Bulletin JSA – SEPTEMBRE – OCTOBRE 2016

Bulletin rédigé par Maître Anette PAUL

Avocate spécialisée
BASTILLE AVOCATS
10 avenue Alsace Lorraine


Editorial

EN DROIT SOCIAL LE CHANGEMENT C’EST….PRESQUE MAINTENANT !

Voilà la loi Travail enfin publiée !

Le recours au Conseil constitutionnel franchi avec quelques mesures sanctionnées.

Reste à attendre les… 130 décrets d’application nécessaires à la mise en oeuvre d’une majorité des dispositions de la loi.

Pour la réforme de la procédure contentieuse, le dernier décret (du 20 mai 2016) a permis sa mise en application au 1er août 2016, cependant un recours a été déposé pour rupture d’égalité entre avocat et défenseur syndical. Deux circulaires ont été nécessaires en juillet pour préciser le décret !

La procédure devient écrite, et modifie l’approche de ce contentieux.

En matière de Sécurité Sociale un Décret permet (enfin) d’appréhender concrètement la réforme prévue par une Loi publiée plus de 7 mois en amont (LFSS du 21 décembre 2015).

La pratique du Droit Social est donc bouleversée dans tous ses aspects.

Reste à savoir comment ces différents textes seront mis en oeuvre par nos Tribunaux, et là le délai pour être fixé sur cette ou ces interprétations est… d’au minimum de 3 ans.
Actualité

RÉFORME DE LA PROCÉDURE DE CONTRÔLE URSSAF ET DE RECOUVREMENT CONTENTIEUX DES COTISATIONS
DÉCRET N° 2016-941 DU 08-07-2016 / JO DU 10-07-2016

L’article 19 de la loi de financement de la sécurité sociale pour 2016 (Loi n° 2015-1702 du 21 décembre 2015), a enfin son décret d’application, publié ce 10 juillet 2016.

A compter du 1er janvier 2017 et le passage obligatoire à la Déclaration Sociale Nominative (DSN), l’employeur devra procéder à une régularisation progressive des cotisations plafonnées d’un mois sur l’autre, la régularisation annuelle des cotisations plafonnées ne sera plus admises à compter de janvier.

Le décret précise que les erreurs sur la DSN ne seront pas sanctionnées dès lors qu’elles sont rectifiées sur la déclaration suivante et dans la limite de 5% des cotisations dues.

Il appartiendra à l’employeur de corriger sur l’échéance déclarative la plus proche ses erreurs, les cotisations afférentes devront être versées avec cette déclaration ou régularisée en cas de sommes indûment versées. Il n’y a donc plus de versement régularisateur en janvier N+1.

Les nouvelles contraintes enserrant les contrôles engagés à partir du 11 juillet 2016 sont les suivantes :

Procédure à respecter par l’URSSAF

Tout d’abord le contenu de la charte du cotisant contrôlée devient opposable à l’URSSAF.

Ensuite un délai de 15 jours minimum doit être respecté entre l’envoi (et non la réception) de l’avis de contrôle de l’URSSAF et la date de la première visite de l’agent chargé du contrôle (avant inspecteur du recouvrement).

Seul le contrôle portant sur la recherche d’infraction aux interdictions de travail dissimulé est exonéré du respect de cette procédure.

L’avis de contrôle doit désormais désigner son destinataire (le représentant légal de la personne morale contrôlée, sinon la personne physique)

Si le contenu de l’avis n’est pas modifié, le décret précise que l’avis de contrôle vaut pour l’ensemble des établissements de la personne contrôlée, sauf si l’avis énumère certains établissements.

Déroulement du contrôle

Il peut, désormais, être imposé que les documents à consulter soient présentés selon un classement nécessaire au contrôle et précisé par l’agent.

Si ces documents sont dématérialisés, l’agent doit préalablement informer par écrit le cotisant de sa volonté d’utiliser le matériel informatique du cotisant, qui devra mettre à disposition un utilisateur habilité à cette fin sur demandes. Le cotisant peut s’opposer à l’utilisation de cette procédure dématérialisée dans un délai de 15 jours, il doit alors indiquer :

– si il met à disposition les copies de documents, données et traitements nécessaires à l’exercice du contrôle sur fichier informatique selon la norme définie par l’agent. Ces copies seront détruites avant l’engagement de la mise en recouvrement.

– ou si il prend en charge lui-même tout ou partie des traitements automatisés, selon les instructions de l’agent.

Le défaut de réponse dans le délai de 15 jours vaut acquiescement à la mise en place par l’agent de traitements automatisés sur le matériel de la personne contrôlée (Art R243-59-1 Al 5 CSS)

L’audition des salariés reste possible, pour la recherche concernant le travail dissimulé le consentement doit être mentionné sur le PV d’audition, sa signature valant consentement, le cas échéant.

Le contrôle par échantillonnage et extrapolation ne nécessite plus que la communication préalable d’une adresse électronique à laquelle les règles de cette vérification sont explicitées. Tout désaccord écrit du contrôlé entraîne une réponse écrite de l’agent.

En cas d’opposition à l’utilisation d’une telle méthode, les documents seront par principe consultés chez le cotisant sauf autorisation de sa part pour un lieu extérieur.

Concernant le contrôle sur pièces, celui-ci est étendu aux structures occupant moins de 11 salariés, et si un contrôle sur place devient nécessaire, l’agent doit en informer la personne contrôlée. Si le délai de 3 mois est écoulé à compter de l’avis de contrôle, l’agent doit informer par courrier des manquements constatés, aucun nouveau contrôle ne pouvant alors intervenir sur la période antérieure à la date d’envoi de l’avis de contrôle.

LE CONTENU DE LA LETTRE OBSERVATION

Elle doit contenir pour chaque chef de redressement une motivation en droit et en fait, outre l’assiette et le mode de calcul appliqués.

Si une réponse lui est transmise dans les 30 jours, l’agent est tenu d’apporter une réponse détaillée à chaque observation circonstanciée. Cette réponse devra reprendre précisément les montants abandonnés et ceux maintenus.

Si la procédure fait apparaître un solde créditeur, l’URSSAF doit procéder à son remboursement dans un délai maximum de 4 mois suivant notification.

REDRESSEMENT

Le décret précise qu’un contrôle antérieur n’ayant pas donné lieu à observations peut constituer un argument de défense de l’entreprise contrôlée mais à la condition que l’URSSAF ait eu l’occasion, au vu des documents consultés, de se prononcer en toute connaissance de cause sur ces éléments et que les circonstances de droit et de fait au regard desquelles les éléments ont été examinés restent inchangées (code séc. soc. art. R. 243-59-7 nouveau).

Ainsi, est consacré la notion de décision implicite qui jusqu’alors était une création prétorienne des Tribunaux.

La personne contrôlée conserve la possibilité de se prévaloir d’une circulaire ou d’une instruction URSSAF régulièrement publiée pour les sommes mises en recouvrement n’ayant pas un caractère définitif.

L’organisme de recouvrement doit alors répondre dans le délai de 2 mois en précisant les montants annulés et ceux dont la personne reste redevable.

RECOUVREMENT CONTENTIEUX

Le contenu de la mise en demeure devra être plus précis, avec notamment les majorations et pénalités appliquées, l’historique des échanges durant le contrôle ainsi que des sommes réclamées, en précisant celles qui ont déjà été réglées.

Le délai de saisine de la commission de recours amiable (CRA)est porté à deux mois pour toute réclamation (à compter du 1er janvier 2017). La CRA devra par ailleurs renforcer la motivation de ces décisions.

Le décret fixe également l’amende à laquelle s’expose l’opposant à contrainte dont le recours est jugé dilatoire et abusif (soit 6 % des sommes dues avec un minimum de 150 euros par instance).

MAJORATION ET PÉNALITÉS DE RETARD

Le décret prévoit qu’aucune majoration ou pénalité ne sera appliquée si la régularisation est intervenue lors de la déclaration suivante et qu elle ne porte que sur un montant inférieur à 5% du montant des cotisations initiales

Enfin l’employeur peut toujours solliciter une demande de remise après avoir réglé les cotisations dues, sans avoir à démontrer sa bonne foi. Il est à noter que le travail dissimulé exclu toute remise.

Une remise de la majoration de 0,4% pourra être accordée en cas d’événement présentant « un caractère irrésistible et imprévisible ».

DÉTACHEMENT DE SALARIÉS ÉTRANGERS EN FRANCE
DÉCRET 2016-1044 DU 29-7-2016 / JO 31-762016

A compter du 1er octobre 2016, les employeurs établis à l’étranger détachant des salariés en France devront effectuer leur déclaration préalable de détachement par voie dématérialisée.

Pour cela, ils doivent se connecter sur www.sipsi.travail.gouv.fr (C. trav. art. R 1263-4-1 et R 1263-6-1 modifiés et C. transports art. R 1331-7 modifié).

L’obligation de transmission en ligne s’impose aux employeurs à compter du 1er janvier 2017 pour les attestations de détachement des salariés roulants ou navigants détachés par les entreprises de transport terrestre.

Ne pas oublier : Un exemplaire de l’attestation de détachement établie par une entreprise de transport terrestre pour un salarié roulant ou navigant détaché en France doit être remis à celui- ci et conservé à bord du véhicule (C. transports art. R1331-7 modifié).

Il est rappelé qu’est sanctionné par une amende (2000 € par salarié – 4 000 € en récidive – sans pouvoir dépasser 500 000 €) le fait de :

– ne pas avoir adressé une déclaration préalable au détachement à l’administration ;

– ne pas avoir désigné sur le territoire national un représentant chargé d’assurer la liaison avec les agents de contrôle ;

– ne pas présenter à l’inspection du travail, sur le lieu de réalisation de la prestation, des documents traduits en langue française permettant de vérifier le respect des dispositions relatives au détachement.

Le donneur d’ordre ou le maître d’ouvrage encourt les mêmes sanctions s’il n’a pas vérifié que l’employeur s’est acquitté des obligations de déclaration et de désignation d’un représentant sur le territoire national (Inst. DGT 2016-03 du 12-7-2016 n° 3.1.1 ; Circ. min. justice du 18-7-2016 n° II, A, 1).

LE PRINCIPE DE NEUTRALITÉ PEUT ÊTRE INSCRIT DANS LE RÈGLEMENT INTÉRIEUR DE L’ENTREPRISE
Loi 2016-1088 du 8 août 2016 art. 2

L’inscription dans le règlement intérieur de l’entreprise d’une clause relative au principe de neutralité est prévue mais encadrée par la loi.

L’article L 1321-2-1 nouveau prévoit que le règlement intérieur peut imposer aux salariés une restriction de la manifestation de leurs convictions – notamment politiques et religieuses – MAIS à condition que cette restriction :

– soit justifiée par l’exercice d’autres libertés et droits fondamentaux ou par les nécessités du bon fonctionnement de l’entreprise ;

– et soit proportionnée au but recherché.

Le gouvernement a indiqué qu’il présentera un guide à partir du 20 octobre pour permettre de mieux appréhender ces conditions. Le risque étant de se voir condamner pour discrimination si les restrictions ne sont pas proportionnées.

Mais en tout état de cause il appartiendra au juge d’apprécier la réalité et pertinence de ces deux éléments. La discrimination n’est en effet pas loin.

Il conviendra dès lors d’être vigilant lors de la rédaction d’une telle clause, ce d’autant plus que la Cour de justice de l’Union européenne a été saisie d’une question préjudicielle par notre Cour de Cassation portant sur le contour de la notion d’ exigence professionnelle essentielle et déterminante pouvant justifier une restriction à la liberté des salariés de manifester leurs convictions, dès lors que l’objectif soit légitime et que l’exigence soit proportionnée.

Nous en reparlerons donc dans quelques mois.

Jurisprudence

POURQUOI LA RÉDACTION DES CONTRATS SENSIBLES DEVRAIT ÊTRE CONFIÉE À SON AVOCAT EN DROIT SOCIAL

La Cour de Cassation vient de préciser que la circonstance que le salarié ait participé à la rédaction de sa propre clause de non-concurrence ne l’empêche pas d’en contester la validité en vue d’obtenir, éventuellement, la réparation de son préjudice.

En l’espèce il s’agissait d’un DRH qui a rédigé son contrat de travail et contesté après son licenciement la validité de la clause de non concurrence pour défaut de contrepartie financière.

La cour de cassation a estimé son action recevable et bien fondée dans la mesure où la clause litigieuse ne comportait pas toutes les dispositions nécessaires à sa validité.

Cass. soc. 6-7-2016 n° 15-10.987 F-D

ÉGALITÉ DE TRAITEMENT : LE COÛT DE LA VIE PEUT JUSTIFIER UNE DIFFÉRENCE DE RÉMUNÉRATION

Le principe « à travail égal, salaire égal » peut ne pas s’appliquer en présence de critère objectif justifiant une différence de rémunération entre salariés effectuant un même travail ou un travail de valeur égale.

La Haute juridiction vient de juger que la disparité du coût de la vie constatée (et démontrée) entre deux établissements peut constituer un critère licite de différenciation dont le juge doit contrôler la réalité et la pertinence.

En l’espèce, la différence de rémunération admise a été constatée entre un établissement situé en Région Parisienne et un autre situé à Douai (Les Hauts de France).

Cass Soc 146962016N°15-11.386 FS FBRI

 

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