Bulletin JSA – Mars 2014
Bulletin rédigé par Maître Christophe OUALI
TRUNO & Associés
1 Bis avenue Fernand Auberger
BP 30066
03321 VICHY CEDEX
Éditorial
DRH : UN TRAVAIL À TEMPS PLEIN…
Depuis 2010 les responsables de ressources humaines assistent, mois après mois, à l’adoption par le législateur de mesures en matière sociale, lesquelles, au final, s’empilent sur les bureaux comme autant de dossiers à traiter.
Au plan de la négociation, ces dossiers se sont avérés particulièrement brûlants dès lors qu’ils étaient toujours assortis par le législateur de pénalités financières, pouvant être lourdes à supporter par les entreprises qui ne respecteraient pas leurs obligations.
Ainsi, toujours depuis 2010, les entreprises atteignant un certain seuil d’effectif se sont vues contraintes d’engager des négociations en vue de conclure des accords ou des plans d’action s’agissant des séniors, en matière de pénibilité, égalité homme/femme, contrat de génération.
Au-delà, les obligations de négociation plus classiques, telles que la négociation annuelle obligatoire, ont été assorties, elles-mêmes, de pénalités susceptibles d’être relevées par les URSSAF en cas de non mise en œuvre.
Reste que le constat après plusieurs années de ce type de mesures est mitigé.
Certes, les entreprises ont dû engager des négociations sur les thèmes évoqués, mais souvent à la hâte, s’acquittant ainsi au plan formel de leur obligation, au détriment d’une véritable réflexion sur le fond des thématiques proposées.
Pire, dans nombre d’entreprises, pourtant assujetties à ce type d’obligations, les DRH, surchargés, sont en retard et nombre d’accords qui auraient dû être conclus n’ont en réalité pas connu de début de négociation.
Il n’est pas rassurant de constater que l’administration chargée du contrôle des entreprises tenues à de telles obligations n’est, elle-même, plus en mesure de suivre les cadences.
Ainsi, après plusieurs années de non-contrôle, les entreprises ont reçu, dans le courant de l’été dernier des vagues de mise en demeure d’engager des négociations sur les thèmes de la pénibilité ou de l’égalité homme/femme.
Aujourd’hui, les contrôles se font de plus en plus pressants et les retardataires vont devoir agir à la hâte, confirmant ainsi le fait que l’obligation conduit à une négociation forcée, souvent au détriment d’une réflexion de fond.
La qualité du dialogue social, assurément, s’en ressent, et la question pourrait être posée d’une politique non plus coercitive mais incitative qui permettrait, notamment pour la partie employeur, d’aborder ses obligations légales non plus sous un angle contraint, mais au contraire, gagnant/gagnant.
En effet, la qualité de négociation prend nécessairement du temps.
Or, sur ce point, les DRH risquent de ne pas pouvoir y consacrer le temps qu’ils souhaiteraient.
Rappelons, en effet, que si le dossier négociation des accords avec les délégués syndicaux est chargé, le dossier animation du comité d’entreprise se trouve étendu par la loi de sécurisation de l’emploi du 14 juin 2013, lequel a étendu le contenu obligatoire des informations à formaliser au comité d’entreprise et modifié leur support de transmission en créant une base de données économiques et sociales unique.
Cette base de données doit être mise à disposition des représentants du personnel au plus tard le 14 juin 2014 dans les entreprises de 300 salariés et plus, et le 14 juin 2015 dans celles de moins de 300 salariés.
Elle a pour vocation de constituer le support privilégié des informations nécessaires à la préparation et de la consultation annuelle des comités sur les orientations stratégiques de l’entreprise et leurs conséquences, nouvellement instaurées par la même loi de sécurisation de l’emploi.
Elle doit contribuer à donner une vision claire et globale de la formation et de la répartition de la valeur créée par l’activité de l’entreprise.
Reste à trouver le temps et les moyens humains pour mettre en oeuvre l’ensemble de ces obligations dans les temps impartis, sans négliger le reste…
Actualité
Le parlement a définitivement adopté le 27 février la loi relative à la formation professionnelle, à l’emploi, et à la démocratie sociale, qui crée notamment le compte personnel de formation (CPF).
A noter que le CPF remplacera, à compter du 1er janvier 2015, le droit individuel à la formation.
Le plafond sera augmenté de 120 à 150 heures de formation et alimenté de la manière suivante : 24 heures par année de travail à temps complet jusqu’à l’acquisition d’un crédit de 120 heures, puis 12 heures par année de travail à temps complet jusqu’à atteindre le plafond de 150 heures.
Pour les temps partiels, le crédit est calculé au prorata du temps de présence.
Au-delà du plafond, le CPF pourra faire l’objet d’abondements, notamment par accord collectif.
Les heures acquises au titre du DIF jusqu’au 31 décembre 2014 relèveront du régime applicable au CPF et pourront être mobilisées jusqu’au 1er janvier 2021 pour financer une formation, en étant complétée, le cas échéant, par les heures inscrites sur le CPF dans la limite d’un plafond total de 150 heures.
La loi instaure, par ailleurs, un entretien professionnel devant se dérouler tous les deux ans afin d’étudier les perspectives d’évolution professionnelle du salarié.
Cet entretien devra également être proposé après une longue période d’absence (congé maternité, congé parental d’éducation, congé sabbatique, arrêt longue durée…).
Tous les 6 ans, il conviendra, lors de l’entretien, d’établir un bilan du parcours professionnel du salarié, afin de connaître s’il a suivi au moins une action de formation, acquis des éléments de certification par la formation ou une VAE, ou bénéficié d’une progression salariale ou professionnelle.
La loi supprime l’entretien de mi- carrière des salariés âgés de 45 ans.
Jurisprudence
DES PRÉCISIONS SUR LE RÉGIME DE LA CLAUSE DE NON-CONCURRENCE
L’employeur qui souhaite renoncer à l’application d’une clause de non-concurrence doit respecter les dispositions et modalités prévues par la convention collective ou le contrat de travail.
A défaut de notifier sa décision de renoncer à l’application d’une telle clause au salarié dans le délai et les modalités prévus, l’employeur est redevable de l’indemnité compensatrice de non-concurrence.
Dans un arrêt du 29 janvier 2014 n°12-22.116, la Cour de Cassation précise, concernant la rupture conventionnelle, que le point de départ du délai fixé dans le contrat de travail, permettant de libérer le salarié de son obligation de non-concurrence, court à compter de la date de rupture fixée dans la convention de rupture conventionnelle, date de rupture qui ne peut intervenir avant le lendemain du jour de l’homologation ou avant la date choisie par les parties dans la convention.
La Cour de Cassation sanctionne ainsi la Cour d’Appel de LYON qui avait retenu que le point de départ du délai se situait à la date à laquelle la décision de rompre le contrat était devenue définitive, à savoir à l’expiration du délai de rétractation de 15 jours.
La Cour de Cassation censure cette décision et fixe le point de départ du délai de renonciation à la clause de non-concurrence à la date de la rupture du contrat prévue dans la convention de rupture homologuée, et non à compter de la date de la signature de la convention ou à compter de la date d’expiration du délai de rétractation.
Par ailleurs, dans un arrêt du 15 janvier 2014 n°12-19.472, la Cour de Cassation réitère sa jurisprudence selon laquelle le paiement de la contrepartie financière attachée à la clause de non-concurrence n’a pas à intervenir avant la rupture.
Il est rappelé que le versement par anticipation de la contrepartie financière est prohibé.
Une telle clause est nulle et les sommes versées au titre de celle-ci sont définitivement acquises au salarié (Cassation sociale 7 mars 2007 n°05-45511), et cela, même si l’employeur a renoncé à l’application de ladite clause immédiatement après la rupture.
La Cour de Cassation rappelle ainsi que le paiement de la contrepartie pécuniaire attachée à la clause de non concurrence ne peut intervenir qu’à compter de la rupture du contrat et, qu’à défaut, l’employeur n’est pas fondé, même en cas de renonciation, à obtenir la restitution des versements opérés au titre d’une clause nulle.
Non seulement l’employeur ne peut obtenir la restitution des versements opérés avant la rupture, mais sera condamné à verser des dommages et intérêts au salarié, la jurisprudence considérant que la seule stipulation dans le contrat de travail d’une clause de non-concurrence nulle cause nécessairement un préjudice au salarié, quand bien même ce dernier n’aurait pas eu à exécuter la clause.
Enfin, dans un arrêt du 29 janvier 2014 (Cassation sociale n°12-22.116), la Cour de Cassation rappelle qu’en cas d’embauche par une autre société du groupe, intervenant dans le cadre d’une entente entre le salarié et les deux employeurs successifs, la clause de non concurrence initiale ne s’applique pas mais reprend ses effets normaux à partir du jour où le contrat de travail avec le second employeur est rompu.
REPORT DE L’ENTRETIEN PRÉALABLE ET PARTICIPATION DE L’EMPLOYEUR
Le Code du Travail fixe la forme et le contenu de la convocation à entretien préalable (date, heure, lieu de l’entretien, possibilité de se faire assister), néanmoins les textes n’envisagent pas l’hypothèse d’un report de l’entretien.
Cette question est traitée par la jurisprudence.
Ainsi, l’employeur n’est pas tenu d’accéder à la demande du salarié souhaitant reporter la date de cet entretien (Cassation sociale 26 mai 2004 n°02-40.681).
S’il le fait, le délai de 5 jours devant séparer la convocation et l’entretien court à compter de la convocation initiale (Cassation sociale 24 novembre 2010 n°09-66.616).
Dans l’affaire du 29 janvier 2014 n°12-19.872, la Cour de Cassation précise que lorsque le report de l’entretien préalable intervient à la demande du salarié, l’employeur n’est pas tenu de délivrer une nouvelle convocation dans les formes prescrites par le Code du Travail.
L’employeur est simplement tenu d’aviser le salarié, en temps utile et par tout moyen, des nouvelles date et heure retenues.
En revanche, dans le cas où l’employeur est à l’initiative d’un report de l’entretien, il semble aujourd’hui conseillé, en l’absence de décision en ce sens, de renouveler la procédure de convocation à entretien préalable dans les formes prescrites par le Code du Travail.
Il convient également de garder à l’esprit que, dans ce dernier cas, le délai d’un mois pour notifier la sanction, court à compter de la date du premier entretien et non à la date reportée à l’initiative de l’employeur, à défaut de quoi, le licenciement notifié trop tard est dépourvu de cause réelle et sérieuse (cass.soc.23 janvier 2013, n°11-22724).
Concernant la tenue de l’entretien préalable, l’employeur lui-même ou la personne qui a qualité pour licencier en son nom, est seul habilité à participer et à mener l’entretien préalable.
Il n’est pas interdit à l’employeur de se faire assister mais cette assistance ne doit pas détourner l’entretien de son objet en le transformant en enquête ou en procès (Cassation sociale 17 septembre 2008 n°06-42.195).
La Cour de Cassation confirme cette position dans une décision du 12 décembre 2013 n°12-21.046, en rappelant que l’entretien préalable au licenciement ne doit pas être déséquilibré au détriment du salarié (par exemple, dans l’hypothèse visée, en mettant le salarié en présence d’un nombre élevé d’interlocuteurs, soit trois des co-gérants, quand bien même chacun avait qualité pour assister à l’entretien préalable).
Ainsi, les participants à l’entretien préalable doivent être représentés de manière équitable et équilibrée. A défaut, la procédure est irrégulière et ouvre droit à des dommages et intérêts.
PERMIS DE LICENCIER
La suspension ou le retrait de permis de conduire peut avoir des conséquences sur la relation et constituer un motif de licenciement.
Dès lors que les faits à l’origine de la suspension ou du retrait de permis ont été commis dans le cadre de la vie privée la faute grave est exclue (cass.soc.3 mai 2011, n°09-67.464).
La cause réelle et sérieuse peut en revanche être retenue dès lors d’une part, que le salarié est affecté, en exécution de son contrat de travail, à la conduite de véhicules et d’autre part, que la mesure de suspension ou retrait occasionne un trouble objectif caractérisé dans l’entreprise et impactant l’exécution du contrat.
Dans un arrêt du 12 février 2014 (cass.soc.n°12-11.554), la Cour rappelle le principe selon lequel aucune clause du contrat ne peut valablement décider que la suspension ou le retrait du permis constituera une cause de licenciement.
Le licenciement prononcé au seul visa de cette clause du contrat est abusif. L’employeur doit en tout état de cause mentionner et caractériser le trouble à la bonne marche de l’entreprise pour légitimer ce type de rupture.
Bulletin rédigé par Maître Christophe OUALI – TRUNO & Associés,
1 Bis avenue Fernand Auberger – BP 30066 03321 VICHY Cedex