NOVEMBRE – DÉCEMBRE 2020

Bulletin rédigé par Maître Anthony PEILLET

Editorial

Dans notre précédent bulletin, il a bien été évoqué les conséquences immédiates du second confinement en vigueur depuis le 30 octobre 2020 (Cf. Décret n°2020-1310, 29 octobre 2020).

Hormis la fermeture des commerces non essentiels, les autres entreprises sont invitées à poursuivre leur activité, en généralisant le télétravail partout où cela est possible.

Sur ce dernier point, un protocole national pour assurer la santé et la sécurité des salariés en entreprise face à l’épidémie de COVID-19, a pour objet de déterminer les principes d’hygiène et de sécurité applicables.

Ce protocole n’a, en principe, aucune valeur juridique, de sorte que l’on a pu penser que son application n’avait pas caractère obligatoire.

Néanmoins, le Conseil d’État a jugé récemment que les recommandations qu’il contient sont « la déclinaison matérielle de l’obligation de sécurité de l’employeur dans le cadre de l’épidémie covid-19 » (CE, ordonnance du 19 octobre 2020 n°44809).

Les entreprises ont donc intérêt à considérer comme impérative la prise en compte de ce protocole dans l’organisation de l’activité de l’entreprise, et notamment la nécessité de recourir au télétravail dès que possible, afin de ne pas se voir reprocher par les salariés un manquement aux obligations légales.

Et la tâche est délicate puisque ce protocole est évolutif. Il a d’ailleurs fait l’objet de plusieurs aménagements ou précisions, qu’il faut s’efforcer de suivre. Et cela ne facilite pas la tâche des entreprises…

En dernier lieu, un allègement du confinement a été décidé à partir du 28 novembre 2020.

Pour l’essentiel, les entreprises qui étaient autorisées à poursuivre leur activité durant le confinement restent soumises aux mêmes principes. Spécialement, la priorité au télétravail demeure.

Au-delà des assouplissements concernant les possibilités de déplacements, le changement important vient de la réouverture au public de certains établissements.

Sans être exhaustif, il s’agit des commerces culturels, des commerces de détail, des grandes surfaces qui peuvent ouvrir tous leurs rayons, des services à domicile.

Cette réouverture se fera néanmoins à condition de respecter un protocole sanitaire spécifique dit « renforcé » pour l’accueil du public (protocole disponible sur le site du Ministère de l’Économie, des Finances et de la Relance).

Nous sommes donc dans une période où les contraintes et principes évoluent en fonction du recul ou non de l’épidémie.

Ces adaptations pour permettre de préserver autant que possible la santé d’une part et l’activité économique d’autre part, s’opèrent malheureusement au prix d’un manque de lisibilité, au fur et à mesure de l’empilement des textes.

L’occasion est donc donnée de revenir sur quelques points essentiels en matière d’hygiène et de sécurité.

Actualité

1 – LES SALARIÉS PERSONNES VULNÉRABLES

Dès le début de l’épidémie, il est apparu essentiel de protéger les personnes susceptibles de présenter des formes graves de pathologies liées au virus Covid-19 (les personnes âgées de 65 ans et plus, ou celles ayant d’autres pathologies telles que du diabète, de l’obésité ou des antécédents (cardiovasculaires notamment).

Ces personnes dites vulnérables pouvaient ainsi être placées en arrêt maladie alors même qu’elles ne présentaient aucune pathologie liée à la Covid-19.

Depuis le 1er mai 2020, ces personnes peuvent être placées en activité partielle (Cf. Décret n°2020-473, 25 avril 2020).

Avec le recul de l’épidémie après le premier confinement, les cas de personnes vulnérables et la possibilité de leur placement en activité partielle ont été sensiblement réduits à partir du 1er septembre 2020 (Cf. Décret n°2020-1098, 29 août 2020).

Beaucoup trop manifestement…

Le Conseil d’État, en sa forme des référés, a ainsi suspendu une partie des dispositions du décret du 29 août 2020, notamment au motif que le Gouvernement n’avait pas justifié de manière cohérente les cas de personnes vulnérables (Cf. CE, Ordonnance du 15 octobre 2020 n°444425).

Tirant les conséquences de la décision du Conseil d’État, le Gouvernement a publié un nouveau décret au mois de novembre (Cf. Décret n° 2020-1365, 10 novembre 2020).

Les cas de personnes vulnérables sont certes sensiblement élargis par rapport au décret du mois d’août dernier.

Néanmoins, le dernier dispositif conditionne l’entrée des personnes vulnérables dans le dispositif d’activité partielle, à des préalables étroitement dépendants des diligences de l’employeur en matière d’hygiène et de sécurité.

Plus particulièrement, seuls pourront être placés en activité partielle les salariés ne pouvant pas télétravailler ou ne pouvant pas faire l’objet de mesures de protection renforcées.

Par mesures de protection renforcées, il faut entendre :

  • l’isolement du poste de travail ;
  • le respect, sur le lieu de travail et en tout lieu fréquenté par la personne à l’occasion de son activité professionnelle, de gestes barrières renforcés, l’absence ou la limitation du partage du poste de travail ;
  • le nettoyage et la désinfection du poste de travail et des surfaces touchées par la personne au moins en début et en fin de poste, etc. etc.

    Alors que l’employeur est tenu à une obligation d’hygiène et de sécurité « renforcée », la frontière entre l’impossibilité de mettre en place les mesures de protection et le manque de diligences de l’employeur apparait extrêmement difficile à déterminer.

    Celui-ci aura tout intérêt à s’orienter vers la médecine du travail pour tenter d’y voir clair…

    2- ARRÊTS DE TRAVAIL « COVID -19 » POUR LES SALARIÉS DE DROIT PRIVÉ
    Les salariés considérés « cas contacts », placés à l’isolement et qui ne peuvent pas télétravailler, ont la possibilité d’être placés en arrêt maladie et de percevoir à ce titre des indemnités journalière de sécurité sociale (IJSS) dans les conditions spécifiques.

    Les personnes vulnérables, les parents d’un enfant de moins de 16 ans ou personne en situation de handicap, relèvent pour leur part du dispositif d’activité partielle.

    L’octroi des IJSS est grandement facilité, puisque les conditions d’ouverture de droit sont, par dérogation, écartées (spécialement la condition d’avoir travaillé ou d’avoir cotisé pour un certain nombre d’heures avant la survenance de l’arrêt de travail).

    De la même manière, les IJSS sont versées sans délai de carence.

    Enfin, les IJSS versées dans le cadre du présent dispositif ne s’imputeront pas sur les IJSS exigibles au titre d’un arrêt maladie ayant un autre motif.

    En d’autres termes, les IJSS sont versées sans condition préalable, dès l’instant où le salarié relève du dispositif et sans aucune incidence sur les droits à IJSS pour d’autres motifs.

    Précisons enfin qu’outre les IJSS versées par la Sécurité Sociale, le salarié pourra prétendre à un complément versé par l’employeur, également dans ces conditions dérogatoires.

    Ainsi, l’employeur devra compléter l’indemnisation du régime d’assurance maladie, sans condition d’ancienneté ni délai de carence et sans tenir compte de l’indemnisation dont aura éventuellement bénéficié le salarié antérieurement à l’arrêt de travail « Covid-19 » (Cf. Ordonnance n°2020-428,15 avril 2020 art. 9 ; Décret n°2020-434, 16-4-2020).

    3- GESTION DES « CAS CONTACTS »

    Le Ministère du travail a déjà abordé cette situation dans son « Questions-Réponses ». Ce point a néanmoins fait l’objet de précisions dans le courant du mois de novembre.

    Qui sont les « cas contacts » ?

    Un cas contact est une personne ayant eu un « contact à risque » avec une personne contaminée par la Covid-19.

    Au fil des mois, cette définition est de plus en plus précise. Le simple fait d’avoir été en présence d’une personne contaminée n’induit pas nécessairement que l’on est un cas contact.

    Le « contact à risque », se caractérise par les situations suivantes :
  • Avoir été en face à face à moins d’un mètre (embrassade, poignée de main…) et sans masque ou autre protection efficace ;
  • Avoir partagé un espace confiné (bureau ou salle de réunion, véhicule personnel, taxi…) pendant au moins 15 minutes avec un cas, ou étant resté en face à face avec un cas durant plusieurs épisodes de toux ou d’éternuement ;
  • Avoir échangé avec une personne contaminée du matériel ou un objet non désinfecté ;
  • Avoir prodigué ou reçu des actes de soins ou d’hygiène à/par une personne contaminée ;
  • Avoir partagé le même lieu de vie que la personne contaminée.

    Ainsi et sans être exhaustif, un croisement fugace dans la rue ne caractérise pas un cas contact. De même, le cas contact d’un cas contact n’est pas un cas contact.

    Il faut surtout préciser que les cas contacts sont identifiés par les professionnels de santé, la médecine du travail et l’Assurance maladie ou l’Agence régionale de santé (ARS).

    Que doit faire le salarié cas contact ?

    Le salarié doit rester ou rentrer chez lui, avec un masque chirurgical s’il utilise les transports en commun, et avertir son employeur.

    A défaut de pouvoir télétravailler, le salarié est placé en arrêt maladie.

    Celui-ci doit rester isolé pendant 7 jours après le dernier contact avec la personne déclarée positive à la Covid-19.

    Si la personne contaminée à l’origine du contact vit avec le salarié, celui-ci doit faire un test dès que possible et rester isolé jusqu’à 7 jours après la guérison de tous les cas du foyer.

    Un test de dépistage est réalisé 7 jours après le dernier contact avec la personne contaminée.

    Si le test de dépistage est négatif, le salarié peut arrêter son isolement et reprendre le travail sans avoir besoin d’un certificat médical. Il doit respecter strictement le port du masque, les gestes barrières et la distanciation.

    Si le test est positif, le salarié doit s’isoler 7 jours supplémentaires à partir de la date du test, envoyer son arrêt de travail à son employeur et respecter sa durée.

    Une prolongation d’arrêt de travail par le médecin traitant peut intervenir si les symptômes du virus demeurent. Au terme de l’arrêt de travail, le salarié n’a pas besoin de certificat médical de reprise d’activité.

    Le gouvernement conclut ses préconisations en indiquant que la reprise d’activité à l’issue de la période d’isolement doit s’accompagner pendant au moins 7 jours du port du masque et du strict respect des mesures barrières et de la distanciation.

    Si le salarié cas contact s’avère être contaminé, il peut informer son employeur de sa contamination, ce qui permettra de prendre rapidement les mesures nécessaires pour préserver ses collègues et rompre la chaîne de contamination. Il peut ainsi communiquer à son employeur le nom des personnes avec qui il a été en contact au travail, au cours des 7 derniers jours s’il est asymptomatique, ou au cours des dernières 48 heures s’il est symptomatique, précédant son test, afin qu’elles soient dépistées rapidement.

    Jurisprudence

    INAPTITUDE : LA CONSULTATION DU CSE EST-ELLE TOUJOURS OBLIGATOIRE EN L’ABSENCE DE SOLUTION DE RECLASSEMENT ?(Cass. Soc. 30-9-2020 no 19-11.974)

    Un salarié a été déclaré physiquement inapte à son poste de travail par le médecin du travail.

    Le praticien a précisé dans son avis que le salarié demeurait apte à d’autres postes, à condition de respecter des contraintes fortes (ports de charges et déplacements très limités).

    L’employeur a bien procédé à une recherche de reclassement mais n’a identifié aucune solution de poste compatible avec l’état de santé du salarié.

    Il a notifié par la suite un licenciement, sans avoir consulté préalablement les représentants du personnel au sujet de sa recherche de reclassement.

    Le salarié a contesté le bien-fondé du licenciement, notamment au motif de l’absence de consultation des représentants du personnel.

    L’entreprise soutenait de son côté qu’elle n’avait pas à consulter les représentants du personnel, en l’absence de solution de reclassement à proposer au salarié.

    L’examen des textes aurait pu lui donner raison, dans le sens où le Code du travail précise uniquement qu’il faut consulter les représentants du personnel avant toute proposition de reclassement.

    A contrario, on pourrait en déduire qu’en l’absence de proposition de reclassement à formuler, il n’y a pas de consultation à opérer.

    Ce n’est pas l’avis de la Cour de Cassation.

    Elle rappelle que la consultation des représentants du personnel s’impose même lorsqu’il n’y a pas de solution de reclassement.

    A défaut, le licenciement est nécessairement sans cause réelle et sérieuse.

    La situation rencontrée en l’espèce doit être distinguée de celle où le médecin du travail a précisé dans son avis d’inaptitude que « tout maintien du salarié dans un emploi serait gravement préjudiciable à sa santé ou que l’état de santé du salarié fait obstacle à tout reclassement dans un emploi » (Cf. article L1226-2-1 et L1226-10 du Code du travail).

    Dans ce dernier cas uniquement, la consultation du CSE n’apparait pas nécessaire.

    Bulletin rédigé par Me Anthony Peillet, Avocat à la Cour
    17, rue des Teinturiers 31300 Toulouse