Bulletin JSA – Septembre 2013

Bulletin rédigé par Maître Anthony PEILLET

Maître Anthony PEILLET
Avocat à la Cour
1 ter rue du Languedoc
31000 TOULOUSE


Editorial

L’INAPTITUDE PHYSIQUE DU SALARIE ENCORE ET TOUJOURS EN DEBAT

Le licenciement pour impossibilité de reclassement faisant suite à une déclaration d’inaptitude est une source abondante de contentieux.

L’extrême sévérité des juridictions dans l’application des textes, à toutes les étapes de la procédure de reconnaissance de l’inaptitude, doit conduire l’employeur à être particulièrement vigilant.

Un tel licenciement s’articule autour de deux points fondamentaux : Un avis d’inaptitude établi par le médecin du travail et une recherche de reclassement sincère aboutissant à une impossibilité de reclasser.

Si la recherche de reclassement, au regard des exigences jurisprudentielles, fait généralement l’objet de toutes les attentions, la validité du constat d’inaptitude au poste est un élément tout aussi important.

Le constat d’inaptitude peut intervenir uniquement lorsque le médecin du travail a procédé à une étude de poste ainsi que des conditions de travail et procédé à deux examens médicaux espacés de deux semaines (sauf cas de danger immédiat où une seule visite médicale peut suffire, cf. article R. 4624-31 du code du travail).

Pour un salarié ayant fait l’objet d’un arrêt de travail d’au moins 30 jours, ces deux visites médicales doivent, en principe, intervenir après l’arrêt de travail : à l’occasion d’une visite dite de « reprise » et une seconde visite espacée de deux semaines (cf. articles R. 4624-22 et R. 4624-31 du code du travail).

La loi du 20 juillet 2011 relative à l’organisation de la médecine du travail et son décret d’application du 26 janvier 2012, ont introduit une nouvelle modalité de déclaration d’inaptitude.

Depuis le 1er juillet 2012, l’inaptitude au poste peut être également constatée après un seul examen médical au moment de la reprise du travail, si une visite médicale -dite de pré-reprise – est intervenue durant l’arrêt de travail et dans les trente jours précédents (cf. article R. 4624-31 du code du travail).

La nouveauté est donc qu’il est possible de constater une inaptitude même si une seule visite médicale s’est tenue après l’arrêt de travail (alors même qu’il n’y a pas de danger immédiat pour la santé du salarié).

L’erreur serait alors de croire que toute visite médicale de pré-reprise peut caractériser le premier des deux examens médicaux requis en principe pour constater valablement une inaptitude au poste.

Sensibilisée sur ce point, l’Administration vient d’apporter des précisions de tout premier ordre (cf. Réponse ministérielle. n° 19879 : JOAN Q, 3 sept. 2013, p. 9330).

Une visite de pré-reprise est obligatoire uniquement pour les salariés en arrêt de travail depuis plus de trois mois.

Elle doit être organisée par le médecin du travail à l’initiative du médecin traitant, du médecin conseil des organismes de sécurité sociale ou du salarié (cf. article R. 4624-20 du code du travail).

Selon l’Administration, cette visite de pré-reprise est la seule autorisant le médecin du travail à constater une inaptitude lors de d’un examen unique survenant après l’arrêt de travail.

En d’autres termes, si l’arrêt de travail est d’une durée inférieure à trois mois, les visites de pré-reprises à l’initiative du salarié, de l’employeur ou du médecin du travail ont pour seule portée d’apprécier les capacités du salarié en perspective d’un retour au poste.

Si une inaptitude est à prévoir, il faudra impérativement que le salarié soit, comme auparavant, examiné après son arrêt de travail, dans le cadre d’une visite de reprise et d’un second examen médical espacé de deux semaines.

Même si la réponse ministérielle apparait contestable, la prudence commande de suivre la position exprimée.

Plus que jamais, les employeurs sont invités à contrôler précisément les circonstances dans lesquelles surviennent les visites médicales de leurs salariés.

Actualités

LA REFORME DU CHÔMAGE PARTIEL

En période de crise ou d’évènement imprévu impactant le niveau d’activité, le recours au  chômage partiel est un premier niveau de réponse susceptible de préserver les emplois.

Les salariés ainsi dispensés temporairement d’exécuter tout ou partie de leur travail, bénéficient d’un maintien de salaire composé d’aides étatiques et d’une participation de l’employeur.

Si la volonté des précédents gouvernements a été d’ouvrir les possibilités de recours au chômage partiel, la multiplicité des régimes ajoutée à la complexité de la législation, ont rendu le dispositif particulièrement opaque.

La loi relative à la Sécurisation de l’Emploi du 14 juin 2013 a revu en profondeur le dispositif en vue de le simplifier sensiblement et de le rendre plus attractif (cf. Loi 2013-504 du 14 juin 2013, JO du 16, p. 9958).

Les dispositions légales ont été complétées par un décret du 26 juin 2013, un arrêté du 1er août 2013 et une circulaire du 12 juillet 2013 (cf. décret n°2013-551, arrêté du 26 août 2013 -JO 6 septembre p. 15084, et circulaire n°2013-12), de sorte que le nouveau dispositif est à ce jour pleinement opérationnel.

1. Une fusion des régimes antérieurs

Les différents régimes existants sont remplacés par un dispositif unique dit «d’activité partielle ».

Les motifs de recours à l’activité partielle sont identiques à ceux qui existaient pour le chômage partiel (conjoncture économique, difficultés d’approvisionnement en matières premières, sinistre ou intempéries de caractère exceptionnel notamment).

Exception : il n’est plus possible de demander la prise en charge des salariés n’ayant pas acquis suffisamment de droits à congés payés au moment de la fermeture de l’entreprise.

2. Un dispositif plus souple et une prise en charge financière améliorée

Les périodes d’inactivité peuvent être utilisées pour mettre en œuvre des actions de formation (le type de formation concerné est désormais totalement libre).

Le recours à l’activité partielle peut aller jusqu’à 1000 heures par an et par salarié, quelles que soient les modalités de réduction de l’activité.

L’aide publique consiste en une allocation de 7,74 € par heure chômée, le montant de l’allocation étant porté à 7,23 € par heure pour les entreprises de plus de 250 salariés.

En contrepartie, les employeurs verseront aux salariés concernés une indemnité représentant 70 % du salaire horaire brut (environ 85 % du salaire net) lorsque le salarié n’est pas en formation.

L’indemnité est portée à 100 % du salaire horaire net pour les heures chômées pendant lesquelles le salarié est en formation.

Le calcul du nombre d’heures devant être indemnisées est désormais unique : il s’agit de la différence entre la durée légale du travail (ou celle stipulée au contrat) et le nombre d’heures travaillées effectivement sur la période.

3. L’octroi des aides publiques emporte d’autres engagements

L’employeur devra s’engager à maintenir l’emploi durant la période de recours à l’activité partielle.

Si l’employeur a déjà eu recours à l’activité partielle au cours des trois dernières années, il devra souscrire d’autres engagements spécifiques déterminés au cas par cas avec l’Administration (maintien de l’emploi durant une période plus longue, actions spécifiques de formation, actions en matière de gestion prévisionnelle des emplois et des compétences notamment).

4. Une procédure simplifiée et sécurisée

Sauf cas de sinistre ou intempéries de caractère exceptionnel, l’employeur doit adresser une demande d’autorisation préalable à laquelle l’Administration répond dans un délai maximum de 15 jours.

Une absence de réponse dans le délai emporte autorisation implicite.

DU CONTRÔLE DE LA DIRECCTE SUR LES LICENCIEMENTS POUR MOTIF ÉCONOMIQUE

La loi relative la Sécurisation de l’Emploi du 14 juin 2013 a introduit plusieurs réformes, la plus symbolique concernant le droit des « grands » licenciements collectifs pour motif économique (licenciement de 10 salariés ou plus dans une entreprise de plus de 50 personnes imposant la mise en place d’un Plan de Sauvegarde de l’Emploi).

La procédure de licenciement de 10 salariés ou plus dans une entreprise de moins de 50 salariés a été modifiée dans une moindre mesure, l’essentiel de la réforme ayant trait aux pouvoirs de contrôle préalable de l’Administration sur le projet de licenciement qui lui est transmis.

Une difficulté est immédiatement surgie du fait de la rédaction d’un texte relatif à ce contrôle de l’Administration (cf. article L. 1233-53 du code du travail).

Pris à la lettre, le contrôle de l’Administration devrait désormais concerner toutes les procédures de licenciement pour motif économique, qu’il s’agisse d’un licenciement individuel ou collectif et quel que soit l’effectif de l’entreprise.

Pour les « petits » licenciements économiques (moins de 10 salariés), le paradoxe est que l’Administration est censée exercer un contrôle sur un projet de licenciement, alors que les modalités de notification par l’employeur d’un tel projet à l’Administration n’ont pas été fixées concrètement.

Le Ministère du Travail vient de se positionner sur cette question.

Selon lui, ce n’était ni dans l’esprit des partenaires sociaux ni dans celui du législateur de modifier le régime des « petits » licenciements économiques et l’Administration du travail n’exercera donc pas de contrôle préalable sur les procédures de licenciement concernant moins de 10 salariés.

Un document technique serait en préparation.

Il reste qu’à ce jour, il n’y a toujours pas de position officielle et qu’en toute hypothèse, une note technique du Ministère du Travail ne liera pas le juge.

La prudence imposerait donc de notifier à l’Administration un projet de licenciement.

CONCILIATION : LE BARÈME DES INDEMNITÉS FORFAITAIRES EST PUBLIE

La loi de Sécurisation de l’Emploi tente d’encourager le règlement amiable des litiges.

Lors de l’audience de conciliation, les parties peuvent mettre un terme à toutes les contestations relatives à une rupture de contrat, à charge pour l’employeur de verser une indemnité forfaitaire fixée dans un barème (cf. article L. 1235-1 du code du travail).

Le décret fixant le montant des indemnités forfaitaires vient d’être publié (cf.  Décret n° 2013-721 du 2 août 2013 : JO, 7 août 2013 et article D. 1235-21 du code du travail).

– pour une ancienneté inférieure à 2 ans : 2 mois de salaire ;
– entre 2 ans et moins de 8 ans d’ancienneté: 4 mois de salaire ;
– entre 8 ans et moins de 15 ans d’ancienneté : 8 mois de salaire ;
– entre 15 ans et 25 ans d’ancienneté : 10 mois de salaire ;
– pour une ancienneté supérieure à 25 ans : 14 mois de salaire.

Ce barème ne comprend pas les sommes qui seraient dues du fait de la rupture du contrat (salaire, indemnité de préavis, indemnité de licenciement notamment).

Jurisprudence

PAIEMENT DES AMENDES POUR EXCÈS DE VITESSE (SUITE)

Par un arrêt du 17 avril 2013, la Cour de cassation a rappelé que si l’employeur paie les contraventions liées à l’utilisation par ses salariés de leur véhicule professionnel, il ne peut pas en obtenir le remboursement auprès d’eux (cf. notre précédent bulletin).

La décision peut choquer de prime abord. Mais au-delà de la logique des textes, elle vise surtout à endiguer la pratique contestable suivant laquelle l’employeur ne dénonçait que rarement le salarié contrevenant pour lui éviter un retrait de points et, à terme, un retrait de permis.

La Chambre Criminelle de la Cour de cassation a précisé de son côté que l’employeur, en tant que titulaire de la carte grise du véhicule de société, est redevable du paiement des amendes uniquement si l’auteur de l’infraction n’est pas identifié.

En d’autres termes, les employeurs ont l’alternative à deux branches suivante :

–    Soit dénoncer le salarié contrevenant qui assumera les conséquences de l’infraction, y compris le paiement l’amende.
–    Soit ne pas dénoncer mais il sera alors impossible de demander un remboursement du coût de l’amende au salarié (cf. Cass. Crim n°12-87.490 et article, L. 121-3 du code de la route).

LEVÉE D’UNE CLAUSE DE NON CONCURRENCE : ALÉAS DE LA POSTE

Les clauses de non-concurrence prévoient généralement la possibilité pour l’employeur de délier le salarié de son obligation, à charge pour l’employeur de se manifester suivant des formes et dans un délai déterminés.

Quid lorsque l’employeur a bien adressé une lettre dans les formes et les délais fixés, mais que la Poste a égaré le courrier ?
La Cour de Cassation estime que l’employeur a valablement délié le salarié et qu’il n’est donc dû aucune indemnité de non-concurrence.

La solution aurait été certainement différente si la clause contractuelle avait subordonné la levée de l’obligation de non-concurrence à la réception du courrier idoine (cf. Cass. soc. 10 juillet 2013, n°12-14.080).

UN CDD A TERME PRÉCIS PEUT ÊTRE RENOUVELÉ POUR LA DURÉE D’UN CONGÉ MATERNITÉ

Le contrat à durée déterminée peut être à terme incertain (par exemple pour la durée d’une absence maladie).

Ce contrat n’est pas renouvelable, à l’inverse du contrat à durée déterminée à terme certain (dit de date à date).

La Cour cassation reconnaît, dans son arrêt du 25 juin 2013, la possibilité de combiner les deux types de contrats.

Un contrat de date à date peut faire l’objet d’un avenant de renouvellement, même si cet avenant ne comporte pas de terme précis.

Autre enseignement de cet arrêt : l’avenant de renouvellement à terme incertain suit totalement le régime applicable aux contrats à terme incertain.

L’avenant devra donc prévoir impérativement une durée minimale.

S’agissant d’un avenant conclu « pour la durée du congé maternité » cette exigence est, aux yeux du juge remplie, puisque le congé maternité implique par nature une période minimale de suspension du contrat du salarié remplacé (cf. Cass. soc. 25 juin 2013 n° 11-27.390).

L’employeur aurait certainement été sanctionné s’il s’était agi du remplacement d’un salarié malade et si l’avenant de renouvellement n’avait pas expressément précisé sa durée minimale.

Par souci de sécurité juridique, il vaut mieux préciser la durée minimale d’emploi, chaque fois que l’on a recours à un contrat à terme incertain ou à un avenant à terme incertain.

L’INDEMNITÉ FORFAITAIRE POUR REMBOURSEMENT DE FRAIS DOIT ÊTRE SIGNIFICATIVE

L’employeur a l’obligation de rembourser le salarié des frais qu’il a exposés pour les besoins de son activité.

Par souci de simplification, il est possible de prévoir que la prise en charge des frais s’opérera  par le versement d’une indemnité forfaitaire.

Pour cela, il faut impérativement prévoir, par écrit, le versement d’une indemnité forfaitaire clairement distinguée de la rémunération (Cf. notamment Cass. Soc. 25 mars 2010 n°08-43.156).

La Cour de cassation a récemment apporté des précisions sur cette indemnité forfaitaire.

Selon la Cour régulatrice, l’indemnité forfaitaire ne droit pas être manifestement disproportionnée au regard des frais réellement engagés.

Le principe d’une indemnisation forfaitaire ne semble  donc pas remis en cause, même s’il apparait a posteriori que le forfait était défavorable à tel ou tel moment.

Ce devrait être le cas uniquement lorsque cette indemnisation apparait clairement dérisoire par rapport aux frais engagés réellement.

Quoi qu’il en soit, une vérification du montant de l’indemnité forfaitaire pour frais s’impose dès la conclusion du contrat mais aussi durant l’exécution du contrat, si l’évolution de l’activité du salarié devait l’amener à exposer sensiblement plus de frais (Cf. Cass. Soc. 20 juin 2013 n° 11-23.071 et 11-19.663).

L’ABUS DE CONFIANCE COMMIS PAR UN SALARIE DURANT SON TEMPS DE TRAVAIL

Dans un arrêt remarqué du 19 juin 2013, la Cour de cassation énonce que «l’utilisation, par un salarié, de son temps de travail à des fins autres que celles pour lesquelles il perçoit une rémunération de son employeur constitue un abus de confiance ».

L’espèce était assez accablante pour ce salarié prothésiste dans un centre de rééducation fonctionnelle, qui utilisait son temps de travail pour fabriquer, contre rémunération, des prothèses pour un autre prothésiste (Cf. Cass. Crim. 19 juin 2013 n°12-83.031).

Bulletin rédigé par Maître Anthony PEILLET, Avocat à la Cour
1 ter rue du Languedoc – 31000  TOULOUSE