Bulletin JSA – JANVIER 2015

Bulletin rédigé par Maître COTTEREAU

Cabinet Cottereau Meunier Bardon
19 avenue de Grammont
BP 7-1013
37010 TOURS CEDEX 01


Éditorial

LA JURIDICTION PRUD’HOMALE EN QUESTION : FAUT-IL ALLER VRAIMENT PLUS LOIN ?

Le projet de loi MACRON, à la lumière des rapports Marshall et Lacabarat, projette de réformer la Justice Prud’homale pour la simplifier, l’accélérer et la sécuriser par :

• Une formation initiale et continue obligatoire des conseillers prud’homaux, le renforcement de leurs obligations déontologiques et une procédure disciplinaire,
• Des délais de jugement abrégés avec une procédure accélérée devant une formation de jugement présidée par un Juge professionnel,
• Le regroupement sélectif du contentieux lorsqu’il est de l’intérêt d’une bonne Justice que des litiges pendants devant plusieurs Conseil de Prud’hommes situés dans le ressort d’une même Cour d’appel soient jugés ensemble.

S’il faut à coup sûr saluer le mérite de l’intention dans un domaine où l’inertie est de mise depuis des décennies, à raison de la résistance obstinée des syndicats salariés comme patronaux, encore faut-il s’interroger :

1. Sur le choix de la méthode,
2. Sur l’enjeu de la réforme.

Autrement dit, la réforme relève-t-elle de la compétence du Ministre du budget ? Est-elle suffisamment ambitieuse ?

Le constat

• Le contentieux du travail s’intègre dans un contentieux social éclaté
• La juridiction prud’homale est sur la sellette

– L’éclatement du contentieux social

Le rapport Lacabarats souligne à juste titre (p. 52) l’éclatement du contentieux du droit du travail qui compte rien moins que 7 Juges. Si l’on ajoute à ce légitime constat le Tribunal des Affaires de Sécurité Sociale, le contentieux technique (regroupant l’incapacité et la tarification) et l’expertise médicale, on mesure l’ampleur de la réforme en attente qu’aucun Ministre de la Justice n’a jusqu’à présent osé engager.

– La mise sur la sellette de la juridiction prud’homale

Les enjeux sont considérables compte-tenu de la complexité des procédures inhérentes aux compétences concurrentes générant un risque de conflit de juridiction et des délais trop longs.

L’arrêt récent du 23 octobre 2014, qui rappelle que le Conseil de Prud’hommes n’est pas compétent pour faire reconnaître un manquement à l’obligation de sécurité en matière d’accident du travail et de maladie professionnelle en est l’illustration éclatante (cass. soc. 23 octobre 2014, n° 13-16497).

L’angle de la prise de vue doit donc s’élargir et ne pas rester circonscrit à l’obsolescence indiscutable du Conseil de Prud’hommes à raison de la perte de légitimité des conseillers prud’homaux dont l’élection n’est plus qu’un trompe l’œil avec :
– un taux de participation aux élections dérisoire,
– un taux de conciliation réduit à l’état de peau de chagrin (80% avant la guerre à moins de 10% aujourd’hui),
– un droit du travail trop complexe donnant un taux d’appel de 60% alors qu’il est de 5 à 15% devant les autres juridictions,
– des délais de procédure de première instance et d’appel trop importants : 13 mois en première instance et 25 mois si la procédure fait l’objet d’un départage, 15 mois en appel,
– un taux rédhibitoire de décisions déjà rendues par des magistrats professionnels si l’on additionne le taux d’appel (60%) et le taux national de départage (30%).

Les propositions

Le constat milite en faveur d’une réforme plus globale et plus ambitieuse consistant dans les grandes lignes :

• à unifier le contentieux social avec la création d’un Tribunal Social,
• à créer un échevinage spécialisé avec un Président spécialisé et des assesseurs désignés et non élus, également spécialisés et dument formés,
• à harmoniser la procédure avec :
– un mode de saisine unique,
– une conciliation facultative,
– une véritable mise en état,
– une procédure écrite obligatoire au 1er et 2ème degré,
– la suppression de la règle de l’unicité d’instance compte-tenu de surcroît de la réduction notoire de délais de prescription.

Que 2015 permette de rêver à de vraies et nobles réformes.

Actualité

DU NOUVEAU AVEC LE PASSAGE DU DIF AU CPF

Depuis le 1er janvier 2015, le compte personnel de formation (CPF) a pris le relai du Droit Individuel à la Formation (DIF). L’employeur doit désormais informer avant le 31 janvier 2015 les salariés sur leurs heures de DIF non consommées au 31 décembre 2014.

Depuis le 5 janvier 2015, tout salarié a accès à son CPF sur le site www.moncompteformation.gouv.fr. Il peut y consulter librement le nombre d’heures acquises et les listes des formations éligibles.

Quid des heures de DIF portables au moment de la rupture du contrat de travail non consécutive à une faute lourde ?

Les heures étaient utilisables pendant la durée du chômage ou chez un nouvel employeur pendant deux ans suivant l’embauche. Depuis la disparition du DIF, le sort de ces heures n’est pas prévu.

Autrement dit, le nouvel employeur doit-il inscrire les heures portables sur l’attestation susvisée en même temps que les heures acquises au sein de son entreprise ?

D’aucuns considèrent qu’en l’absence de disposition légale ou règlementaire, il n’est pas de la responsabilité du nouvel employeur de mentionner des heures dont il n’a pas forcément connaissance (Dict. permanent social décembre 2014, p. 2).

Il nous paraît sage de recommander :

1. Au nouvel employeur

a. De faire signer au salarié une déclaration sur l’honneur sur les heures de DIF acquises et d’en exiger la justification
b. De mentionner ensuite les heures déclarées sur l’attestation spécifique

2. A l’ancien employeur qui licencie de rappeler dans la lettre de licenciement le changement de dispositif et le passage du DIF au CPF

3. Autrement dit, aux rédacteurs de lettre de licenciement de revisiter leurs modèles !

EN MATIERE DE STAGE
D N°2014 1420 27 NOVEMBRE 2014 JO 30 NOVEMBRE 2014

Lorsque la durée d’un stage est supérieure à deux mois consécutifs (ou au cours d’une même année scolaire ou universitaire à deux mois consécutifs ou non), le stagiaire perçoit une gratification mensuelle versée par la structure qui l’accueille. Le montant minimal en l’absence de convention de branche ou d’accord professionnel étendu plus favorable passe de 436,05 € à 479,50 € au 1er décembre 2014 pour 151,67 heures.

L’employeur tient compte du temps de présence effectif du stagiaire : toute période au moins égale à 7 heures de présence, consécutive ou non, équivaut à un mois.

La gratification doit être versée en sus des frais engagés par le stagiaire et des avantages offerts pour la restauration, le transport ou l’hébergement. Ne pas oublier de remettre à la fin du stage une attestation mentionnant la durée effective totale du stage, ainsi que le montant total de gratification versée.

Jurisprudence

LA SURVEILLANCE PAR UN SERVICE INTERNE A L’ENTREPRISE EST LICITE

Le recours au service d’un détective privé est un moyen de preuve illicite et rend le licenciement sans cause réelle ni sérieuse lorsque le motif repose exclusivement sur le compte-rendu de filature (cass. soc. 22 mai 1995, n° 93-44078, n° 2322 P+F).

D’où la question de savoir s’il en est de même en présence d’un salarié surveillé par un service interne à l’entreprise, la Cour de cassation répond clairement par la négative :

« Le contrôle de l’activité d’un salarié au temps et au lieu de travail par un service interne à l’entreprise chargé de cette mission ne constitue pas en soi, même en l’absence d’information préalable du salarié, un mode de preuve illicite dès lors que ledit contrôle organisé par l’employeur est confié à des cadres…… était limité au temps de travail et n’avait impliqué aucune atteinte à la vie privée des salariés observés » (cass. soc. 5 novembre 2014, n° 13-18427).

CONTRÔLE URSSAF : TOUS LES INSPECTEURS PROCÉDANT AUX CONTRÔLES DOIVENT SIGNER LA LETTRE D’OBSERVATIONS

L’article R 243-59 du Code de la sécurité sociale impose à l’inspecteur du recouvrement à l’issue du contrôle de communiquer à l’employeur une lettre d’observations. Ce document mentionne l’objet du contrôle, les documents consultés, la période vérifiée et la date de fin de contrôle, et s’il y a lieu, les observations faites à l’employeur au cours du contrôle.

La Cour de cassation qualifie d’irrégulière une lettre d’observations signée d’un seul inspecteur lorsque plusieurs inspecteurs participent au contrôle.

S’agit-il d’une formalité substantielle ou non ? La Cour de cassation ne le précise pas.

Il est de l’intérêt de l’entreprise redressée de le soutenir pour soulever la nullité du contrôle.

L’argumentation est d’autant plus crédible et opportune que par analogie, la Cour de cassation a considéré que l’absence de mention sur l’avis préalable du contrôle ou la lettre d’observations de la possibilité de se faire assister d’un Conseil suffisait à entraîner la nullité du contrôle et des redressements subséquents (cass. 2ème civ. 3 avril 2014, n° 13-11516 ; cass. 2ème civ 18 septembre 2014, n° 13-17084 ; cass. 2ème civ. 6 novembre 2014, n° 13-23990).
Bulletin rédigé par Maître Cottereau
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