MAI – JUIN 2020

Bulletin rédigé par Maître Philippe GROS, Cabinet CEFIDES
Maître Brice BRIEL, Cabinet SOCIAL JURISTE,
Maître Pierre CHICHA, Cabinet CHICHA

Editorial

LE TÉLÉTRAVAIL : UN MODE ORGANISATIONNEL IDÉAL ?

Certains considèrent le télétravail comme l’organisation miracle permettant de concilier une certaine vie familiale avec une activité professionnelle soutenue.

Mais n’est-ce pas une illusion ?

Le télétravail isole le salarié, cadre ou non, de ses collègues de travail, de ses équipes, de l’entreprise.

Il peut même être vecteur d’inégalités sociales, certains étant plus aptes à utiliser les outils informatiques que d’autres et moins réceptifs à la formation adéquate rendue nécessaire par ce type d’organisation.

Ce mode de travail conduit à une utilisation continue et intense des réseaux sociaux, des banques de données, laissant peu de temps à une réflexion individuelle posée.

Bien sûr, les nouvelles technologies, sous toutes leurs formes, semblent permettre de maintenir le lien, mais un lien bien artificiel, le télétravailleur restant dans son bureau, sa salle à manger ou encore sa cuisine.

La sortie de la crise actuelle nous donnera des informations très intéressantes sur les conséquences du télétravail : l’isolement crée du mal être, un sentiment de solitude et de stress. Les psychologues évoquent le syndrome de la cabane ou encore de l’escargot, correspondant à une peur de sortir de son lieu de confinement. Nous entendons déjà parler des troubles psychosociaux que les employeurs n’ont pu anticiper dans la gestion de cette crise totalement imprévisible.

Des problèmes de durée du travail vont aussi surgir, dès lors que les décomptes individuels de temps n’auront pas été mis en place, et que la déconnexion des communications électroniques n’aura pas été anticipée. Certains contrôles des inspecteurs du travail pourraient aboutir à de sévères remises en cause de l’activité partielle…

Il serait terrible que la crise sanitaire qui semble se terminer génère de nouveaux contentieux que les entreprises déjà fragilisées auront du mal à supporter.

Le télétravail suppose une nouvelle organisation avec un management adapté à cette nouvelle situation.

Surtout le télétravail ne remplace pas le contact humain.

L’utiliser en complément d’une organisation couplée avec un fonctionnement juridique et managérial optimal oui, mais l’idéaliser et l’ériger en principe me paraît déraisonnable à l’heure où notre société est déjà bien malade d’un individualisme forcené. Une sortie de crise suppose une unité tant au sein de la nation qu’au sein des entreprises, et non la poursuite d’un confinement en télétravail générateur, non seulement de potentielles inégalités, mais également de syndromes destructeurs chez les salariés.

Actualités

LA GÉNÉROSITÉ DE L’ETAT EN MATIÈRE D’ACTIVITÉ PARTIELLE FERA L’OBJET DE CONTRÔLES A POSTERIORI

Eu égard à l’automatisation des autorisations de mobilisation du dispositif exceptionnel d’activité partielle et à l’importance des volumes financiers en jeu, le Ministère du travail ne s’est jamais caché sur sa volonté d’opérer des contrôles a posteriori. Certains de nos clients ont déjà eu à les subir.

Par deux instructions des 5 et 14 mai 2020, le Ministère du travail a détaillé les modalités des contrôles qui seront ainsi opérés.

L’objectif du plan de contrôle est :

– à titre principal, de lutter contre les fraudes (mise en activité partielle de salariés auxquels il est demandé parallèlement de travailler, demandes de remboursement majorées par rapport aux salaires effectivement payés…) ;

– à titre subsidiaire, de régulariser les erreurs (taux horaires erronés …), le ministère du travail reconnaissant bien volontiers que les nombreux atermoiements ayant conduit à des changements de paramètres courant avril 2020, aient pu générer des erreurs.

Les contrôles s’opéreront sur 3 niveaux :

– croisement des données administratives (bases de l’ASP et DSN …) ;

– contrôle sur pièces (bulletins de paie, avis du CSE, justificatifs du temps de travail en cas de réduction d’activité …) ;

– contrôle sur place permettant ainsi d’interroger le chef d’entreprise, les représentants du personnel et les salariés.

Les contrôles seront ciblés sur les entreprises suivantes :

– celles ayant présenté des demandes d’indemnisation sur la base de taux horaires élevés ;

– celles relevant de secteurs consommateurs d’activité partielle : BTP / activités de services administratifs, de soutien et de conseil aux entreprises ;

– celles dont l’effectif est composé majoritairement de cadres et/ou dont l’activité est susceptible d’être exercée en télétravail.

Les sanctions prévues au menu sont variées :

– retrait dans les 4 mois de sa délivrance, de la décision d’autorisation de mise en activité partielle lorsque les conditions légales n’étaient pas réunies lors de la demande ;

– retrait de la décision d’indemnisation lorsque les conditions ne sont pas ou plus remplies ;

– régularisation des demandes d’indemnisations payées, que l’erreur soit favorable ou défavorable à l’employeur ;

– exclusion pendant une période maximale de 5 ans de l’accès à certaines aides publiques et remboursement des aides accordées dans les 12 mois précédant l’établissement du procès-verbal, en cas de fraude constatée par Procès Verbal ;

– poursuites pénales dont notamment au titre de l’infraction de travail illégal passible de peines pouvant aller jusqu’à deux ans d’emprisonnement et 30.000,00 € d’amende.

L’URSSAF ne sera pas oubliée, les exonérations appliquées à l’indemnisation erronée ou frauduleuse entraineront des régularisations de charges.

Conclusions

Il est vivement recommandé de conserver tous justificatifs :

– de la situation ayant motivé le recours au dispositif exceptionnel d’activité partiel

– en cas de réduction d’activité, de la réalité du temps travaillé / temps d’activité partielle.

Jurisprudence

LA CRISE DU COVID : OCCASION POUR LES JURIDICTION DE PRÉCISER DIFFÉRENTES RÈGLES RELATIVES À LA SÉCURITÉ DES SALARIÉS

La crise sanitaire qui a touché la France a été l’occasion pour différentes institutions d’insister sur le rôle du CSE et sur la nécessité de se concerter avec lui sur les différentes mesures de nature à assurer la sécurité des salariés alors que son intervention n’était en aucun cas imposée par les textes. Dans le cadre de ces mêmes décisions, outre les missions du CSE, a été mise en exergue l’impérieuse nécessité de différentes obligations.

Si ces décisions ont été rendues dans le cadre de structures maintenant leur activité sur initiative, soit d’organisations syndicales, soit de contrôles opérés par l’inspection du travail laquelle a directement saisi le Tribunal judiciaire, les règles qu’a pu dégager la jurisprudence abondante doivent nécessairement être prises en compte par tous, y compris dans le cadre de la reprise de l’activité.

Il convient ainsi de rappeler au regard de ces multiples jurisprudences les règles qu’elles ont pu dégager et les obligations ou précautions qui en découlent :

I) LES DIFFÉRENTES DÉCISIONS RENDUES DEPUIS LE MOIS D’AVRIL SONT ALLÉES CRESCENDO SUR L’OBLIGATION DE CONSULTATION DU CSE

Aux termes de deux décisions rendues par le TJ de Paris et de Nanterre les 9 et 14 avril 2020, les juges ont entendu systématiquement rappeler la nécessité « d’associer » le CSE à la démarche de prévention, laquelle démarche d’association est particulièrement curieuse et ne résulte d’aucun texte. Ainsi le TJ de Paris indique t-il : « Rappelons à la SA La POSTE son obligation spécifique d’Elaboration d’un Document Unique d’Évaluation des Risques (DUER) sur l’ensemble de son périmètre d’intervention et de ses branches d’activité et métier, en association autant que possible avec les services de la médecine du travail, les IRP et notamment les CHSCT compétents… ».

Quant à la Cour d’appel de Versailles, dans son arrêt du 24 avril 2020, confirmant en grande partie l’ordonnance du TJ de Nanterre, elle indique : « qu’il résulte de l’ensemble de ces éléments, qu’à la date à laquelle les premiers juges ont statué, l’absence d’une évaluation des risques adaptée au contexte d’une pandémie et en concertation avec les salariés, en particulier les membres de chaque CSE d’établissement après consultation préalable du CSE central, étaient constitutifs d’un trouble manifestement illicite. »

Le TJ du Havre, dans une décision Renault Sandouville du 7 mai 2020, est allé plus loin puisqu’il a exigé la consultation préalable du CSE et de la commission CSSCT, préalablement à toute reprise d’activité, et a sanctionné la régie Renault :

– du fait « de la non communication des éléments permettant au CSE , de rendre un avis éclairé »,

– et du fait « du non-respect du délai de 8 jours entre l’ordre du jour et la réunion du CSE ».

Le TJ en a conclu à l’annulation de la réunion du CSE. Subséquemment il ordonne la suspension du projet portant sur des modalités organisationnelles de l’activité, en vue de la reprise de la production pendant l’épidémie de Covid 19, le temps de la régularisation de la procédure d’information et de consultation du CSE ».

La tendance des différentes décisions vise à imposer la consultation du CSE préalablement à toute mise en oeuvre d’un plan de reprise ou de mesures visant à assurer la protection de la santé des salariés.

II) SUR LES MESURES À METTRE EN OEUVRE

Le préalable indispensable à toute reprise d’activité est la remise à jour d’un DUER incluant des dispositions sur le COVID 19, mais pas uniquement sur le plan opérationnel. Certaines des décisions précitées reprochaient en effet à l’employeur d’avoir pris en compte toutes les problématiques organisationnelles, mais par les risques psycho sociaux. Il est donc impératif d’anticiper la reprise et de mettre à jour en permanence le DUER sur tous les plans (y compris RPS).

A cet égard il conviendra de prendre toutes mesures destinées à :

– éviter les risques d’introduction du virus sur le site d’activité,

– adapter l’organisation de l’activité,

– former les salariés aux équipements de sécurité et aux mesures recommandées,

– valider les procédures mises en œuvre au regard notamment des documentations mises en place pour chaque secteur d’activité sur le site du gouvernement.

III) IMPORTANCE DE BIEN GÉRER LA REPRISE

Les jurisprudences précitées ne sont que quelques illustrations de procédures de référé. Elles portent sur des mesures d’urgences qui ont conduit à un arrêt pur et simple d’activité. S’il s’agit d’un risque lourd, il demeure limité dans le temps et ne doit en aucun cas occulter les risques tout aussi significatifs qui pourront ressortir pendant des mois voire des années. A titre non exhaustif, quelques exemples qui ne seront probablement pas des cas d’école :

risque pénal dans l’hypothèse d’une contamination dès lors que l’employeur n’aurait pas respecté une obligation réglementaire ou légale (l’absence de tenue à jour d’un DUER pourrait probablement suffire à caractériser l’infraction)

risque de prise d’acte de la rupture du contrat de travail par le salarié ainsi que toutes les conséquences qui pourraient en résulter (rupture avec les effets d’un licenciement sans cause réelle et sérieuse et notamment dommages et intérêts consécutifs)

risque d’une reconnaissance au titre de la réglementation sur les accidents du travail ou maladies professionnelles par la CPAM, s’il s’avérait que le Covid a été contracté dans l’entreprise du fait d’un manquement de l’employeur Les cabinets du groupement JSA sont à votre disposition pour vous assister dans toutes ces problématiques.


Bulletin rédigé par Me Philippe Gros (CEFIDES) Lyon, Me Brice Briel (SOCIAL JURISTE) Lyon
et Me Pierre Chicha (CABINET CHICHA) Paris

MARS – AVRIL 2020

Bulletin rédigé par Maître Nathalie LENFANT, Cabinet RAVEL AVOCATS

Editorial

LE JOUR D’APRÈS….

Assurément cette période de crise sanitaire et de confinement nous aura, à tous, beaucoup appris :

– Aux gouvernants d’abord, qui, pleinement conscients de l’importance du principe de précaution, ont pourtant été incapables de lui donner une réalité. Le principe de précaution doit être appréhendé au regard de l’aléa infectieux et non au regard de la certitude de la réalisation de l’aléa, sauf à le vider de sens. Que l’on songe à la gestion du H1N1 : nous avions les masques et les vaccins mais, faute de réalisation du risque, le principe même de précaution a été décrié ! Cette prise de conscience devra conduire à donner corps à une approche préventive de l’aléa infectieux nécessitant de revoir nos politiques sanitaires, notre gestion hospitalière et de développer l’agilité de l’Etat via les acteurs locaux, au plus près du terrain.

– Aux entreprises ensuite, qui :

> d’une part, auront mesuré l’intérêt du télétravail et des applications digitales comme autant d’outils vitaux de la survie de leurs activités. Les accords d’entreprise ou les chartes de télétravail à venir s’en trouveront enrichis des expériences de confinement ;

> d’autre part, si elles ont perdu certains de leurs clients, parfois même leurs fournisseurs, elles se sont recentrées sur leurs valeurs. La solidarité de celles ayant remis en marche leurs machines pour fabriquer masques, gel hydroalcoolique est à saluer, conscientes de la santé des autres. La préservation de la santé de leurs propres salariés a pris corps, leur permettant de mesurer qu’au delà d’une obligation légale, elle n’était pas de vains « maux ». La reprise effective passera par la formalisation des modalités d’organisation, la prise de mesures de protection en concertation avec les représentants du personnel ou les syndicats ;

– aux salariés, encore, qui auront mesuré que le télétravail, revendiqué parfois comme la panacée, voire un droit, avait ses limites appréhendées, au quotidien, le temps de ce confinement. Au-delà de la difficile articulation vie privée/ vie professionnelle accentuée par « l’école à la maison », isolement personnel, le risque infectieux aura mis en exergue le besoin impérieux du retour au collectif, à la communauté de travail, qui s’est illustré notamment par la création de cafétérias virtuelles d’entreprise.

– à nous tous, enfin, que ce COVID-19, si malin qu’il soit, aura surtout rappelé à l’homme la précarité de « l’être » remettant à sa place la logique de « l’avoir », et remis l’humain au centre.

Il y a cinq ans, mon édito traitait du « travailleur à l’heure du numérique » et mettait en avant la nécessité pour les entreprises de négocier des accords d’entreprises sur la qualité de vie au travail pour tenir compte de la digitalisation de la relation de travail. Cinq années après, le COVID-19 aura permis de rappeler que nous devons trouver la ligne d’équilibre entre le digital, outil au service de l’homme, et le besoin d’appartenance à une communauté, besoin propre à l’humain. C’est autour de sa communauté de travail et de la négociation d’entreprise que la reprise et la reconstruction des entreprises devront donc être abordées.

Jurisprudence

COVID-19 : IMPORTANCE DU DOCUMENT UNIQUE d’EVALUATION DES RISQUES NOTAMMENT À LA REPRISE
(Tribunal judiciaire de Paris, Référé, 9 avril 2020 n°20/52223)

Le syndicat SUD a assigné en référé la société LA POSTE aux fins notamment que lui soit ordonné de procéder à une évaluation des risques professionnels liés à l’épidémie de covid-19 tels que notamment les conditions d’exercice liées à l’épidémie, les risques psychosociaux résultant de l’épidémie mais également ordonné la mise en œuvre des gestes barrières et moyens de protection pouvant varier suivant les métiers.

Si l’évaluation des risques avait été bien effectuées, les juges ont en revanche constaté que la situation de crise sanitaire aigüe ne pouvait dispenser LA POSTE de son obligation spécifique d’information de l’ensemble de ses personnels via un Document unique d’évaluation des risques (DUER).

Le Tribunal rappelle ainsi l’obligation spécifique d’élaboration d’un Document unique d’évaluation des risques sur l’ensemble de son périmètre d’intervention et de ses branches d’activités et métiers, en association autant que possible avec les services de la Médecine du travail, ses services internes de médecine du travail, les instances représentatives du personnel et notamment les CHSCT compétents, les organisations syndicales et dans la mesure du possible, les personnels concernés, en procédant à une évaluation détaillée de chacun des risques professionnels identifiés du fait de la crise sanitaire d’épidémie de Covid-19, en application de l’article L 4121-2 du code du travail et au regard des impératifs généraux de santé et de sécurité au travail, cette mesure devant comprendre notamment :

> Le recensement de l’ensemble des activités postales estimées essentielles et non essentielles à la vie de la Nation,

> Les conditions d’exercice liées à l’épidémie de covid-19 des divers métiers et emplois des activités postales,

> Les mesures adoptées dans les cas d’infections signalées, avérées ou suspectées, tant en ce qui concerne les personnels que les locaux et mobiliers professionnels,

> Les risques psychosociaux résultant spécifiquement de l’épidémie de covid-19.

COVID-19 : DECISION AMAZON DU TRIBUNAL JUDICIAIRE DE NANTERRE : QUELLES CONSEQUENCES EN TIRER ?
(Tribunal judiciaire de Nanterre, Référé, 14 avril 2020 n°20/00503)

Le syndicat Solidaires a assigné en référé la société Amazon France Logistique aux fins notamment, que lui soit ordonné, à titre principal, d’arrêter l’activité des entrepôts en ce qu’ils rassemblent plus de 100 salariés en un même lieu clos simultanément et, à titre subsidiaire, d’arrêter la vente et la livraison de produits non essentiels et ce sous astreinte et en tout état de cause, que lui soit ordonné de procéder à une évaluation des risques professionnels liés à l’épidémie de covid-19 et de mettre en œuvre les gestes barrières et moyens de protection adaptés à chacune des activités de l’entreprise et ce sous astreinte.

Pour conclure à la violation de l’obligation de sécurité et de prévention de la santé des salariés invoquée par le syndicat, le Tribunal a retenu que :

> Les instances représentatives du personnel n’ont pas été associées à l’évaluation des risques que la direction aurait menée.

> Le risque de contamination à l’entrée des sites dû à l’utilisation d’un portique de sécurité et celui résultant de l’utilisation des vestiaires n’ont pas été suffisamment évalués.

> Il n’est pas justifié de l’existence des plans de prévention avec toutes les entreprises extérieures ni que ceux-ci avaient été mis à jour.

> Si des mesures ont été prises et que l’organisation du travail a été constamment modifiée pour répondre à l’évolution de la situation, la société ne justifie pas que les nouveaux process ont été formalisés. En outre, il n’est pas justifié que ces changements, opérés sans concertation préalable avec les représentants du personnel, auraient été portés de manière appropriée à la connaissance des salariés. Ce risque n’a donc pas été suffisamment évalué.

> Le risque de contamination tenant aux manipulations successives des objets depuis la réception dans l’établissement à la livraison par les chauffeurs, ne fait pas l’objet d’une évaluation dans les DUERP. Le seul fait d’affirmer que les gestes barrières permettent une protection efficace ne répond pas à l’obligation d’évaluer préalablement les risques avant de définir les mesures de sécurité et de prévention nécessaires.

Concernant les risques psychosociaux en lien avec le risque pandémique et les réorganisations induites par mesures en place, le Tribunal a constaté qu’ils ne sont pas évalués dans les DUERP.

C’est dans ces conditions que le juge a ordonné à la société de restreindre les activités de ses entrepôts à la réception des marchandises, la préparation et l’expédition des commandes de produits alimentaires, de produits d’hygiène et de produits médicaux tant que la société n’aura pas mis en œuvre, en y associant les représentants du personnel, une évaluation des risques professionnels inhérents à l’épidémie de covid-19 sur l’ensemble de ses centres de distribution ainsi que les mesures prévues à l’article L 4121-1 du code du travail en découlant, sous astreinte de 1.000.000 d’euros par et par infraction constatée.

Cette décision rappelle l’importance d’évaluer et d’actualiser régulièrement les risques liés à l’épidémie dans le document unique d’évaluation des risques professionnels et d’adopter les mesures en conséquence, en y associant les représentants du personnel.

Bulletin rédigé par Me Nathalie LENFANT
Ravel avocats, 4 rue de l’arcade 75008 PARIS 01 80 48 10 20

JANVIER – FEVRIER 2020

Bulletin rédigé par Maître Maud GIORIA, Cabinet ECKERT ROCHE GIORIA

Editorial

RÉFORME DE LA JUSTICE : MESURES QUI INTÉRESSENT LE CONTENTIEUX SOCIAL

La loi organique n° 2019-221 du 23 mars 2019 relative au renforcement de l’organisation des juridictions et la loi n° 2019-222 du 23 mars 2019 de programmation 2018- 2022 et de réforme pour la justice, dont de nombreuses dispositions viennent d’entrer en vigueur au 1er janvier 2020, contiennent diverses mesures apportant des modifications au contentieux social.

LA FUSION DES TRIBUNAUX D’INSTANCE ET DE GRANDE INSTANCE

Les tribunaux d’instance et de grande instance ont fusionné depuis le 1er janvier 2020 et forment, désormais, les tribunaux judiciaires.

Ils sont compétents pour le contentieux des élections professionnelles – la représentation par avocat étant désormais obligatoire – et celui de l’interprétation des accords collectifs.

LE DÉVELOPPEMENT DE LA CULTURE DU RÈGLEMENT ALTERNATIF DES DIFFÉRENDS

Le texte comporte des dispositions destinées à promouvoir les modes alternatifs de règlement des litiges. À cette fin, il est désormais prévu qu’en « tout état de la procédure, y compris en référé, lorsqu’il estime qu’une résolution amiable du litige est possible », le juge peut enjoindre aux parties de rencontrer un médiateur qu’il désigne.

Ce texte n’entraînera pas de changement considérable en droit du travail. En effet, s’agissant des litiges individuels du travail, l’article R. 1471-2 du Code du travail prévoit déjà la possibilité pour le bureau de conciliation et le bureau de jugement d’enjoindre aux parties de rencontrer un médiateur à tous les stades de la procédure.

S’agissant du contentieux des élections professionnelles, la recherche d’une solution amiable ne s’applique pas car dans cette matière d’ordre public,employeur et syndicats ne peuvent se mettre d’accord pour reconnaître la validité des élections.

En revanche, la médiation pourrait s’avérer utile en matière de contentieux relatifs à l’application ou l’interprétation des accords collectifs de travail.

Le recours à un mode de résolution amiable des différends (MARD), doit précéder, sous peine d’irrecevabilité, toutes les demandes tendant au paiement d’une somme n’excédant pas 5.000 € devant le Tribunal judiciaire (mais aussi celles relatives à un conflit de voisinage).

S’agissant des litiges prud’homaux, il pose question dans le cadre d’une procédure qui comporte un préalable de conciliation.

C’est que la pratique démontre le paradoxe du contentieux prud’homal : la conciliation est en principe un passage obligé, pour autant, elle aboutit rarement.

Plusieurs facteurs plaident, cependant, en faveur du développement des MARD, et notamment de la médiation, liés aux défaillances de la justice du travail.

Actualité

LA MÉDIATION DANS LE CONTENTIEUX PRUD’HOMAL

Partant du constat que la justice prud’homale connaît des difficultés persistantes en lien avec une fonction de jugement très aléatoire et une fonction de conciliation marginalisée, le rapport d’information au Sénat du 10 juillet 2019 intitulé « La justice prud’homale au milieu du gué » formule 46 propositions dont une visant à favoriser la médiation et le règlement amiable des litiges du travail.

Depuis la loi n° 2015-990 du 6 août 2015 et le décret n° 2016-660 du 20 mai 2016, il est possible de recourir à la médiation judiciaire pour la résolution des litiges individuels du travail.

Des freins bloquent, en pratique, le recours à ce type de résolution amiable des différends alors qu’il présente, en matière prud’homale, comme dans d’autres domaines, des avantages certains qu’il est intéressant de promouvoir de façon pédagogue pour favoriser un engouement envers la médiation devant les Conseils de prud’hommes.

LE CONSTAT DE LA QUASIINEXISTENCE DE LA MÉDIATION DEVANT LES CONSEILS DE PRUD’HOMMES

Cela tient à la fois à la culture de la justice appréhendée sentencieusement, à la crainte que l’employeur, présumée partie forte, tire avantage de la médiation au détriment du salarié considéré comme partie faible du fait du lien de subordination qui caractérise le contrat de travail et au manque d’information et donc de connaissance relative à ce processus.

Le droit d’accès au juge figure au rang des principes fondamentaux reconnus par les juridictions françaises.

Cette culture judiciaire est issue de la tradition romanociviliste, dominante en Europe occidentale, à l’inverse de la culture anglo-saxonne dans laquelle les modes alternatifs de règlement des conflits ont une place plus importante du fait aussi d’un schéma judiciaire aux arcanes de procédure, il est vrai, très différentes !

Les litiges individuels du travail sont pour certains gouvernés par un rapport de force entre l’employeur et le salarié que la médiation ne saurait réduire mais plutôt amplifier dans la perception erronée que peuvent en avoir les protagonistes au procès.

Ainsi la culture de la médiation resterait-t-elle à conquérir car la relation de travail en France reste fortement marquée par une dimension conflictuelle, binaire « avoir raison ou tort ».

La quasi-inexistence du recours à la médiation devant les Conseils de prud’hommes peut également s’expliquer par la réticence partagée des conseillers, des avocats et des justiciables.

Effectivement, on va difficilement vers quelque chose que l’on ne connaît pas bien, voire pas du tout et les différents professionnels de la justice prud’homale sont peu formés non seulement aux techniques spécifiques de médiation, mais également et à tout le moins, à l’intérêt même de la médiation.

Enfin, la médiation est toujours perçue comme nécessitant, au final, des concessions, un compromis, une reconnaissance partielle de ses torts et en cela, reste malheureusement appréhendée comme un mode imparfait de résolution du conflit.

LES RAISONS QUI PRÉSIDENT AU RECOURS A LA MÉDIATION DANS LE CONTENTIEUX PRUD’HOMAL

Si la question de la pertinence du recours à la médiation pour la résolution des litiges individuels du travail se pose avec force dans les débats actuels, c’est que la justice prud’homale souffre de différents maux qu’elle contribuerait à éluder.

Force est malheureusement de constater que la justice du travail connaît une phase de conciliation inefficace (le taux de conciliation atteignait 5,6 % en 2017), de délais souvent très longs qui ne respectent pas la norme du délai raisonnable (institué par l’article 6.1 de la CEDH), d’un taux d’appel élevé (en 2016, ce taux était de 66,7 % quand celui des Tribunaux de commerce était de 14,5 %, celui des Tribunaux d’instance de 5,7 % et celui des Tribunaux de Grande Instance de 21,6 %) et d’une suspicion pourtant infondée de partialité des juges de la part des parties.

Gouvernée par la confidentialité, la médiation permet aux parties de se réapproprier leur litige, de faire émerger les causes de son déclenchement, de dépasser le droit strict pour trouver ensemble une solution à leur différend qui prospère souvent
sur le terreau d’incompréhension, de non-dits, de défaut de reconnaissance et de perception décalée des situations.

L’ensemble du processus de médiation est couvert par l’obligation de confidentialité, tant à la charge des parties au processus que du médiateur.

Dans le souci du respect de ce principe, le contenu des discussions qui se déroulent au cours des séances n’est pas divulgué et ne peut pas faire objet de preuve devant le Conseil de prud’hommes qui serait déjà ou éventuellement par la suite saisi.

La parole de chacun est ainsi libérée afin que le dialogue puisse s’instaurer.

L’intérêt de la médiation réside aussi dans le fait de pouvoir gérer l’aléa judiciaire difficile à apprécier en matière prud’homale comme d’ailleurs, devant toute autre juridiction.

Les parties restent maîtresses du processus, qu’elles peuvent adapter comme elles l’entendent et selon leurs besoins, tant sur la périodicité des réunions, leur nombre, le temps consacré à chacune d’elles, les personnes y assistant que la précision de l’accord.

Le but recherché est de laisser les parties construire elles-mêmes la solution répondant à leurs besoins essentiels, alors que la réponse judiciaire pourrait ne pas être appropriée et provoquer un sentiment d’injustice.

Le principe de liberté gouvernant la médiation permet ainsi aux parties devenues des « médiés » de se réapproprier leur litige et de trouver ensemble une issue pour construire une solution.

Si la médiation a toujours lieu « sous le couvert de la loi », elle permet de dépasser la seule appréciation et la seule apparence juridiques du conflit pour se préoccuper de sa réalité profonde et imaginer des solutions de « sortie » très diverses.

De nombreux professionnels du droit, magistrats et avocats – qui assistent leurs clients d’un point de vue juridique dans le cadre de ce processus –, ont aujourd’hui à cœur de changer les mentalités, convaincus par l’intérêt d’une résolution pacifiée des conflits.

Jurisprudence

ARTICULATION ACCORD DE GROUPE/ ACCORD D’ENTREPRISE AVANT LA LOI TRAVAIL – PRINCIPE DE FAVEUR
Dans un arrêt du 8 janvier 2020, la Cour de cassation a validé le raisonnement de la Cour d’appel de DOUAI qui, s’agissant de l’articulation entre un accord de groupe et un accord d’entreprise postérieur, a fait application du principe de faveur.

Au moment de la conclusion de l’accord de groupe, l’articulation entre un accord de ce niveau et les accords d’entreprise n’était pas prévue par la loi.

Pour déterminer les accords applicables aux salariés, la Cour de cassation consacre la méthode de comparaison globale « par ensemble d’avantages ayant le même objet ou la même cause » dans la lignée de l’arrêt Géophysique (Cass. soc., 19 février 1997, no 94-45.286).

Depuis, la loi Travail du 8 août 2016 prévoit que lorsqu’un accord conclu dans tout ou partie d’un groupe le prévoit expressément, ses stipulations se substituent à celles ayant le même objet des conventions ou accords conclus antérieurement ou postérieurement dans les entreprises ou les établissements compris dans le périmètre de cet accord (article L. 2253-5 du Code du travail).

PRIORITÉ DE RÉEMBAUCHE : ELLE S’EXERCE APRÈS LE CONGÉ DE RECLASSEMENT

Lorsque l’entreprise procède à des recrutements dans les 12 mois suivant un licenciement économique, le salarié licencié peut bénéficier d’une priorité de réembauche sur les emplois correspondant à sa qualification.

Il doit avoir demandé à bénéficier de cette priorité dans un délai d’un an à compter de la date de la rupture de son contrat, c’est-à-dire à compter du terme du préavis de licenciement (article L. 1233-45 du Code du travail).

Comment articuler ces dispositions avec celles relatives au congé de reclassement, qui doit être proposé dans les entreprises ou établissements d’au moins 1 000 salariés (article L. 1233-71 du Code du travail) ?

S’il débute par principe durant le préavis, ce congé en excède en effet fréquemment la durée.

La Cour de cassation a résolu la difficulté le 11 décembre dernier : dans cette situation, le salarié ne bénéficie de la priorité de réembauche qu’au terme du congé de reclassement. Une solution valable même si le licenciement est ultérieurement jugé sans cause réelle et sérieuse (Cass. soc., 11 décembre 2019, no 18-18.653).

Bulletin rédigé par Me Maud GIORIA- SCP ECKERT- ROCHE- GIORIA
1 rue Jean-Antoine Chaptal 57070 METZ

OCTOBRE – NOVEMBRE 2019

Bulletin rédigé par Maître Pierre CHICHA
Cabinet CHICHA

Editorial

PENDANT QUE LA CHAMBRE SOCIALE DE LA COUR DE CASSATION AFFERMIT ET MAINTIENT SA POSITION DE STRICT RESPECT DE LA VIE PRIVÉE… LA COUR DE EUROPÉENNE DES DROITS DE L’HOMME AUTORISE, ELLE, LES VIDÉO-SURVEILLANCES PAR CAMERAS CACHÉES…

Le mois d’octobre 2019 a connu une nouvelle fois des évolutions marquantes en droit de la preuve. Ainsi, la Chambre Sociale de la Cour de Cassation a affirmé que la protection du secret des correspondances, prévalait y compris s’agissant d’échanges de messages instantanés ne portant aucune mention « personnelle » ou « privé » réalisés à partir du matériel fourni par l’employeur pendant le temps de travail et dès lors présumés avoir un caractère professionnel. Les messageries instantanées même dépourvues de mention personnelle ou privée restent couvertes par le secret des correspondances dès lors qu’elles sont rattachées à une messagerie privée, bien que la mention privée ne soit pas expressément mentionnée et donc visible. La Cour de Cassation a néanmoins indiqué : « Mais attendu qu’ayant constaté que les messages électroniques litigieux, échangés au moyen d’une messagerie instantanée, provenaient d’une boite à lettre électronique personnelle distincte de la messagerie professionnelle dont la salariée disposait pour les besoins de son activité, la cour d’appel en a exactement déduit qu’ils étaient couverts par le secret des correspondances. » (Cassation Sociale, 23 octobre 2019, Société Michel Nicolas c/ Mme X, 17-28.448)

Prenant une tendance inverse la Cour Européenne des Droits de l’Homme a, au terme d’un arrêt particulièrement motivé, apporté un assouplissement significatif au droit de la preuve validant une décision des tribunaux espagnols de retenir comme moyen de preuve licite des caméras dissimulées.

En l’espèce, une société avait constaté d’importantes disparitions de marchandises. Elle avait installé un dispositif de vidéosurveillance constitué de caméras connues et de caméras cachées. Ces dernières permettaient à la Société d’identifier parmi les salariés des auteurs d’infraction. Ces derniers étaient licenciés. La Cour Européenne des Droits de l’Homme a été saisie de cinq recours par les salariés n’ayant pas obtenu gain de cause les juridictions espagnoles validant la recevabilité des enregistrements issus des caméras cachées.

La décision de la CEDH valide le recours aux caméras cachées aux visas des articles 6 (droit à un procès équitable) et 8 (respect de la vie privée) de la Convention Européenne des Droits de l’homme :
« 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance.
2. Il ne peut y avoir ingérence d’une autorité publique dans l’exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu’elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bienêtre économique du pays, à la défense de l’ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d’autrui.
»

(Article 8 de la Convention Européenne des Droits de l’Homme)

Au terme d’une décision fleuve de plus de 50 pages la Cour Européenne des Droits de l’Homme a ainsi validé la présence de caméras cachées après avoir rappelé que sur les 28 pays de l’Union Européenne 21,avaient transposé la directive n°95/46 (RGPD) la plupart interdisant la vidéosurveillance cachée alors même que d’autres l’admettent en cas de soupçon d’infractions pénales, indiquant également que dans les pays non membres la Suisse notamment admet le recours à un tel procédé.

La Cour a dans un premier temps rappelé, en regard de l’article 8 ce que recouvre la notion de vie privée soit : « l’intégrité physique et morale d’une personne physique ainsi que de multiples aspects de son identité,physique et sociale… Elle englobe notamment des éléments d’identification d’individu tel son nom ou sa photographie. » Et la Cour de préciser : « La notion de vie privée ne se limite pas à un « cercle intime »… Elle n’exclut pas les activités professionnelles (Fernandez Martinez c Espagne n°56030, n°11 CEDH 2014) »

La CEDH a considéré que dès lors que des personnes avaient été filmées en continu sur leur lieu de travail pendant 10 jours, l’article 8 trouvait à s’appliquer. Pour autant, sous le prisme de cet article, les états doivent garantir le respect d’une proportionnalité aux autres libertés et préserver les personnes contre les abus. Après avoir rappelé cette règle, la Cour a entendu faire une analyse in concreto de la situation et dans le cadre de cette analyse a considéré que :
– La durée de la vidéosurveillance par caméra cachée n’avait pas excédé 10 jours,
– Quelles qu’aient été les conséquences pour les salariés, « la vidéosurveillance et les enregistrements n’ont pas été utilisés par l’employeur à d’autres fins que de trouver les responsables des pertes de produits constatées et de les sanctionner.»
– « Il n’existait pas d’autre, moyen d’atteindre le but légitime poursuivi »,
– Les salariés avaient été informés de l’existence de vidéosurveillance quand bien même il existait des dispositifs visibles et des dispositifs cachés.

La Cour a ensuite entendu rappeler le principe de proportionnalité : « En l’espèce la cour constate que les juridictions du travail saisies par le requérant ont procédé à une mise en balance circonstanciée entre d’une part le droit des intéressés au respect de leur vie privée, et d’autre part l’intérêt pour leur employeur d’assurer la protection de ses biens et le bon fonctionnement de l’entreprise. Elle relève que les critères de proportionnalité établis par la jurisprudence du tribunal constitutionnel et suivis en l’espèce sont proches de ceux qu’elle a dégagés dans sa propre jurisprudence. ».

La CEDH a ajouté que, certes, il y avait une infraction au respect de la vie privée du fait de la non information de la localisation des dispositifs de surveillance nonobstant l’information sur la mise en place d’un tel système mais que, dès lors, que le lieu filmé correspondait aux caisses où il y avait beaucoup de passage et que les dommages de l’Employeur étaient importants, cette atteinte était proportionnée.

S’agissant de l’article 6 : constatant que les enregistrements n’étaient pas les seuls éléments sur lesquels l’Employeur s’était fondé se référant, également, aux tickets de caisse « éléments de preuves non susceptibles d’être viciés » ; la Cour considère que l’utilisation comme preuves des images, n’a donc pas porté atteinte au caractère équitable de la procédure en l’espèce. »

En droit interne, aux termes de l’article L 1121-1 du Code du Travail : « Nul ne peut apporter aux droits des personnes et aux libertés individuelles et collectives de restrictions qui ne seraient pas justifiées par la nature de la tâche à accomplir ni proportionnées au but recherché. ». Ce texte est en tous points conforme à la position de la CEDH.

Pour autant, en l’état actuel du droit positif, il demeure interdit de recourir aux caméras cachées. D’une part le système et son emplacement doivent faire l’objet d’une information du CSE et d’autre part quand bien même depuis l’adoption du RGPD la CNIL ne doit plus être consultée préalablement à la mise en place, elle dispose d’un pouvoir de sanction si elle estime le dispositif disproportionné.

Cette décision de la CEDH apportera-t-elle un souffle nouveau à notre droit interne ?

Actualité

PRÉJUDICE D’ANXIÉTÉ : RETOUR ET GÉNÉRALISATION

Par deux décisions de principe rendues le 11 septembre 2019, la Cour de Cassation est venue préciser les modalités et conditions de l’indemnisation d’un préjudice d’anxiété l’étendant au-delà de l’amiante. Lesdits arrêts seront publiés au Bulletin des arrêts de la Cour de Cassation. L’articulation de ces arrêts permet (1) de définir le périmètre de l’application possible du préjudice d’anxiété (2) de rappeler les conditions nécessaires pour pouvoir solliciter des dommages et intérêts (3) et de rappeler les conditions nécessaires pour l’employeur pour s’exonérer de sa responsabilité.

1- Tout salarié peut donc solliciter une indemnisation dès lors qu’il a été en contact avec une substance toxique ou nocive.
La Cour de Cassation était saisie d’une demande de dommages et intérêts par des salariés anciens mineurs des Houillères du Bassin de Lorraine et donc en rapport avec d’autres substances que de l’amiante. Au détour de son arrêt la Chambre Sociale de la Cour de Cassation est venue préciser : « En application des règles de droit commun régissant l’obligation de sécurité de l’employeur, le salarié qui justifie d’une exposition à une substance nocive ou toxique générant un risque élevé de développer une pathologie grave et d’un préjudice d’anxiété d’une telle exposition, peut agir contre son employeur pour manquement de ce dernier à son obligation de sécurité. » (Cass Soc 11/09/2019 n°17-24.879 FP-PB A. c/ Agent Judiciaire de l’Etat)

2- … Encore faut il prouver avoir été en contact avec la substance sus mentionnée
« … en application des règles de droit commun régissant l’obligation de sécurité de l’employeur les salariés devaient justifier d’une exposition à l’amiante générant un risque élevé de développer une pathologie grave et d’un préjudice d’anxiété personnellement subi résultant d’une telle exposition » Cassation Sociale du 11/09/2019 n°17-26.879 FS-PB

3- Les conditions d’exonération de la responsabilité Conformément aux dispositions de droit commun l’indemnisation suppose une faute, un préjudice ainsi qu’un lien de causalité.
L’existence de la faute a été rappelée par la Cour de Cassation en Assemblée plénière le 5 avril 2019 (Cassation Assemblée Plénière 5/04/2019 n°18.17-442, RJS 6/19 n°360): Attendu que ne méconnaît pas l’obligation légale lui imposant de prendre les mesures nécessaires pour assurer la sécurité et protéger la santé physique et mentale des travailleurs, l’employeur qui justifie avoir pris toutes les mesures prévues par les textes susvisés ;

Attendu que, pour condamner la société à payer au salarié une certaine somme à titre de dommages-intérêts en réparation de son préjudice d’anxiété, l’arrêt retient que le demandeur justifie par les pièces qu’il produit, d’une exposition au risque d’inhalation de poussières d’amiante et que, l’exposition du salarié à l’amiante étant acquise, le manquement de la société à son obligation de sécurité de résultat se trouve, par là même, établi, et sa responsabilité engagée, au titre des conséquences dommageables que le salarié invoque du fait de cette inhalation, sans que la société puisse être admise à s’exonérer de sa responsabilité par la preuve des mesures qu’elle prétend avoir mises en œuvre ; Qu’en statuant ainsi, en refusant d’examiner les éléments de preuve des mesures que la société prétendait avoir mises en œuvre, la cour d’appel a violé les textes susvisés ;

Dans l’arrêt concernant les salariés des Houillères du Bassin de Lorraine (voir ci-avant) la Cour de Cassation tout en rappelant que l’employeur pouvait s’exonérer de sa responsabilité a également entendu préciser que c’est désormais à l’employeur de prouver qu’il a pris toutes les mesures nécessaires en application des articles L 4121-1 et L 4121- 2 du Code du Travail.


Bulletin rédigé par Me Pierre CHICHA
Cabinet CHICHA 33, rue de la Tour 75116 Paris

AOUT – SEPTEMBRE 2019

Éditorial

LE BARÈME MACRON VALIDÉ PAR LA COUR DE CASSATION (AVIS CASS. 17-7-2019 N°19-70.010 ET 19-10.011 – FORMATION PLÉNIÈRE)

La décision était très attendue. Sans surprise pour certains, profonde déception pour d’autres… La Cour de cassation a tranché par avis du 17 juillet 2019 : le barème Macron limitant l’indemnisation pour licenciement sans cause réelle et sérieuse (art. L 1235-3) est conforme au droit international et européen.

Deux conseils de prud’hommes avaient initié la même démarche (Louviers et Toulouse). Deux avis ont donc été rendus le même jour, dans les mêmes termes, le premier étant, cependant, un peu plus complet, d’où notre choix de le commenter ici.

Pour mémoire, l’affaire opposait la société Sanofi Pasteur à un ancien salarié (susceptible de prétendre à une indemnité comprise en 1 et 2 mois de salaire), mais d’autres acteurs se sont joints à la procédure pour faire entendre, également, leurs arguments (CFDT, CGT-FO, CGT, CFE CGC, MEDEF, Syndicat des avocats de France, Association Avosial), à tort pour les deux derniers, dont l’intervention a été jugée irrecevable, faute d’intérêt à agir.

Trois textes étaient invoqués :

– La Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales dont l’article 6 §1 consacre le droit à un procès équitable ;
– La Charte sociale européenne dont l’article 24 (Droit à la protection en cas de licenciement) énonce que « les Parties s’engagent à reconnaître …le droit des travailleurs licenciés sans motif valable à une indemnité adéquate ou à une réparation appropriée » ;
– La convention n°158 de l’OIT (Organisation internationale du travail) dont l’article 10 reconnait de même au profit du travailleur injustement licencié le droit à « une indemnité adéquate ou toute autre forme de réparation considérée comme appropriée ».

Il convient de préciser, d’un point de vue technique, qu’avant même de se prononcer sur le fond, la Cour de cassation devait pour chacun des textes considérés trancher la question de savoir s’il était directement applicable en droit interne, sachant que tous les textes internationaux ou européens ne le sont pas automatiquement.

En effet, certains textes peuvent être opposables dans une relation entre l’Etat et un particulier (dit « effet vertical »), mais ne pas l’être dans une relation entre particuliers (dit « effet horizontal »), étant précisé que la relation employeur-salarié entre dans cette deuxième catégorie.

La Cour a donc examiné successivement les trois textes et est parvenue pour chacun d’eux à l’analyse qui suit.

– La Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales a été rapidement écartée, non pas au regard de son application directe en droit interne, reconnue de longue date, mais parce que son article 6 §1 implique de distinguer entre ce qui est d’ordre procédural (accès au juge) et d’ordre matériel (ce que le juge est en mesure d’accorder), sachant que la CEDH (Cour européenne des droits de l’homme), juridiction en charge du respect de la Convention, a toujours limité le champ d’application de cet article à l’aspect purement procédural. Par conséquent, le fait de limiter le montant de l’indemnisation (relevant de l’aspect matériel) ne pouvait constituer un obstacle procédural.

– La Charte sociale européenne a également été écartée, cette fois, eu égard à son absence d’effet direct en droit interne. Pour ce faire, la Cour a relevé que les « Parties » visées dans la partie II de la Charte où figure l’article 24 sont les États (lesquels « s’engagent… à se considérer comme [liés]…par les obligations …ci-après. »). Elle en a déduit que chaque Etat dispose d’une importante « marge d’appréciation » dans la mise en œuvre de la Charte et que celle-ci n’a donc « pas d’effet direct en droit interne entre particuliers ».

– Ne restait donc en piste que la Convention n°158 de l’OIT. La question de son application directe en droit interne ne faisait guère de doute, dans la mesure où la Cour de cassation a déjà eu l’occasion par le passé de l’admettre, en particulier, lors du débat animé qui s’est instauré devant nos juridictions entre 2005 et 2008 à propos du CNE (contrat (suite) nouvelles embauches). Certes, il ne s’agissait pas du même article, mais néanmoins de la même Convention, raison pour laquelle, la Cour n’a pas jugé utile de motiver longuement son avis sur le sujet.

Dès lors, il lui revenait de trancher ce qu’il faut entendre par « une indemnité adéquate ou toute autre forme de réparation considérée comme appropriée ». Son appréciation ne pouvait que s’inscrire que dans la « culture » de la Convention, c’est-à-dire une prescription internationale dont le cadre d’adoption a vocation à couvrir de nombreux états dans des situations économiques et sociales extrêmement variées. Raison pour laquelle, les organes mêmes de l’OIT ont toujours fait preuve de beaucoup de souplesse à l’égard des Etats ayant accepté de la ratifier (très peu) et donc de la mettre en oeuvre. De ce fait, l’appréciation devait dépasser le simple cadre de l’article L 1235-3 pour englober plus généralement toute l’économie de la réparation du licenciement en droit français, qui ne se limite pas au barème mais comporte également des dispositions très protectrices en cas de nullité (L 1235-3-1). Ce faisant, et après s’être référé à cet ensemble législatif, la Cour a considéré que le terme « adéquat » devait être compris comme réservant aux Etats une marge d’appréciation, pour en conclure que l’article L 1235-3 était compatible avec la convention n°158 de l’OIT.

Ainsi, le message est clair : les outils du droit international et européen sont impuissants à remédier par la voie juridique à une question qui reste avant tout politique, étant rappelé que le texte en cause a été adopté par voie d’ordonnance et n’a donc fait l’objet d’aucun débat devant le parlement.

Il reste que, techniquement parlant, l’avis de la Cour de cassation ne lie pas le juge, ce qui n’a pas échappé à certains conseils de prud’hommes, résolument déterminés à faire de la résistance. Tel est le cas des Conseils de prud’hommes de Grenoble, Troyes, Nevers ou encore Le Havre ayant récemment écarté le barème.

Symbolique, certes, mais efficace, peu probable, car il va de soi que les employeurs auront tout intérêt à résister eux aussi et donc à aller jusqu’en cassation s’il le faut.

Gageons, en effet , que la Cour de cassation ne se dédise pas si elle est saisie d’un pourvoi !


Actualité

RÉFORME DE L’ASSURANCE CHÔMAGE EN BREF

Le départ a été donné par la Loi Avenir du 5-9-2018 ayant fixé les grands axes d’une réforme et contraint les partenaires sociaux à une renégociation anticipée des règles de l’assurance chômage, sur la base d’une feuille de route gouvernementale laissant peu d’espace à un consensus.

Les négociations ayant échoué, le gouvernement a pris la main sur le dispositif avec la publication de deux décrets en date du 26 juillet 2019 (n°2019-796 et n°2019-797) qui sont dans la droite ligne des annonces faites en juin dernier. Plus précisément d’un point de vue formel, la Convention d’assurance chômage du 14 avril 2017 (en vigueur depuis novembre 2017) est abrogée et le Règlement qui lui était annexé, l’est désormais au décret n°2019-797.

Souplesse d’un côté avec l’ouverture de l’assurance chômage aux travailleurs indépendants et aux démissionnaires ayant un projet professionnel, durcissement de l’autre avec des conditions plus restrictives pour les allocataires, outre un bonus-malus pour les entreprises dans certains secteurs d’activité.

BONUS-MALUS SUR LA CONTRIBUTION CHÔMAGE
Nouveau concept qui ne s’annonce pas des plus simples.
Principe : modulation à la hausse ou à la baisse (entre 3% et 5,05%) du taux de la contribution d’assurance chômage en fonction du taux de fins de contrat de l’employeur.
Mode de détermination : taux modulé défini en comparant le taux de séparation de l’entreprise (nombre de fins de contrat imputables à l’employeur rapporté à l’effectif une période de référence de 3 ans) avec le taux de séparation médian dans le secteur d’activité.
Entreprises concernées : celles d’au moins 11 salariés appartenant aux secteurs d’activité dans lesquels le taux de séparation médian est supérieur à un seuil qui sera fixé par arrêté pour une période de 3 ans. L’arrêté précisera les secteurs d’activité concernés par référence à la nomenclature des activités françaises (NAF).
Fins de contrat prises en compte : toutes (via l’attestation pôle emploi ou la DSN) sauf contrat de mission, d’apprentissage, de professionnalisation, unique d’insertion et CDD conclus au titre de la politique de l’emploi.
Salariés concernés : Le taux majoré ou minoré s’appliquera à la rémunération de tous les salariés de l’entreprise, sous réserve de quelques exceptions (embauche en CDI à l’issue d’un CDD, contrats de travail temporaire, CDD conclus pour
remplacement ou accroissement temporaire d’activité).
Notification des taux : le taux de séparation et le taux de contribution seront notifiés à chaque entreprise (conditions
fixées par arrêté à paraître).
Entrée en vigueur : 1er janvier 2021 (en pratique, appel des premières contributions modulées à partir du 1er mars 2021).

– TRAVAILLEURS INDÉPENDANTS
Grande nouveauté de la réforme, les travailleurs indépendants qui ont toujours été exclus de l’assurance chômage, historiquement réservée jusque-là aux salariés, peuvent désormais en bénéficier, mais les conditions d’ouverture, comme le montant (annoncé) des allocations, font que l’impact de la mesure restera limité.
Dénomination : allocation des travailleurs indépendants (ATI).
Bénéficiaires : travailleur indépendant au titre de la dernière activité.
Condition d’ouverture : liquidation ou redressement judiciaire.
Durée minimale d’activité : au moins 2 ans au titre d’une seule et même entreprise.
Condition de revenu antérieur : au moins 10.000 € par an au titre de l’activité non-salariée.
Montant et durée de l’allocation forfaitaire : ces deux points doivent faire l’objet d’un autre décret qui devrait être publié prochainement. Selon les annonces du gouvernement, le montant pourrait s’élever à environ 800 € par mois.
Entrée en vigueur : 1er novembre 2019.

– DÉMISSIONNAIRES AYANT UN PROJET DE RECONVERSION PROFESSIONNELLE
La liste des démissions considérées comme légitimes s’enrichit donc d’un nouveau cas, inédit jusque-là, mais qui reste soumis à des conditions assez strictes.
Durée minimum d’activité préalable : 5 années ininterrompues (soit au minimum 1300 jours travaillés au cours des 60 mois précédant la fin du contrat).
Justifications à apporter : projet de reconversion professionnelle réel et sérieux ayant mobilisé un conseil en évolution professionnelle préalablement à la démission.
Examen du dossier : par la CPIR (Commission paritaire Interprofessionnelle Régionale) destinataire des pièces justificatives (dont la liste sera fixée par arrêté à paraître).
En cas de refus : recours gracieux possible dans les deux mois.
En cas d’accord : demande d’allocation à déposer dans les six mois suivants la décision.
Contrôle de la mise en œuvre du projet de reconversion : assuré par pôle emploi au bout de six mois de perception des allocations.
Entrée en vigueur : 1er novembre 2019.

DROITS DES ALLOCATAIRES
Des conditions d’ouverture et de rechargement des droits plus restrictives et dégressivité des allocations à partir d’un certain montant, constituent l’essentiel des nouveautés en
la matière.
Conditions d’affiliation pour allocataires < 53 ans :
minimum de 130 jours ou 910 heures au cours des 24 mois précédant la fin du contrat, soit 6 mois (au lieu 4 mois
avant sur une période de 28 mois)
Conditions d’affiliation pour allocataires ≥ 53 ans : mêmes conditions que ci-dessus mais appréciées sur une période de 36 mois.
Durée minimale d’indemnisation (majorée en conséquence) : 182 jours calendaires (au lieu de 122 jours avant)
Rechargement des droits : le principe est en théorie maintenu (activité exercée en cours d’indemnisation permettant de retrouver des droits à la fin de la période d’indemnisation). En revanche, la condition minimale d’activité actionnant le mécanisme devient nettement plus difficile à atteindre puisqu’il faut désormais 910 heures (ou 130 jours) au cours des 24 derniers mois alors qu’auparavant 150 heures suffisaient. Les seuils de rechargement se trouvent ainsi alignés sur les seuils d’ouverture des droits, ce qui fait que le concept même du rechargement perd de son intérêt.
Période d’appréciation pour la détermination du salaire de référence : à compter du 1-4-2020, la période prise en compte sera les 24 mois précédant le dernier jour travaillé et payé, au lieu de 12 mois jusque-là.
Mode de calcul du salaire journalier de référence (SJR) :
• Formule applicable jusqu’au 1-4-2020 : total des rémunérations sur 12 mois / [nombre de jours travaillés (dans la limite de 261) x 1,4]
• Formule applicable à compter du 1-4-2020 : total des rémunérations sur 24 mois / nombre de jours calendaires à
compter du 1er jour de la 1ère période d’emploi incluse dans la période de référence.
Dégressivité de l’allocation sur les hauts revenus :
application d’un coefficient de dégressivité de 0,7 à compter du 183ème jour d’indemnisation, sans que cette réduction ne puisse porter le montant de l’allocation journalière en dessous de 84,33 €. En pratique, cette mesure n’affectera que les allocataires dont le SJR est supérieur à 147,95 €, soit un revenu brut mensuel moyen de l’ordre de 4505 €.
La réduction pourra atteindre jusqu’à 30% (dans la limite indiquée de 84,33 €).
Différé congés payés : prise en compte des indemnités de congés payés versées lors de toutes les fins de contrat intervenues au cours de la période de 24 mois, alors qu’auparavant seule l’indemnité versée par le dernier employeur entrait dans le calcul.
Entrée en vigueur : 1er novembre 2019 (sauf dispositions pour lesquelles l’entrée en vigueur est reportée au
1-4-2020)


Jurisprudence

RUPTURE CONVENTIONNELLE ET HARCÈLEMENT MORAL LICENCIEMENT POUR FAUTE GRAVE ET PRÉAVIS

La Cour de cassation vient de préciser qu’une situation de harcèlement moral n’empêche pas de recourir à une rupture conventionnelle individuelle avec le salarié qui en est la victime.

La convention ne pourrait être annulée que si l’existence d’un vice du consentement est démontrée.

Dans cette affaire, la Cour d’appel avait déclaré nulle la rupture conventionnelle au motif que la salariée l’avait signée dans un contexte de harcèlement moral, sans qu’elle n’ait à prouver un quelconque vice du consentement.

La haute-juridiction précise : « Qu’en statuant ainsi, alors qu’en l’absence de vice du consentement, l’existence de faits de harcèlement moral n’affecte pas en elle-même la validité de la convention de rupture intervenue en application de l’article L. 1237-11 du code du travail, la Cour d’appel a violé les textes susvisés. » Cass. soc. du 23 janvier 2019 n°17-21.550

LICENCIEMENT POUR FAUTE GRAVE ET PREAVIS

Chacun sait que le licenciement pour faute grave, s’il est reconnu, est effectif sans préavis et prive le salarié du bénéfice de l’indemnité de licenciement.

Attention, toutefois, à des rédactions de contrat de travail parfois approximative ; il arrive, en effet, qu’un contrat de travail prévoit un préavis en cas de rupture du contrat du fait de l’une ou l’autre des parties, sans établir de distinction selon le motif de la rupture.

Cette maladresse n’est pas sans conséquence.

Dans une telle hypothèse, la Cour de cassation a eu l’occasion de rappeler récemment que même licencié pour faute grave, le salarié devra donc bénéficier du préavis. Cass. soc. 20 mars 2019 n°17- 26.999

MOURIR APRÈS UNE RELATION SEXUELLE PEUT ÊTRE UN ACCIDENT DU TRAVAIL

Non, vous ne rêvez pas et la victime qui vient de faire jurisprudence n’était pas une escort-girl.

Il n’empêche que son décès après un rapport sexuel est considéré, par la justice, comme un accident du travail.

C’est une décision de la Cour d’appel de Paris en date du 17 mai 2019, celle ci précisant que : «Le salarié effectuant une mission, a droit à la protection prévue à l’article L. 411-1 du Code de la sécurité sociale, peu important que l’accident survienne à l’occasion d’un acte professionnel ou d’un acte de la vie courante, sauf la possibilité pour l’employeur de rapporter la preuve que le salarié a interrompu sa mission pour un motif personnel. »

Pour la Cour : « il est constant qu’un rapport sexuel est un acte de la vie courante ».

Gageons et osons espérer que l’affaire n’en restera pas là et que la Cour de cassation apportera un éclairage différent, l’employeur pouvant rapporter la preuve, par hypothèse, que le salarié avait interrompu sa mission pour un motif personnel.

Sans malice aucune, espérons que cette décision restera isolée dans les annales de la jurisprudence ! CA Paris (Pôle 6, 12ème ch.) du 17 mai 2019, n° 16/08787


Bulletin rédigé par Mes Marie-France THUDEROZ et Yves BOULEZ
Cabinet SOCIAL JURISTE – 7 Quai SARRAIL – 69006 LYON