Bulletins JSA

Bulletin JSA – JUIN JUILLET 2017

Bulletin rédigé par Maître Philippe BODIN

SCP BASILIEN BODIN ASSOCIES
4 rue Niepce
60200 COMPIEGNE


Editorial

MODIFICATION DE CODE DU TRAVAIL : UNE RÉFORME À VALEUR DE TEST

Le 6 juin dernier, le Premier Ministre et la Ministre du travail transmettaient à l’ensemble des partenaires sociaux une feuille de route prévoyant trois ensembles de réforme destinés à « rénover le modèle social ».Le premier chantier, le plus important et le plus délicat à mettre en oeuvre, porte sur la réforme du Code du travail (les deux autres concernant la sécurisation des parcours professionnels et la rénovation du système de retraite).

Les concertations, devant en principe aboutir à la publication d’ordonnances avant la fin de l’été, ont débuté le 9 juin et doivent être clôturées le 21 juillet prochain. Pas moins de 48 réunions bilatérales ont ainsi été programmées (à raison de deux réunions par organisation syndicale et patronale).
Au menu des débats, plusieurs thèmes au nombre desquels l’articulation entre les accords de branche et d’entreprise, la fusion des institutions représentatives du personnel, la mise en place d’un barème d’indemnités pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, le contrat de travail à durée indéterminée de projet, le licenciement économique dans une filiale d’un groupe international.

Si le nouveau gouvernement peut compter sur l’appui du MEDEF, qui a notamment fait savoir, par la voix de son Président, Pierre GATTAZ, son souhait que « les chefs d’entreprise puissent négocier le plus de choses possibles avec ses salariés directement », ainsi que sur celui de la majorité des D.R.H (selon une enquête réalisée par l’Association Nationale des DRH, près de 8 sur 10 d’entre eux approuvent, en effet, la réforme du Code du travail par ordonnances), il sera confronté, en revanche, à une forte opposition, syndicale entre autre.

Ainsi, la commission exécutive confédérale de Force Ouvrière a-t-elle voté une déclaration aux termes de laquelle elle menace de se mobiliser contre la réforme envisagée si le gouvernement ne tient pas compte de ses revendications.

Ainsi, la CFDT a-t-elle mis le gouvernement en garde en déclarant, par la voix de son secrétaire général, Laurent BERGER, que « si le gouvernement ne tient pas compte des lignes jaunes des syndicats pour réformer le Code du travail, son organisation se mobilisera ».

Ainsi, la CGT, qui considère « qu’avec le projet gouvernemental, tous les droits garantis par les conventions collectives de branche seront remis en cause, voire amenés à disparaître », appelle-t-elle les salariés à « poursuivre et amplifier la mobilisation contre le projet XXL du gouvernement MACRON ».

Opposition syndicale, donc, mais également émanant d’autres horizons.

À titre d’exemple, le Front Social (Collectif en rupture avec les confédérations syndicales et composé de sections CGT, SUD et UNEF et d’associations) appelle à une mobilisation dans toute la France pour lutter contre « le plan de destruction sociale massive » d’Emmanuel MACRON.

L’Union syndicale Solidaires, considérant que ce dernier entend imposer son programme et remettre en cause l’essentiel des droits des salariés en quelques mois, appelle, quant à elle, à une forte mobilisation contre les reculs sociaux.

Certains députés nouvellement élus se feront, par ailleurs, un malin plaisir pour attiser cette opposition.

C’est donc à un véritable bras de fer auquel va se livrer le gouvernement.

La question n’est pas de savoir si la réforme du Code du travail aboutira (le recours aux ordonnances levant tout obstacle à cet égard), mais dans quelles conditions elle aboutira.

Selon la nature et le degré d’opposition rencontrée, le nouveau pouvoir saura s’il a passé avec succès ce premier test.

Il en va de sa crédibilité.

Actualités

LE PLAN NATIONAL CANICULE 2017 EST PUBLIÉ

Une instruction interministérielle du 24 mai 2017 fixe les modalités de mise en oeuvre du Plan National Canicule (PNC) pour 2017. Elle indique les quatre niveaux d’alerte mis en place (« veille saisonnière », « avertissement chaleur », « alerte canicule », « mobilisation maximale ») ainsi que leurs conséquences.

Le PNC rappelle également les obligations incombant aux employeurs. Ceux-ci doivent prendre les mesures nécessaires pour assurer la sécurité et protéger la santé des travailleurs, en tenant compte, notamment, des conditions climatiques. Le risque « fortes chaleurs » doit également être intégré dans le cadre de l’élaboration du document unique d’évaluation des risques et du plan d’action. Le texte précise aussi le rôle des Direccte, qui doivent inciter les entreprises à adapter l’organisation du travail en prévision des fortes chaleurs.

A ce titre, elles peuvent mobiliser les services de santé afin de conseiller les employeurs sur les précautions à prendre à l’égard des salariés et organiser une vigilance accrue des services d’inspection du travail dans les secteurs d’activité les plus concernés (en particulier le BTP, mais aussi la restauration, la boulangerie, les pressings, etc.).

CLARIFICATION DU BULLETIN DE PAIE

Une lecture combinée du décret du 25 février 2016 et de l’arrêté de la même date portant clarification du bulletin de paie laissait apparaître une contradiction entre ces deux textes. En effet, contrairement à la maquette de l’arrêté, le décret indiquait que le taux (en plus du montant et de l’assiette) des cotisations et contributions patronales d’origine légale et conventionnelle devait figurer sur le bulletin de paie.

La Direction de la sécurité sociale avait adopté une position souple en laissant à l’entreprise la possibilité de faire figurer ou non ce taux.

Cette contradiction est désormais levée par l’article 10 du décret du 9 mai 2017 relatif au décompte des effectifs qui a supprimé le « taux patronal » des mentions devant figurer sur le bulletin de paie, s’alignant ainsi sur la maquette de l’arrêté.

Jurisprudence

CONTRÔLE URSSAF:

OPPOSABILITÉ DES CIRCULAIRES PUBLIÉES
(Cass. 2eme civ. 24 mai 2017, n°16-15.724)

L’article L. 243-6-2 du Code de la sécurité sociale rend opposable aux organismes chargés du recouvrement les circulaires ou instructions publiées du ministère chargé de la sécurité sociale, portant sur la législation relative aux cotisations et contributions de sécurité sociale. Ainsi, l’Urssaf ne peut procéder « à aucun redressement de cotisations et contributions sociales, pour la période pendant laquelle le cotisant a appliqué l’interprétation alors en vigueur, en soutenant une interprétation différente de celle admise par l’administration ».

La personne contrôlée pourra se prévaloir de l’application de la circulaire ou instruction ministérielle pour faire obstacle au redressement.

Dans l’espèce soumise à la Cour de cassation, la question se posait de savoir si l’entreprise cotisante pouvait, de la même façon, se prévaloir de  l’application d’une circulaire publiée pour obtenir l’annulation d’observations pour l’avenir présentées par l’Urssaf à l’issue d’un contrôle,
alors qu’elle n’était pas en situation de redressement. La Cour répond par la négative. Elle applique en effet strictement les prévisions de l’article L. 243-6-2 précité, qui n’instituent le mécanisme de l’opposabilité que pour faire échec à un redressement et non pour obtenir l’annulation
d’observations visant à ce que le cotisant modifie sa pratique pour la période postérieure à celle contrôlée.

INAPTITUDE PROFESSIONNELLE :

L’EMPLOYEUR N’EST PAS TENU DE PRÉSENTER LES OFFRES DE RECLASSEMENT PAR ECRIT
(Cass. Soc., 8 juin 2017, n°15-29.419)

Cette décision de la Cour de cassation transpose à l’inaptitude consécutive à un accident du travail ou une maladie professionnelle la récente jurisprudence dégagée en matière de formalisation des offres de reclassement présentées à la suite d’une inaptitude non professionnelle.

En effet, dans un arrêt du 31 mars 2016 (Cass. soc. 31 mars 2016 – n° 14-28.314), confirmé par une décision rendue le 22 septembre 2016 (Cass. soc. 22 septembre 2016 – n° 15- 15.966), les Hauts Magistrats ont jugé que les dispositions de l’article L. 1226-2 du Code du travail (inaptitude non professionnelle) n’imposaient pas que les propositions de reclassement soient faites par écrit.

Statuant cette fois au visa de l’article L. 1226-10 (inaptitude professionnelle), l’arrêt du 8 juin 2017 applique le même principe aux offres de reclassement d’un salarié déclaré inapte à la suite d’un accident du travail ou d’une maladie professionnelle.

On notera que la modification des articles L. 1226-2 et L. 1226-10 du Code du travail par la Loi Travail du 8 août 2016 (non applicable dans la présente affaire) ne s’oppose pas au maintien de cette jurisprudence puisqu’aucune exigence formelle n’a été introduite pour la présentation des offres de reclassement.

La prudence commande, néanmoins, de privilégier l’écrit pour des raisons évidentes de preuve.

CONGÉS PAYÉS :

LE SALARIÉ RÉINTÉGRÉ NE BÉNÉFICIE PAS DE CONGÉS AU TITRE DE LA PÉRIODE D’ÉVICTION
(Cass. soc. 11 mai 2017 n° 15-19.731)

Cette affaire concernait un salarié ayant obtenu, après l’arrivée du terme de son contrat de travail à durée déterminée, sa requalification en contrat de travail à durée indéterminée. Le juge avait requalifié la rupture des relations contractuelles en licenciement nul dans la mesure où le salarié bénéficiait de la protection des accidentés du travail.

Ayant demandé sa réintégration, l’intéressé a obtenu une indemnité correspondant aux salaires perdus entre la date de son éviction et celle de sa réintégration dans l’entreprise, après déduction des revenus de remplacement perçus dans cet intervalle, mais a été débouté de sa demande de jours de congés au titre de la période d’éviction.

La Cour de cassation a, en effet, considéré que la période d’éviction n’ouvrait pas droit à l’acquisition de jours de congés.

INAPTITUDE :

CONVOCATION DES DÉLÉGUÉS DU PERSONNEL PAR COURRIEL EN VUE D’ÊTRE CONSULTÉS SUR LA POSSIBILITÉ DE RECLASSEMENT DU SALARIÉ INAPTE
(Cass. soc. 23 mai 2017 n° 15-24.713)

En cas d’inaptitude professionnelle et, depuis la Loi Travail du 8 août 2016, en cas d’inaptitude non professionnelle, l’employeur doit recueillir l’avis des délégués du personnel sur les possibilités de reclassement.

S’il s’agit d’une formalité substantielle (son inobservation étant sanctionnée, en cas d’inaptitude professionnelle, par l’indemnité d’au moins 12 mois de salaires prévue par l’article L. 1226-15 du Code du travail), la jurisprudence se montre plus souple quant à la forme que doit revêtir cette consultation.

Dans le silence du Code du travail sur ce point, la Cour de cassation a ainsi précisé, en 2003, que l’employeur n’était pas tenu de recueillir l’avis des délégués du personnel collectivement au cours d’une réunion. Cet avis pouvait être recueilli individuellement (Cass. soc. 29 avril 2003 – n° 00- 46.477).

Dans le présent arrêt, la Cour de cassation indique que les délégués du personnel peuvent être convoqués à une réunion collective par courriel sans qu’il en résulte une irrégularité de la consultation.

Bulletin rédigé par Maître Philippe BODIN, Avocat,
SCP BASILIEN-BODIN Associés – 4,rue Niepce – 60200 COMPIÈGNE