Bulletin JSA – SEPTEMBRE 2014

Bulletin rédigé par Maître Philippe BODIN

SCP BASILIEN – BODIN Associés
Avocat
4, rue Niépce
60200 COMPIÈGNE


Éditorial

UN MILLION D’EMPLOIS …EST-CE POSSIBLE ?

Le 24 septembre 2014, Pierre GATTAZ, Président du MEDEF, annonçait officiellement son programme pour la création d’un million d’emplois en cinq ans en contrepartie de propositions de réformes détaillées dans un document intitulé «1 million d’emplois … c’est possible !»

Dans ce document, le MEDEF explore douze pistes censées réduire sensiblement le nombre de demandeurs d’emploi parmi lesquelles figurent la suppression de jours fériés, le travail du dimanche, l’adaptation de la durée légale du travail, l’atténuation des seuils sociaux, l’institution d’un salaire inférieur au SMIC pour «les populations les plus éloignées de l’emploi», le recul de l’âge de la retraite, le renforcement de la négociation d’entreprise (celle-ci devant primer sur la loi et le contrat de travail) etc.

CES PROPOSITIONS SONT-ELLES POUR AUTANT RÉALISTES ?

Il est, en effet, illusoire d’espérer de la part du gouvernement qu’il dépose des projets de loi allant dans le sens souhaité par l’organisation patronale.

La mise en œuvre de ces différentes pistes ne peut donc se faire qu’avec le «concours» des organisations syndicales dans le cadre de négociations entre partenaires sociaux.

Or, si l’on se réfère aux diverses réactions syndicales enregistrées après les déclarations de Pierre GATTAZ («Véritable recul social dangereux pour l’ensemble des salariés» pour la CGT, «projet idéologique réchauffé qui ne renouvelle pas le discours sur l’activité et la croissance» pour la CFDT, «provocation» pour la CFE-CGC, «propositions inacceptables» pour FO, rejointe par la CFTC, très «remontée» contre le projet du MEDEF), celui-ci aura manifestement beaucoup de mal à convaincre les syndicats.

Dès lors, et sans vouloir jouer les Cassandre, il est à craindre que ces propositions restent «lettre morte» et que la création d’un million d’emplois sur cinq ans ne soit qu’un vœu pieux.

La réponse à l’interrogation formulée dans le titre de cet éditorial risque donc fort d’être négative.

Jurisprudence

UNE RUPTURE CONVENTIONNELLE PEUT ÊTRE SIGNÉE PENDANT UNE PÉRIODE DE SUSPENSION CONSÉCUTIVE À UN ACCIDENT DU TRAVAIL OU UNE MALADIE PROFESSIONNELLE

La législation protectrice des victimes d’accident du travail ou de maladie professionnelle interdit à l’employeur de rompre le contrat de travail durant la période de suspension, sauf faute grave ou impossibilité de maintenir le contrat pour motif étranger à l’accident ou à la maladie (article L. 1226-9 du Code du travail).

Cette interdiction légale de licencier a été étendue par la jurisprudence à la mise à la retraite, à la rupture de la période d’essai et même à la rupture amiable fondée sur l’article 1134 du Code civil.

Contre toute attente, la Cour de cassation s’est refusée à étendre le champ de l’interdiction à la rupture conventionnelle en estimant qu’une telle rupture peut tout à fait être valablement conclue au cours de la période de suspension consécutive à un accident du travail ou une maladie professionnelle. (Cass. soc. 30 septembre 2014, Catherine X…/ STRAND COSMETICS EUROPE). Les Hauts Magistrats écartent néanmoins cette solution en cas de fraude ou de vice du consentement.

Cette décision prend le contre-pied de la position adoptée par la Direction Générale du Travail dans sa circulaire de 2009 et par la jurisprudence de certaines Cours d’appel.

Rappelons, à cet égard, que l’administration avait estimé que «dans le cas où la rupture du contrat de travail est rigoureusement encadrée durant certaines périodes de suspension du contrat (par exemple, pendant l’arrêt imputable à un accident du travail ou une maladie professionnelle, en vertu de l’article L. 1226-9), la rupture conventionnelle ne peut, en revanche, être signée pendant cette période» (circulaire DGT n° 2009-04 du 17 mars 2009).

Cet arrêt figurera au prochain rapport annuel de la Cour de cassation. C’est dire son importance.

UNE INDEMNITÉ CONVENTIONNELLE PLUS ÉLEVÉE POUR LES CADRES DIRIGEANTS PEUT SE JUSTIFIER

C’est la précision inédite que vient d’apporter la Cour de cassation dans un arrêt du 24 septembre 2014 (Cass. soc. Jacques X… /APAJH 11).

Depuis 2011, la Cour de cassation admet que des avantages conventionnels puissent être modulés entre les salariés selon la catégorie professionnelle sous réserve, néanmoins, que cette différence de traitement soit justifiée par la prise en compte des spécificités de la situation des salariés auxquels l’avantage en cause est accordé.

Ces spécificités tiennent notamment aux conditions d’exercice des fonctions, à l’évolution de carrière ou aux modalités de rémunération.

Le principe posé, restait à savoir quelles spécificités seraient concrètement susceptibles de légitimer un mode de calcul des indemnités de rupture plus favorable pour une catégorie professionnelle déterminée.

Dans l’espèce soumise à la Cour de cassation qui a donné lieu à l’arrêt du 24 septembre 2014, la convention collective applicable prévoyait une indemnité de licenciement plus élevée pour les Cadres dirigeants. Un chef de service (Cadre) avait, lors de son licenciement, demandé à bénéficier des modalités de calcul de l’indemnité prévue pour les Cadres dirigeants, au nom du principe d’égalité de traitement puisque, selon lui, il n’existait aucun élément objectif permettant de justifier une différence de traitement.

Il appartenait donc aux juges du fond, sous le contrôle de la Cour de cassation, de s’assurer de l’existence de raisons objectives et pertinentes à cette différence de traitement.

Dans le cas d’espèce, les juges du fond, puis la Cour de cassation, ont validé l’avantage conventionnel réservé aux Cadres dirigeants en mettant en exergue que ces derniers étaient plus exposés au licenciement que les autres salariés, car directement soumis aux aléas de l’évolution de la politique de la direction générale.

C’est l’une des premières fois que la Cour de cassation,dans son contrôle de l’appréciation portée par les juges du fond sur la justification d’un avantage catégoriel conventionnel, prend position et caractérise explicitement le type de particularité susceptible de fonder une différence de traitement.

Actualité

REMBOURSEMENT DES FRAIS DE SANTÉ

La loi 2013-504 du 14 juin 2013 de sécurisation de l’emploi :

– a posé le principe de la généralisation à tous les salariés, au plus tard au 1er janvier 2016, d’une couverture complémentaire obligatoire de remboursement des frais de santé et de maternité comportant des garanties minimales;
– a prévu que le niveau exact de cette couverture ainsi que les cas dans lesquels les salariés pourraient être dispensés, à leur initiative, de l’obligation d’affiliation seraient définis par décret.

Ce décret a été publié au Journal Officiel du 10 septembre 2014 (Décret 2014-1025 du 8 septembre 2014).

Ce texte précise le niveau minimal des garanties d’assurance complémentaire frais de santé et de maternité comprenant la prise en charge :

• du ticket modérateur sur les consultations, actes et prestations remboursables par l’assurance maladie obligatoire,
• du forfait journalier hospitalier,
• des frais de soins dentaires prothétiques et d’orthopédie dentofaciale, à hauteur d’au moins 25% en plus des tarifs de responsabilité,
• du remboursement des dispositifs médicaux d’optique médicale à usage individuel sous la forme d’un forfait fixé au minimum à 100 € pour les corrections simples, 200 € pour les corrections complexes et 150 € pour les corrections mixtes simples et complexes. Ces forfaits couvrent les frais d’acquisition engagés par période de prise en charge de deux ans (période réduite à un an pour les mineurs ou en cas de renouvellement de l’équipement justifié par une évolution de la vue).

Le décret précise, par ailleurs, les conditions dans lesquelles les assurés peuvent demander à être dispensés de l’obligation d’affiliation à la couverture minimale :

• les salariés embauchés avant la mise en place des garanties,
• les salariés et apprentis sous contrat de travail à durée déterminée ou contrat de mission d’au moins 12 mois, justifiant par écrit d’une couverture individuelle souscrite par ailleurs pour le même type de garanties,
• les salariés et apprentis sous contrat de travail à durée déterminée ou contrat de mission de moins de 12 mois, même s’ils ne bénéficient pas d’une couverture individuelle souscrite par ailleurs,
• les salariés à temps partiel et apprentis dont l’adhésion au système les conduirait à verser une cotisation au moins égale à 10% de leur rémunération brute,
• les bénéficiaires de la CMU complémentaire ou d’une aide à l’acquisition d’une complémentaire santé (la dispense ne jouant que jusqu’à la date à laquelle les salariés cessent de bénéficier de cette couverture ou de cette aide),
• les salariés couverts par une assurance individuelle de frais de santé au moment de la mise en place des garanties ou de l’embauche si elle est postérieure (la dispense ne joue que jusqu’à échéance du contrat individuel),
• les salariés bénéficiant par ailleurs, y compris en tant qu’ayants droit, d’une couverture collective relevant d’un dispositif de prévoyance complémentaire visé par l’arrêté du 26 mars 2012, à condition de le justifier chaque année.
Bulletin rédigé par Maître Philippe BODIN, Avocat
SCP BASILIEN-BODIN Associés – 4, rue NIEPCE 60200 COMPIÈGNE