Bulletin JSA – JUILLET AOUT 2019

Bulletin rédigé par Maître Annette PAUL
Cabinet BASTILLE AVOCAT
10 Avenue Alsace Lorraine
38000 GRENOBLE

Editorial

LA LOI PACTE LOI N° 2019-486 DU 22 MAI 2019 RELATIVE À LA CROISSANCE ET LA TRANSFORMATION DES ENTREPRISES
VIENT MODIFIER/ASSOUPLIR CERTAINES RÈGLES EN MATIÈRE D’ÉPARGNE SALARIALE.

La loi PACTE LOI n° 2019-486 du 22 mai 2019 relative à la croissance et la transformation des entreprises vient modifier/ assouplir certaines règles en matière d’épargne salariale.

Compte tenu du faible taux de mise en place des dispositifs d’épargne salariale, notamment dans les PME, de nouvelles mesures ont été prises pour assouplir les règles en vigueur.

Il a déjà été évoqué dans le Bulletin JSA de mai/juin l’impact de la loi PACTE sur le régime de la participation. Des modifications sont également intervenues dans le régime de l’intéressement et de l’épargne salariale.

La mise en place d’un accord d’intéressement, qui rappelons- le permet de verser un « supplément de rémunération » non soumis aux charges sociales, lorsqu’un certain nombre de critères aléatoires propres à l’entreprise sont remplis, connait donc quelques
aménagements, visant à simplifier et favoriser la mise en place de ce dispositif dans les PME.

ASPECTS FINANCIERS

Déjà depuis le 1er janvier 2019, le forfait social est supprimé sur les sommes versées au titre de l’intéressement pour les entreprises de moins de 250 salariés, ainsi que sur l’ensemble des versements d’épargne salariale.

Le plafond qui peut être distribué à chaque salarié vient d’être relevé à ¾ du PASS, soit la somme de 30 393 euros par bénéficiaire (y compris le chef d’entreprise et son conjoint collaborateur dans les entreprises de moins de 250 salariés) et toute somme au- delà peut être immédiatement répartie sur les autres bénéficiaires si l’accord le permet.

ÉLARGISSEMENT DES CRITÈRES

Par ailleurs la formule permettant de quantifier la somme à verser fait l’objet d’un élargissement à des objectifs pluri annuels liés aux résultats ou aux performances de l’entreprise.

L’accord peut comporter un intéressement de projet définissant un objectif commun à tout ou partie des salariés de l’entreprise, c’est
à dire viser la bonne fin d’un projet dans un délai donné pour inciter tous les intervenants à respecter « le cahier des charges » de ce projet.

SÉCURISATION

En l’absence de sollicitation de la DIRECCTE dans les 4 mois du dépôt de l’accord, celui-ci se trouve dorénavant sécurisé pour toute la durée de son application (soit 3 ans) vis-à- vis de l’URSSAF et du fisc.

Cependant, l’administration reste autorisée à solliciter des modifications dans les 6 mois du dépôt dès lors que des dispositions de l’accord sont contraires à la loi ; mais cette mise en conformité ne vaut que pour les exercices suivants.

Enfin, la loi prévoit l’engagement de négociations au niveau de chaque branche en vue de la mise en place d’un régime d’intéressement, de participation ou d’épargne salariale (PEI, PERCO) au plus tard le 31 décembre 2020.

PLAN EPARGNE ENTREPRISE

Le PEE a lui aussi fait l’objet d’aménagements visant notamment à permettre une possibilité de versement de l’employeur sans
contrepartie du salarié.

Le plafond d’exonération d’impôt des versements est porté par année à 3/4 du PASS.

Toutes ces mesures, qui visent à inciter les employeurs à s’approprier les différents outils collectifs, nécessitent cependant pour le chef d’entreprise de définir les objectifs à atteindre et à communiquer auprès du personnel pour que chaque acteur se sente concerné par cette récompense collective.

Actualité

RUPTURE CONVENTIONNELLE, ENCORE DES PRECISIONS !

Alors que le dispositif de la Rupture Conventionnelle est en vigueur depuis 2008, la Haute Juridiction est encore amenée à fournir certaines clés d’utilisation

RÉTRACTATION : POUR LE DELAI DE RÉTRACTATION DE 15 JOURS C’EST LA DATE D’ENVOI QUI COMPTE

Selon l’article L 1237-13 du Code du travail, à compter de la date de signature d’une rupture conventionnelle, chacune des parties
dispose d’un délai de 15 jours calendaires pour exercer son droit à rétractation, sous la forme d’une lettre adressée par tout moyen attestant de sa date de réception par l’autre partie.

La Cour de cassation a récemment jugé qu’une rupture conventionnelle non datée est nulle, en ce qu’elle ne permet pas de déterminer le point de départ du délai de rétractation qui est une garantie fondamentale dont le non-respect est de nature à compromettre l’intégrité du consentement des parties Cass. soc. 27-3-2019 no 17-23.586 FS-D Mme D/ Laboratoire des Carmes.

Une telle rupture nulle produit alors les effets d’un licenciement sans cause réelle et sérieuse.

La Cour de cassation a déjà jugé que la fin de ce délai s’apprécie à la date d’envoi du courrier par le salarié et non à sa date de réception par l’employeur (Cass. soc. 14-2-2018 no 17-10.035 FS-PB Mr X / Sponsor Graphic).

Elle vient de confirmer que cette règle de décompte s’applique aussi dans le cas où c’est l’employeur qui exerce son droit à rétractation. Cass. soc. 19-6-2019 n° 18-22.897 F-D MrJ/ Société tous services Rappel : Le délai de rétractation démarre au lendemain de la date de signature de la convention de rupture et se termine au quinzième jour à 24 heures (Circ. DGT 2008-11 du 22-7-2008).

Conformément à l’article R 1231-1 du Code du travail, lorsque ce délai expire un samedi, un dimanche ou un jour férié ou chômé, il est prorogé jusqu’au premier jour ouvrable suivant.

Si la demande d’homologation à la DIRECCTE est expédiée avant réception de la rétractation adressée dans le délai de 15 jours, cet envoi rend inopérant l’homologation qui sera accordée par l’Administration.

RUPTURE CONVENTIONNELLE ET ACCIDENT DU TRAVAIL

Cass. soc. 9-5-2019 n° 17-28.767 FS-PB, T. c/ Sté AFR France

La Cour de cassation reconnait la validité d’une rupture conventionnelle homologuée conclue avec un salarié qui bénéficie d’un avis d’inaptitude physique d’origine professionnelle, SAUF preuve d’une fraude ou d’un vice du consentement.

La Cour a déjà validé cette possibilité pour une rupture conventionnelle conclue pendant la période de suspension du contrat de travail consécutive à l’accident (Cass. soc. 30-9-2014 n° 13-16.297 FS-PBR Mme X /société Strand Cosmetics Europe)

Elle permet aussi de conclure une rupture conventionnelle avec un salarié déclaré apte avec réserves à la reprise du travail, SAUF si ce dernier prouve que l’employeur avait en réalité voulu éluder les dispositions du Code du travail relatives à la réintégration du salarié apte (Cass. soc. 28-5-2014 n° 12-28.082 FS-PB Mme X /société Biscuiterie Les Deux Soleils).

L’employeur doit s’assurer de pouvoir démontrer que l’ensemble du processus a été scrupuleusement respecté, et que le salarié a ainsi pu s’engager en toute connaissance de cause.

CANICULE ET CONDITIONS DE TRAVAIL

Avec les périodes de forte chaleur revient le leitmotiv des « congés canicules ». Nous revenons sur les obligations en vigueur.

Selon l’INRS, au-delà de 30 °C pour une activité sédentaire, et de 28 °C pour un travail nécessitant une activité physique, la chaleur peut constituer un risque pour les salariés.

En période de canicule, période de vigilance orange telle que nous venons de traverser, il y a donc un risque accru d’accidents, qui impose que chacun agisse pour préserver la santé des salariés.


Il sera rappelé que l’employeur est tenu à une obligation de moyens renforcés en matière de santé au travail.


Le document unique d’évaluation des risques professionnels, obligatoire pour toute entreprise se doit d’évaluer les risques liés aux ambiances thermiques, de vérifier que la ventilation des locaux de travail est correcte et conforme à la réglementation et d’aménager les postes extérieurs. L’employeur doit mettre à la disposition des salariés de l’eau fraîche et potable, à proximité des postes de travail.


Par ailleurs il est vivement conseillé aux employeurs de prendre, durant les vagues de chaleur, des dispositions en termes d’organisation et de fonctionnement de l’entreprise telles que :

  • informer les salariés des risques, des moyens de prévention, mettre en place les adaptations techniques pour limiter les effets de la chaleur (stores, volets, etc.);
  • prévoir des moyens utiles de protection (ventilateurs, brumisateurs d’eau, etc.) ;
  • adapter l’organisation du travail, ajuster les horaires de travail, par exemple, en organisant un début d’activité plus matinal et en décalant le travail des heures les plus chaudes; organiser des pauses supplémentaires ou plus longues ; pour rappel il n’y a pas de prise en charge de la chaleur au titre du chômage intempérie dans le BTP.
  • s’assurer que le port des protections individuelles est compatible avec les fortes chaleurs et à défaut adapter le travail.

Enfin, si la température intérieure des locaux atteint ou dépasse 34 °C, en cas de défaut prolongé du renouvellement
de l’air, la Cnam recommande d’organiser l’évacuation des locaux.

Les salariés doivent également être acteurs de leur protection.

Il leur est ainsi prôné de respecter les consignes générales telles que boire suffisamment et en quantité, porter des vêtements
adaptés, ce que l’employeur n’aura pas manqué de leur rappeler.

En dernier ressort, si la chaleur est trop prégnante compte tenu des tâches à réaliser, le salarié s’estimant en danger pourra faire valoir son droit de retrait.

Une concertation devient donc nécessaire pour permettre à chacun de passer ce cap des fortes chaleurs.

Jurisprudence

L’absence de l’employeur sur le lieu de travail lors du décès d’un salarié à la suite d’un accident intervenu à l’occasion de l’exercice de sa mission est un élément indifférent à la constitution du délit d’homicide involontaire et à la mise en œuvre de la responsabilité pénale dudit employeur

Cass. crim., 7 mai 2019, pourvoi no 18-80.418, arrêt no 624 FS-P+B+I.

Il en va ainsi d’un salarié décédé alors qu’il était revenu travailler sur un chantier dont l’architecte lui avait demandé de quitter les lieux pour raison de sécurité, sans utilisation des équipements de sécurité à sa disposition, l’absence de l’employeur étant jugée inopérante, les manquements constatés dans l’organisation de la sécurité du chantier étant par ailleurs soulignés par la juridiction.


Bulletin rédigé par Maître Annette PAUL
Bastille Avocat – 10 Avenue Alsace Lorraine 38000 GRENOBLE

Bulletin JSA – JUIN JUILLET 2019

bulletin rédigé par Maîtres BOULIER et Fabrice VIDEAU
Cabinet VOCA CONSEIL
8 rue Alfred Kastler
14000 CAEN

Editorial

LE NÉCESSAIRE RESPECT DE LA VIE PRIVÉE DES SALARIÉS DANS LE CONTENTIEUX SOCIAL

En matière sociale, la preuve s’avère parfois délicate à établir, et l’exercice des droits de la défense malaisé.

Le droit à la preuve, tout comme le droit au respect de la vie privée, sont deux droits fondamentaux.

Ils ont donc la même valeur normative, ce qui exclut, par principe, que l’un soit préféré à l’autre.

Mais il arrive fréquemment que ces principes s’affrontent : la preuve pouvant porter atteinte à la vie privée d’un salarié.

Dans une telle hypothèse, c’est la proportionnalité de l’atteinte au droit qui est appréciée par le Juge.

Ainsi, si le droit à la preuve peut justifier la production d’éléments portant atteinte à la vie personnelle d’un salarié, il faut néanmoins que cette production soit nécessaire à l’exercice de ce droit, et que l’atteinte soit proportionnée au but poursuivi (Cass. Soc 9 novembre 2016 n° 15-10203).

Deux décisions récentes de la Cour de Cassation illustrent cette condition d’admissibilité de l’atteinte à la vie privée d’un salarié à des fins probatoires.

Il apparaît clairement que la Cour de Cassation adopte une lecture stricte, pour ne pas dire déséquilibrée, du principe de proportionnalité, privilégiant le droit à la vie privée au détriment du droit à la preuve.

Dans une première affaire, un employeur avait saisi le Tribunal d’Instance pour contester la candidature de trois salariés dans des collèges électoraux, considérant qu’ils relevaient d’un autre collège au regard de leurs fonctions et classifications.

Dans le cadre de cette procédure, l’employeur a produit en justice, sans leur accord préalable, et in extenso, les bulletins de salaire des salariés concernés. Ceux-ci ont donc été transmis aux organisations syndicales également parties au litige.

Les salariés concernés ont saisi en référé le Conseil de Prud’hommes pour faire cesser ce qu’ils considéraient comme étant une atteinte à leur vie privée.

Le Conseil de Prud’hommes et la Cour d’Appel statuant en référé, ont reconnu l’atteinte à la vie privée et ordonné le versement à chacun des salariés concernés d’une provision de 1.000,00 € à titre de dommages et intérêts en réparation de leur préjudice moral.

L’employeur saisit la Cour de Cassation, estimant que la production de ces bulletins de salaire était nécessaire à sa défense, et proportionnée au but poursuivi, soulignant que les informations litigieuses pouvaient être transmises aux organisations syndicales dans le cadre de leur mission.

La Cour de Cassation ne l’entend pas ainsi.

Constatant que le bulletin de salaire mentionnait des données personnelles tel que l’âge, le salaire, l’adresse, la domiciliation bancaire et l’existence d’arrêts de maladie, la Cour de Cassation retient qu’il ne pouvait être transmis en l’état sans l’accord préalable des salariés.

Seules les mentions relatives à l’emploi occupé et la classification, voire au coefficient, étaient nécessaires à la défense de l’employeur.
Celui-ci aurait donc dû occulter les données personnelles avant de verser ces bulletins aux débats.

La preuve est donc jugée illicite, et la violation de l’article 9 du Code Civil pour atteinte à la vie privée des salariés confirmée (Cass. Soc 7 novembre 2018 n° 17.16799).


Dans une autre affaire plus récente, (Cass. Soc 27 mars 2019 n° 17-31715) portant sur la remise en cause d’une convention de forfait en jours, la Cour de Cassation a eu l’occasion de confirmer sa position.

La Cour d’Appel de Paris avait considéré qu’un salarié ne disposait pas d’une autonomie suffisante pour être soumis à une convention de forfait, et fait droit à sa demande d’heures supplémentaires en écartant des débats les tickets de cantine produits par l’employeur afin de démontrer que le salarié prenait des pauses pour déjeuner.

S’estimant lésé dans son droit à la preuve, l’employeur a saisi la Cour de Cassation.

Si le débat portait sur l’application d’une délibération de la CNIL, aujourd’hui dépourvue d’effet suite à l’entrée en vigueur du règlement général sur la protection des données (RGPD) le 25 mai 2018, le principe adopté par la Cour de Cassation reste, néanmoins, d’actualité puisque visant à protéger la vie privée du salarié.

Au cas présent, les tickets de cantine produits par l’employeur comportaient des indications détaillées permettant de déterminer les habitudes alimentaires du salarié.

Pour la Cour de Cassation, ces tickets auraient dû être présentés sous la forme « hors d’œuvre », « plat », « dessert », « boissons » ou être occultés par l’employeur afin de préserver ces données considérées comme personnelles.

Dès lors, la production de ces tickets de cantine portant atteinte à la vie personnelle du salarié n’était pas justifiée.

Ces mises en garde appellent les employeurs à la vigilance et à la prudence avant de verser aux débats des pièces apportant des informations relatives à la vie privée de leurs salariés.

Il faut veiller à obtenir l’autorisation de la personne concernée. A défaut, il convient d’occulter les informations non nécessaires à l’exercice du droit à la défense.

Or, la détermination de ces informations « nécessaires » peut parfois s’avérer délicate.

Elle est pourtant cruciale eu égard à la recevabilité de ces pièces, sachant, de surcroit, que la responsabilité de l’employeur peut être engagée en cas de mauvaise appréciation et ouvrir droit à l’octroi de dommages et intérêts.

A cet égard, il est précisé que l’évolution de la jurisprudence récente relative à l’abandon de la notion de préjudice nécessaire en cas de manquement de l’employeur (Cass. Soc 13 avril 2016 n° 14-28293) ne s’applique pas en cas d’atteinte la vie privée (Cass. Soc 7 novembre 2018 précité).

CONGÉ PARENTAL À TEMPS PARTIEL : L’INDEMNITÉ DE LICENCIEMENT DOIT SE CALCULER SUR LA BASE DE SON TEMPS COMPLET INITIAL

C’est la CJUE qui le dit et pas pour un salarié belge cette fois : c’est bien le droit français qui est mis en cause au regard de l’accord cadre européen sur le congé parental, suite à une question préjudicielle de la Cour de cassation. (CJUE 8 mai 2019 affaire 468/18).

Depuis 1981, en France, l’indemnité de licenciement du salarié ayant été occupé à temps complet et à temps partiel dans la même entreprise est calculée proportionnellement aux périodes d’emploi accomplies selon l’une et l’autre de ces deux modalités depuis son entrée dans l’entreprise (actuellement article L 3123 al. 5 du code du travail).

Cette disposition était logiquement appliquée au CPE à temps partiel.

Selon la CJUE, cette situation est illicite car elle réduit les droits découlant de la relation de travail en cas de congé parental.

En conséquence, l’indemnité de licenciement doit être entièrement calculée sur la base de la rémunération correspondant aux périodes de travail à temps plein.

Au surplus, la CJUE précise que cette situation est de nature à dissuader le salarié d’avoir recours au CPE à temps partiel.

On ne peut qu’être circonspect quant à la pertinence de cette affirmation qui n’a sans doute jamais effleuré l’esprit des millions de salariés ayant choisi un jour de réduire leur temps de travail pour passer plus de temps avec leur progéniture.

Enfin, bien aidée par la question préjudicielle posée par la Cour de Cassation, la CJUE affirme que cette situation constitue une discrimination indirecte en raison du sexe : bien que rédigée de manière neutre (sans distinguer naturellement entre les femmes et les hommes), ce mode de calcul conduit, de fait, à désavantager les femmes, bénéficiaires à 96% du congé parental d’éducation à temps partiel.

L’article L 3123 al. 5 du code du travail n’est donc pas conforme au principe d’égalité de rémunération entre les femmes et les hommes, principe visé à l’article 157 TFUE (Traité sur le fonctionnement de l’Union européenne) avec un effet direct pour le droit interne des états membres.

Certes, cette construction intellectuelle n’est pas nouvelle pour la CJUE mais n’est-ce pas ouvrir « la boite de pandore », puisque la Cour de cassation devrait logiquement suivre l’avis de la CJUE ?

En effet, quid de leurs droits à retraite qui subissent une réduction du fait ? Faudra-t-il les recalculer base temps complet ?

En poussant le raisonnement à l’extrême, ne faut-il pas alors les rémunérer à temps plein ?

Au-delà du congé parental d’éducation lui-même, ce sont d’autres situations de travail à temps partiel qui pourraient donner lieu à contentieux comme la situation du mi-temps thérapeutique : l’application du même article L 3123 al. 5 du code du travail n’est-elle pas de nature à constituer une discrimination fondée sur l’état de santé du salarié ?

On peut penser ce qu’on veut de la position de la CJUE pour les CPE mais ce n’est certainement que le début de profonds changements en droit interne français.

PARTICIPATION : FORT ASSOUPLISSEMENT DE L’EFFET DE SEUIL

L’obligation de mettre en place un accord de participation se déclenchait si l’employeur avait employé au moins 50 salariés sur 12
mois consécutifs.

La Loi PACTE assouplit considérablement cette obligation en exigeant désormais que le seuil soit franchi pendant 5 années civiles consécutives (Article 155-I-11° modifiant l’article L. 3322-1 du code du travail).

Au surplus, l’abaissement du seuil d’effectif en dessous de 50 salariés sur une année civile (par exemple la cinquième année), fera courir à nouveau le délai de 5 années.

Après la souplesse de franchissement du même seuil pour le CSE à attributions élargies issu des ordonnances de fin 2017, voilà
qui devrait tranquilliser les employeurs flirtant volontairement avec le seuil de 50 salariés.

Il est à noter que le VII de l’article 155 de la Loi PACTE prévoit une entrée en vigueur rétroactive au 1er janvier 2019.

Bulletin rédigé par Maîtres Xavier BOULIER et Fabrice VIDEAU
Cabinet Voca Conseil – 8 Rue Alfred KASTLER – 14 000 CAEN

Bulletin JSA – AVRIL MAI 2019

bulletin rédigé par Maîtres Mélina VARSAMIS et Julie DUBAND
SCP WELSCH & KESSLER
57 rue du Faubourg de Pierre
67000 STRASBOURG

Editorial

REVIREMENT : GÉNÉRALISATION DU PRÉJUDICE D’ANXIÉTÉ À TOUS LES TRAVAILLEURS ÉXPOSÉS À L’AMIANTE

Par un arrêt rendu le 5 avril 2019 (n°18-17.442), l’Assemblée Plénière de la Cour de Cassation opère un revirement de jurisprudence en matière de réparation du préjudice d’anxiété lié à l’amiante.

Jusqu’à aujourd’hui, seuls les salariés bénéficiaires de l’allocation de cessation anticipée d’activité des travailleurs de l’amiante (A.C.A.A.T.A.) ou ayant travaillé dans un des établissements mentionnés à l’article 41 de la loi n°98-1194 du 23 décembre 1998 et figurant sur une liste établie par arrêté ministériel pendant une période où étaient fabriqués ou traités de l’amiante ou des matériaux
contenant de l’amiante, pouvaient demander la réparation d’un préjudice d’anxiété (Cass. Soc. 11.05.2010, n°09-42.241 ; Cass. Soc.
03.03.2015, n°13-26.175 ; Cass. Soc. 26.04.2017, n°15-19.037).

Cette position adoptée par la Chambre Sociale de la Cour de Cassation a été fortement critiquée par les défenseurs de salariés exposés à l’amiante mais n’entrant pas dans les conditions susmentionnées.

Il ressort de la note explicative de l’arrêt rendu publiée sur le site internet de la Cour de Cassation que c’est justement le développement important du contentieux concernant les salariés ne relevant pas des dispositions de l’article 41 de la loi du 23
décembre 1998 susmentionnée, mais ayant toutefois été exposés à l’inhalation de poussières d’amiante dans des conditions de nature à compromettre gravement leur santé, qui a amené l’Assemblée Plénière à procéder à un « réexamen complet de la
question de la réparation du préjudice d’anxiété de ces salariés exposés à l’amiante
».

Sans revenir sur le régime applicable aux travailleurs relevant des dispositions de l’article 41 de la loi susmentionnée qui permet une réparation automatique du préjudice d’anxiété, l’Assemblée Plénière reconnaît désormais la possibilité pour un salarié justifiant d’une exposition à l’amiante, générant un risque élevé de développer une pathologie grave, d’agir contre son employeur, sur le fondement du droit commun régissant l’obligation de sécurité de l’employeur, quand bien même il n’aurait pas travaillé dans l’un des établissements mentionnés à l’article 41 de la loi précitée.

Cela étant, en basculant le préjudice d’anxiété dans le régime de l’obligation de sécurité de résultat, l’employeur pourra être exonéré de sa responsabilité :

1/ s’il justifie avoir pris toutes les mesures prévues par les textes pour assurer la sécurité et protéger la sécurité physique et mentale du travailleur.

A ce titre, l’Assemblée Plénière rappelle la position rendue par la Chambre Sociale de la Cour de Cassation dans un arrêt du 25 novembre 2015 (n°14-24.444).

L’Assemblée Plénière, dans cet arrêt du 5 avril 2019, a d’ailleurs cassé sur ce point l’arrêt de la Cour d’Appel pour avoir refusé d’examiner les éléments de preuve des mesures que l’employeur prétendait avoir mises en oeuvre.

Il conviendra d’être attentifs aux mesures de prévention qui pourront être retenues, par les juridictions dans les contentieux futurs, comme étant suffisantes à exonérer la responsabilité de l’employeur.

2/ si le préjudice subi par le salarié est insuffisamment caractérisé.

Il reviendra au salarié de rapporter la preuve du préjudice subi et au juge de le caractériser par des motifs suffisants.

La Cour de cassation devra certainement se prononcer ultérieurement sur la naissance du préjudice et le point de départ de l’état d’anxiété, lequel devra faire courir la prescription.

Même si cet arrêt a été rendu en matière d’amiante, on peut se demander s’il ne va pas permettre à des salariés exposés à d’autres substances toxiques de solliciter également la réparation de leur préjudice d’anxiété… A suivre…

Actualité

UNE NOUVELLE PROCÉDURE DE RECONNAISSANCE DES ACCIDENTS DE TRAVAIL ET MALADIES PROFESSIONNELLES À COMPTER DU 1ER DECEMBRE 2019

Le décret du 23 avril 2019 n° 2019-356 (J.O. 25 avril 2019) vient modifier la procédure applicable à la reconnaissance des accidents de travail et maladies professionnels déclarés à partir du 1er décembre 2019.

• ACCIDENT DE TRAVAIL

Un mode de transmission assoupli

L’information par le salarié de l’existence d’un accident de travail à l’employeur pourra dorénavant être effectuée par «tous moyens conférant date certaine à sa réception», et cela dans un délai de 24 heures au plus tard.

La déclaration que doit ensuite faire l’employeur auprès de la Caisse Primaire d’Assurance Maladie sera elle aussi soumise à ce formalisme plus souple.

On peut imaginer une transmission par courrier électronique, voire télécopie.

Un délai restreint pour formuler des réserves

Alors que dans le régime actuel, l’employeur peut émettre des réserves tant que la Caisse n’a pas statué sur le caractère professionnel de l’accident, le décret institue un délai de 10 jours francs à compter de la date de la déclaration de l’accident de travail auprès de la caisse lorsqu’elle émane de l’employeur ou à compter de la date de la réception par ce dernier du double de la déclaration transmise par la caisse, lorsque cette dernière a été effectuée par le salarié.

Une information renforcée quant aux différentes étapes de l’instruction

Pour rappel, la caisse dispose d’un délai de 30 jours francs à compter de la date de réception de la déclaration et du certificat médical initial pour statuer sur le caractère professionnel de l’accident ou engager des investigations (nouvel article R.441-7 du Code de la Sécurité Sociale).

Dans ce cas, le questionnaire portant sur les circonstances ou les causes de l’accident sera adressé à l’employeur dans les 30 jours à compter de la date de réception de la déclaration et du certificat médical initial et l’employeur disposera de 20 jours pour le retourner.

Lors de la réception du questionnaire ou le cas échéant lors de l’ouverture de l’enquête, la Caisse informera les parties de la date d’expiration du délai de 90 jours (nouvel article 441-8 I du Code de la Sécurité Sociale).

Aménagement et encadrement de la phase dédiée à la consultation et l’enrichissement du dossier

A l’issue des investigations diligentées par la caisse, et au plus tard 70 jours francs à compter de la date de réception de la déclaration et du certificat médical initial, la Caisse mettra à la disposition des parties le dossier.

Celles-ci disposeront alors de 10 jours francs pour le consulter et, le cas échéant, faire connaître leurs observations.

A l’issue de ce délai, les parties n’auront plus que la possibilité de consulter le dossier sans pouvoir formuler d’observations.

Le nouvel article R. 441-8 II du Code de Sécurité Sociale prévoit que les parties seront informées des dates d’ouverture et de clôture de la période de consultation du dossier et de celle au cours de laquelle elles peuvent formuler des observations et cela au plus tard 10 jours francs avant le début de la période de consultation.

MALADIE PROFESSIONNELLE

La caisse disposera d’un délai de 120 jours francs pour statuer sur le caractère professionnel d’une maladie ou pour saisir le Comité Régional de Reconnaissance des Maladies Professionnelles (C.R.R.M.P.).

Ce délai commence à courir à la réception de la déclaration intégrant le certificat médical initial et les résultats des examens médicaux complémentaires qui pourraient être exigés par les tableaux de maladies professionnelles (nouvel article R. 461-9 du Code de la Sécurité Sociale).

Durant cette période, la caisse engagera des investigations et procèdera à l’envoi systématique d’un questionnaire aux parties, qui disposeront d’un délai de 30 jours suivant sa réception pour le retourner.

Là encore, une information renforcée quant aux différentes étapes de l’instruction

Les parties seront informées de la date d’expiration de cette période de 120 jours, lors de l’envoi du questionnaire ou de l’ouverture de l’enquête éventuellement diligentée en complément (nouvel article R.461-9 du Code de la Sécurité Sociale).

A la suite des investigations, et au plus tard 100 jours francs à compter de l’ouverture de la période de 120 jours précitée, la caisse mettra le dossier à la disposition des parties qui disposeront alors de 10 jours francs pour le consulter et faire connaître leurs observations.

Là encore, la Caisse informera les parties de la date d’ouverture et de clôture de la période de consultation et de celle au cours de laquelle elles pourront formuler les observations.

Cette information aura lieu au plus tard 10 jours francs avant le début de la période de consultation (nouvel article R. 461-9 III du Code de la Sécurité Sociale).

MALADIE PROFESSIONNELLE AVEC SAISINE D’UN C.R.R.M.P.

En cas de saisine d’un C.R.R.M.P. la Caisse disposera pour statuer d’un nouveau délai de 120 jours à compter de la saisine.

Elle devra mettre le dossier à la disposition des parties pendant un délai de 40 jours francs.

Les parties pourront alors consulter le dossier, le compléter et également faire valoir leurs observations au cours des 30 premiers jours.

La caisse et le service du contrôle médical disposent du même délai pour compléter ledit dossier.

Au cours des 10 jours restants, seule la consultation et la formulation d’observations resteront possibles.

La caisse informera les parties des dates d’échéances de ces différentes phases.

Le C.R.R.M.P. examinera le dossier à l’issue de cette procédure et rendra un avis motivé à la caisse dans un délai de 110 jours francs à compter de sa saisine.

La caisse devra alors notifier immédiatement aux parties sa décision conforme à l’avis rendu (nouvel article R. 461-10 du Code de la Sécurité Sociale).

Jurisprudence

LA FRONDE CONTRE LE « BAREME MACRON » SE POURSUIT

Dans une nouvelle décision du Conseil de Prud’hommes de BORDEAUX en date du 9 avril 2019 (N° 18/00659, X. contre S.A.S. URBIN), le
juge prud’homal a, à nouveau, argumenté et jugé que le barème des indemnités pour licenciement abusif était contraire à la
convention 158 de l’O.I.T. et à l’article 24 de la Charte Sociale Européenne.

Cette décision vient s’ajouter à celles des Conseils de Prud’hommes de TROYES, LYON, AMIENS, GRENOBLE, AGEN, et PARIS.

Cela étant, face à l’argumentation développée sur la conventionalité du barème, les juges prud’homaux du MANS et de CAEN, dans des décisions contemporaines, ont affirmé que le barème était parfaitement conventionnel.

La question continue de diviser et faire débat…

dans l’attente des premières décisions de Cours d’appel, qui devraient intervenir dans les mois à venir.

Bulletin rédigé par Maîtres Mélina VARSAMIS et Julie DUBAND
S.C.P. WELSCH & KESSLER – 57 rue du Faubourg de Pierre 67000 STRASBOURG

Bulletin JSA – FEVRIER MARS 2019

Bulletin rédigé par Maître Jehan BASILIEN
SCP BASILIEN BODIN ASSOCIES
6 rue Colbert
80000 AMIENS


Editorial

DES VERTUS DE LA TRANSACTION RÉDIGÉE EN TERMES GÉNÉRAUX

Dans un arrêt du 20 Février 2019 (17-19.676 Société Pfizer) la Cour de cassation confirme que la transaction rédigée en termes généraux fait obstacle aux demandes ultérieures d’indemnisation exprimées par le salarié.

En l’espèce, s’agissant des suites d’un licenciement économique, la transaction fait obstacle à toutes demandes relatives aux obligations de reclassement et de réembauche dans la mesure où cet accord amiable est rédigé en termes généraux et vise
tout litige lié à l’exécution ou à la rupture du contrat de travail ainsi que toute instance ou action de quelque nature que ce soit ayant trait au contrat de travail.

Cette rédaction en termes généraux permet même d’interdire toute revendication relative à une obligation ayant vocation à trouver application postérieurement à la rupture du contrat ainsi, en l’espèce, l’obligation de réembauche.

Il s’agit là, pour la Cour de cassation, de renouer avec une position adoptée naguère en Assemblée Plénière (Cass. ass. plénière 04 Juillet 1997 n°93-43.375) et qu’elle avait abandonnée au cours des années 2000 au profit d’une conception plus restrictive selon laquelle en l’absence de mention expresse figurant dans la transaction, le salarié ne pouvait pas être considéré comme ayant renoncé à un droit dont l’exercice est éventuel (Cass. soc. 29 Novembre 2000 n°98-43.518). Il s’agissait déjà, à cette époque, d’un problème de
priorité de réembauche.

Ce retour au caractère libératoire d’une transaction rédigée en termes généraux avait d’ailleurs été amorcé dans un arrêt de début 2017 (Cass. soc. 11 Janvier 2017 n°15-20.040).

L’arrêt du 20 Février 2019 confirme cette tendance.

Pour autant, il convient de demeurer vigilant dans l’établissement de transactions prétendument rédigées en termes généraux.

En effet, dans son arrêt du 20 Février 2019, la Cour de cassation précise que si la transaction exclut expressément certaines questions
ou litiges, les parties restent recevables en leurs réclamations sur ces thèmes.

En un mot, il va s’agir désormais de s’attacher à rédiger des transactions dont les termes généraux le seront vraiment. Il est recommandé, à cet égard, d’énumérer, en précisant son caractère non exhaustif, le plus grand nombre de chefs de demande potentiels de manière à ce que l’acte renonciateur soit éclairé.

Qu’il nous soit, toutefois, permis de trouver cette jurisprudence concernant un acte transactionnel muni de l’autorité de la chose jugée
un brin contradictoire avec la législation ayant mis fin au principe de l’unicité de l’instance.

Bon courage aux rédacteurs de tels actes… en attendant le prochain revirement de jurisprudence !

Actualité

LE BARÈME MACRON ÉCARTÉ PAR CERTAINS JUGES DU FOND : ENJEUX ET CONSÉQUENCES ÉVENTUELLES

L’ordonnance n°2017-1387 Macron du 22 septembre 2017 a bouleversé les règles d’indemnisation du licenciement sans cause réelle
et sérieuse en imposant au juge de respecter un barème de dommages et intérêts, dont les montants planchers et plafonds dépendent de l’ancienneté du salarié et de l’effectif de l’entreprise.

La mise en place de ce barème devait notamment permettre aux entreprises, d’évaluer les risques financiers d’une rupture du
contrat de travail.

Or, avant même sa ratification, cette ordonnance avait fait l’objet, devant le Conseil d’État, d’une action en référé suspension sur le fondement :
• d’une part, de l’article 10 de la Convention 158 de l’Organisation internationale du travail, qui impose le versement d’une « indemnité
adéquate ou toute autre forme de réparation considérée comme appropriée » en cas de licenciement injustifié ;
• d’autre part, de l’article 24 de la Charte sociale européenne, qui consacre le « droit des travailleurs licenciés sans motif valable à une
indemnité adéquate ou à une autre réparation appropriée ».
Le Conseil d’État a cependant jugé que le barème d’indemnisation du licenciement sans cause réelle et sérieuse n’entrait pas en
contradiction avec ces traités, notamment parce que le juge français conservait une certaine marge de manœuvre, qui lui permettait
d’accorder une réparation en lien avec le préjudice subi.

Malgré cette décision, en décembre 2018, plusieurs Conseil de prud’hommes ont écarté le barème :
• Le 13 décembre 2018, leConseil de prud’hommes de Troyes a considéré que le barème de l’article L. 1235-3 violait la Charte sociale européenne et la Convention 158 de l’OIT (CPH de Troyes, 13 décembre 2018, RG F 18/00036) ;
• Le 19 décembre 2018, le Conseil de prud’hommes d’Amiens a ensuite enfoncé le clou cette fois sur le seul fondement de la Convention.

Dans cette affaire, les conseillers prud’hommes sont sortis de la fourchette fixée par le barème pour décider d’une indemnité plus « appropriée », selon la terminologie employée par la Convention (CPH d’Amiens, 19 décembre 2018, RG F 18/00040) ;
• Le 21 décembre 2018 : le Conseil de prud’hommes de Lyon a rejoint le mouvement de fronde, par une décision qui ne fait même pas allusion au barème légal : pour fixer le montant de l’indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, les conseillers prud’homaux se sont contentés de faire référence à la Charte sociale européenne (CPH de Lyon, 21 décembre 2018, RG F 18/01238)
Ces décisions ouvrent donc une période d’incertitude, car certains conseils de prud’hommes sont susceptibles de s’inscrire dans
la jurisprudence «« Troyes- Amiens-Lyon ». La Cour d’appel de Paris, saisie de l’inconventionnalité du barème Macron, devrait entendre l’avis de l’avocat général sur le sujet lors d’une audience exceptionnelle qui se tiendra le 23 mai 2019.

En tout état de cause, pour y voir plus clair, employeurs et salariés devront attendre que l’une de ces affaires arrive devant la Cour de cassation.

Celle-ci décidera alors, une fois pour toutes, si le barème Macron est conforme ou non à la convention 158 de l’OIT et/ou à la Charte
sociale européenne.

En réalité, tout le débat s’articulera autour de la reconnaissance ou non de l’application directe de ces deux normes, l’une internationale, l’autre européenne.

La réponse à cette question ressort de la combinaison de deux critères :

  • L’un subjectif, consistant à se demander si les états contractants ont souhaité faire des particuliers les destinataires de la norme
    négociée ou s’ils ont entendu mettre à la charge des états des obligations dont le non-respect est sanctionné par l’engagement de leur responsabilité ;
  • L’autre objectif, consistant à vérifier que les dispositions de ladite norme peuvent s’appliquer directement sans relais de norme
    interne.

    Or, pour la convention OIT n° 158, la Cour de cassation a déjà admis, certes pour son article 2, son application directe (Cass.
    soc. 29 mars 2006 n°04- 46- 499 et Cas. soc. 26 mars 2013 n° 11-25-580
    ).

    On peut donc estimer que le débat est clos.

    Pour la charte sociale européenne, le débat apparait un peu moins tranché. Certes, il est déjà arrivé à la Cour de cassation de reconnaître l’effet direct de certains des articles de la charte mais jamais de manière autonome puisque concernant des cas où elle était couplée à des dispositions internes d’applicabilité directe (Cass. soc. 29 juin 2011 n°09-71-107) Le plus grand nombre de la doctrine souligne, par ailleurs, que dans sa partie I, la charte énonce que « les parties, autrement dit les états, reconnaissent
    comme objectif d’une politique qu’elles poursuivront par tous moyens, la réalisation des conditions propres à assurer l’exercice des droits et principes suivants dont le droit à la protection contre le licenciement de l’article 24 » Ceci démontrerait que cette charte n’est pas en elle-même « justiciable » mais nécessiterait une transposition directe en droit interne.

    De ce débat savant, controversé, ressortira une position de la Cour de cassation certes érudite et tranchante dont la finalité sera, néanmoins, circonstancielle et disons-le, politique au sens le plus noble du terme. A suivre donc ….

Jurisprudence

PRÉCISIONS SUR LE MONTANT DE L’INDEMNITÉ OCTROYÉE AU SALARIÉ PROTÉGÉ DONT L’AUTORISATION DU LICENCIEMENT A
ÉTÉ ANNULÉE

En cas d’annulation de l’autorisation du licenciement d’un salarié protégé, celui-ci est en droit de bénéficier d’une indemnité fixée en fonction du préjudice subi.

A ce titre, la Cour de cassation précise que la Cour d’appel ne saurait condamner une société à payer au salarié protégé une indemnité
calculée en fonction de l’ensemble des revenus bruts qu’il aurait dû percevoir pendant la période d’indemnisation, sous déduction
des revenus de substitution perçus calculés en brut, sans rechercher si ce mode de calcul ne conduisait pas à lui octroyer une indemnité plus importante que le préjudice réellement subi, dès lors que les salaires et revenus de remplacement ne sont pas soumis
aux mêmes taux de cotisations de sécurité sociale. (Cass. soc. 6-3-2019 n° 17-25.924 F-D).

LE RECOURS À UN SYSTÈME DE GÉOLOCALISATION DOIT ÊTRE JUSTIFIÉ PAR LA NATURE DE LA TÂCHE À ACCOMPLIR ET PROPORTIONNÉ AU BUT RECHERCHÉ

L’arrêt rendu par la Cour de cassation en date du 19 décembre 2018 (Cass. soc. 19 décembre 2018 n°17-14631) rappelle que :

• L’utilisation par un employeur d’un système de géolocalisation pour contrôler la durée du travail de ses salariés n’est licite que lorsque ce contrôle ne peut pas être fait par d’autres moyens, même moins efficaces que la géolocalisation ;
• La géolocalisation n’est pas justifiée lorsque le salarié dispose d’une liberté dans l’organisation de son travail.

En l’espèce, un syndicat contestait la validité d’un système de géolocalisation mis en place par une entreprise, et proposait des modes alternatifs de suivi du temps de travail (le système auto-déclaratif ou le contrôle par un responsable d’enquêtes). Saisie du litige, la Cour d’appel a considéré que ces modes alternatifs n’étaient pas adaptés au but recherché et a ainsi validé les mesures mises en place par l’entreprise.

La Chambre Sociale a censuré cette décision au motif que la Cour d’appel n’a pas caractérisé que ce système de géolocalisation
était le seul permettant de contrôler la durée du travail des salariés. Les juges doivent, par conséquent, rechercher si la géolocalisation était réellement le seul moyen permettant ce contrôle.

Maître Jehan BASILIEN
SCP Basilien Bodin Associés – 6, rue Colbert 80000 AMIENS