Bulletin JSA – FEVRIER 2015
Bulletin rédigé par Maître LALANNE
SCP D’AVOCATS HAY LALANNE GODARD HERON BOUTARD SIMON
1 rue du 33 ème Mobiles
CS 21508
72015 LE MANS CEDEX 2
Actualité
RUPTURE DU CONTRAT DE TRAVAIL : SAVOIR TRANSIGER
La transaction consécutive à une rupture du contrat de travail est un contrat par lequel l’employeur et le salarié préviennent ou mettent fin par des concessions réciproques à toutes contestations résultant de cette rupture.
La transaction n’est pas un mode de rupture amiable du contrat de travail mais un règlement amiable des conséquences d’une rupture déjà intervenue.
Il importe de s’intéresser :
– à sa mise en œuvre
– à ses conséquences
I- MISE EN ŒUVRE DE LA TRANSACTION
La transaction s’analyse comme un contrat par lequel les parties terminent une contestation née ou préviennent une contestation à naitre. (Code Civil articles 2044 à 2058)
Il est en effet malheureusement fréquent qu’a l’occasion de la rupture d’un contrat de travail surviennent des difficultés ou des contestations de tous ordres (licenciement, démission, mise à la retraite, harcèlement, heures supplémentaires, rappel de salaire …).
Transiger est un moyen de régler ces difficultés et d’y mettre un terme définitif en évitant l’aléa judiciaire.
Cependant la transaction en elle-même doit être sécurisée pour éviter qu’elle ne soit par la suite dénoncée.
Ainsi la transaction est valable si:
– il existe un litige
– elle est conclue une fois que la rupture du contrat de travail est définitive
– elle comporte des concessions réciproques
– elle traduit l’exact consentement des signataires
1) L’existence d’un litige
En tout état de cause, il faut nécessairement relever l’existence d’un litige pour pouvoir transiger dans la mesure où la transaction constitue précisément un mode de règlement de ce litige. (Cassation Sociale 25.09.2007 N° 05-45.309)
A défaut, la transaction est réputée sans cause.
Ainsi le Juge est tenu de vérifier l’existence d’une contestation ou son éventualité.
2) La transaction est conclue après que la rupture du contrat de travail soit définitive
La transaction ayant pour objet de mettre fin au litige résultant d’un licenciement ne peut être valablement conclue qu’une fois la rupture intervenue et définitive. (Cassation Sociale 13.01.1998 N° 95-41.592P)
A ce titre la transaction ne peut être ni signée ni même négociée avant que la rupture ne soit intervenue (Cassation Sociale 17.10.2007 N°06-41.846).
En effet pour transiger dans la plénitude de ses droits, le salarié ne doit plus être sous la hiérarchie de son employeur et doit connaître avec précisions les motifs à l’origine de la rupture de son contrat de travail pour définir ses prétentions et ainsi pouvoir valablement transiger.
Toute transaction conclue antérieurement à la rupture est frappée de nullité et ne produit aucun effet libératoire.
Ainsi est nulle la transaction :
– conclut en l’absence de notification préalable du licenciement (Cassation Sociale 18.02.2003 N° 00-42.948 P)
– qui porte la même date que la lettre de licenciement (Cassation Sociale 05.05.2010 N° 08-44.643)
– signée le jour de la remise de la lettre de licenciement (Cassation Sociale 25.04.2001 N° 99-41.499)
– signée après l’envoi de la notification du licenciement par lettre recommandée avec avis de réception mais avant que le salarié ne l’ait reçu (Cassation Sociale 01.07.2009 N° 08- 43.179 P)
– discutée avant la notification du licenciement sans être modifiée par la suite même si elle a été signée après licenciement (Cassation Sociale 08.06.2011 N°09-43.221)
Il importe de noter que la nullité de la transaction conclue avant la notification du licenciement est une nullité relative instituée exclusivement dans l’intérêt du salarié sans que celle-ci ne puisse être invoquée par l’employeur.
Il est à ce titre hautement recommandé de respecter un délai de réflexion entre la notification de la rupture et la signature de la transaction.
3) nécessité de concessions réciproques
Cette condition de validité ne résulte pas à proprement parlé de l’article 2044 du Code Civil, mais plutôt d’une construction jurisprudentielle.
La validité de la transaction est subordonnée à l’existence de concessions réciproques.
Par « concession », il faut entendre renonciation à un droit, un avantage ou à une demande, les parties mettant alors en balance les avantages et les inconvénients des propositions.
Il faut en déduire que les parties doivent donc abandonner réciproquement une part de leur prétention pour que l’acte soit qualifié de transaction.
Il appartient au Juge du fond de contrôler l’existence des concessions réciproques ; lequel doit préciser dans sa décision la nature des concessions consenties par l’employeur et le salarié afin que la Cour de Cassation puisse exercer son contrôle sur leur réalité. (Cassation Sociale 16.11.2010 N°09- 68.415).
La Cour de Cassation exige que la concession soit « appréciable ».
Ainsi ne consent pas de concession l’employeur qui :
– verse une indemnité conventionnelle d’un montant dérisoire de 915 € contre l’engagement du salarié de ne pas concurrencer l’entreprise et de ne pas contester la rupture du contrat (Cassation Sociale 18.05.1999 N° 96- 44.628 P)
– verse une indemnité forfaitaire transactionnelle présentant un caractère dérisoire (Cassation Sociale 19.06.2013 N° 12-12.941)
– renonce à un dépôt de plainte et à une indemnisation à charge pour le salarié de ne pas contester son licenciement.
Le juge peut encore considérer, s’agissant d’une lettre de licenciement ne contenant aucun motif, que n’effectue aucune concession l’employeur qui verse une indemnité correspondant à 3 mois de salaire alors qu’en l’absence de motif énoncé dans la lettre de licenciement, le salarié peut prétendre à une indemnisation minimale de 6 mois de salaire (Cassation Sociale 13.10.1999 N°97-42.027 p)
4) consentement des parties
Conformément au droit commun des contrats, la transaction suppose l’existence d’un consentement non vicié (Code Civil article 1108).
Il appartient au salarié d’apporter la preuve qu’un vice a été de nature à affecter son consentement (Cassation Sociale 14.03.2001 N°99-40.925).
Ainsi il a été jugé que ne donne pas librement son consentement le salarié qui ne sachant pas lire le français n’a pas compris la signification et la portée du document signé (Cassation Sociale 14.01.1997 N°95- 40.363).
En revanche, il n’y a ni défaut, ni vice du consentement lorsque la transaction a été signée par un salarié éprouvant des difficultés pour écrire le français et qui a disposé d’un long délai pour prendre conseil avant de signer l’acte (Cassation Sociale 23.11.2011 N°10-11.277).
Bien que non obligatoire dans l’absolu, il est conseillé de consacrer la transaction dans le cadre d’un écrit établi en autant d’originaux que de parties signataires.
Enfin, et s’agissant d’un salarié protégé, la transaction demeure possible sous la double condition de la notification d’un licenciement précédé de l’autorisation administrative.
II- CONSÉQUENCES DE LA TRANSACTION
1) A l’égard des parties
La transaction a, entre les parties, l’autorité de chose jugée en dernier ressort (Code Civil article 2052).
A ce titre, elle a les mêmes effets qu’un jugement devenu irrévocable et constitue une fin de non-recevoir d’une éventuelle action en justice (Cassation Sociale 07.06.1989 N°86- 43.012 P).
En conséquence le Juge ne peut trancher le différend que la transaction a pour objet de clore (Cassation Sociale 21.05.1997 N° 95-45.038 P) mais il peut pour apprécier les concessions réciproques vérifier l’existence du motif de licenciement (Cassation Sociale 23.01.2001 N°98-41.992 P).
Pour autant et par exception au principe ci-dessus rappelé, le salarié peut intenter une action qui n’a pas de lien direct avec la rupture du contrat de travail à l’origine du différend.
En effet les transactions :
-se renferment dans leur objet et leur cause et la renonciation à tous droits ou actions ne s’entend que de ce qui est relatif au différend qui y a donné lieu (Code Civil article 2048)
-ne règlent que les différends qui s’y trouvent compris (Code Civil article 2049)
Il importe de souligner que la transaction ne porte que sur les éléments qui ont fait l’objet d’un différend entre l’employeur et le salarié (Cassation Sociale 05.05.2010 N°08-44.085 P).
La renonciation « à toute action ou réclamation » doit être regardée avec une relative prudence quoiqu’un arrêt récent de la Cour de Cassation du 5 novembre 2014 N° 13-18.984 semble redonner « une certaine couleur » à ce type de formule.
Dans un arrêt du 04 juillet 1997, l’Assemblée Plénière de la Cour de Cassation a donné à cette formule une portée très générale en considérant en l’espèce que la prime d’intéressement était incluse dans la transaction peu important qu’elle ait été conclue à l’occasion d’un litige portant sur le dédit de la clause de non concurrence (Cassation Assemblée Plénière 04.07.1997 N°93-43.375 P).
La conséquence de cet arrêt est que rédigée en termes généraux, la transaction constituerait une fin de non-recevoir pour toute action prud’homale.
Cependant la position de la Chambre Sociale est plus nuancée.
Elle a ainsi jugée que lorsque l’accord intervenu est limité dans son objet il ne peut faire échec à l’examen des autres prétentions du salarié qui lui étaient étrangères (Cassation Sociale 05.02.1992 N°88-44.794 P).
De même une transaction portant exclusivement sur un litige relatif à une clause de non concurrence ne fait pas obstacle à une indemnité de congés payés (Cassation Sociale 20.03.1990 n°86-43.768 P).
Enfin, une transaction portant sur la rupture du contrat de travail, et excluant les créances salariales, permet au salarié de réclamer une créance à ce titre.
De même sauf stipulation contraire, les droits ou obligations destinés à trouver application postérieurement à la rupture du contrat de travail, ne sont par principe pas affectés par la transaction destinée à régler les conséquences d’un licenciement.
Il en va ainsi de :
– la clause de non concurrence (Cassation Sociale 18.01.2012 N°10-14.974)
– la priorité de réembauche qui constitue un droit futur éventuel (Cassation Sociale 28.02.2006 N° 03-47.860)
D’une façon générale la renonciation du salarié ne peut pas être étendue à un droit qui ne pouvait pas être compris dans l’objet de la transaction sauf si celle-ci l’exclut expressément.
2) A l’égard des tiers
« La transaction faite par l’un des intéressés ne lie point les autres intéressés et ne peut être opposée par eux » (Code Civil article 2051).
Ainsi, lorsqu’un employeur conclut avec un salarié un acte transactionnel et qu’il a le même litige avec plusieurs de ses anciens salariés, ces derniers ne sauraient exiger la conclusion d’une transaction au contenu similaire ni même l’invoquer dans le cadre d’un débat judiciaire. Réciproquement, l’employeur ne saurait exiger de ses salariés la conclusion d’une transaction identique et qui heurterait le principe de l’autonomie de la volonté et ses corollaires.
De même l’employeur ne peut invoquer le contenu de la transaction à l’occasion d’un litige.
L’effet relatif des contrats interdit aux tiers de se prévaloir de l’autorité d’une transaction à laquelle ils ne sont pas parties, ces mêmes tiers peuvent néanmoins invoquer la renonciation à un droit que renferme la transaction (Cassation Sociale 25.09.2013 N°12-17.863).
En l’espèce les salariés avaient expressément renoncés dans la transaction conclue avec la société cédante, à toutes demandes indemnitaires relatives à leurs licenciements, Ils ont par la suite engagé une action contre le cessionnaire au titre d’un licenciement sans cause réelle et sérieuse.
L’action a été rejetée en présence de la renonciation à leurs droits dont le cessionnaire, quoique non partie à la transaction, était fondé à se prévaloir.
BONNE TRANSACTION
Jurisprudence
APRÈS LES EXPERTS-COMPTABLES (BULLETIN JSA JUIN 2014), LE TOUR DES NOTAIRES
La Cour de Cassation poursuit un contrôle sévère des conventions de forfait en jours sur l’année.
Après avoir annulé par arrêt du 14 mai 2014, N°12-35.033 les dispositions de l’article 8.1.2.5 de la Convention Collective des Cabinets d’Experts- Comptables, elle annule par arrêt du 13.11.2014 N°13-14.206 les dispositions de l’article 8.4.2 de la CCN du Notariat du 08.06.2001 qui selon elle ne sont pas de nature à garantir que l’amplitude et la charge de travail des salariés ayant conclu une convention de forfait en jours restent raisonnables à assurer une bonne répartition, dans le temps, de leur travail et donc la protection de leur sécurité et de leur santé.
La haute juridiction rappelle que toute convention en forfait jours doit être prévue par un accord collectif dont les stipulations assurent la garantie du respect des durées maximales de travail ainsi que des repos, journaliers et hebdomadaires.
Bulletin rédigé par Maître LALANNE, SCP D’AVOCATS HAY LALANNE GODARD HERON BOUTARD SIMON
1 rue du 33ème Mobiles – CS 21508 – 72015 LE MANS cedex 2