Bulletin JSA – OCTOBRE 2015
Bulletin rédigé par Maîtres Isabelle CHEVRE, Laurence SERAFFIN & Elise TRUCHELUT
SELARL Isabelle CHEVRE
19 Bis rue La Noüe Bras de Fer
44200 NANTES
Editorial
LES PROPOSITIONS DU RAPPORT COMBREXELLE
Alors que les lois MACRON et REBSAMEN étaient en préparation,le Premier Ministre chargeait Monsieur Jean-Denis COMBREXELLE, Président de la section sociale au Conseil d’État et ancien Directeur général du travail, d’une mission sur « l’élargissement de la place de l’accord collectif dans notre droit du travail et la construction de normes sociales ».
Ce rapport publié le 9 septembre 2015 entend ainsi faire « une plus grande place à la négociation collective et en particulier à la négociation d’entreprise, pour une meilleure adaptabilité des normes aux besoins des entreprises ainsi qu’aux aspirations des salariés ».
Un projet de loi sur « la négociation collective, la place de la loi, le rôle et la structuration des branches » doit être présenté en Conseil des Ministres fin 2015.
LE RAPPORT COMBREXELLE ET LE CODE DU TRAVAIL
En donnant une place différente aux accords d’entreprise, le Code du travail peut-il alors faire de la loi un appendice au secours des petites et moyennes entreprises, souvent dépourvues de partenaires sociaux ?
Tel n’est pas l’objectif ; il ne s’agit plus de modifier tel ou tel article du Code du travail, il s’agit d’apprendre à régler les rapports sociaux différemment, non plus sur une logique purement juridique, formelle et institutionnelle, mais faire de la négociation collective un outil au service de l’emploi et de la compétitivité des entreprises.
Malgré les différentes évolutions législatives en faveur de la négociation collective, l’efficacité s’avère relative du fait des contraintes imposées par le Code du travail. Pour les employeurs, toute négociation implique des contraintes et des coûts, pour les acteurs syndicaux, souvent un échec dans un contexte de crise et de manques de moyens des entreprises.
Le rapport COMBREXELLE fait à ce titre état de pratiques actuelles de négociation mal adaptées aux PME-TPE.
Le rapport prônait ainsi la mise en place de deux grandes réformes :
– Sur le moyen terme, une réforme d’ensemble du Code du travail.
– Sur le court terme, c’est l’objet du rapport COMBREXELLE.
LE RAPPORT COMBREXELLE ET LE COURT TERME SOIT 2016
La nouvelle architecture du Code du travail, laquelle pourrait entraîner une réforme constitutionnelle, ne peut se faire en un jour !
Aussi une première réforme est déclarée prioritaire pour la vie des entreprises et des salariés portant sur quatre champs : le temps de travail, les salaires, les conditions de travail et l’emploi, et selon les modalités suivantes :
– Après concertation avec les partenaires sociaux, clarifier et élargir le champ de la négociation sociale dans les domaines des conditions de travail, du temps de travail, de l’emploi et des salaires en donnant la priorité à l’accord d’entreprise.
– Sous la réserve de la redéfinition des ordres publics législatifs et conventionnels de branche, dans ces quatre domaines, l’accord d’entreprise devra s’appliquer en priorité. A défaut d’accord de branche ou d’accord collectif, l’application du Code du travail se fera à titre supplétif.
– Définir les missions des Branches, c’est-à-dire définir ce qui relève de l’ordre public conventionnel et accompagner par des propositions d’accords-types les TPE, accompagner aussi les PME dans la négociation.
– Prévoir un mécanisme des fusions de Branches pour celles qui représentent moins de 5000 salariés, par la mise en place de conventions collectives d’accueil pour faire place aux TPE et aux PME lorsqu’elles sont dépourvues de partenaires sociaux, et privées ainsi d’accords d’entreprise. L’objectif serait de rationaliser le nombre de branches professionnelles actuellement proches de 700 à 100.
– Faire prévaloir aussi l’application directe de l’accord collectif préservant l’emploi sur les contrats de travail.
Priorité doit donc être faite à l’accord d’entreprise, le Code du travail et le contrat de travail ne devenant que des sources supplétives dans les domaines concernés.
LE RAPPORT COMBREXELLE, C’EST AVANT TOUT CRÉER UNE DYNAMIQUE DE LA NÉGOCIATION
Le rapport insiste sur un enjeu de dynamisation des comportements, l’articulation des différentes sources de normes étant présentée comme secondaire.
Tout juste imprégnées de réformes en droit du travail via les lois MACRON et REBSAMEN, les entreprises ont aussi à prendre en considération d’autres données non plus juridiques mais économiques et concurrentielles. Le rapport COMBREXELLE est maintenant là pour affirmer cette volonté; la nouvelle architecture du Code du travail sera le fruit de constructions nouvelles basées non plus sur une logique juridique et formelle, mais sur une nouvelle répartition entre ce qui doit relever de la négociation collective pour en faire un outil de régulation économique et sociale et ce qui doit relever de l’ordre public.
Un aveu à travers ce rapport :
le Code du travail dans sa rédaction actuelle, se caractérise par une grande complexité de la loi où il est bien difficile de déterminer, sur un sujet donné, la marge de manœuvre qui est laissée aux négociateurs d’un accord de branche ou d’entreprise.
LE RAPPORT COMBREXELLE, UNE INTERROGATION QUANT À SON EFFICACITÉ
La proposition n° 43 du rapport invite à généraliser le principe d’accord majoritaire, c’est-à-dire de l’accord signé par des organisations syndicales ayant recueilli la majorité des suffrages aux dernières élections. Même si une avancée sera significative par l’adhésion des petites entreprises à des accords de branche, concernant les accords d’entreprise, ceux-ci ne pourront voir le jour qu’au bon vouloir des organisations syndicales majoritaires.
Actualité
LOI MACRON : REFORME DE LA JUSTICE PRUD’HOMALE
Le constat était unanime quant aux dysfonctionnements importants des Conseils de prud’hommes.
La loi du 6 août 2015 vise à améliorer l’efficacité et la rapidité de la justice prud’homale et à donner un nouveau statut « professionnalisant » aux Conseillers prud’hommes.
• Le bureau de conciliation voit ses pouvoirs renforcés pour les instances introduites à compter du 7 août 2015.
Il devient le bureau de conciliation et d’orientation (BCO).
En cas d’échec de la conciliation, le BCO peut désormais, dans le cadre de sa mission d’orientation, renvoyer les parties :
• Devant le bureau de jugement dans sa formation restreinte, c’est-à-dire composée d’un Conseiller employeur et d’un Conseiller salarié, si le litige porte sur un licenciement ou une demande de résiliation judiciaire du contrat de travail et avec l’accord des parties. Elle devra statuer dans les 3 mois (délai qui devrait être difficilement tenable en pratique).
• Devant le bureau de jugement dans sa formation de départage, si les parties le demandent ou si la nature du litige le justifie. La loi prévoit donc la possibilité d’aller directement de la phase de conciliation à la formation de jugement présidée par un juge professionnel. Il est à noter que les juges départiteurs sont désormais des magistrats du Tribunal de Grande Instance (et non plus du Tribunal d’Instance).
• Et à défaut, devant le bureau de jugement dans sa composition classique.
• La loi redéfinit le statut des Conseillers prud’homaux vers une meilleure professionnalisation
La loi Macron leur impose désormais une formation initiale de 5 jours en début de mandat, et une formation continue maintenue à 6 semaines par mandat. Le Conseiller qui n’aurait pas satisfait à l’obligation de formation initiale dans un délai fixé par décret sera réputé démissionnaire. Ces dispositions entrent en vigueur à compter du premier renouvellement des Conseillers prud’hommes (soit au plus tard au 31 décembre 2017).
La loi du 6 août 2015 modifie également la déontologie applicable aux Conseillers prud’hommes et crée une véritable procédure disciplinaire en cas de manquements.
Reste à savoir si cette réforme répondra véritablement aux objectifs qu’elle s’est fixée…
Jurisprudence
UNE DEMANDE DE RUPTURE CONVENTIONNELLE ÉMANANT DE LA SALARIÉE POSTÉRIEUREMENT À UNE DÉMISSION N’EFFACE PAS CETTE DERNIÈRE
Une salariée après avoir démissionné, souhaitait revenir sur sa décision et a sollicité un entretien en vue d’une rupture conventionnelle.
C’est ainsi que la salariée espérait que dans la mesure où son employeur avait accepté par courrier le principe d’une rupture conventionnelle en la convoquant, il avait de ce fait accepté la rétractation de sa démission et que, par conséquent, son contrat était toujours en cours.
Sûre de son fait, la salariée ne s’était même pas présentée à l’entretien.
Pour la Cour, la seule convocation d’une salariée, ayant déjà démissionné, à un entretien en vue de conclure une rupture conventionnelle ne vaut pas renonciation commune des parties à cette démission.
Si depuis les Arrêts du 3 mars 2015 (Cass. soc. 3 mars 2015 n°13-20.549, n°13-15.551 et n°13-23.348), «lorsque le contrat a été rompu par l’exercice par l’une ou l’autre des parties de son droit de résiliation unilatérale, la signature postérieure d’une rupture conventionnelle vaut renonciation commune à la rupture précédemment intervenue», ce n’est qu’à la condition que le processus de rupture conventionnelle soit mené à son terme. Cass. soc. 16 septembre 2015, n°14-10.291
RUPTURE CONVENTIONNELLE ET VICES DU CONSENTEMENT : LA COUR DE CASSATION PRÉCISE SA LIGNE JURISPRUDENTIELLE
Depuis l’introduction par la loi du 25 juin 2008 de la rupture conventionnelle du contrat de travail, la Cour de cassation ne cesse d’en préciser les contours. Il en ressort que rares sont les décisions annulant les ruptures conventionnelles, ce qui fait le succès et la sécurisation de ce mode de rupture pour les employeurs.
Toutefois, et il s’agit là du garde-fou de la rupture conventionnelle, cette dernière est soumise à l’absence de vice du consentement du salarié.
La Cour de cassation ayant relevé que c’est suite à un avertissement dont les explications tendaient à inviter le salarié à «exécuter loyalement son contrat ou [à] prendre l’initiative d’une rupture », que celui-ci a, en conséquence, été incité à conclure une rupture conventionnelle.
Il ressort, en outre, de cette décision que la Cour de cassation a relevé aussi que des promesses avaient été faites au salarié concernant le versement de la contrepartie pécuniaire de sa clause de non concurrence ; que l’employeur n’a pas tenu ses promesses en levant le salarié de sa clause. La Cour a conclu que le salarié avait été victime d’un vice du consentement.
Pour ces motifs, malgré l’homologation, cette rupture conventionnelle a fait l’objet d’une annulation par le juge. Cass. soc. 9 juin 2015, n° 14-10.192
La Haute Juridiction confirme sa position dans un Arrêt du 16 septembre 2015, où elle a annulé la rupture conventionnelle imposée par l’employeur cette fois-ci en alternative à un licenciement.
Dans un climat tendu entre les parties, ce qui n’est pas de nature à affecter à lui seul la validité d’une rupture conventionnelle (Cass. soc. 23 mai 2013, n°12-13.865), un salarié ayant reçu plusieurs courriers le mettant soit en demeure de reprendre son poste, soit refusant de lui accorder ses congés en l’absence de demande précise, a été convoqué à un entretien pour finaliser une rupture conventionnelle qu’il a refusée.
Le salarié a reçu une mise à pied à titre conservatoire et une convocation à entretien préalable en vue d’un licenciement pour faute grave, et ce même jour, a signé une rupture conventionnelle.
Les juges du fond ont considéré que le salarié n’avait eu d’autre alternative que de signer la rupture conventionnelle. Dans ce contexte de pressions exercées par l’employeur, le consentement du salarié a été vicié. Cass. soc. 16 septembre 2015, n°14-13.830
Bulletin rédigé par Maîtres Isabelle CHEVRE, Laurence SERAFFIN & Elise TRUCHELUT
SELARL Isabelle CHEVRE – 19 Bis rue La Noüe Bras de Fer 44200 NANTES