JUIN – JUILLET 2021

Editorial

QUEL EST LE POINT DE DÉPART DU DÉLAI DE RECOURS DE 15 JOURS CONTRE UN AVIS D’INAPTITUDE ?

Le sujet peut apparaître anodin mais pour autant, par une décision du 2 juin 2021 (Soc., 2 juin 2021, n° 19-24.061), la Cour de cassation juge que le délai de 15 jours dont dispose l’employeur pour contester, devant le Conseil de Prud’hommes, l’avis d’inaptitude d’un salarié à occuper son poste de travail, court à compter de la notification
de ce même avis, et non pas à compter de la réception des éléments de nature médicale le justifiant.
En l’espèce, une salariée qui était placée en arrêt de travail avait fait l’objet d’un avis d’inaptitude à tout poste par le médecin du travail le 25 octobre 2017.
Le 16 novembre 2017, l’employeur avait saisi la juridiction prud’homale en la forme des référés d’une contestation de cet avis et avait sollicité la désignation d’un médecin-expert.
La Cour d’appel saisie du litige a jugé, par un arrêt « avant dire droit », que l’action formée par l’employeur était hors délai et donc irrecevable. Selon la Cour d’appel, le délai de 15 jours ouvert pour la saisine du Conseil de Prud’hommes court à compter de la notification de l’avis d’inaptitude.
L’employeur soutenait, pour sa part, que le délai de 15 jours lui permettant de saisir le Conseil de Prud’hommes courait à compter du jour où les éléments de nature médicale justifiant la position du médecin du travail lui avaient été notifiés.
La Cour de cassation a confirmé l’irrecevabilité de l’action et approuvé le raisonnement de la Cour d’appel.
Pour rappel, face à l’hypothèse d’un avis d’inaptitude d’un salarié émis par le médecin du travail, l’employeur peut contester les éléments de nature médicale justifiant ledit avis en saisissant le Conseil selon une procédure accélérée au fond.
L’affaire étant antérieure à l’ordonnance du 20 décembre 2017 qui a réformé la procédure de contestation des éléments de nature médicale justifiant l’avis d’inaptitude d’un salarié émis par le médecin du travail, les Hauts magistrats ont interprété les textes applicables dans leur ancienne version.
Cependant, cette décision est transposable dans le cadre juridique actuel, sensiblement identique.
Dans la rédaction applicable à l’époque des faits, le Code du travail précisait que, en cas de contestation portant sur les éléments de nature médicale justifiant les avis, propositions, conclusions écrites ou indications émis par le médecin du travail (la rédaction actuelle étant « en cas de contestation portant sur les avis, propositions, conclusions écrites ou indications reposant sur des éléments de nature médicale émis par le médecin du travail »),
l’employeur pouvait saisir le Conseil de Prud’hommes dans un délai de quinze jours à compter de leur notification.
Cela s’explique par le fait que l’employeur ne reçoit pas les éléments de nature médicale eu égard au secret médical auquel est soumis le médecin du travail.
Par l’arrêt du 2 juin 2021, la Cour de cassation a rejoint la position du Ministère du Travail qui a publié le 26 octobre 2020 un document intitulé « Recours contre un avis d’inaptitude », lequel indiquait que la contestation des avis du médecin du travail devait être portée devant le Conseil de Prud’hommes dans les 15 jours suivant leur notification (site internet du ministère du Travail).
Cette décision peut s’analyser en une « bouteille d’encre » pour l’employeur qui se trouve contraint de contester un avis d’inaptitude physique sans avoir connaissance des éléments de nature médicale sur lesquels repose l’avis du médecin du travail.
Former un recours sans avoir été informé des éléments de nature médicale ou se conformer à un avis médical avec lequel l’employeur est en désaccord : ce dernier se trouve coincé entre des impératifs contradictoires…

Actualité Covid

ACTIVITÉ PARTIELLE : QUELLE INDEMNISATION À PARTIR DU 1ER JUILLET 2021 ?

Le déconfinement a eu pour conséquence positive une reprise de l’activité économique.
Dès lors, s’en est suivie une évolution du dispositif de l’activité partielle par Décret n° 2021-674 du 28 mai 2021.
Cas général pour les salariés des entreprises qui ne sont pas fermées par décisions administratives, qui n’appartiennent pas aux secteurs les plus touchés et en l’absence
d’accord d’activité partielle de longue durée (APLD) : L’indemnité a évolué au 1er juillet 2021 en ce qu’elle est désormais de 60 % de la rémunération antérieure brute, soit environ 72 % de la rémunération nette, avec un minimum de 8,11 € et un maximum de 27,68 € par heure.
Depuis le 1er juillet 2021, le taux de l’allocation d’activité partielle accordée aux employeurs est de 36 % de la rémunération brute de référence.
Cas particulier pour les salariés des secteurs protégés et des établissements fermés administrativement ou soumis à restriction :

La prise en charge intégrale de l’activité partielle est maintenue jusqu’au 31 octobre 2021 au bénéfice des entreprises les plus touchées par les effets de la crise sanitaire.
Sont concernées :

  • les entreprises dont l’activité a été interrompue par décision administrative en raison de la crise sanitaire,
  • les entreprises situées dans une circonscription territoriale soumise à des restrictions spécifiques des conditions d’exercice de l’activité économique et de circulation des personnes prises par l’autorité administrative lorsqu’elles subissent une forte baisse de chiffre d’affaires,
  • les entreprises qui relèvent des secteurs les plus affectés et qui continuent de subir une très forte baisse du chiffre d’affaires.
    Les salariés percevront toujours 70 % de leur rémunération brute antérieure, soit environ 84 % de leur rémunération nette, avec un minimum de 8,11 € net et un maximum de 32,29 € par heure chômée.

LICENCIEMENT : DES CIRCONSTANCES DE FAIT EXONÉRATOIRES DU PRONONCÉ D’UN LICENCIEMENT POUR FAUTE GRAVE
(Cour de cassation chambre sociale 12 mai 2021 n°20-10.512 – Cour de cassation chambre sociale 19 mai 2021 n°19-20.566)


Les agressions verbales et les incivilités constituent des éléments de fait et de preuve pouvant caractériser une cause réelle et sérieuse de licenciement, voire une faute
grave.
Il est de jurisprudence constante qu’un salarié, ayant fait preuve d’acrimonie, voire d’une certaine agressivité verbale à l’égard de ses collègues créant ainsi un état de tension dans l’entreprise, puisse se voir notifier son licenciement pour faute grave.
Néanmoins, dans deux arrêts respectivement des 12 et 19 mai 2021, la Cour de cassation vient rejeter la caractérisation de licenciements pour faute grave prononcés en raison de faits d’agressions verbales et de messages à connotation agressive et insultante, de la part de salariés, envers leurs supérieurs hiérarchiques et collègues de travail.
Tout d’abord, la chambre sociale de la Haute Juridiction vient décrire les salariés comme présentant un « état pathologique, conséquence du harcèlement moral dont
il était victime », ou encore traversant « une période de dépression sévère ». Par de telles descriptions, il est notamment fait référence à l’altération de la santé physique
et mentale décrite à l’article L.1152-1 du Code du travail.
Par la suite, en prenant en compte les qualités professionnelles dont chacun des salariés faisait preuve, l’un en tant que VRP, l’autre en tant qu’agent déclarant en douane, la Cour de cassation a estimé nécessaire, au visa de l’article L.1235-1 du Code du travail, de considérer leurs licenciements dépourvus de cause réelle et sérieuse. Une telle application protectrice des dispositions légales amène le juge à octroyer aux salariés une indemnité en réparation du préjudice subi.
La solution jurisprudentielle démontre un assouplissement de l’appréciation du motif de licenciement pour agression verbale. La chambre sociale approuve ainsi le raisonnement casuistique de la Cour d’appel, ici à l’origine des deux arrêts de rejet.
Le harcèlement moral subi par le salarié, son absence de passé disciplinaire, ou son état de santé, peuvent conduire à une exclusion de toute faute reprochée au salarié.

RUPTURE CONVENTIONNELLE : LE BÉNÉFICE D’UN SYSTÈME CONVENTIONNEL D’INDEMNITÉ SPÉCIFIQUE DE RUPTURE PLUS FAVORABLE QUE LE VERSEMENT DE L’INDEMNITÉ LÉGALE
(Cour de cassation chambre sociale 5 mai 2021 N°19-24.650)


L’application limitative d’une indemnité conventionnelle de licenciement ne peut priver un salarié de la possibilité de bénéficier d’une indemnité spécifique plus favorable que celle de l’indemnité légale de l’article L.1234-9 du Code du travail.
Dans un arrêt rendu le 5 mai 2021, la chambre sociale de la Cour de cassation énonce que : « en application de l’avenant du 18 mai 2009 à l’Accord National Interprofessionnel (ANI) du 11 janvier 2008, la salariée pouvait prétendre à une indemnité spécifique de rupture dont le montant ne pouvait être inférieur à l’indemnité conventionnelle de licenciement ».
En l’espèce, la convention collective applicable réservait le versement de l’indemnité conventionnelle de licenciement aux seuls cas d’insuffisance professionnelle ou de licenciements économiques. Selon la Cour, cette exclusivité d’application ne saurait priver la salariée de l’indemnité conventionnelle plus favorable, lorsque cette dernière doit se voir octroyer une indemnité spécifique de rupture conventionnelle. Il est par conséquent refusé à l’employeur de se prévaloir d’une restriction conventionnelle des motifs, pour calculer la présente indemnité sur le seul fondement légal de l’article L.1234-9.
L’indemnité spécifique de rupture conventionnelle devait donc correspondre à minima à l’indemnité conventionnelle de licenciement, plus favorable que l’indemnité légale.
Néanmoins, la récente solution ici énoncée ne contredit aucunement la jurisprudence du 27 juin 2018 excluant le bénéfice d’une indemnité conventionnelle de licenciement, même plus favorable, pour les entreprises dont le secteur d’activité n’est pas couvert par l’ANI du 11 janvier 2008 (pour rappel : professions libérales et agricoles, économie sociale, secteur sanitaire et social, particuliers employeurs).

Bulletin rédigé par Me Luc LALANNE en collaboration avec Me Justine GIBIERGE et Monsieur Paul HEULIN, étudiant en Master I Droit
social à l’Université de Lille – SCP des Jacodins
1, rue du 33ème Mobiles CS 21508, 72015 Le Mans cedex 2


AVRIL – MAI 2021

Editorial

BARÈME MACRON : LA RÉSISTANCE CONTINUE

Régulièrement critiqué depuis son entrée en vigueur, le barème dit « barème Macron » a été une nouvelle fois écarté, cette fois-ci par la Cour d’appel de PARIS dans un arrêt du 16 mars 2021 (CA PARIS, pôle 6, ch.11, 16 mars 2021, n°19/08721).
Souhaité par Emmanuel Macron alors qu’il était encore ministre de l’économie sous le quinquennat de François Hollande, ce barème a été instauré par l’ordonnance n° 2017-1387 du 22 septembre 2017 (article L. 1235-3 du Code du travail).
Il définit, après avoir pris en compte deux critères que sont l’ancienneté du salarié et la taille de l’entreprise, les indemnités minimales et maximales dues par l’employeur à son ancien
salarié en cas de licenciement considéré par le juge comme étant dépourvu de cause réelle et sérieuse.
Censé permettre aux employeurs d’anticiper et maîtriser les risques en cas de licenciement d’un salarié, ce barème a été remis en cause à plusieurs reprises par les juges du fond, qu’ils s’agissent de Conseils de Prud’hommes ou de Cours d’appel, considérant qu’il n’assurait pas une réparation adéquate et appropriée du préjudice du salarié.
Pour justifier cette position, ces juridictions se sont, pour la plupart, référées à la Convention de Sauvegarde des Droits de l’Homme et des Libertés Fondamentales, à la Charte Sociale Européenne et à la Convention de l’Organisation Internationale du Travail n° 158.
Pourtant, dans deux avis rendus le 17 juillet 2019, la Cour de cassation, en formation plénière, avait considéré que ce barème était conforme aux textes internationaux précités.
N’ayant pas de portée contraignante, cette position est donc loin de faire l’unanimité.
L’arrêt de la Cour d’appel du 16 mars 2021 précité en constitue un nouvel exemple.
En l’espèce, une salariée avait été licenciée alors qu’elle comptait un peu moins de 4 ans d’ancienneté. Considérant la rupture du contrat de travail dépourvue de cause réelle et sérieuse, la Cour d’appel aurait dû, en application du barème Macron, lui accorder une indemnité comprise entre 3 à 4 mois de salaire.
Or, celle-ci a constaté qu’une telle indemnité ne couvrait à peine que la moitié du préjudice financier subi depuis le licenciement et a donc considéré que les dispositions de l’article L. 1235-3 du Code du travail ne permettaient pas une indemnisation adéquate et appropriée du préjudice subi, compatible avec les exigences de l’article 10 de la Convention 158 de l’Organisation Internationale du Travail.
Se basant sur la situation « concrète et particulière » de la salariée (âge, ancienneté, capacité à trouver un nouvel emploi au vu de sa formation et de son expérience professionnelle
et conséquences du licenciement à son égard), les juges ont dès lors écarté le barème Macron pour accorder à l’intéressée une indemnité de 32.000 €, représentant un peu plus de 7 mois de salaire.
Cet arrêt de la Cour d’appel de PARIS, qui se situe sur la même ligne que celle adoptée précédemment par les Cours d’appel de REIMS (arrêt du 25 septembre 2019), CHAMBÉRY (arrêt du 14 novembre 2019), CAEN (arrêt du 12 décembre 2019), GRENOBLE (arrêt du 2 juin 2020) ou BOURGES (arrêt du 6 novembre 2020), vient ainsi accentuer l’incertitude déjà présente autour de l’application de ce barème.
Pour rajouter à cette confusion (cacophonie ?), il est à noter qu’une autre chambre de cette même Cour d’appel de PARIS avait adopté en octobre 2019 une position qui semblait se ranger à l’avis rendu par la Cour de cassation en appliquant strictement le principe de plafonnement issu du barème, sans évoquer dans sa motivation la possibilité d’y déroger (CA
PARIS, Pôle 6, Ch. 8, 30 octobre 2019, n° 16/05602).
Il est donc hautement souhaitable que la Cour de cassation se prononce rapidement sur la question dans un arrêt afin d’apporter une clarification vivement attendue par les employeurs mais également par les salariés.

Actualité

SENSIBILISATION AUX GESTES DE PREMIERS SECOURS : OBLIGATIONS DE L’EMPLOYEUR

La loi n° 2020-840 du 3 juillet 2020 visant à créer le statut de citoyen sauveteur prévoit, en son article 3, que les salariés doivent bénéficier d’une sensibilisation à la lutte contre l’arrêt cardiaque et aux gestes qui sauvent préalablement à leur départ à la retraite (article L. 1237-9-1 du Code du travail).
Le contenu, le champ d’application et les modalités de mise en oeuvre de ce dispositif devaient être définis par décret.
C’est chose faite depuis la publication au Journal Officiel du 20 avril 2021 du décret n° 2021-469 du 19 avril 2021 (codifié aux articles D. 1237-2-2 et D. 1237-2-3 du Code du travail).
Ce dispositif concerne toutes les entreprises, quelle que soit leur taille.

Cette action de sensibilisation, qui doit se dérouler pendant l’horaire normal de travail et être considérée comme du temps de travail, a pour objectif de permettre aux salariés d’acquérir les compétences nécessaires pour :

  • assurer leur propre sécurité, celle de la victime ou de toute autre personne et transmettre au service de secours d’urgence les informations nécessaires à son intervention ;
  • réagir face à une hémorragie externe et installer la victime dans une position d’attente adaptée ;
  • réagir face à une victime en arrêt cardiaque et utiliser un défibrillateur automatisé externe.

    Le décret renvoie à un arrêté le soin de définir les organismes et professionnels autorisés à dispenser ces actions de sensibilisation, sachant qu’un arrêté du 30 juin 2017 autorise déjà les services d’incendie et de secours ainsi que les associations agréées et organismes habilités à la formation aux premiers secours, à dispenser ce type d’actions de sensibilisation.

Jurisprudence

ACCIDENTS DU TRAVAIL : LA FAUTE INEXCUSABLE DU PARTICULIER EMPLOYEUR N’OBÉIT PAS À UNE DÉFINITION AUTONOME

Les employés à domicile travaillant pour des particuliers employeurs ne sont normalement soumis qu’à certaines dispositions du Code du travail énumérées à l’article L. 7221- 2 de ce Code (harcèlement, journée du 1er mai, congés payés, congés pour évènements familiaux, surveillance médicale).
Pour autant, la Cour de cassation a, au fil de sa jurisprudence, considéré que les employés de maison étaient également concernés par d’autres dispositions non visées par l’article L. 7221-2 précité, estimant que la liste énumérée à cet article n’était pas limitative (indemnité de licenciement, réglementation en matière de travail dissimulé, règles de preuve relatives
à l’existence ou au nombre (Cass. 2ème civ. 8 avril 2021, n° 20-11.935).
Dans cet arrêt du 8 avril 2021, la Cour de cassation en livre un nouvel exemple.
La question se posait de savoir si l’obligation de sécurité et de protection de la santé qui découle des articles L. 4121-1 et L. 4121-2 du Code du travail ainsi que l’appréciation de la faute inexcusable telles que prévues pour l’employeur professionnel étaient également applicables au particulier employeur.
La réponse des Hauts-Magistrats est sans ambiguïté.
Comme tout employeur, le particulier ayant recours à des employés de maison est tenu à l’obligation légale de sécurité et de protection de la santé. Le manquement à cette obligation est susceptible de constituer une faute inexcusable dans les mêmes conditions que pour l’employeur professionnel (conscience du danger que l’employeur avait ou aurait dû avoir et absence de mesures nécessaires pour préserver le salarié).
Ainsi, la qualité de particulier employeur ne dispense ni de l’obligation de sécurité, ni de la mise en jeu de sa responsabilité au titre de la faute inexcusable, aucune dérogation au droit commun n’étant admise.

PORT DU VOILE : SANS CLAUSE DE NEUTRALITÉ DANS LE RÈGLEMENT INTÉRIEUR, L’ATTEINTE À L’IMAGE COMMERCIALE NE JUSTIFIE PAS L’INTERDICTION(Cass. soc. 14 avril 2021, n° 19-24.079)

L’article L. 1321-2-1 du Code du travail prévoit que le règlement intérieur peut contenir des dispositions inscrivant le principe de neutralité et restreignant la manifestation des convictions des salariés si ces restrictions sont justifiées par l’exercice d’autres libertés et droits fondamentaux ou par les nécessités du bon fonctionnement de l’entreprise et si elles
sont proportionnées au but recherché.
Dans une décision rendue le 22 novembre 2017, la Cour de cassation avait reconnu la possibilité d’insérer dans le règlement intérieur une clause générale permettant d’interdire
aux salariés le port de tout signe religieux, politique ou philosophique, lorsqu’ils sont en contact avec les clients.
A défaut d’une telle clause dans le règlement intérieur, l’interdiction faite aux salariés n’est possible que s’il existe une « exigence professionnelle essentielle et déterminante » et
pour autant que l’objectif soit légitime et l’exigence proportionnée (article L. 1133-1 du Code du travail).
Dans sa décision rendue le 14 avril 2021, la Cour de cassation a jugé qu’en l’absence de clause de neutralité dans le règlement intérieur, l’interdiction faite à une salariée de porter un
foulard islamique caractérisait une discrimination directement fondée sur les convictions religieuses dès lors que l’attente des clients sur l’apparence physique des vendeuses d’un
commerce de vêtements ne pouvait constituer une exigence professionnelle essentielle et déterminante permettant de justifier cette interdiction.
Conséquence : Le licenciement d’une salariée prononcée dans ce contexte suite à son refus de retirer son foulard islamique lorsqu’elle était en contact avec la clientèle, est discriminatoire et donc nul.

Bulletin rédigé par Me Philippe BODIN – SCP BASILIEN-BODIN Associés
4, rue NIEPCE – 60200 COMPIÈGNE



MARS – AVRIL 2021

Editorial

LES SERVICES DE SANTÉ AU TRAVAIL, ENCORE ET TOUJOURS, AU COEUR DES RELATIONS DE TRAVAIL

Parce que la crise sanitaire ne peut indéfiniment voler la vedette aux sujets juridiques du quotidien, il demeure important de s’intéresser à ces problématiques, moins spectaculaires, moins immédiates mais tout aussi prégnantes de la vie sociale des entreprises.
Rappelons que les services de santé au travail suivent chaque année environ 15 millions de salariés, et que 330.000 salariés font l’objet d’aménagements de postes sur prescription du
médecin du travail. Plus de 120.000 salariés sont déclarés inaptes chaque année (chiffres PRESANSE 2018-2019).
Ce n’est pas rien et les responsables des ressources humaines dans les entreprises le savent bien.
Désigné comme l’un des acteurs incontournables de la prévention primaire en entreprise depuis la Directive communautaire de 2009, il n’aura pas échappé au lecteur que le service de santé au travail est, également, un acteur de la régulation sociale en entreprise.
Autant de raisons qui, ajoutées à la crise démographique frappant la population des médecins du travail, à la nécessaire lutte contre les risques psychosociaux et à la désinsertion professionnelle grandissante des salariés, ont mis les services de santé au travail au coeur d’une importante réflexion des pouvoirs publics : ainsi l’IGAS (Inspection Générale des Affaires Sociales) réalisait dès 2019 une mission d’évaluation des SSTI (Services de santé au travail interentreprises), le Sénat rendait un rapport le 3 octobre 2019 et un rapport de deux
députées LREM dont Charlotte Parmentier-Lecocq préconisant, toujours en octobre 2019 une réforme « en profondeur » du système de santé au travail.
Depuis lors, la proposition de loi est « en marche ». Adoptée en première lecture le 17 février 2021, elle est en cours d’examen devant le Sénat pour une entrée en vigueur au plus tard au printemps 2022.
Que les anxieux se rassurent, les députés ont fait leur la pensée du Président Habib Bourguiba selon laquelle « Être réaliste, c’est préférer une réforme modeste, qui en permet une autre, à un miracle impossible. »
Ainsi la réforme ne révolutionne-t-elle pas le paysage connu, mais prend en compte les enjeux de la santé au travail de demain ; les Associations gestionnaires de ces services sont confortées dans leur action au quotidien.
Entre autres changements : Durée de conservation du document unique d’évaluation des risques professionnels portée à 40 ans, création d’une visite de mi-carrière aux 45 ans du salarié, développement du Dossier médical en santé au travail (DMST) partagé entre le médecin de ville correspondant et le médecin du travail, création du « passeport de prévention » retraçant les formations du salarié sur la sécurité et la prévention, allongement de la formation des élus en matière de santé et sécurité, rendez-vous de pré-reprise sur l’initiative du salarié (seulement)…
Autant de mesures dont l’entrée en vigueur devra être minutieusement suivie au sein des services RH des entreprises et dont le présent bulletin se fera l’écho.
Un regret tout de même.
Le recours contre l’avis du médecin du travail prévu à l’article L4624-7 du Code du travail, celui-là même qui a déjà été modifié à trois reprises depuis son entrée en vigueur au 1er janvier 2017 à la suite de la loi Travail du 8 août 2016, n’est ni modifié, ni précisé.
Les juges se chargent donc d’en dessiner les contours.
Depuis le 1er janvier 2018 en effet, les recours contre les avis du médecin du travail sont portés devant le Conseil de Prud’hommes « selon la procédure accélérée au fond » et non plus devant l’autorité administrative. Peuvent être contestés les « avis, propositions, conclusions écrites ou indications émis par le médecin du travail reposant sur des éléments de nature
médicale ». Le Conseil de prud’hommes peut « confier toute mesure d’instruction au médecin inspecteur du travail territorialement compétent » pour l’éclairer.
Le 17 mars 2021, saisie par le Conseil de Prud’hommes de Cayenne, la Cour de cassation a pu indiquer dans un avis sibyllin (n°21-70.002) que cette procédure spécifique ne pouvait être utilisée pour se prononcer sur un éventuel irrespect, par le médecin du travail, des formalités désormais obligatoires préalablement à une déclaration d’inaptitude, mais que les juges pouvaient « se baser sur tous les éléments à leur disposition pour déterminer si l’avis du médecin du travail pouvait être annulé ».
La décision du Conseil de Prud’hommes, si elle annule l’avis du médecin, se substitue à lui.
Cet avis ne fait que renforcer le flou relatif qui entoure ce recours, questionner sur l’intérêt de sa mise en oeuvre, et ce d’autant plus que de nombreuses décisions de cours d’appel rappellent que le recours doit être fondé sur « des éléments de nature médicale », que par hypothèse l’employeur ne saurait détenir (CA Aix en Provence 15 mai 2020 n°19/14579, CA PARIS, 12 mars 2020 n°19/06035, Cour d’appel de CAEN 11 octobre 2018 n°18/00571, etc.).
Si le médecin a retenu une aptitude, alors le recours peut présenter de l’intérêt tant du côté de l’employeur que de celui du salarié.
Mais si le médecin a déclaré une inaptitude, le recours de l’employeur ne doit pas être engagé à la légère, dès lors que le recours ne suspend pas l’obligation de reprendre le paiement du salaire au bout d’un mois suivant la visite médicale.
Il peut être ajouté que la pratique montre que ce recours devient alors l’occasion d’évoquer d’autres points de litige par le biais de demandes reconventionnelles, recevables ou non…
Une décision rendue par la Cour de cassation le 24 mars 2021 (Cass. Soc. 24 mars 2021 n°19-16.558) suite au recours d’une salariée contre un avis d’inaptitude en fournit une illustration récente, en redonnant ses lettres de noblesse à « l’aptitude avec réserves » que l’on pensait presque disparue depuis 2017.
Une caissière de la grande distribution avait été déclarée inapte par le médecin du travail au motif qu’elle ne pouvait plus travailler de nuit (après 22 heures), ce qui impliquait une modification de son contrat de travail, le médecin précisant, du reste, que la salariée pouvant exercer ses missions de caissière en journée.
La Haute Cour confirme l’annulation de l’avis médical d’inaptitude par les juges : la salariée, pouvant continuer d’occuper « son poste » dans le cadre d’un horaire aménagé, est apte et non inapte. L’employeur ne peut licencier.
Dessinant progressivement le rôle du médecin du travail, les juges tendent donc à préserver son indépendance et à le protéger contre les tentatives d’instrumentalisation des parties, comme lorsqu’ils rappellent que le médecin du travail n’a pas à se prononcer sur l’origine, professionnelle ou non, de l’inaptitude du salarié (CA PARIS 28 mai 2020 n°19/06035).
Ce sujet précis, dont l’enjeu financier n’a pas échappé aux plaideurs, n’a pas fini d’agiter les prétoires…

Actualité

COVID-19 : LE RETOUR DE L’ABONDANCE (RÉGLEMENTAIRE)

À la suite des dernières annonces présidentielles, la multiplication de textes réglementaires inonde à nouveau l’actualité. La période d’urgence sanitaire est délimitée au 1er juin 2021.
Alors que deux décrets du 30 mars 2021 reportent la diminution des taux d’activité partielle au 1er mai, un décret du 31 mars 2021 prolonge jusqu’au 30 juin prochain la possibilité de neutraliser les périodes de confinement et autres restrictions à l’activité économique pour les employeurs ayant recours à l’activité partielle de longue durée (APLD).
Les employeurs sont invités par le Gouvernement le 2 avril 2021, à faciliter les prises de congés par les salariés pour tenir compte des nouvelles dates des vacances scolaires.
Les salariés ne pouvant être placés en télétravail et ne pouvant travailler en entreprise en raison de la nécessité de garder leurs enfants sont, quant à eux, placés en activité partielle en produisant une attestation sur l’honneur.
Le Gouvernement garantit dans un nouveau décret un « reste à charge nul » pour les entreprises puisque le taux de l’allocation (versée aux employeurs) sera porté à 70 % de la rémunération antérieure brute. Le taux horaire de l’allocation ne pourra être inférieur à 8,11 euros».
Le sort des titres-restaurants des télétravailleurs fait toujours l’objet d’un débat. Le Tribunal Judiciaire de Nanterre (jugement du 10 mars 2021) et celui de Paris (jugement du 31 mars 2021) n’adoptent pas la même solution concernant le bénéfice des tickets restaurant pour les salariés en télétravail ; Force Ouvrière interpelle la Ministre du travail pour trancher ce point sensible qui n’est donc pas encore réglé.

ADIEU AUX DIRECCTE, MAINTENANT PLACE AUX DREETS

Depuis le 1er avril 2021, par application du décret n°2020- 1545 du 9 décembre 2020, les DIRECCTE sont regroupées avec les services déconcentrés de la cohésion socialeau sein d’une nouvelle structure : les Directions régionales de l’économie, de l’emploi, du travail et des solidarités (DREETS).
Au niveau départemental, le nouvel interlocuteur sont les DDETS(PP) acronyme pour « Directions départementales de l’emploi du travail et des solidarités (et de la protection des populations) ».
Il s’agit d’un interlocuteur unique pour toute question concernant :
• La politique de l’emploi
• L’inspection du travail ;
• Le contrôle des marchés et des relations commerciales et la protection des consommateurs ;
• L’accompagnement des entreprises, les mutations économiques, la compétitivité et la sauvegarde des entreprises ;
• Les politiques de cohésion sociale ;
• Les actions sociales et économiques de la politique de la ville ;
• Le contrôle et l’inspection des établissements et services sociaux ;
• La formation et la certification des professions sociales et de santé non médicale ;
• L’insertion sociale et professionnelle.
Les adresses des Dreets sont disponibles sur dreets.gouv.fr

UN NOUVEAU GUIDE PRÉCIEUX DANS LA « TOOL BOX » DES DRH : LE BOSS

Le 8 mars 2021 était mis en ligne un nouveau site internet dédié au Bulletin officiel de la Sécurité sociale, le BOSS.
Il s’agit d’une base documentaire unique qui vise à regrouper l’ensemble des dispositions juridiques ainsi que la doctrine administrative ministérielle opposable en matière de cotisations et contributions de Sécurité sociale.
Y seront publiés l’ensemble des circulaires et instructions relatives à la législation applicable en matière de cotisations et de contributions sociales, ainsi que leurs commentaires.
Ont déjà été publiés des fiches thématiques très complètes sur les thèmes suivants :
• Assiette générale de cotisations et allègements de charges ;
• Exonérations zonées (exonérations de cotisations dans les ZRR, ZRD et BER et exonérations en outre-mer) ;
• Avantages en nature et frais professionnels ;
• Indemnités de rupture.
Le BOSS sera enrichi progressivement de nouveaux thèmes comme la protection sociale complémentaire.
Ainsi, depuis le 1er avril 2021, les cotisants doivent se conformer à la doctrine administrative publiée sur ce site internet et celle-ci sera opposable aux organismes de recouvrement. Une nouvelle bible donc …

PUBLICATION DE L’INDEX ÉGALITÉ PROFESSIONNELLE : DES NOUVEAUTÉS ET DES DATES À NOTER DANS LES AGENDAS

Conformément à l’article D.1142-4 du Code du travail, les entreprises d’au moins 50 salariés doivent publier chaque année, au plus tard le 1er mars, leur note sur leur site internet.
A défaut, les résultats doivent être portés à la connaissance des salariés par tout moyen.
Le décret n°2021-265 du 10 mars 2021 vient apporter des modifications importantes.
Désormais, les entreprises doivent publier le résultat obtenu pour chaque indicateur de l’index et non pas seulement la note globale.
En outre la publication doit se faire de « manière visible et lisible » sur le site internet de l’entreprise.
Enfin, cette publication devra être accessible jusqu’à la publication des nouveaux résultats l’année suivante.
A noter que les entreprises bénéficient d’un court délai pour se mettre en conformité :
• La publication, de manière visible et lisible, de la note globale pour 2020 doit être réalisée au plus tard le 1er mai 2021 ;
• Les entreprises ont jusqu’au 1er juin 2021 pour publier les résultats obtenus pour chaque indicateur.

Bulletin rédigé par Mes Stéphanie OGEZ & Myriam CASTEL Cabinet SO AVOCATS
34 rue de Rémusat – 31000 TOULOUSE

FEVRIER – MARS 2021

Editorial

LA PREUVE DES HEURES SUPPLÉMENTAIRES PAR LE SALARIÉ : LA COUR DE CASSATION PRÉCISE SA JURISPRUDENCE

Le contentieux de la revendication par les salariés du paiement des heures supplémentaires se multiplie devant nos juridictions, que ce soit à l’occasion de la contestation du motif de licenciement, lors d’une démission, ou encore par une demande de prise d’acte de rupture du contrat de travail ou de résiliation judiciaire.
A l’instar des demandes relatives au harcèlement moral, ces stratégies de contournement constituent un moyen, pour un salarié avec une faible ancienneté et qui s’estime injustement
licencié, d’obtenir une compensation financière bien supérieure à l’indemnité prévue par le barème “Macron” de septembre 2017 (article L.1235-3 du code du travail).
Ce barème n’offre au salarié qu’une indemnité maximale d’un mois de salaire s’il est licencié avant la date anniversaire de son embauche, et deux mois avant le terme de sa deuxième année…
Se placer sur le terrain d’un rappel d’heures supplémentaires peut donc s’avérer bien plus rémunérateur, en particulier si l’élément intentionnel est retenu par le juge, ouvrant alors le bénéfice de l’indemnité forfaitaire pour travail dissimulé représentant 6 mois de salaires bruts.
Le débat porte sur la démonstration de la réalité des heures supplémentaires qui n’auraient pas été payées.
Le Code du travail prévoit un dispositif de preuve partagée entre l’employeur et le salarié, invitant le juge à former sa conviction.
Si la charge de la preuve repose en premier lieu sur le salarié, il faut rappeler que l’employeur a l’obligation légale d’établir les documents nécessaires au décompte de la durée du travail pour les salariés ne travaillant pas selon l’horaire collectif (article L.3171-2 et s. du Code du travail).
Dans un arrêt du 14 mai 2019, la Cour de Justice de l’Union Européenne a jugé que les employeurs avaient “l’obligation de mettre en place un système objectif, fiable et accessible permettant de mesurer la durée du temps de travail journalier effectué par chaque travailleur” (CJUE 14-5-2019 aff. 55/18 : interprétation de la directive 2003/88).
Si cette appréciation de l’existence et de l’évaluation des heures accomplies relève d’une appréciation souveraine des juges du fond, la Cour de cassation cherche à clarifier les conditions d’examen des heures supplémentaires par les juges.
S’agissant de la preuve par le salarié, elle a ainsi opéré une évolution de sa jurisprudence le 18 mars 2020 pour donner suite à cet arrêt de la CJUE (Cass. soc. n°18-10.919 M. A c société GETI) : la Cour de cassation a ainsi abandonné la notion “d’étaiement par le salarié de sa demande” (qu’elle exigeait depuis un arrêt du 25 février 2004) et indique que désormais “le salarié doit présenter à l’appui de sa demande, des éléments suffisamment précis quant aux heures non rémunérées qu’il prétend avoir accomplies afin de permettre à l’employeur, qui assure le contrôle des heures de travail effectuées, d’y répondre utilement en produisant ses propres éléments ”.
ÉTAIT-CE UNE SIMPLE DIFFÉRENCE SÉMANTIQUE COMME NOUS AURIONS PU LE PENSER ?
La Cour de cassation vient de saisir l’occasion de rappeler dans un arrêt du 27 janvier 2021 qu’une évolution était bien à l’œuvre, dans la continuité des arrêts de la CJUE et du 18 mars 2020 (Cass. soc., n° 17-31.046, M. X c société Laboratoire Demavic).
Dans cette dernière affaire, un salarié technico-commercial avait saisi la juridiction prud’homale aux fins d’obtenir la résiliation judiciaire de son contrat de travail et le rappel d’heures supplémentaires impayées.
Le salarié avait produit un décompte des heures de travail qu’il indiquait avoir accomplies, mentionnant, jour après jour, les heures de prise et de fin de service, ainsi que ses rendez- vous professionnels avec la mention du magasin visité, le nombre d’heures quotidien et le total hebdomadaire.
L’employeur, de son côté, admettait ignorer le nombre d’heures accomplies par le salarié et ne pas les contrôler, de sorte qu’il ne fournissait aucun élément en réponse à ceux produits par le salarié.
La Cour d’appel avait rejeté la demande du salarié, au motif que le décompte qu’il produisait est « insuffisamment précis en ce qu’il ne précisait pas la prise éventuelle d’une pause méridienne ».
La Cour de cassation casse l’arrêt d’appel, estimant qu’elle ne pouvait considérer ce décompte comme insuffisamment précis au motif qu’il ne mentionnait pas de pause méridienne.
Le contrôle du temps de travail et le suivi de la charge de travail sont également nécessaires pour garantir la protection, la sécurité et la santé des salariés ayant conclu une convention de forfait en jours.
A défaut de respecter les règles imposées par la convention collective ou par la loi, en particulier l’absence d’un entretien annuel spécifique avec le salarié destiné à “évoquer sa charge de travail, qui doit être raisonnable, l’organisation de son travail, l’articulation entre son activité professionnelle et sa vie personnelle ainsi que sa rémunération, la convention de forfait peut être privée d’effet par le juge.
Devront alors être rémunérées toutes les heures réalisées au delà de la durée légale de 35 heures.
En application de la jurisprudence de la Cour de cassation précisée le 27 janvier 2021, le salarié n’aura qu’à fournir au juge des éléments suffisamment précis sur la réalité des heures accomplies.
Néanmoins, un arrêt du 6 janvier 2021 (Cass. soc., 6 janv. 2021 n°17-28.234, Mr S c société Mademoiselle Desserts Broons) est venu apporter une atténuation à ces actions en tirant toutes les conséquences des effets de la suspension de la convention de forfait en jours. Selon la Cour de cassation, lorsqu’une convention de forfait en jours est privée d’effet, le paiement des jours de repos accordés en exécution de la convention est devenu indu. En conséquence, l’employeur est en droit de réclamer le remboursement au salarié de ces jours de repos pour la durée de la période de suspension de la convention de forfait jours.
Aussi, en application de cet arrêt, si le salarié n’est pas en mesure d’apporter au juge “des éléments suffisamment précis” des heures réalisées, il pourrait se retrouver devoir à l’employeur le remboursement des jours de repos pris…
A l’inverse, à condition qu’il dispose d’éléments probants, le salarié qui s’estime injustement privé de son emploi peut trouver dans cette contestation du forfait jours un moyen de négocier avec son ex-employeur une indemnisation bien supérieure au barème légal.
Les employeurs sont désormais prévenus : compte tenu de l’obligation qui pèse sur eux de contrôler la durée de travail de leurs salariés (prévue au sein du code du travail et rappelée par la CJUE), la charge de la preuve ne peut reposer sur le seul salarié.
Plus que jamais il convient de rappeler la loi et la jurisprudence imposent à l’employeur de comptabiliser les temps de travail de chaque salarié, qu’il devra en outre être en capacité de fournir à l’inspecteur du travail en cas de contrôle.

Actualité

COVID-19 : LES NOUVELLES MISSIONS DES SERVICES DE SANTÉ AU TRAVAIL (SST)

Une Ordonnance du 2 décembre 2020 avait autorisé le médecin du travail :
• à prescrire et renouveler un arrêt de travail en cas d’infection ou de suspicion d’infection à la covid-19 ;
• à établir un certificat médical pour les salariés vulnérables en vue de leur placement en activité partielle ;
• à participer aux actions de dépistage et de vaccination et plus généralement à la lutte contre la propagation de l’épidémie par des actions de sensibilisation à destination des employeurs et des salariés.
L’Ordonnance du 10 février 2021 prolonge ces missions jusqu’au 1er août 2021 (Ord. 2021-135 du 10-2-2021 art.3).

S’AGISSANT DE LA VACCINATION, LE MINISTÈRE DU TRAVAIL A DIFFUSÉ LE 25 FÉVRIER 2021 UN DOCUMENT QUESTIONS/RÉPONSES.

Il est précisé que :
• la vaccination, y compris avec le vaccin AstraZeneca, concerne les salariés de 50 à 64 ans inclus atteints de pathologies présentant une comorbidité avec la covid-19 (IMC supérieur ou égal à 30, antécédent d’accident vasculaire cérébral, etc). Si le médecin n’est pas informé de cet état de santé, le salarié devra en justifier ;
• les employeurs sont invités à informer l’ensemble des salariés qu’ils peuvent se faire vacciner par le SST (lorsque cela est possible), en indiquant de manière explicite que cette vaccination repose sur le principe du volontariat ;
Le Q/R insiste sur l’absence de toute conséquence pour le salarié qui refuserait la vaccination (aucune sanction, ni la possibilité de l’écarter de son poste tout en maintenant son salaire, aucun statut du salarié vacciné, et aucune inaptitude ne peut être tirée du seul refus de se faire vacciner).
• la confidentialité sera scrupuleusement respectée : le médecin du travail n’a pas le droit d’informer l’employeur des salariés vaccinés, le secret médical s’appliquant aux services de santé au travail ;
• aucun coût supplémentaire ne sera supporté par les entreprises ;

DE NOUVEAUX REPORTS POUR LES VISITES ET EXAMENS MÉDICAUX.

Le médecin du travail peut reporter les visites et examens médicaux :
• dont l’échéance résultant des textes applicables antérieurement à l’entrée en vigueur de l’ordonnance n° 2020-386 du 1er avril 2020 (donc avant la crise sanitaire) intervient avant le
2 août 2021;
• qui ont déjà fait l’objet d’un report en raison du premier confinement lié au Covid-19.
Le report est possible dans le délai d’un an, calculé à partir de l’échéance résultant des textes en vigueur avant le 12 mars 2020. La visite doit donc être organisée dans le délai d’un an à
compter de la date initiale (si un salarié devait bénéficier d’une visite en mai 2020, reportée au plus tard au 10 décembre 2020, la nouvelle visite doit être organisée avant mai 2021).

Jurisprudence

CASS. SOC., 17 FÉVRIER 2021 : LA SIGNATURE D’UNE TRANSACTION RÉDIGÉE EN TERMES GÉNÉRAUX EMPÊCHE LE SALARIÉ DE REVENDIQUER L’APPLICATION D’UNE CLAUSE DE NON-CONCURRENCE CONTRACTUELLE.

Une Cour d’appel avait accueilli favorablement la demande d’une salariée, intervenant après signature d’une transaction, de versement de la contrepartie pécuniaire due en exécution d’une clause de non-concurrence insérée à son contrat de travail.
Les juges d’appel relevaient que l’employeur n’avait pas levé la clause et que la transaction n’en faisait pas mention.
La Cour de cassation n’est pas de cet avis : Elle précise que les obligations réciproques des parties au titre d’une clause de non-concurrence sont comprises dans l’objet de la “transaction par laquelle les parties déclarent être remplies de tous leurs droits et mettre fin à tout différend né ou à naître et renoncer à toute action relatives à l’exécution ou à la rupture du contrat de travail”.
La Cour de cassation est venue rappeler sa position prise depuis 2014, donnant plein effet aux transactions rédigées en termes généraux.
La résistance de certains juges doit inciter les employeurs à une rédaction minutieuse du protocole transactionnel, et y inscrire systématiquement un renoncement à une éventuelle
clause de non-concurrence, tout en rappelant l’obligation de loyauté post-contractuelle imposée aux deux parties.

Bulletin rédigé par Me Nicolas SONNET
19 avenue de Grammont – BP 71013 – 37010 TOURS CEDEX 01

JANVIER – FEVRIER 2021

Editorial

RUPTURE CONVENTIONNELLE :SA SÉCURITÉ JURIDIQUE IMPLIQUE LA LOYAUTÉ !

Si l’indemnité de rupture conventionnelle coûte 20% de charges sociales à l’employeur (forfait social) par rapport à l’indemnité de licenciement, elle a l’immense avantage de réduire très fortement le risque de contentieux de la rupture du contrat de travail.
C’est le prix de la (presque) tranquillité, notamment pour des situations où la rupture est quasi impossible.
Rappelons en effet qu’une rupture conventionnelle peut, par exemple, être conclue avec une salariée en congé maternité ou pendant la période de protection suivant la fin de son congé (Cass soc 25 mars 2015 n°14-10.149, Mme N c société Sword).
Il en est de même avec la victime d’un accident du travail : pendant la période de suspension de son contrat (Cass soc 30 septembre 2014 n°13- 16.297, Mme X c Strand Cosmetics Europe), ou ultérieurement alors qu’elle a été déclarée inapte à son poste (Cass soc 9 mai 2019 n°17-28.767, Mme T c société AFR France).
Possible dans ces cas extrêmes, la rupture conventionnelle devrait connaitre un regain d’utilisation dans les mois à venir, lorsque la mise sous perfusion de l’économie française s’arrêtera.
Au-delà des entreprises « zombies » qui étaient déjà condamnées avant la crise sanitaire, bon nombre d’entreprises auparavant saines ont énormément souffert depuis mars 2020 et voudront ajuster leurs effectifs.
La voie naturelle du licenciement pour motif économique étant semée d’embûches et « d’opportunités » d’être condamné pour licenciement sans cause réelle et sérieuse (pertinence du motif économique, catégories professionnelles, critères, reclassement …) la tentation de recourir à une rupture conventionnelle sera forte.
Il suffira d’être persuasif se diront certains, ce d’autant plus qu’un contexte économique n’est pas en soi un motif de refus d’homologation par la DIRECCTE, en dehors de la mise en oeuvre d’un plan de sauvegarde de l’emploi (PSE) ou d’un accord de GPEC.
Mais un arrêt récent devra les inciter à la prudence (Cass soc 6 janvier 2021 n°19-18.549, société Lotoise d’évaporation c M. Z) : dissimuler au salarié la préparation d’un PSE peut vicier son consentement et rendre la rupture conventionnelle nulle.
Rien de révolutionnaire dans le principe de cet arrêt sur la raison de l’annulation : ce sont les vices du consentement.
C’est LE moyen, avec la fraude, d’obtenir l’annulation de la rupture et sa requalification en licenciement sans cause réelle et sérieuse avec les conséquences indemnitaires induites.
Pourtant, au cas présent, il semble que le salarié avait exprimé le souhait de partir, avec le projet de reprise d’une entreprise artisanale.
Mais, deux mois après la signature du cerfa de rupture conventionnelle, l’employeur a présenté au comité d’entreprise un plan de sauvegarde de l’emploi, comprenant notamment la suppression de son poste, manifestement unique (responsable de production).
S’agissant d’un PSE, le salarié aurait pu bénéficier des mesures d’accompagnement, en l’espèce et notamment un congé de reclassement de 12 mois et une aide à la création ou reprise d’entreprise.
Constatant la dissimulation de cette information essentielle et déterminante du consentement du salarié, la cour d’appel a caractérisé que son consentement a été vicié.
Ce faisant, elle sanctionne la déloyauté de l’entreprise.
Certes, dans le contexte précité de sortie de crise sanitaire, toutes les entreprises ne seront pas assujetties à la procédure de PSE (au moins 10 licenciements économiques envisagés sur 30 jours avec un effectif d’au moins 50 salariés).
Elles seront encore moins nombreuses à être assujetties au congé de reclassement (entreprise ou groupe d’au moins 1000 salariés).
Mais le simple CSP (contrat de sécurisation professionnelle) et ses 12 mois d’indemnisation majorée sans carence pôle emploi et avec un dispositif d’accompagnement plus étendu, n’est-il pas bien plus intéressant que l’allocation chômage de droit commun ?
Selon les cas, ce type d’information peut être déterminant du consentement du salarié, et donc être susceptible d’entrainer la nullité de la rupture conventionnelle.
Dès lors, l’entreprise devra veiller à ne pas engager de plan de licenciement économique trop tôt après la signature du cerfa (au cas d’espèce, avec un contexte de difficultés économiques connues, 2 mois étaient insuffisant).
Ou alors, elle devra jouer cartes sur table et conserver la preuve écrite qu’elle a informé son salarié d’une possible procédure de licenciement économique à venir pouvant concerner son poste, ainsi que des conséquences induites.
Mais ce faisant, attention à ne pas porter atteinte au droit d’information du Comité Social et Economique et / ou engendrer l’inquiétude du personnel du fait d’un salarié trop bavard.
La vie d’employeur n’est décidément pas un long fleuve tranquille…

Actualité

PATERNITÉ : LA LOI DE FINANCEMENT DE LA SÉCURITÉ SOCIALE POUR 2021 ALLONGE LE CONGÉ DE PATERNITÉ ET LE REND POUR PARTIE OBLIGATOIRE.

Elle modifie également le régime des congés d’adoption et de naissance.
Ce dispositif est applicable pour les naissances ou adoptions intervenant à compter du 1er juillet 2021, ainsi que pour celles intervenues avant cette date mais supposées intervenir à compter de cette date.

CONGÉ DE NAISSANCE : CONGÉ D’AU MOINS 3 JOURS OUVRABLES OBLIGATOIRES AU MOMENT DE LA NAISSANCE DE L’ENFANT

A ce jour, il est exigé que la naissance intervienne au foyer du père, ce qui interdit au père séparé de la mère de bénéficier de ce congé de naissance.
A l’avenir, le père mais aussi également, le cas échéant, le conjoint ou concubin de la mère ou la personne liée à elle par un Pacs, bénéficiera, s’il est salarié, d’un congé de naissance de trois jours ouvrables minimum (pouvant être augmenté par accord collectif).
Ce congé devra désormais être pris, au choix du salarié, le jour de la naissance ou le premier jour ouvrable qui suivra. En cas de congés payés, ce congé de naissance débutera immédiatement à l’issue de cette période.
Le salarié reste, pendant cette période, normalement rémunéré par son employeur.
La prise de ce congé de naissance est rendue obligatoire. Il est donc interdit, à compter du 1er juillet 2021, d’employer le salarié pendant ces trois jours.
Une telle interdiction risque de poser quelques difficultés à l’employeur de familles en cours de recompositions, pour lesquels plusieurs bénéficiaires pourront être éligibles à ce dispositif.

CONGÉ DE PATERNITÉ : 25 JOURS AU LIEU DE 11, DONT 4 OBLIGATOIRES

A compter du 1er juillet 2021, le père ainsi que, le cas échéant, le conjoint ou concubin de la mère ou la personne liée à elle par un Pacs bénéficiera, s’il est salarié, d’un congé de paternité et d’accueil de l’enfant de 25 jours (contre 11 jours consécutifs à ce jour) ou de 32 jours calendaires en cas de naissances multiples (contre 18 jours consécutifs à ce jour), pendant lequel il percevra des indemnités journalières de sécurité sociale (IJSS).
A la différence du congé de naissance, il s’agit de jours calendaires.
Ce congé est composé d’une première période de quatre jours consécutifs qui fait immédiatement suite au congé de naissance et d’une seconde période de 21 jours – portée à 28 jours en cas de naissances multiples – fractionnable pouvant être prise ultérieurement.
Un décret à venir fixera le délai dans lequel le salarié devra informer son employeur de la date prévisionnelle de l’accouchement, des dates de prise du congé et de sa durée, ainsi que le délai dans lequel les jours de congés doivent être pris et ses modalités de fractionnement. Ces délais de prévenance seront compris entre 15 jours et deux mois.
Comme pour le congé de naissance, la première période de congé de paternité de 4 jours calendaires est assortie d’une interdiction d’emploi. Il est donc également obligatoire.
Cette interdiction d’emploi fait toutefois l’objet d’aménagements :
• elle est reportée si, au moment de la naissance, le salarié est en congés payés ou en congés pour événement familial (mariage, conclusion d’un Pacs, décès, etc.) à la date de fin de cette période ;
• elle ne s’applique pas pendant la prolongation de la période de quatre jours en raison d’une hospitalisation de l’enfant ;
• elle ne s’applique pas si le salarié ne peut pas bénéficier des IJSS, (notamment s’il n’a pas suffisamment cotisé avant la naissance).
Articles L1225-35 modifié, nouvel article L1225-35-1, article L3142-1,3° modifié et 3bis nouveau, article L3142-4 modifié du Code du Travail.

PROTECTION ATTACHÉE À LA PATERNITÉ :

Il est utile de rappeler qu’aucun employeur ne peut rompre le contrat de travail d’un salarié pendant les dix semaines suivant la naissance de son enfant (Article L1225- 4-1 du Code du Travail).

L’employeur peut néanmoins rompre le contrat s’il justifie d’une faute grave de l’intéressé ou de son impossibilité de maintenir ce contrat pour un motif étranger à l’arrivée de l’enfant.
Cette protection ne bénéficie qu’au père biologique de l’enfant.

ÉVOLUTION PARTIELLE DU CONGÉ D’ADOPTION :

A ce jour, un salarié adoptant un enfant peut bénéficier d’un congé de 10 semaines pour les deux premiers enfants arrivant au foyer, allongé lorsque l’adoption concerne un troisième enfant ou des adoptions multiples.
Pour l’adoption d’enfants à compter du 1er juillet 2021, la durée du congé d’adoption est portée à 16 semaines. Le congé n’est toutefois pas allongé lorsque l’adoption porte à trois ou plus le nombre d’enfants au foyer : il reste de 18 semaines et de 22 semaines en cas d’adoptions multiples.

ENTRETIEN PROFESSIONNEL : NOUVEAU REPORT DE DÉLAI

Le premier entretien professionnel « 6 ans » pour l’état des lieux récapitulatif devait être réalisé au plus tard en mars 2020.
Il avait déjà fait l’objet d’un report au 31 décembre 2020.
Il est de nouveau reporté au 30 juin 2021 ce qui suspend également la sanction encourue par les entreprises d’au moins 50 salariés (abondement du CPF de votre salarié à hauteur de 3.000€).

Bulletin rédigé par Me Xavier BOULIER et Me Fabrice VIDEAU VOCA CONSEIL
8, rue Alfred KASTLER – UNICITE – 14000 CAEN