Bulletin JSA – Janvier 2014
Bulletin rédigé par Maître Philippe CALIOT
SELARL PICOT VIELLE & ASSOCIES
Avocat au Barreau de BAYONNE
3 avenue Foch
64100 BAYONNE
ÉDITORIAL
REPORT DE LA DURÉE MINIMALE DE TRAVAIL DU SALARIE A TEMPS PARTIEL
Le Ministre du Travail annonce le report au 30 juin 2014 de la durée minimale de travail du salarié à temps partiel fixée à 24 heures par semaine.
La loi de Sécurisation de l’Emploi du 14 juin 2013 comporte une série de mesures visant à mieux protéger les salariés qui travaillent à temps partiel notamment en instaurant une durée minimale hebdomadaire de travail de 24 heures à compter du 1er janvier 2014 pour les nouveaux contrats (art. L 3123-14-1 du Code du Travail).
Une convention ou un accord de branche étendu peut fixer une durée de travail inférieure à cette durée minimale à condition de comporter des garanties quant à la mise en œuvre d’horaires réguliers ou permettant au salarié de cumuler plusieurs activités afin d’atteindre une durée globale d’activité au moins égale à 24 heures par semaine (art. L 3123-14-3 du Code du Travail).
De plus, les horaires de travail du salarié doivent être regroupés sur des journées ou des demi-journées régulières ou complètes (art. L 3123-14-4 du Code du Travail).
Plusieurs accords de branche ont déjà été conclus notamment dans l’enseignement privé (le 18 oct. 2013), dans les centres sociaux et socio-culturels (le 14 nov. 2013) et dans le secteur sanitaire, social et médico-social à but non lucratif (le 22 nov. 2013).
Mais le Ministre du Travail par un communiqué du 10 janvier 2014, au motif que dans près de la moitié des branches concernées par l’obligation de négocier, les négociations ne sont pas achevées, a estimé qu’il serait souhaitable de prolonger jusqu’au 30 juin 2014 la période transitoire qui courait jusqu’au 1er janvier 2014 (date d’entrée en vigueur de la durée minimale de 24 heures hebdomadaire en l’absence d’accord) pour permettre la poursuite des négociations.
Il ajoute qu’une disposition législative en ce sens serait intégrée au projet de loi relatif à la formation professionnelle.
Dès lors, dans les secteurs où un accord de branche étendu n’a toujours pas été conclu, il devrait pouvoir être possible prochainement de conclure un contrat de travail à temps partiel d’une durée inférieure à 24 heures hebdomadaire en vertu de la disposition législative, à effet rétroactif, annoncée par le Ministre du Travail et ce jusqu’au 30 juin 2014.
Mais dans l’attente de cette éventuelle disposition législative il convient de s’en tenir à la réglementation en vigueur et de conclure des contrats à temps partiel d’une durée minimale de 24 heures par semaine sauf demande écrite et motivée du salarié ou accord de branche étendu autorisant une durée inférieure.
Dans le prolongement de ces quelques observations sur le temps de travail, sachons nous en distraire quelques instants pour vous souhaiter, chers lecteurs et chères lectrices, une très bonne année 2014. Et nul besoin d’un texte préalable, légal ou conventionnel, pour attester de la sincérité de ces vœux !
ACTUALITÉS
LE RECOUVREMENT DES MAJORATIONS DE RENTE VERSÉES PAR LES CPAM AUPRÈS DES EMPLOYEURS EN CAS DE FAUTE INEXCUSABLE.
Depuis le 1er avril 2013, les sommes versées à la victime à titre de majorations de rentes et d’indemnités en capital prévues en cas de faute inexcusable ne sont plus récupérées par la Caisse sous forme de cotisations AT/MP supplémentaires mais d’un capital.
Cette récupération s’effectue dans des conditions qui sont précisées par un décret n° 2014-13 du 8 janvier 2014.
La Caisse doit désormais se référer en application de l’article D 452-1 du Code de la Sécurité Sociale issu de ce décret au barème utilisé pour l’évaluation des dépenses à rembourser aux caisses d’assurance maladie en cas d’accident du travail imputable à un tiers (art. R 454-1 du CSS).
Ce capital sera recouvré dans les mêmes conditions et en même temps que les sommes versées au titre de l’indemnisation des autres préjudices dont le salarié peut obtenir l’indemnisation en cas de faute inexcusable.
LES DÉLAIS DONT DISPOSE LE COMITÉ D’ENTREPRISE POUR RENDRE UN AVIS
Dans le cadre des consultations prévues à l’article L 2323-3 du Code du Travail modifié par la loi de Sécurisation de l’Emploi du 14 juin 2013, les délais dont dispose le Comité d’Entreprise pour rendre son avis sont fixés par accord entre l’employeur et le Comité d’Entreprise.
En l’absence d’accord, le décret n° 2013-1305 du 27 décembre 2013 fixe les délais dans lesquels les avis du CE sont rendus.
Le délai est en principe d’un mois (art. R 2323-1-1 du Code du Travail).
A l’expiration de ce délai, le CE est réputé avoir rendu un avis négatif (art. L 2323-3 al. 4 du Code du Travail).
Ce délai d’un mois est porté à :
– deux mois en cas d’intervention d’un expert ;
– trois mois en cas de saisine d’un ou plusieurs CHSCT ;
– quatre mois si une instance de coordination des CHSCT a été mise en place.
L’avis du ou des CHSCT est transmis au CE au plus tard sept jours avant l’expiration du délai accordé au CE pour rendre son avis.
Ces nouveaux délais s’appliquent uniquement aux consultations pour lesquelles la loi n’a pas prévu de délais spécifiques (Art 2323-1 du Code du travail).
JURISPRUDENCE
RAPPEL DE SALAIRE POUR HEURES SUPPLÉMENTAIRES : LES JUGES DU FOND ONT DÉSORMAIS UN POUVOIR SOUVERAIN D’APPRÉCIATION
Par quatre arrêts du 4 décembre 2013, la Chambre Sociale de la Cour de Cassation, réunie en formation plénière, considère désormais que les juges du fond, n’ont plus à préciser dans leurs décisions, les modes d’évaluation ou de calcul qu’ils ont appliqués pour évaluer le montant d’un rappel de salaire pour heures supplémentaires.
Il leur suffit de faire référence, sans plus de précisions, à l’examen et à l’analyse, des éléments apportés par les parties.
Les juges du fond n’ont donc désormais plus à indiquer ni le nombre exact d’heures supplémentaires retenu (Cass. Soc. 12 déc. 2012 n° 11-23.769) ni le mode de calcul retenu ainsi que le raisonnement adopté (Cass. Soc. 13 oct. 2004 n° 02-43.274).
Ces quatre arrêts consacrent ainsi le pouvoir souverain des juges du fond dans la fixation du montant de la créance salariale dont les décisions ne pourront plus être cassées au motif d’une appréciation forfaitaire.
La seule obligation qui pèse désormais sur le juge du fond est purement formelle à savoir indiquer « avoir apprécié l’ensemble des éléments de preuve qui lui étaient soumis ».
Le contrôle de la Cour de Cassation est dès lors très réduit en raison de ce pouvoir souverain d’évaluation du juge du fond, ce qui devrait conduire à limiter fortement le nombre de pourvois sur cette question.
LICENCIEMENT A LA SUITE D’UNE INAPTITUDE ET EXTENSION DU DROIT A RÉPARATION DES SALARIES PROTÉGÉS
Un salarié non protégé licencié à la suite d’une inaptitude peut agir en annulation de ce licenciement devant le juge judiciaire s’il estime que cette inaptitude a pour origine un harcèlement moral qu’il a subi (Cass. Soc. 24 juin 2009 n° 07-93.994) et ce sur le fondement de l’article L 1152-3 du Code du Travail qui prévoit la nullité de la rupture du contrat de travail intervenue en méconnaissance des dispositions relatives au harcèlement moral.
En application du principe de la séparation des ordres de juridictions, le salarié protégé ne peut dans un tel cas demander au juge judiciaire d’annuler l’autorisation de licenciement délivrée par l’administration.
Il n’est pas non plus autorisé à demander au juge administratif d’annuler cette autorisation car l’administration saisie d’une demande d’autorisation de licenciement pour inaptitude n’a pas à rechercher l’origine de cette inaptitude (CE 20 nov. 2013 n° 34 0591).
Par contre, il peut demander au juge judiciaire des dommages-intérêts tant au titre des agissements de harcèlement moral subis qu’au titre de la perte d’emploi.
En effet, l’attribution de dommages-intérêts pour perte d’emploi n’a pas été jugé contraire par la Cour de Cassation au principe de séparation des pouvoirs entre les deux ordres de juridiction car pour délivrer l’autorisation de licenciement, l’administration n’a pas à faire porter son contrôle sur l’existence d’un harcèlement (Cass. Soc. 27 nov. 2013 n° 12-20.301).
Une solution identique devrait trouver à s’appliquer lorsque l’inaptitude consécutive à un accident du travail ou une maladie professionnelle résulte d’une faute inexcusable par l’employeur et reconnue comme telle par le TASS. En effet, dans ce cas, le salarié non protégé, a la possibilité de demander à l’employeur devant la juridiction prud’homale, une indemnisation complémentaire visant à réparer la perte de son emploi (Cass. Soc. 17 mai 2006 n° 04-47.455).
L’EMPLOYEUR PEUT-IL ROMPRE DE MANIÈRE ANTICIPÉE LE CDD POUR REFUS DE CHANGEMENT DES CONDITIONS DE TRAVAIL ?
La Cour de Cassation par deux arrêts rendus le 20 novembre 2013 (n° 12-30.100 et 12-16.370) transpose aux salariés en CDD la jurisprudence, posée pour les salariés en CDI, selon laquelle le refus d’un simple changement des conditions de travail ne constitue pas à lui seul une faute grave (un changement de lieu de travail situé dans le même secteur géographique dans l’une des affaires ; une mutation du service des marchés publics à celui des affaires générales dans l’autre affaire).
En conséquence, en l’absence de circonstances particulières entourant ce refus, la faute grave n’est pas établie et l’employeur ne peut rompre de manière anticipée le CDD.
LE REÇU POUR SOLDE DE TOUT COMPTE RÉDIGE EN TERMES GÉNÉRAUX EST PRIVE D’EFFET LIBÉRATOIRE
Le reçu pour solde de tout compte est doté d’un effet libératoire pour les seules sommes qui y sont mentionnées (art. L 1234-20 du Code du Travail).
Cet effet libératoire avait été supprimé par la loi de Modernisation Sociale du 17 janvier 2002 puis rétabli par la loi de Modernisation du Marché du Travail du 25 juin 2008.
Dans un arrêt du 18 décembre 2013 n° 12-24.985, la Cour de Cassation reprend sa jurisprudence antérieure à la loi du 17 janvier 2002 en privant un reçu pour solde de tout compte rédigé en des termes généraux d’un effet libératoire.
Dans cette affaire, la salariée qui n’avait pas dénoncé dans le délai de six mois le reçu pour solde de tout compte rédigé en termes généraux, a pu solliciter diverses sommes tant au titre de l’exécution que de la rupture du contrat de travail et notamment des dommages-intérêts pour harcèlement moral et une indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse.
Bulletin rédigé par Philippe CALIOT, Avocat au Barreau de BAYONNE, membre de la SELARL PICOT VIELLE & Associés
3 avenue Foch – 64100 BAYONNE