Bulletin JSA – JUIN 2014
Bulletin rédigé par Maîtres Bruno ROY et Sylvie RUEDA- SAMAT
Cabinet RINGLE ROY & ASSOCIES
Avocats associés au Barreau de Marseille
46 rue Saint Jacques
13006 MARSEILLE
Editorial
RSE ET DROIT SOCIAL : UNE GAGEURE ?
« L’économie responsable a le vent en poupe » titrait un journal régional à la suite de la réunion des 9ernes rendez-vous de la RSE (Responsabilité Sociétale de l’Entreprise) qui se sont tenus au Palais des Congrés de Marseille le 13 mars dernier.
Un des intervenants interviewé par le journaliste affirmait que 50% des entreprises font de la RSE.
On peut s’interroger sur cet engouement et les raisons profondes qui le soutendent.
A la réflexion, mettre en place une démarche RSE en matière sociale ne doit pas être regardé comme un gadget permettant au mieux de se donner une bonne image et au pire de contourner les institutions représentatives du personnel.
En effet, dans le cadre de la mise en place de son plan stratégique triennal 2011-2014 sur la Responsabilité Sociétale des Entreprises, la Commission Européenne définissait la RSE de la manière suivante : « un concept qui désigne l’intégration volontaire, par les entreprises, de préoccupations sociales et environnementales à leurs activités commerciales et leurs relations avec les parties prenantes ».
La norme ISO 26000 qui est le document de référence en matière de RSE, définit les « parties prenantes » comme « des organismes ou des individus qui ont un ou plusieurs intérêts dans une décision et activité quelconque d’une organisation ”.
Les salariés des entreprises sont donc des parties prenantes dans la mesure où ils ont des intérêts dans les décisions et les activités de leur entreprise.
Cependant, diront certains, quelle utilité de mettre en place la RSE, dans le cadre d’une démarche volontaire, si l’entreprise respecte les exigences légales issues de la loi, de la convention collective, du contrat de travail et des normes internationales et européennes sur les droits fondamentaux ?
La réponse repose sur l’évidence suivante : dans le cadre de la RSE, l’entreprise doit aller au-delà des exigences légales et mettre en place des actions d’amélioration de la « performance sociale ».
Cette démarche volontaire peut s’avérer positive pour l’entreprise.
Bien menée, elle entrainera une amélioration de la motivation du personnel et, partant, de meilleures performances. Elle permettra également de fidéliser ses salariés.
Par ailleurs, elle permettra également à l’entreprise de faire connaître ses valeurs à l’extérieur et de mieux se positionner sur un marché concurrentiel.
Alors pourquoi ne pas s’engager dans une démarche RSE bien moins contraignante qu’une démarche de certification ?
Pour ce faire, sur le plan social, l’entreprise devra se faire aider par un avocat spécialisé qui, après un audit, pourra la conseiller dans sa démarche.
Actualité
LE RAPPORT ANNUEL DE LA COUR DE CASSATION
Le rapport de la Cour de cassation pour 2013 a été présenté à la presse par son Premier Président le 23 mai dernier. Sa lecture est toujours instructive. La Cour met en effet en exergue les arrêts marquants rendus au cours de l’année écoulée.
En ce qui concerne la jurisprudence sociale, la Cour rappelle par exemple sa position sur la prescription du délai de deux mois en matière disciplinaire (Cass. soc., 15 janvier 2013, n°11-28.109 – SAS CHABRILLAC) et son interruption par la notification d’une proposition de modification du contrat de travail. Elle rappelle également l’arrêt Baby Loup sur la détermination des contours de la liberté religieuse (Cass. soc 19 mars 2013, n°1 1-28.845 -Association Baby Loup) ainsi que ses arrêts du 25 septembre 2013 sur l’indemnisation du préjudice d’anxiété pour les salariés ayant été exposés aux poussières d’amiante.
Le rapport de la Cour de cassation, comme chaque année, présente des propositions de modifications législatives qu’il est important de connaître, même si ses vœux restent parfois des vœux pieux.
Cette année, la Cour rappelle tout d’abord ses souhaits antérieurs non suivis d’effet notamment en ce qui concerne la durée de la protection des conseillers prud’hommes salariés et les conséquences d’un licenciement prononcé en méconnaissance de son statut en estimant nécessaire de faire obligation au salarié élu d’informer son employeur de l’existence de son mandat au plus tard au moment de l’entretien préalable afin d’éviter à ce dernier de prononcer, en toute bonne foi, un licenciement en méconnaissance du nouveau statut du salarié.
Elle suggère par ailleurs, pour la première fois, qu’il y ait une adaptation de la législation nationale relative aux congés payés avec la législation européenne et donc une modification des dispositions des articles L.3141-5 et L.3141-26 du Code du travail. En effet, sont contraires au droit communautaire les dispositions qui prévoient la perte des droits à congés en cas de faute lourde ou celles qui limitent l’acquisition des droits à congés à une période ininterrompue d’une année pour les salariés en situation de congés pour cause d’accident du travail ou maladie professionnelle.
INSTITUTION DU DON DE JOURS DE CONGÉS POUR ENFANT GRAVEMENT MALADE(L.N°2014-459 DU 9 MAI 2014)
La loi du 9 mai 2014 (L. n°2014- 459 – JO du 10 mai 2014) crée deux nouveaux articles au Code du travail, les articles L.1225-65- 1 et L.1225-65-2.
Désormais, un salarié peut, sur sa demande et en accord avec l’employeur, renoncer anonymement et sans contrepartie à tout ou partie de ses jours de repos non pris, qu’ils aient été affectés ou non sur un compte épargne temps, au bénéfice d’un autre salarié de l’entreprise qui assume la charge d’un enfant âgé de moins de vingt ans atteint d’une maladie, d’un handicap ou victime d’un accident d’une particulière gravité rendant indispensables une présence soutenue et des soins contraignants. Le congé annuel ne peut être cédé que pour sa durée excédant vingt-quatre jours ouvrables.
Le salarié bénéficiaire d’un ou plusieurs jours cédés bénéficie du maintien de sa rémunération pendant sa période d’absence. Cette période d’absence est assimilée à une période de travail effectif pour la détermination des droits que le salarié tient de son ancienneté. Le salarié conserve le bénéfice de tous les avantages qu’il avait acquis avant le début de sa période d’absence.
La particulière gravité de la maladie, du handicap ou de l’accident, ainsi que le caractère indispensable d’une présence soutenue et de soins contraignants sont attestés par un certificat médical détaillé, établi par le médecin qui suit l’enfant au titre de la maladie, du handicap ou de l’accident.
JURISPRUDENCE
LES EXPERTS COMPTABLES DANS LA TOURMENTE
La Cour de cassation annule les dispositions de la convention collective des experts comptables relatives au forfait jours.
Après d’autres, c’est à la convention collective des experts-comptables de subir le contrôle de la haute assemblée qui, dans un arrêt en date du 14 mai 2014 (n°12- 35.033 – Madame Maryvonne X/Société Audit et diagnostic) annule la Convention de forfait jours au motif que les dispositions de l’article 8. 1. 2. 5 de la convention collective nationale des cabinets d’experts-comptables et de commissaires aux comptes du 9 décembre 1974, «ne sont de nature à garantir que l’amplitude et la charge de travail restent raisonnables et assurent une bonne répartition, dans le temps, du travail de l’intéressé, et, donc, à assurer la protection de la sécurité et de la santé du salarié ».
INDEMNISATION DES CONGÉS PAYÉS NON PRIS MALGRÉ UN DOCUMENT SIGNE PAR LA SALARIÉE DÉCLARANT LES AVOIRS SOLDES
Les conventions légalement formées tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faites dispose l’article 1134 du Code civil.
Ce principe n’est pas appliqué avec rigueur par la chambre sociale de la Cour de cassation.
Une salariée déclarée apte avec réserves à la suite d’un accident du travail, signe avec son employeur une convention de rupture conventionnelle qui est homologuée par l’administration. Dans un document annexe la salariée déclarait avoir soldé l’ensemble de ses congés payés.
Malgré la signature de ce document, elle s’était ravisée et avait réclamé le paiement de l’indemnité compensatrice. Avec raison a estimé la Cour de cassation dans les termes suivants :« Attendu qu’eu égard à la finalité qu’assigne aux congés payés annuels la directive 2003/88/CE du Parlement Européen, concernant certains aspects de l’aménagement du temps de travail, lorsque le salarié s’est trouvé dans l’impossibilité de prendre ses congés payes annuels au cours de l’année prévue par le Code du travail ou une convention collective en raison d’absences liées à une maladie, un accident du travail ou une maladie professionnelle, les congés payés acquis doivent être reportés après la date de reprise du travail ou, en cas de rupture, être indemnisés au titre de l’affidé L. 31-11-26 du Code du travail » (Cass. soc. 28 mai 2014, n°12-28082 – Société Biscuiterie Les Deux Soleils).
L’ABSENCE DE CONVOCATION A ENTRETIEN PRÉALABLE
Un salarié employé dans le cadre d’un CDD est licencié pour faute grave sans avoir été convoqué à un entretien préalable. Le licenciement n’en est pas moins fondé estime la Cour de cassation dans un arrêt en date du 14 mai 2014 (n°13-12.071 – Société Magic Mobil) : « Mais attendu que c’est par une exacte application de la loi que la cour d’appel a décidé que si l’absence de convocation à un entretien préalable constitue une irrégularité de la procédure de rupture du contrat de travail à durée déterminée, elle n’affecte pas le bien-fondé de cette mesure».
MANQUEMENT A L’OBLIGATION DE SÉCURITÉ DE RÉSULTAT
La Cour de cassation (Cass. soc., 28 mai 2014, n° 13- 12.485 – Société Lidl) maintient sa position : c’est à l’employeur de prouver qu’il n’a pas manqué à son obligation: il résulte des articles L. 4-121-1 et L. 4121-2 du Code du travail que l’employeur prend les mesures nécessaires pour assurer la sécurité et protéger la santé physique et mentale des travailleurs et veille à l’adaptation de ces mesures pour tenir compte du changement des circonstances et tendre à l’amélioration de situations existantes.
Il appartient à l’employeur dont le salarié, victime d’un accident du travail, invoque une inobservation des règles de prévention et de sécurité, de démontrer que la survenance de cet accident est étrangère à tout manquement à son obligation de sécurité.
Bulletin rédigé par Bruno ROY, Sylvie RUEDA-SAMAT, Avocats associés au Barreau de Marseille
Cabinet RINGLE ROY & ASSOCIES 46 Rue Saint Jacques – 13006 MARSEILLE