Le «groupe» est cependant envisagé en matière d’intéressement, de participation et de plan d’épargne d’entreprises (pour n’évoquer que les principaux dispositifs) qui peuvent être mis en place «au sein d’un groupe constitué par des entreprises juridiquement indépendantes, mais ayant établi entre elles des liens financiers et économiques» (L3344-1 du Code du travail).
Cette définition large est affectée d’une restriction : «Les dispositifs d’augmentation du capital ainsi que de majoration des sommes versées annuellement par une ou plusieurs entreprises (…) ne peuvent s’appliquer qu’au sein d’un groupe d’entreprises incluses dans le même périmètre de consolidation ou de combinaison des comptes en application des dispositions suivantes : (…) 2° article L. 233-16 du code de commerce (…)».
Les modalités alternatives de mise en place de ces dispositifs dans le groupe, le résultat ou la performance étant mesuré au niveau de ce dernier, sont également sources de complexité dans l’identification du groupe concerné :
– participation : voie spécifique (L3322-6 du Code du travail) ou dérogatoire (L3322-7 du Code du travail) ou de droit commun (L2232-30 et s. du code du travail) ;
– intéressement : voie spécifique (L3312-5 du Code du travail) ou de droit commun (L2232-30 et s. du Code du travail).
➢ La rémunération variable individuelle : la Cour de cassation a posé des principes souvent peu conciliables avec les impératifs et les règles de rémunération définies au niveau du groupe notamment international : d’une part, la fixation d’objectifs par l’employeur entre, sauf clause contraire, dans son pouvoir de direction à la double condition que cet objectif soit réalisable et connu du salarié en début d’exercice ; d’autre part, l’employeur doit communiquer les éléments permettant au salarié de vérifier la conformité de sa rémunération à la règle de détermination.
Aussi a-t-il fallu rappeler que :
– toute rémunération est de source nécessairement normative et doit être payée intégralement même si la défaillance résulte, non de l’entreprise employeur, mais de la société mère (Soc. 14/10/2009) ;
– le principe «à travail égal salaire égal» s’apprécie au niveau de l’entreprise et non du groupe (Soc 14/09/2010 n°08-44180). Il a été jugé qu’au sein d’une UES, cette appréciation était possible à condition que le personnel soit soumis à un statut collectif commun ou que le travail soit accompli dans le même établissement (Soc. 01/06/2005 n°04.42143 – Soc. 02/06/2010 n°08.44152).
b/ La mobilité du salarié intra groupe
Lorsque la mobilité du salarié au sein du groupe n’a pas été anticipée, deux situations peuvent se présenter :
– en cas de modification de la situation juridique de l’employeur, le transfert du contrat de travail s’opère, selon le cas, de manière légale ou conventionnelle. La CJUE a jugé que «le cessionnaire d’une entité économique appartenant à un groupe de sociétés peut être tenu de reprendre à son service des salariés contractuellement liés à une autre société du groupe et mis à disposition de l’entité». (21/10/2010 affaire Heineken n°C-242/09) ;
– lorsque l’employeur souhaite muter un salarié dans une autre filiale du groupe auquel il appartient, l’accord du salarié doit être obligatoirement obtenu (de manière tacite ou expresse selon que la cause est ou non économique et dans le respect des procédures idoines).
Or, la jurisprudence n’a toujours pas clairement tranché la question de savoir s’il s’agit d’une modification ou d’une novation du contrat travail par changement d’employeur. En pratique, il est important de préciser que le contrat de travail initial n’a pas été rompu mais seulement transféré et de prévoir une clause «de retour».
Cette mobilité dans le groupe peut-elle être l’objet des prévisions contractuelles (clause de mutation ou de mobilité intra groupe) ? À cette question, la Cour de cassation a répondu – protectrice du principe de libre exercice d’une activité professionnelle – qu’un salarié ne pouvait accepter par avance un changement d’employeur (Soc. 23/09/2009 n°07-44200) : la rigueur de cette solution a pu surprendre au cas d’espèce puisque la clause litigieuse stipulait que le salarié pouvait être amené à exercer ses fonctions dans toute autre société du groupe, la mise en oeuvre de la clause devant donner lieu à la rédaction d’un nouveau contrat de travail auprès de la société d’accueil.
Enfin, cette règle semble transposable à un accord collectif sur la mobilité dans le groupe et ce, même si une clause «relais» était également prévue dans le contrat de travail.
B – Groupe et rupture du contrat travail
a/ Groupe et élément causal du motif économique : les règles sont désormais bien fixées et régulièrement rappelées par la jurisprudence en dépit de variantes dans la formulation :
– les difficultés économiques : lorsque l’entreprise appartient à un groupe, les difficultés économiques doivent être vérifiées au niveau du secteur d’activité du groupe dont elle relève (Soc. 26/06/2012 n°11-13796 et 21/11/2012 n°11-13919);
– la sauvegarde de la compétitivité : le bien-fondé de la réorganisation, qu’elle soit justifiée par des difficultés économiques ou par la nécessité de sauvegarder la compétitivité de l’entreprise, s’apprécie au niveau du secteur d’activité du groupe auquel appartient l’auteur du licenciement (Soc 21/11/2012 n°11-18815) ;
– les mutations technologiques : Soc 24/10/2012 n°11-23418 et 11-23420 ;
– la cessation d’activité de la filiale : Soc 18/01/2011 n°09-69199, 01/02/2011 n°10- 30045 et 16/11/2011 n°11-40071.
b/ Groupe et obligations de reclassement :
➢ Cause économique : en France, l’obligation de reclassement s’inscrit dans le groupe «social» : «Il appartient à l’employeur de rechercher s’il existe des possibilités de reclassement au sein du groupe parmi les entreprises dont les activités, l’organisation ou le lieu d’exploitation leur permettent d’effectuer la permutation de tout ou partie du personnel et de proposer aux salariés dont le licenciement est envisagé des emplois de même catégorie ou à défaut de catégorie inférieure, fût-ce par voie de modification de contrat travail, en assurant au besoin l’adaptation des salariés à l’évolution de leur emploi» (Soc.13/09/2006 n°04-43763 et 31/03/2010 n°09-65134).
Lorsque l’entreprise ou le groupe auquel elle appartient est implanté hors de France, l’employeur doit orienter ses recherches à l’étranger en fonction des voeux émis par les salariés préalablement interrogés (L1233-4-1 du Code du travail- Circulaire CGT n°2001-3 du 15/03/2011).
L’obligation de reclassement ne pèse que sur l’entreprise du groupe qui licencie : il n’y a donc pas de solidarité au titre de cette obligation (Soc. 13/01/2010 n°08-15776).
Lorsqu’une procédure de licenciement est engagée simultanément dans plusieurs entreprises d’un même groupe, chacune d’elles offre en priorité à ses salariés les postes disponibles. Ce n’est qu’à défaut d’aptitude du salarié ou de refus de sa part que l’employeur peut solliciter les candidatures des salariés des autres entreprises du groupe.
Arrêts récents sur ces questions : Soc.01/12/2010 n°09-68380, 13/01/2010 n°08- 15776, 01/02/2011 n°09-69022, 13/12/2011 n°10-21475, 23/10/2012 n°11-13792.
➢ Inaptitude physique : le reclassement est à rechercher dans le groupe qui répond à la même définition qu’en matière économique (Soc. 24/06/2009 n°07-45656) et, le cas échéant, au sein d’un GIE (Soc. 09/06/2010 n°09.10600), au sein des entreprises franchisées d’une même enseigne (Soc. 20/02/2008 n°06.45335), au sein d’une entreprise acquéreur dès que l’achat est annoncé (Soc. 08/04/2009 n°07- 44842) ou au sein d’associations regroupées en fédération (Soc. 06/01/2010 n°08- 44113).
La Cour de cassation a récemment réaffirmé les obligations du juge du fond qui doit procéder à une vérification concrète notamment de la justification du périmètre du reclassement et de la permutabilité du personnel :
– Soc. 21/11/2012 n°11-23303 : «Qu’en statuant ainsi alors qu’elle avait par ailleurs constaté que l’employeur avait produit la liste des embauches intervenues au sein du groupe auquel il appartenait, faisant apparaître la disponibilité d’un emploi relevant de la compétence du salarié au sein de la société Landimat le 10 novembre 2008 à Rouen, la cour d’appel a violé le texte susvisé».
– Soc. 21/11/2012 n°11-23629 : «Mais attendu qu’appréciant souverainement la valeur et la portée des éléments de preuve qui lui étaient soumis, la cour d’appel qui a retenu que l’employeur s’était borné à adresser aux sociétés du groupe un courriel circulaire ne comportant aucune indication relative notamment à l’ancienneté, le niveau et la compétence du salarié et ne justifiait d’aucune recherche personnalisée et loyale des possibilités de reclassement, a, sans être tenue de procéder à une recherche que ses constatations rendaient inopérante, légalement justifié sa décision ;»
– Soc. 21/11/2012 n°11-18293 : «Mais attendu que l’avis du médecin du travail déclarant un salarié inapte à tout emploi dans l’entreprise ne dispense pas l’employeur, quelle que soit la position prise par le salarié, de rechercher les possibilités de reclassement par la mise en oeuvre de mesures telles que mutations ou transformations de postes de travail au sein de l’entreprise et le cas échéant du groupe auquel elle appartient, la recherche devant alors s’apprécier parmi les entreprises de ce groupe dont les activités, l’organisation ou le lieu d’exploitation lui permettent d’effectuer la permutation de tout ou partie du personnel ; qu’il appartient à l’employeur de justifier du périmètre de reclassement et de l’impossibilité, à la date du licenciement, de reclasser le salarié tant dans l’entreprise que dans ce groupe; Et attendu qu’après avoir relevé que l’employeur, qui n’avait pas reçu lors du licenciement l’ensemble des réponses des sociétés interrogées par ses soins, ne démontrait pas en quoi le panel de soixante-quatre entreprises nationales qu’elle avait choisi d’interroger constituait le seul périmètre de l’obligation de reclassement alors qu’il s’agissait d’un groupe comportant cent quarante-six sites sur le territoire français et de nombreuses filiales à l’étranger, la cour d’appel, qui a constaté l’absence de recherche de reclassement, au sein même des services de l’entreprise, au besoin par la mise en oeuvre de mesures telles que mutations, transformations de postes de travail ou aménagement du temps de travail, a, sans modifier l’objet du litige, légalement justifié sa décision.»
***
On ne peut conclure ce tour d’horizon sans évoquer la notion de co-emploi qui apparait comme un élément perturbateur du concept de groupe. Si le groupe ne peut, en l’état actuel, être considéré comme débiteur direct d’obligations à la place de l’employeur, la caractérisation d’un co-emploi peut constituer une sanction devant le juge prud’homal du non-respect par la société mère ou dominante de l’autonomie de la personnalité morale de l’employeur. La jurisprudence abandonne le critère du lien de subordination pour retenir l’existence d’un co-emploi dans le groupe (au sens du droit des sociétés) lorsqu’existe cumulativement une confusion d’intérêts, d’activités et de direction. (Soc 28/09/2011 n° 10-12278 à 10-12325 et Soc 30/11/2011 n°10-22964). La société fille pourra alors aussi rechercher la responsabilité de droit commun de la société mère devant le juge civil (Civ 1re 26 octobre 2011 n° 10-17026 – CA Versailles 31/10/2011 n°10/00578 et T. com. Orléans 1er juin 2012 n° 2010-11170)…
2 ACTUALITÉS
Définitivement adoptée le 3 décembre 2012, la loi de financement de la sécurité sociale n°2012-1404 du 17 décembre 2012 est parue au Journal Officiel du 18 décembre 2012 après validation, pour l’essentiel, par le Conseil Constitutionnel (Décision n° 2012-659 DC du 13 décembre 2012). En voici quelques mesures :
I / HAUSSE DE COTISATIONS
1 / Élargissement de l’assiette de la taxe sur les salaires et création d’une tranche supérieure supplémentaire (Article 13) à effet du 1er janvier 2013
La loi a élargi l’assiette de cette taxe pour y intégrer certains avantages accessoires à la rémunération (sommes allouées aux salariés au titre des dispositifs d’épargne salariale, contributions patronales destinées au financement des prestations de retraite supplémentaire ou prévoyance complémentaire etc.). Elle est donc désormais alignée sur l’assiette de CSG applicable aux revenus d’activité (il n’est toutefois pas fait application de la déduction forfaitaire pour frais professionnels de 1,75 prévue en matière de CSG).
Une quatrième tranche au taux de 20 % est créée sur les «plus hautes rémunérations» soit sur la part des salaires individuels dépassant 150.000 € par an.
2 / Cotisations sur la base du salaire réel pour les particuliers employeurs (Article 14) à effet du 1er janvier 2013
Les particuliers employeurs ne disposent plus de la possibilité de cotiser sur la base d’une assiette forfaitaire mais uniquement sur la base de la rémunération réellement versée à leurs employés de maison. Pour compenser cet alourdissement des charges, une déduction forfaitaire de cotisations patronales maladie, maternité, invalidité, décès a été créée pour chaque heure de travail effectuée dont le montant est fixé à 0,75 euro par heure de travail.
3 / Contribution de solidarité des retraités, préretraités et invalides (Article 17) à effet du 1er avril 2013
Une contribution additionnelle de solidarité autonomie (Casa) sera créée au taux de 0,30 %, à l’instar de celle acquittée depuis 2004 par les employeurs, en contrepartie de la journée nationale de solidarité, travaillée non payée et sera précomptée par l’organisme qui sert le revenu de remplacement en même temps que la cotisation d’assurance maladie et la CSG-CRDS. Sont redevables les personnes dont le montant des revenus de l’avant dernière année est supérieur au seuil retenu pour l’allégement de la taxe d’habitation, qui est aussi celui retenu pour l’exonération de la CSG et de la CRDS. Sont exemptés les titulaires de pensions de retraite ou d’invalidité non redevables de la CSG et la CRDS et les personnes qui se voient appliquer le taux réduit de CSG de 3,8%.
4 / Soumission des indemnités de rupture conventionnelle au forfait social (Article 21) à effet du 1er janvier 2013
Sont soumises au forfait social les indemnités de rupture conventionnelle (au taux de 20 % depuis la 2ème Loi de finance rectificative pour 2012 du 16 août 2012) sur leur fraction inférieure à deux fois le plafond annuel de la sécurité sociale (PASS), soit 74.064 euros pour l’année 2013, alors qu’auparavant elles n’étaient soumises à aucune cotisation sociale sur cette part. Au-dessus de deux PASS, ces sommes resteront soumises à cotisations et contributions sociales. Cette modification ne concerne que les indemnités de rupture conventionnelle versées aux salariés qui n’ont pas atteint l’âge ouvrant droit à la liquidation de leur pension de vieillesse (60 ans reportés à 62 ans).
II / LUTTE CONTRE LA FRAUDE AUX COTISATIONS
1 / Majoration des redressements en cas de constat d’un travail dissimulé (Article 98)
Le montant du redressement de cotisations et contributions mis en recouvrement à la suite d’un contrôle est majoré de 25 % en cas de constat de délit de travail dissimulé.
2/ Sanction de l’absence de mise en conformité à la législation (Article 98)
Le montant du redressement des cotisations et contributions sociales mis en recouvrement à l’issue d’un contrôle est majoré de 10 % en cas de constat d’absence de mise en conformité. Un tel constat peut être dressé lorsque l’employeur n’a pas pris en compte les observations notifiées lors d’un précédent contrôle, que ces observations aient donné lieu à redressement ou non.
III / MESURES RELATIVES AUX BRANCHES FAMILLE, MALADIE, ACCIDENTS DU TRAVAIL ET VIEILLESSE
1 / Rachat de trimestres (Article 82)
Les assurés nés entre le 1er janvier 1952 et le 31 décembre 1955 qui ont, entre le 13 juillet 2010 et le 31 décembre 2011, procédé à des versements pour la retraite, rendus inutiles compte tenu du recul de l’âge légal de la retraite, peuvent obtenir le remboursement des sommes versées.
2 / Recouvrement des prestations AT/MP en cas de faute inexcusable (Article 86)
Les sommes dues au salarié victime d’une faute inexcusable de son employeur lui sont versées directement par la caisse d’assurance-maladie qui en récupère le montant auprès de l’employeur. Une part importante de ces indemnités n’est pas recouvrée par les caisses, en raison notamment de la possibilité pour l’employeur de contester l’opposabilité à son encontre de la décision de la caisse, alors même que la faute inexcusable a été constatée par décision de justice. Afin de remédier à cette situation, la reconnaissance de la faute inexcusable par décision de justice «passée en force de chose jugée» emporte désormais l’obligation pour l’employeur de verser les sommes avancées par les caisses. Cette mesure est applicable aux actions introduites depuis le 1er janvier 2013. A compter du 1er avril 2013, la récupération de la majoration de la rente s’effectuera dans tous les cas sous forme de capital et non plus par application d’une cotisation complémentaire réclamée sur 20 ans maximum. L’entreprise se verra donc immédiatement imputer sur son compte AT, le coût de sa faute inexcusable.
3 / Mise en œuvre du congé de paternité et d’accueil de l’enfant (Article 94)
Le congé paternité devient un « congé de paternité et d’accueil de l’enfant » et est élargi à toute personne vivant maritalement avec la mère, indépendamment de son lien de filiation avec l’enfant. Sont désormais concernés non seulement le père de l’enfant mais également le conjoint de la mère de l’enfant, le concubin ou le partenaire lié par un PACS, de la mère.
3 JURISPRUDENCE
Lorsque les faits reprochés au salarié donnent lieu à l’exercice de poursuites pénales, l’employeur peut, sans engager immédiatement la procédure de licenciement, prononcer sa mise à pied conservatoire. (Cass. soc. 4 décembre 2012 n° 11-27.508 (n° 2598 FS-PB), Association Régie de quartier Behren insertion c/ Loi)
En l’espèce une salariée, interpellée et mise en garde à vue dans le cadre de poursuites pénales pour abus de confiance et usage de faux au préjudice de son employeur, était – pour ces mêmes manquements fautifs à l’origine de l’action pénale – mise à pied à titre conservatoire pendant plus de quatre mois, avant d’être convoquée à un entretien préalable.
Elle se saisissait dès lors de cette situation pour prendre acte de la rupture de son contrat de travail aux torts de son employeur, en soutenant que la notification d’une mise à pied conservatoire aurait dû déclencher l’engagement d’une procédure disciplinaire dans un délai de deux mois.
Alors que les Juges du fond faisaient droit à ses demandes, la Cour de cassation les censure, en faisant une lecture combinée des articles L.1332-3 et L.1332-4 du Code du travail.
Elle rappelle en effet que dans l’attente de l’issue des poursuites pénales concernant les faits fautifs reprochés, l’employeur peut surseoir à la mise en œuvre de la procédure disciplinaire.
Pour autant, il ne saurait être privé de son droit de prononcer envers son salarié une mesure de mise à pied conservatoire puisque la mise en œuvre d’une telle mesure reste indépendante du processus de licenciement que l’employeur ne peut engager avant la décision du juge répressif.
Il n’en demeure pas moins que la seule circonstance que le salarié fasse l’objet de poursuites pénales ne saurait être suffisante pour légitimer une mise à pied conservatoire privative de rémunération pendant de nombreuses semaines, voire (en cas de procédure pénale) pendant plusieurs mois.
Le caractère indispensable ou non d’une telle mesure pour préserver le bon fonctionnement de l’entreprise restera dès lors le seul critère pour agir, a fortiori si le salarié en cause bénéficie d’une protection spéciale ; on s’étonnerait d’ailleurs de l’application de cette nouvelle règle du jeu à des élus ou des représentants syndicaux, eu égard au statut d’ordre public dont ils bénéficient.
L’exclusion, par un plan de sauvegarde de l’emploi, des préretraités et des invalides du bénéfice de l’indemnité additionnelle de licenciement ne constitue pas une mesure discriminatoire ; mais en amont, l’employeur qui envisage un licenciement économique d’un salarié classé en invalidité doit organiser la visite de reprise et tenir compte de l’avis du médecin du travail avant de formuler ses offres de reclassement préalables. (Cass. soc. 5 décembre 2012 n° 10-24.204 (n° 2572 FP-PB), Lloret c/ Sté Nestlé France).
Il est désormais constant que dès lors que le salarié informe l’entreprise de son classement en invalidité deuxième catégorie sans manifester la volonté de ne pas reprendre le travail, l’employeur doit prendre l’initiative de faire procéder à une visite de reprise (Cass. soc. 25 janvier 2011 n° 09-42.766).
Il en va donc de même quand, ayant connaissance du classement en invalidité du salarié, l’employeur envisage son licenciement pour motif économique.
Dans cette hypothèse, il lui appartient de surseoir à cette procédure dans l’attente de l’avis du médecin du travail afin de prendre en compte ses préconisations concernant le reclassement de l’intéressé, faute de quoi il sera considéré comme ayant manqué à cette obligation.
Même si cette solution est parfaitement logique pour garantir un reclassement effectif du salarié, en pratique, dans le cadre de la mise en œuvre d’un plan de sauvegarde de l’emploi, elle risque de poser plusieurs difficultés, par exemple si l’entreprise fait face à une procédure de redressement ou de liquidation judiciaire, qui oblige le mandataire à notifier les licenciements dans un délai extrêmement restreint.
En pareil cas, les liquidateurs n’ont pas toujours le temps de rechercher des solutions de reclassement répondant aux prescriptions de l’article L.1233-4 du Code du travail, a fortiori si l’entreprise fait partie d’un groupe.
Ils ignorent également souvent si tel ou tel salarié bénéficie d’une protection susceptible de faire échec à son licenciement.
Leur demander en plus de savoir si l’un d’entre eux a été placé en invalidité deuxième catégorie, pour organiser les deux visites médicales et chercher à les reclasser ensuite de leur inaptitude, paraît dès lors impossible.
Au-delà, on peut se demander comment concilier cette solution dans l’hypothèse où le salarié, informant au cours de l’entretien préalable son employeur du fait qu’il a été placé en invalidité deuxième catégorie, accepterait immédiatement le contrat de sécurisation professionnelle, avant que le médecin du travail ne statue sur son inaptitude ; au cas d’espèce, en effet, l’employeur avait bien demandé l’organisation d’une visite de reprise, mais ses conclusions étaient intervenues après la notification de la rupture.
En définitive, cette position pourrait conduire les employeurs à exclure les invalides des procédures de licenciement économique collectif au risque de sacrifier l’emploi d’autres salariés.
Ces conclusions sont donc curieuses, et ce d’autant plus que dans le même arrêt, à l’occasion du pourvoi formé par le salarié, la Cour de cassation considérait que les salariés en invalidité pouvaient – du fait de leur situation – être exclus du bénéfice de certaines stipulations inscrites au plan social.
En l’espèce, le plan de sauvegarde de l’emploi leur refusait le bénéfice d’une indemnité additionnelle de rupture.
La Haute juridiction rappelle alors qu’un PSE peut prévoir des mesures réservées à certains salariés, à condition que la différence de traitement soit justifiée par des raisons objectives et pertinentes et que les règles déterminant les conditions d’attribution de l’avantage soient préalablement définies et contrôlables.
Or, tel est le cas des salariés en invalidité dont la situation de précarité financière, après la notification de leur licenciement, sera moindre que celle de leurs collègues ne percevant pas de pension similaire.
Reste que pour ne pas être astreint au versement d’une telle indemnité – qui est au demeurant facultative – l’employeur devra préalablement s’assurer que la procédure d’inaptitude a bien été respectée ; et en définitive, il pourrait être amené à dissocier les mesures pour opter pour ces salariés un « simple » licenciement pour inaptitude, moins complexe, moins long et au final moins onéreux.
Si le contrat est régi par la loi choisie par les parties, ce choix peut ne pas être exprès et résulter des circonstances de la cause ou porter sur une partie seulement du contrat. (Cour de cassation, civile, Chambre sociale, 4 décembre 2012, 11-22.166)
Un salarié français licencié pour motif économique, alors qu’il travaillait sur des chantiers situés en Allemagne a fait inscrire ses créances au passif de la société française qui l’employait.
En application de l’article 8 bis de la Directive 2002/74/CE concernant le rapprochement des législations des Etats membres relatives à la protection des travailleurs salariés en cas d’insolvabilité de l’employeur et de l’article 9 de la Directive n°2008/94/CE relative à la protection des travailleurs salariés en cas d’insolvabilité de l’employeur portant recodification de l’article 8 bis, l’AGS contestait son intervention au motif que la garantie devait être assurée par les organismes allemands.
Le liquidateur soutenait par ailleurs que la loi applicable au contrat de travail exécuté à l’étranger était également applicable à sa rupture, peu important la compétence juridictionnelle de la juridiction française, le domicile du salarié ou le siège de l’entreprise ; en conséquence en l’espèce, le licenciement du salarié devait être régi par la loi allemande.
La Cour de cassation rejette ces deux positions.
Elle rappelle tout d’abord que si lorsqu’un salarié exerce son activité sur le territoire d’au moins deux Etats membres et que l’entreprise se trouve en état d’insolvabilité, l’organisme compétent pour le paiement des créances salariales est celui de l’Etat où le salarié exerce habituellement son activité, une législation nationale peut prévoir que le travailleur puisse se prévaloir de la garantie salariale, plus favorable, de l’institution nationale ; les garanties françaises étant plus favorables que celles prévues par l’Allemagne, le salarié pouvait être pris en charge par les AGS.
Elle considère ensuite que conformément à l’article 3 de la Convention de Rome du 19 juin 1980, le contrat de travail est régi par la loi choisie par les parties ; toutefois, ce choix peut ne pas être exprès ou total.
En conséquence, dès lors que l’employeur (le liquidateur judiciaire en l’occurrence) avait choisi d’appliquer le droit français à la procédure de licenciement économique du salarié, qui avait accepté, il en résulte que les parties avaient opté pour l’application du droit français à la rupture du contrat de travail.
Peu importe que durant l’exécution du contrat de travail, les parties aient opté pour la mise en œuvre d’une autre législation ; deux régimes peuvent donc – si les parties le souhaitent – coexister, même si en l’espèce, on peut se demander si l’application de la loi française à tout le personnel d’une entreprise soumise à une procédure collective, résultait d’un choix librement consenti.
Bulletin rédigé par Olivier ROMANI & Virginie POULET-CALMET, Avocats associés
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