Bulletin JSA – FEVRIER MARS 2017
Bulletin rédigé par Maîtres TRUNO, OUALI, DELALANDE, BAPTISTE et ROUX
Cabinet TRUNO & ASSOCIES
7 rue de la Grange aux Grains
03700 BELLERIVES SUR ALLER
Editorial
L’EMPLOYEUR DÉLATEUR… OU PAYEUR
Lorsque l’employeur recevait un avis de contravention routière pour une infraction au Code de la route commise par un salarié avec un véhicule de l’entreprise, il pouvait décider de mettre en oeuvre la procédure d’exonération en indiquant qui était l’auteur de l’infraction. Cette faculté existait
déjà, libre à l’employeur de mettre en oeuvre ou non cette procédure, pour mettre à la charge du salarié, auteur de l’infraction, notamment le paiement de l’amende.
Le véritable auteur de l’infraction était ainsi redevable de l’amende et faisait éventuellement l’objet d’un retrait de points.
Soit l’employeur, pour des questions de principe, mettait en oeuvre systématiquement cette procédure, refusant de prendre à sa charge, quelle que soit les circonstances, le coût d’une contravention dont il n’était pas l’auteur avec, peut-être, l’espoir de responsabiliser les utilisateurs des véhicules de l’entreprise.
Soit, l’employeur mettait en oeuvre cette procédure de manière très subsidiaire, en réaction à un comportement récurrent des utilisateurs, ou bien en l’absence de remboursement spontané du véritable auteur, ou encore, compte tenu de la nature des fonctions de l’utilisateur des véhicules de
l’entreprise.
En effet, compte tenu de la nécessité impérieuse pour certains salariés exerçant des fonctions pour lesquelles la détention du permis est indispensable, tels notamment les commerciaux, les chauffeurs, les livreurs, les emplois de services à la personne et par ailleurs bon élément dans l’entreprise, certains employeurs préféraient rester muets sur la question et taire l’identité du véritable auteur de l’infraction préférant préserver ainsi la pérennité d’un emploi et d’un bon élément.
Cette pratique est-elle remise en cause par l’article L.121-6 du Code de la route qui sanctionne l’employeur refusant de divulguer l’identité de l’auteur de l’infraction routière ?
La sanction est sans conteste de nature à décourager la plupart des employeurs, puisque l’employeur qui refuse de dénoncer son salarié encourt une
amende de 4ème classe (750 € au maximum pour l’employeur personne physique, 3.750 € au maximum pour l’entreprise personne morale).
Il s’agit de l’amende encourue en cas de constat de l’absence de dénonciation par l’employeur, amende distincte de celle relative à l’infraction routière.
Reste qu’à la réception de l’infraction routière, l’employeur aura finalement toujours le choix de dénoncer ou non, c’est à dire de payer à la place de son salarié la contravention routière,de prendre le risque de faire l’objet d’un contrôle et d’être condamné en cas de constat de non dénonciation.
Cela suppose donc qu’il soit mis en place, par les services compétents, lors de la réception du paiement de la contravention routière un contrôle permettant de vérifier l’identité du « payeur » de la contravention routière.
Le temps que ces moyens de contrôle se mettent en place de manière efficace, certains employeurs tenteront peut-être, dans un premier temps, de
prendre le risque de ne pas dénoncer leurs salariés, de continuer à prendre à leur charge le coût lié à l’infraction routière et de demeurer un employeur «payeur ».
Cette position sera toutefois probablement et rapidement ébranlée par les premières condamnations en la matière.
Le caractère onéreux de la non divulgation de l’identité du conducteur aura certainement raison, à terme, de la résistance de l’employeur, lequel n’aura finalement pas d’autre choix que de se rallier à la position d’employeur « délateur ».
Loi
INAPTITUDE PHYSIQUE : DES PROCÉDURES SIMPLIFIÉES OU COMPLEXIFIÉES?
La loi 2016-1088 du 8 août 2016, dite loi El Khomri et le décret du 27 décembre 2016, définissent comme suit l’inaptitude physique des salariés :
Un salarié est déclaré physiquement inapte par le Médecin du travail lorsque celui-ci constate qu’aucune mesure d’aménagement, d’adaptation ou de transformation du poste de travail occupé n’est possible, et que l’état de santé de l’intéressé justifie un changement de poste (Code du travail, Article L4624-4 nouveau).
Ces mêmes textes apportent deux modifications de fond concernant l’inaptitude physique des salariés :
D’une part, la procédure de constatation par le Médecin du travail de l’inaptitude est remaniée.
D’autre part, son régime est unifié, quelle que soit l’origine de la maladie ou de l’accident du salarié.
Il n’est toutefois pas certain que la procédure applicable depuis janvier 2017 soit beaucoup plus simple que celle actuellement en vigueur.
En effet, le Médecin ne peut pas rendre immédiatement son avis sur l’aptitude ou l’inaptitude du salarié.
Les précisions portées par la loi El Khomri et le décret du 272016 indiquent que le Médecin du travail doit, au préalable, procéder ou faire procéder par un membre de l’équipe pluridisciplinaire, à une étude de poste, des conditions de travail, et indiquer la date à laquelle la fiche d’entreprise a été actualisée.
Le Médecin doit, par ailleurs, procéder à un échange, par tous moyens, avec l’employeur et avec le salarié.
Le Médecin, s’il estime un second examen nécessaire pour rassembler les éléments permettant de motiver sa décision, réalise celui-ci dans un délai qui n’excède pas quinze jours après le premier examen.
Finalement, la question se pose de savoir si le Médecin, l’employeur et le salarié sont réellement libérés par la nouvelle règlementation du carcan des
deux visites, dans la mesure où le Médecin ne peut prononcer l’inaptitude qu’après avoir réalisé l’ensemble des obligations ci-avant décrites, et qu’il utilisera très probablement fréquemment le délai de quinze jours pour les réaliser.
Il convient par ailleurs de rappeler que le Médecin du travail est désormais tenu de préciser dans son avis :
– ses conclusions écrites
– les indications qu’il formule sur les capacités du salarié à exercer l’une des tâches externe à l’entreprise,
– la capacité du salarié à bénéficier d’une formation en vue de pouvoir occuper un poste adapté.
Ces mentions sont impératives sauf à ouvrir la porte dans l’hypothèse d’un contentieux d’une remise en cause de la mesure de licenciement intervenue.
Enfin, sauf si le Médecin a indiqué clairement dans son avis que l’employeur était dispensé de recherche de reclassement en stipulant : « que tout maintien du salarié dans un emploi serait gravement préjudiciable à sa santé », ou « que l’état du salarié fait obstacle à tout reclassement dans un emploi », il est comme auparavant, tenu à une obligation de recherche de reclassement, laquelle, désormais, doit être accompagnée d’une consultation des délégués du personnel, que l’origine de l’inaptitude soit professionnelle ou non (sous réserve, le cas échéant, de l’existence d’un procès-verbal de
carence).
Précisons, en outre, que dorénavant et y compris en cas d’inaptitude d’origine non professionnelle, la procédure de licenciement ne peut être initiée
qu’après consultation des délégués du personnel sur les solutions de reclassement ou les raisons de l’impossibilité de reclassement et qu’après information préalable du salarié, par voie épistolaire, des motifs rendant impossible son reclassement avant que ne puisse être expédiée la convocation à entretien préalable.
Les entreprises qui ne sont pas à jour de élections DP ne pourront donc pas licencier un salarié inapte d’origine professionnelle et/ ou professionnelle.
Il n’est pas certain, au vu de l’ensemble de ces règles, que la procédure ait été simplifiée… bien au contraire !
Actualité
L’EMPLOYEUR PEUT PRATIQUER LUI-MÊME UN TEST SALIVAIRE DE DÉPISTAGE DE DROGUE
(CE 5-12-2016 n°394178)
Le Conseil d’état fixe les conditions dans lesquelles un règlement intérieur peut organiser le recours à un test salivaire de dépistage de la consommation de stupéfiants et autorise l’employeur ou un supérieur hiérarchique à effectuer eux-mêmes ce test.
Cette position du Conseil d’état tranche la question posée depuis plusieurs années de la possibilité par un employeur de réaliser un test salivaire
de dépistage de drogue.
1 Le Conseil d’état estime dans un premier temps que le test salivaire ne nécessite pas le recours d’un médecin du travail.
Le Conseil d’état estime que, dès lors qu’il a pour seul objet de révéler par une lecture instantanée l’existence d’une consommation récente de produits stupéfiants, le test salivaire ne constitue pas un examen de biologie médicale au sens du code de la santé publique, nécessitant d’être réalisé par un biologiste médical ou sous sa responsabilité.
Ce test n’ayant pas, par ailleurs, pour objet d’apprécier l’aptitude médicale des salariés à exercer leur emploi, il ne requiert pas non plus l’intervention
du Médecin du travail.
Le Conseil d’état précise que si les résultats de ce test ne sont pas couverts par le secret médical, l’employeur et le supérieur hiérarchique désignés pour le mettre en oeuvre sont tenus à cet égard au secret professionnel.
2 Le Conseil d’état précise toutefois que ce test salivaire ne peut être pratiqué que sous certaines conditions.
Il convient de rappeler à ce titre, que le droit interdit qu’une atteinte disproportionnée aux droits et libertés des salariés ne leur soit apportée (article L.1121-1 et L.1321-3 du Code du travail).
Le Conseil d’état, dans l’espèce qui lui était soumise, constate que le règlement intérieur réservait les contrôles aléatoires de consommation de stupéfiants aux seuls postes dits hypers sensibles, pour lesquels l’emprise de la drogue constituait un danger particulièrement élevé pour le salarié et pour les tiers.
Le Conseil d’état relève également que le règlement intérieur reconnaissait au salarié ayant fait l’objet du test salivaire positif, le droit d’obtenir une contre-expertise à la charge de l’employeur.
3 Enfin, le Conseil d’état justifie la licéité des tests salivaires au regard de l’obligation de sécurité à laquelle l’employeur est tenu en application de l’article L.4121-1 du Code du travail.
LA PORTÉE GÉNÉRALE D’UNE TRANSACTION MET FIN À TOUTE POSSIBILITÉ DE SAISIR LA JURIDICTION PRUD’HOMALE Cass. Soc.,11 janvier 2017, n°15-20040
Un salarié a saisi la juridiction prud’homale d’une demande visant à obtenir réparation du préjudice d’anxiété lié à son exposition à l’amiante au cours
de l’exécution de son contrat de travail.
Néanmoins, il avait signé quelques années auparavant une transaction avec son employeur aux termes de laquelle il indiquait être rempli de tous ses
droits et renoncer à faire valoir tout autre grief à l’encontre de son employeur résultant tant de l’exécution que de la rupture du contrat de travail.
Il obtenait gain de cause devant la Cour d’appel. Elle retenait que la demande liée à la reconnaissance et à la réparation du préjudice d’anxiété reposait sur une jurisprudence postérieure à la signature de la transaction et qu’au jour de la signature, le salarié n’était pas en mesure de porter à la connaissance de son employeur cette revendication.
Cette position est censurée par la Chambre sociale de la Cour de cassation qui estime qu’une transaction rédigée en des termes généraux dans laquelle le salarié s’estime rempli de ses droits, vaut renonciation à l’ensemble de ses demandes.
La Chambre sociale de la Cour de cassation adopte une position extensive de la portée de la transaction et estime qu’une renonciation ayant une portée générale éteint toute possibilité de contestation ultérieure devant le juge.
Cette décision met donc un terme à la conception restrictive de la portée d’une transaction qu’avait auparavant pu adopter la Chambre sociale de la Cour de cassation.
L’OMISSION DE CERTAINES MENTIONS, JUSQU’ICI OBLIGATOIRES, NE VAUT PLUS REQUALIFICATION À TEMPS COMPLET DU CONTRAT DE TRAVAIL
Par un arrêt rendu le 25 janvier 2017 (Cass. soc. 25 janv. 2017, n°15-16.708), la chambre sociale de la Cour de cassation restreint les motifs de requalification du temps partiel en temps complet.
Une double question était soumise aux juges dans cette affaire :
– Savoir, d’une part, si le seul dépassement des heures complémentaires au-delà du dixième du temps contractuel, entraine la requalification en contrat à temps complet ;
– Savoir, d’autre part, si le seul défaut de la mention dans le contrat de travail, des limites dans lesquelles peuvent être effectuées les heures complémentaires au-delà de l’horaire contractuel, entraine la requalification en contrat à temps complet.
La Haute Juridiction répond par la négative à ces deux questions.
Concernant la mention des plafonds d’heures complémentaires, cet arrêt s’inscrit dans une ligne jurisprudentielle fixe de la chambre sociale (Cass. soc. 30 nov. 2010, n°09-68.609).
Il contribue également à réduire la lettre de l’article R. 3124-5 du Code du travail, lequel sanctionne l’omission de ces limites dans le contrat de travail, par une contravention de 5ème classe.
Des interrogations subsistent néanmoins quant à la position de la chambre sociale concernant l’omission au contrat d’une mention prévue par l’article L. 3123-6 du Code du travail.
Ce dernier texte précise en effet que le contrat de travail à temps partiel prévoit les limites dans lesquelles peuvent être accomplies des heures complémentaires au-delà de la durée de travail fixée par le contrat.
Or, la chambre sociale a encore récemment jugé que l’omission au contrat de la durée du travail et sa répartition, éléments requis par l’article L. 3123-6 du Code du travail, entraine la requalification en temps complet (Cass. soc. 23 nov. 2016, n°15-18.093).
Cette position jurisprudentielle s’explique par le fait qu’une telle omission empêche, de façon potentielle, le salarié de prendre un autre emploi complémentant son temps partiel.
Pour les juges, certaines mentions du contrat ont ainsi une valeur supérieure à d’autres, et justifient une requalification en temps complet en cas d’omission.
Tel n’est manifestement pas le cas du défaut dans le contrat de travail, des limites dans lesquelles peuvent être effectuées les heures complémentaires.
Cet arrêt confirme la tendance actuelle des juges à restreindre les obligations de l’employeur en matière de temps partiel, la chambre sociale ayant notamment jugé que les horaires de travail ne sont pas une mention obligatoire du contrat de travail à temps partiel (Cass. soc., 14 déc. 2016, n° 15-16.131).
Bulletin rédigé par Maîtres Bernard Truno, Christophe Ouali, Claire Delalande, Marlene Baptiste et Jean Roux – Cabinet TRUNO & ASSOCIES
7, rue de la Grange aux Grains 03700 BELLERIVE-SUR-ALLIER