Bulletin JSA – AVRIL MAI 2018
Bulletin rédigé par Maître LALANNE
1 rue du 33ème Mobiles
72015 LE MANS CEDEX
Editorial
BUDGET DU COMITÉ D’ENTREPRISE : LE COMPTE 641 PASSE À LA TRAPPE
Par deux arrêts en date du 7 février 2018 N°16-16.086 et 16-24.231, la Cour de Cassation s’est vue contrainte d’opérer un revirement de sa jurisprudence et de mettre ainsi un terme à un contentieux devenu inutile et qu’elle avait au demeurant elle-même généré s’agissant de la mise en œuvre du compte 641 relatif au financement des comités d’entreprises.
RAPPELONS BRIÈVEMENT LES DONNÉES DU PROBLÈME :
Le Code du Travail prévoit que le montant de la contribution aux activités sociales et culturelles du Comité d’Entreprise est calculé en fonction du « montant global des salaires payés» et la subvention de fonctionnement par référence à « la masse salariale brute ».
Quelle que soit la rédaction retenue, la Cour de Cassation avait décidé dans un arrêt en date du 02.12.2008 n° 07-16.615 que ces dotations avaient la même assiette.
La haute juridiction avait en outre, depuis une décision du 30.03.2011 n° 09- 71.438, imposé comme assiette du calcul des deux budgets du Comité d’Entreprise le compte 641 du plan comptable général.
Cette solution ne reposait pour autant sur aucun fondement textuel et n’était pas en phase avec la pratique des entreprises ; elle a dès lors participé à nourrir un contentieux important opposant les employeurs à leurs représentants du personnel :
• Les premiers considéraient que les seules les sommes ayant la nature de salaire ont vocation à être prises en compte par référence à la déclaration de données sociales
• les seconds contestant cette position aux fins d’en élargir l’assiette de calcul et sollicitaient devant les Juges des rappels de subvention.
Dans son arrêt du 30 mars 2011, la Chambre Sociale avait décidé que, sauf engagement ou accord plus favorable, la masse salariale pour le calcul de la contribution patronale s’entendait de la masse salariale brute comptable correspondant au compte 641 « rémunération du personnel », tel que défini par le plan comptable général.
Une telle solution conduisait à prendre en compte dans l’assiette de calcul des sommes qui n’ont pas la nature de salaire puisque le compte 641 comprend outre les rémunérations figurant dans la déclaration des données sociales ou la déclaration fiscale des salaires des sommes autres que les salaires.
Ainsi, tous les ingrédients étaient réunis pour que les relations sociales se dégradent en particulier sur un sujet aussi délicat que celui des budgets du Comité d’Entreprise.
Trois ans plus tard et aux termes de divers arrêts, notamment 20.05.2014 n°12-29.142 et 09.07.2014 n°13-17.470, la Cour de Cassation adoucissait sa position en précisant, concernant le budget de fonctionnement, que devaient être exclus de cette intégration les « sommes qui correspondaient à la rémunération des dirigeants sociaux, à des remboursements de frais ainsi que celles qui, hormis les indemnités légales et conventionnelles de licenciement, de retraite et de préavis, sont dûes à la rupture du contrat de travail »
La référence au compte 641, était ainsi devenue une source d’insécurité majeure qui amenait le plus souvent les partenaires sociaux, dans un souci de prévisibilité économique et de maitrise des coûts, à la négociation et à l’accord collectif.
Ainsi la Cour de Cassation ne pouvait plus maintenir une jurisprudence devenue difficilement lisible et ce d’autant plus que la question pour l’avenir était tranchée par les articles L 2312-83 et L 2315-61 du Code du Travail, résultant de l’ordonnance N°2017-1386 du 22.09.2017 relative au CSE, instance qui a vocation à remplacer le Comité d’Entreprise ainsi que les Délégués du Personnel et le CHSCT au plus tard le 1er janvier 2020.
Ces articles énoncent notamment : « La masse salariale brute est constituée par l’ensemble des gains et rémunérations soumis à cotisations de Sécurité Sociale en application des dispositions de l’article L 242-1 du Code de la Sécurité Sociale ou de l’article L 741-10 du Code Rural et de la Pêche Maritime, à l’exception des indemnités versées à l’occasion de la rupture du contrat de travail à durée indéterminée »
La rédaction de l’ordonnance n°2017-1386 du 22 septembre 2017, imposait à la cour de Cassation un revirement de sa jurisprudence et une mise en conformité avec les règles du CSE.
La note explicative aux deux décisions du 07.02.2018 est à ce titre particulièrement claire pour y énoncer :
« Le nombre croissant d’exceptions faites à l’application du compte 641 ainsi que l’abondance du contentieux et la résistance de nombreux juges du fond, ont amené la Chambre Sociale à un réexamen complet de la question de l’assiette de fixation des subventions dûes au Comité d’Entreprise sur la base de la masse salariale. Dans ses arrêts du 07.02.2018, elle abandonne aux termes d’un virement explicitement annoncé le fondement comptable du compte 641 pour se référer à la notion de gains et rémunérations soumis à cotisations de Sécurité Sociale en application de l’article L 242-1 du Code de la Sécurité Sociale »
Les choses ont désormais le mérite d’être claires et le cadre législatif pourra aisé- ment servir de base à une négociation collective désormais assainie. Notons à la marge l’exclusion de l’assiette d’une part des sommes issues de l’intéressement ainsi que d’autre part des rémunérations versées au salarié mis à disposition par l’entreprise d’accueil. Enfin, il n’apparait pas opportun d’alimenter le débat qui consiste à savoir si au regard du revirement jurisprudentiel, une action en répétition de l’indû pourrait être envisagée à l’encontre de certains Comités d’Entreprises dès lors qu’il n’existait aucun indû au moment où les versements étaient effectués.
Jurisprudence
CONTRAIREMENT À L’ENTREPRISE DE TRAVAIL TEMPORAIRE, L’ENTREPRISE UTILISATRICE N’EST PAS L’EMPLOYEUR DU SALARIÉ INTÉRIMAIRE.
Elle ne peut donc pas contester une décision réglant les conséquences d’un accident du travail de ce dernier dès lors que cette action est réservée à l’employeur.
Trois arrêts de la Cour de Cassation récents nous en donnent divers exemples.
1) l’entreprise utilisatrice n’étant pas employeur du salarié temporaire, la Cour de Cassation rappelle dans un arrêt du 15 mars 2018 N°16-19.043 que l’entreprise utilisatrice n’a pas qualité pour contester la décision fixant le taux d’incapacité permanente du salarié victime d’un accident du travail ou d’une maladie professionnelle à l’occasion d’une mission.
Ce faisant la Cour casse l’arrêt rendu par la CNITAAT.
Pour admettre en effet le recours de l’entreprise utilisatrice contre la décision fixant le taux de l’incapacité permanente du salarié temporaire, celle-ci avait relevé que l’entreprise utilisatrice disposait d’un arrêt légitime à contester cette décision, celle-ci influençant le montant de la rente versée à la victime et donc le coût de l’accident du travail supporté pour partie par l’entreprise utilisatrice.
2) Dans un second arrêt également en date du 15 mars 2018 N°16-28.333 la Cour de Cassation confirme que l’entreprise utilisatrice ne peut pas non plus contester l’opposabilité de la prise en charge d’un accident du travail au titre de la législation professionnelle que ce soit à raison du caractère non contradictoire de la procédure d’instruction ou de l’absence de caractère professionnel de l’accident.
3) Enfin et comme le souligne la Cour de Cassation, l’utilisateur peut en revanche agir en responsabilité contractuelle contre l’entreprise de travail temporaire devant la juridictions de droit commun (arrêt N°16-19.043) ou contester devant la juridiction du contentieux général de la Sécurité Sociale, l’imputation pour partie du coût de l’accident du travail prévu par l’article L 241-5.1 du Code de la Sécurité Sociale (arrêt N°16-19.043 et 16- 28.333)
Sur ce dernier point la Cour rappelle dans un arrêt du 15 février 2018 N° 16-22.441 que le coût pouvant être imputé aux comptes de l’utilisateur s’entend exclusivement du capital versé aux ayants-droit en cas d’accident mortel et du capital représentatif de la rente servie à la victime, peu important la reconnaissance d’une faute inexcusable.
Bulletin rédigé par Maître Luc LALANNE – 1, rue du 33ème Mobiles 72015 LE MANS CEDEX