Bulletins JSA

Bulletin JSA – AVRIL MAI 2019

bulletin rédigé par Maîtres Mélina VARSAMIS et Julie DUBAND
SCP WELSCH & KESSLER
57 rue du Faubourg de Pierre
67000 STRASBOURG

Editorial

REVIREMENT : GÉNÉRALISATION DU PRÉJUDICE D’ANXIÉTÉ À TOUS LES TRAVAILLEURS ÉXPOSÉS À L’AMIANTE

Par un arrêt rendu le 5 avril 2019 (n°18-17.442), l’Assemblée Plénière de la Cour de Cassation opère un revirement de jurisprudence en matière de réparation du préjudice d’anxiété lié à l’amiante.

Jusqu’à aujourd’hui, seuls les salariés bénéficiaires de l’allocation de cessation anticipée d’activité des travailleurs de l’amiante (A.C.A.A.T.A.) ou ayant travaillé dans un des établissements mentionnés à l’article 41 de la loi n°98-1194 du 23 décembre 1998 et figurant sur une liste établie par arrêté ministériel pendant une période où étaient fabriqués ou traités de l’amiante ou des matériaux
contenant de l’amiante, pouvaient demander la réparation d’un préjudice d’anxiété (Cass. Soc. 11.05.2010, n°09-42.241 ; Cass. Soc.
03.03.2015, n°13-26.175 ; Cass. Soc. 26.04.2017, n°15-19.037).

Cette position adoptée par la Chambre Sociale de la Cour de Cassation a été fortement critiquée par les défenseurs de salariés exposés à l’amiante mais n’entrant pas dans les conditions susmentionnées.

Il ressort de la note explicative de l’arrêt rendu publiée sur le site internet de la Cour de Cassation que c’est justement le développement important du contentieux concernant les salariés ne relevant pas des dispositions de l’article 41 de la loi du 23
décembre 1998 susmentionnée, mais ayant toutefois été exposés à l’inhalation de poussières d’amiante dans des conditions de nature à compromettre gravement leur santé, qui a amené l’Assemblée Plénière à procéder à un « réexamen complet de la
question de la réparation du préjudice d’anxiété de ces salariés exposés à l’amiante
».

Sans revenir sur le régime applicable aux travailleurs relevant des dispositions de l’article 41 de la loi susmentionnée qui permet une réparation automatique du préjudice d’anxiété, l’Assemblée Plénière reconnaît désormais la possibilité pour un salarié justifiant d’une exposition à l’amiante, générant un risque élevé de développer une pathologie grave, d’agir contre son employeur, sur le fondement du droit commun régissant l’obligation de sécurité de l’employeur, quand bien même il n’aurait pas travaillé dans l’un des établissements mentionnés à l’article 41 de la loi précitée.

Cela étant, en basculant le préjudice d’anxiété dans le régime de l’obligation de sécurité de résultat, l’employeur pourra être exonéré de sa responsabilité :

1/ s’il justifie avoir pris toutes les mesures prévues par les textes pour assurer la sécurité et protéger la sécurité physique et mentale du travailleur.

A ce titre, l’Assemblée Plénière rappelle la position rendue par la Chambre Sociale de la Cour de Cassation dans un arrêt du 25 novembre 2015 (n°14-24.444).

L’Assemblée Plénière, dans cet arrêt du 5 avril 2019, a d’ailleurs cassé sur ce point l’arrêt de la Cour d’Appel pour avoir refusé d’examiner les éléments de preuve des mesures que l’employeur prétendait avoir mises en oeuvre.

Il conviendra d’être attentifs aux mesures de prévention qui pourront être retenues, par les juridictions dans les contentieux futurs, comme étant suffisantes à exonérer la responsabilité de l’employeur.

2/ si le préjudice subi par le salarié est insuffisamment caractérisé.

Il reviendra au salarié de rapporter la preuve du préjudice subi et au juge de le caractériser par des motifs suffisants.

La Cour de cassation devra certainement se prononcer ultérieurement sur la naissance du préjudice et le point de départ de l’état d’anxiété, lequel devra faire courir la prescription.

Même si cet arrêt a été rendu en matière d’amiante, on peut se demander s’il ne va pas permettre à des salariés exposés à d’autres substances toxiques de solliciter également la réparation de leur préjudice d’anxiété… A suivre…

Actualité

UNE NOUVELLE PROCÉDURE DE RECONNAISSANCE DES ACCIDENTS DE TRAVAIL ET MALADIES PROFESSIONNELLES À COMPTER DU 1ER DECEMBRE 2019

Le décret du 23 avril 2019 n° 2019-356 (J.O. 25 avril 2019) vient modifier la procédure applicable à la reconnaissance des accidents de travail et maladies professionnels déclarés à partir du 1er décembre 2019.

• ACCIDENT DE TRAVAIL

Un mode de transmission assoupli

L’information par le salarié de l’existence d’un accident de travail à l’employeur pourra dorénavant être effectuée par «tous moyens conférant date certaine à sa réception», et cela dans un délai de 24 heures au plus tard.

La déclaration que doit ensuite faire l’employeur auprès de la Caisse Primaire d’Assurance Maladie sera elle aussi soumise à ce formalisme plus souple.

On peut imaginer une transmission par courrier électronique, voire télécopie.

Un délai restreint pour formuler des réserves

Alors que dans le régime actuel, l’employeur peut émettre des réserves tant que la Caisse n’a pas statué sur le caractère professionnel de l’accident, le décret institue un délai de 10 jours francs à compter de la date de la déclaration de l’accident de travail auprès de la caisse lorsqu’elle émane de l’employeur ou à compter de la date de la réception par ce dernier du double de la déclaration transmise par la caisse, lorsque cette dernière a été effectuée par le salarié.

Une information renforcée quant aux différentes étapes de l’instruction

Pour rappel, la caisse dispose d’un délai de 30 jours francs à compter de la date de réception de la déclaration et du certificat médical initial pour statuer sur le caractère professionnel de l’accident ou engager des investigations (nouvel article R.441-7 du Code de la Sécurité Sociale).

Dans ce cas, le questionnaire portant sur les circonstances ou les causes de l’accident sera adressé à l’employeur dans les 30 jours à compter de la date de réception de la déclaration et du certificat médical initial et l’employeur disposera de 20 jours pour le retourner.

Lors de la réception du questionnaire ou le cas échéant lors de l’ouverture de l’enquête, la Caisse informera les parties de la date d’expiration du délai de 90 jours (nouvel article 441-8 I du Code de la Sécurité Sociale).

Aménagement et encadrement de la phase dédiée à la consultation et l’enrichissement du dossier

A l’issue des investigations diligentées par la caisse, et au plus tard 70 jours francs à compter de la date de réception de la déclaration et du certificat médical initial, la Caisse mettra à la disposition des parties le dossier.

Celles-ci disposeront alors de 10 jours francs pour le consulter et, le cas échéant, faire connaître leurs observations.

A l’issue de ce délai, les parties n’auront plus que la possibilité de consulter le dossier sans pouvoir formuler d’observations.

Le nouvel article R. 441-8 II du Code de Sécurité Sociale prévoit que les parties seront informées des dates d’ouverture et de clôture de la période de consultation du dossier et de celle au cours de laquelle elles peuvent formuler des observations et cela au plus tard 10 jours francs avant le début de la période de consultation.

MALADIE PROFESSIONNELLE

La caisse disposera d’un délai de 120 jours francs pour statuer sur le caractère professionnel d’une maladie ou pour saisir le Comité Régional de Reconnaissance des Maladies Professionnelles (C.R.R.M.P.).

Ce délai commence à courir à la réception de la déclaration intégrant le certificat médical initial et les résultats des examens médicaux complémentaires qui pourraient être exigés par les tableaux de maladies professionnelles (nouvel article R. 461-9 du Code de la Sécurité Sociale).

Durant cette période, la caisse engagera des investigations et procèdera à l’envoi systématique d’un questionnaire aux parties, qui disposeront d’un délai de 30 jours suivant sa réception pour le retourner.

Là encore, une information renforcée quant aux différentes étapes de l’instruction

Les parties seront informées de la date d’expiration de cette période de 120 jours, lors de l’envoi du questionnaire ou de l’ouverture de l’enquête éventuellement diligentée en complément (nouvel article R.461-9 du Code de la Sécurité Sociale).

A la suite des investigations, et au plus tard 100 jours francs à compter de l’ouverture de la période de 120 jours précitée, la caisse mettra le dossier à la disposition des parties qui disposeront alors de 10 jours francs pour le consulter et faire connaître leurs observations.

Là encore, la Caisse informera les parties de la date d’ouverture et de clôture de la période de consultation et de celle au cours de laquelle elles pourront formuler les observations.

Cette information aura lieu au plus tard 10 jours francs avant le début de la période de consultation (nouvel article R. 461-9 III du Code de la Sécurité Sociale).

MALADIE PROFESSIONNELLE AVEC SAISINE D’UN C.R.R.M.P.

En cas de saisine d’un C.R.R.M.P. la Caisse disposera pour statuer d’un nouveau délai de 120 jours à compter de la saisine.

Elle devra mettre le dossier à la disposition des parties pendant un délai de 40 jours francs.

Les parties pourront alors consulter le dossier, le compléter et également faire valoir leurs observations au cours des 30 premiers jours.

La caisse et le service du contrôle médical disposent du même délai pour compléter ledit dossier.

Au cours des 10 jours restants, seule la consultation et la formulation d’observations resteront possibles.

La caisse informera les parties des dates d’échéances de ces différentes phases.

Le C.R.R.M.P. examinera le dossier à l’issue de cette procédure et rendra un avis motivé à la caisse dans un délai de 110 jours francs à compter de sa saisine.

La caisse devra alors notifier immédiatement aux parties sa décision conforme à l’avis rendu (nouvel article R. 461-10 du Code de la Sécurité Sociale).

Jurisprudence

LA FRONDE CONTRE LE « BAREME MACRON » SE POURSUIT

Dans une nouvelle décision du Conseil de Prud’hommes de BORDEAUX en date du 9 avril 2019 (N° 18/00659, X. contre S.A.S. URBIN), le
juge prud’homal a, à nouveau, argumenté et jugé que le barème des indemnités pour licenciement abusif était contraire à la
convention 158 de l’O.I.T. et à l’article 24 de la Charte Sociale Européenne.

Cette décision vient s’ajouter à celles des Conseils de Prud’hommes de TROYES, LYON, AMIENS, GRENOBLE, AGEN, et PARIS.

Cela étant, face à l’argumentation développée sur la conventionalité du barème, les juges prud’homaux du MANS et de CAEN, dans des décisions contemporaines, ont affirmé que le barème était parfaitement conventionnel.

La question continue de diviser et faire débat…

dans l’attente des premières décisions de Cours d’appel, qui devraient intervenir dans les mois à venir.

Bulletin rédigé par Maîtres Mélina VARSAMIS et Julie DUBAND
S.C.P. WELSCH & KESSLER – 57 rue du Faubourg de Pierre 67000 STRASBOURG