Bulletins JSA

Bulletin JSA – AVRIL MAI 2017

Bulletin rédigé par Maître Odile PROT

Ravel Avocats
4 rue de l’Arcade
75008 PARIS


Editorial

COMMENT FAIRE SIMPLE QUAND ON PEUT FAIRE COMPLIQUE ?

Une illustration très pratique avec les décomptes disparates des délais

Tout parait simple lorsqu’un délai est fixé par les textes. Pourtant, outre les règles de computation des délais régies par le Code de procédure civile et selon les hypothèses, le bénéficiaire aura effectivement la totalité de son délai pour agir, alors que dans d’autres, c’est avant l’expiration de ce délai que le destinataire aura dû être informé. Dans ce dernier cas, le délai fixé au bénéficiaire pour agir se voit réduit, outre la dépendance aux aléas postaux que cela génère. Cette différence peut, mais pas toujours, résulter du texte. Le législateur n’a pas en effet toujours été aussi précis qu’en matière de justification de l’état de grossesse en cas de licenciement ; le texte précise à cet égard que « Les formalités sont réputées accomplies au jour de l’expédition de la lettre recommandée avec avis de réception ». (C. trav. art. R 1225-3).

Cette ambiguïté des textes a donné lieu à des interprétations différentes.

Ainsi, à titre d’exemples :

La notification peut être expédiée jusqu’au dernier jour du délai :

– Pour la notification de la rupture de la période d’essai (Cass soc 11 mai 2005 n°03-40650)

– Pour la réponse du salarié sur son souhait de bénéficier d’offres de reclassement à l’étranger alors qu’il « dispose de sept jours ouvrables pour formuler par écrit sa demande » Art.D1233-2-1 du code du travail (Circ DRT 3 du 15 mars 2011 II3)

A contrario , la notification doit être arrivée au plus tard le dernier jour du délai :

– Pour l’opposition à un accord collectif dont il est pourtant prévu qu’elle est « exprimée dans un délai de huit jours » L2232- 12 C.trav (Cass.Soc 10 janvier 2017 n°15-20335)

– Pour l’homologation de la rupture conventionnelle pour laquelle « L’autorité administrative dispose d’un délai d’instruction de quinze jours  ouvrables » L1237-14 C trav. (Cass soc 16 décembre 2015 n°13-27212)

Reste en revanche flou le délai de rétraction dans le cadre de la rupture conventionnelle, ambiguïté résultant d’ailleurs du texte lui-même : «chacune d’entre elles dispose d’un délai de quinze jours calendaires pour exercer son droit de rétractation.Ce droit est exercé sous la forme d’une lettre adressée par tout moyen attestant de sa date de réception par l’autre partie » L1237-13 C.trav..

En cas de fixation d’un délai , que ce soit de manière unilatérale ou par accord, il est donc primordial, pour éviter des interprétations aléatoires voire contradictoires, de ne pas se contenter de fixer le dit délai, mais de préciser en sus si l’acte à accomplir doit être notifié (cachet d’expédition de la POSTE faisant foi) ou reçu (date de présentation du courrier par la POSTE ou date de récépissé en main propre faisant foi), dans le délai fixé.

Actualité

ASSURANCE CHôMAGE

Alors que les négociations avaient échoué en 2016, et contraint le Gouvernement à reporter la date d’échéance de la convention UNEDIC du 14 mai 2014 jusqu’à l’entrée en vigueur d’une nouvelle convention, les partenaires sociaux ont fini par trouver un accord le 28 mars 2017 signé par tous les syndicats à l’exception de la CGT, et qui doit encore être transcrit en convention puis agréé par le Ministère du travail. Il devrait entrer en vigueur le 1 septembre 2017.

Les principales dispositions que les employeurs doivent intégrer à ce propos sont les suivantes :

Concernant les charges :

• Une opération neutre :

– En plus, la cotisation patronale d’assurance chômage sera majorée de 0,05%. Cette majoration devrait être temporaire (36 mois).

– En moins : la cotisation AGS sera réduite de 0,05% ;

• La suppression d’une exonération : l’exonération temporaire de cotisations patronales d’assurance chômage pour l’embauche d’un jeune en CDI de moins de 26 ans sera supprimée ;

• La suppression d’une cotisation :

La surtaxation des CDD d’une durée inférieure ou égale à trois mois sera supprimée pour tous les contrats, sauf pour les contrats d’usage pour lesquels elle sera maintenue, en principe seulement pour 18 mois.

Concernant l’indemnisation des chômeurs :

• La durée minimale d’affiliation sera ramenée de 122 jours à 88 jours,

• Le différé maximal d’indemnisation sera ramené de 180 jours à 150 jours (il s’agit du délai, calculé en fonction des indemnités extralégales perçues à l’occasion de la rupture) pendant lequel le chômeur ne perçoit aucune allocation). Rappel, en cas de licenciement pour motif économique, ce délai maximal reste fixé à 90 jours.

• L’âge d’entrée dans la filière dite « senior » qui permet de bénéficier de durées d’indemnisation maximales allongées est reporté et son application divisée en deux paliers :

– Age d’entrée reporté à 53 ans au lieu de 50 ans

– Durée d’indemnisation (maximale de 24 mois avant 53 ans)
30 mois de 53 à 55 ans,
36 mois au-delà de 55 ans.

Ces nouvelles dispositions s’appliqueront aux salariés dont la fin de contrat sera postérieure au 1er septembre 2017, et par exception, pour les salariés compris dans une procédure de licenciement pour motif économique, aux procédures engagées après cette date.

COMPTE PERSONNEL DE FORMATION ET PERMIS DE CONDUIRE

Le compte personnel de formation, qui a pris le relai du DIF, permet à son titulaire de décider des formations qu’il entend suivre pour maintenir son niveau de qualification ou accéder à un niveau de qualification supérieur. Il est géré pour chacun à travers un portail internet qui permet de vérifier les formations qui y sont éligibles (www.moncompteformation. gouv.fr).

Depuis le 15 mars 2017, aux termes d’un décret pris en application de la loi relative à l’égalité et à la citoyenneté du 27 janvier 2017, figure au nombre de ces formations éligibles le permis de conduire (épreuve théorique du code de la route et épreuve pratique du permis de conduire des véhicules du groupe léger de la catégorie B).

Deux conditions sont toutefois posées :

– l’obtention du permis de conduire doit contribuer à la réalisation d’un projet professionnel ou à favoriser la sécurisation du parcours professionnel du titulaire du CPF ;

– le bénéficiaire ne doit pas faire l’objet d’une suspension de son permis de conduire ou d’une interdiction de solliciter un tel permis.

La formation doit être dispensée par un établissement agréé ayant qualité d’organisme de formation. (décret n° 2017-273 du 2 mars 2017, articles L6323- 6III et D6323-8-3 du code du travail)

Jurisprudence

TOUS LES BONS D’ACHATS SONT SOUMIS AUX COTISATIONS

En application de l’article L242-1 du code de la sécurité sociale, toutes les sommes versées par un employeur à ses salariés sont soumises aux cotisations de sécurité sociale.

Quelques exceptions existent qui sont prévues par les textes (notamment, dans certaines conditions, les indemnités de licenciement).

D’autres ont été prévues par des positions administratives, reprises par circulaires Acoss. Ainsi en est-il des bons d’achat qui pourraient être exonérés de cotisations lorsqu’ils sont attribués, par l’employeur ou le comité d’entreprise, en relation avec un événement particulier (instruction ministérielle du 17 avril 1985) ou dont le montant n’excède pas pour un salarié 5% du plafond mensuel de sécurité sociale par année civile, soit 163€ en 2017 (lettre ministérielle du 12 décembre 1988 reprise par une circulaire ACOSS n°2011-5024).

La Cour de cassation vient de confirmer une nouvelle fois qu’il ne s’agit que de tolérances administratives, sans portée normative, qui ne peuvent fonder une décision de justice : il appartient aux tribunaux de n’appliquer que les textes (Cass. Soc 30 mars 2017 n°15- 25453).

Cet arrêt est l’occasion de rappeler que :

– les instructions ministérielles ne s’imposent que sous condition d’avoir été publiées sur le site officiel (circulaires.legifrance. gouv.fr)

– les prises de position de l’ACOSS ne lient pas les URSSAF, même si, comme pour les bons d’achat, le site de l’URSSAF reprend la tolérance susvisée.

Il convient donc de vérifier précisément la nature des textes auxquels on se réfère avant de prendre une décision relative aux cotisations.

LA RENONCIATION A LA CLAUSE DE NON CONCURRENCE

La clause de non concurrence apporte à la liberté du travail une restriction que les tribunaux se sont attachés à encadrer de plus en plus strictement.

Après avoir défini ses limites de mise en oeuvre (protection des intérêts légitimes de l’entreprise, limitation dans le temps et dans l’espace) et posé l’obligation d’y adjoindre une contrepartie financière conforme à l’étiage fixé par la convention collective ou à un étiage suffisant en cas de carence de fixation du montant par la convention collective, la jurisprudence récente s’attache à fixer les conditions dans lesquelles l’employeur peut renoncer à l’application de cette clause.

C’est, en principe, le contrat de travail et lui seul, ou à défaut la convention collective pour autant que le contrat s’y réfère expressément, qui peut offrir à l’employeur une faculté de renonciation unilatérale et doit en fixer les modalités. Cela étant, les tribunaux encadrent l’exercice de ce droit,  notamment sur les délais de renonciation , et n’hésitent pas à restreindre le délai pourtant prévu par le contrat.

La Cour de cassation avait ainsi déjà décidé que la renonciation doit intervenir en toute hypothèse au plus tard à la date du départ effectif de l’entreprise en cas de dispense de préavis (Cass soc 13 mars 2013 n°11- 21150).

Elle vient de compléter cette jurisprudence par une décision du 2 mars 2017 qui va dans le même sens et qui s’applique à une hypothèse d’adhésion au Contrat de Sécurisation Professionnelle (proposé dans le cadre des procédures de licenciement pour motif économique) : la levée de la clause doit intervenir au plus tard à la date de départ du salarié de l’entreprise (Cass Soc 2 mars 2017 n°15-15405).

Pour mémoire la date de rupture du contrat de travail, en cas d’adhésion, est fixée au 22ème jour suivant la proposition d’adhésion. Si l’employeur n’a pas levé la clause de non concurrence lorsqu’il a remis à son salarié, avec la proposition de CSP la motivation économique du projet de licenciement en cours, il doit impérativement le faire au plus tard à cette date.

En conclusion, deux points de vigilance à l’occasion de toute rupture d’un contrat de travail comportant une clause de non concurrence, sont à vérifier :
– l’existence d’une possibilité de renonciation,

– l’exercice de ce droit au plus tard au départ « physique » du salarié.

Bulletin rédigé par Maitre Odile PROT,
Ravel Avocats, 4 rue de l’Arcade, 75008 PARIS