Bulletin JSA – Avril 2013

Bulletin rédigé par
Maître Annette PAUL

10 avenue Alsace Lorraine
38000 GRENOBLE


Éditorial

LE JUGE ET LE FAIT RELIGIEUX DANS L’ENTREPRISE

QUE FAUT IL RETENIR DES RÉCENTS ARRÊTS DE LA COUR DE CASSATION DU 19 MARS 2013 ?
(Cass soc n°11 28.845 et n°1211.690)

Qu’un employeur doit toujours et encore se garder de vouloir appliquer de grands principes pourtant républicains et tirés de la Constitution au sein de son entreprise,les «leçons de morale » étant du seul pouvoir de l’Etat.

Les Hauts Magistrats ont jugé fondé le licenciement d’une salariée de caisse de sécurité sociale motivé par le port d’un bonnet islamique. La Haute Cour a précisé que les salariés de droit privé, assumant la gestion d’un service public (ici la sécurité sociale) étant soumis à l’obligation de neutralité/ laïcité instaurée par l’article 1 de la constitution, toute violation de la clause du règlement intérieur « interdisant le port de vêtements ou d’accessoires positionnant clairement un agent comme représentant un groupe,une ethnie, une religion….. » constitue un motif de rupture du contrat de travail ; Tel est le cas lorsque le salarié, soumis au droit privé, manifeste une croyance religieuse par des signes extérieurs, en particulier vestimentaires, en raison des contraintes spécifiques résultant du fait qu’il participe à une mission de service public.

Par contre, ce « principe de neutralité» ne peut être évoqué pour faire échec aux protections des libertés fondamentales des salariés soumis au code du travail dans les entreprises du secteur privé.

La Haute Cour exige en effet, chaque fois qu’une restriction à une liberté individuelle est mise en place par un employeur privé, qu’elle soit prévue par le Règlement Intérieur et soit objectivement déterminante et proportionnée au but poursuivi.
Dès lors que cette exigence n’est pas satisfaite, le licenciement fondé sur le non respect de la clause du Règlement Intérieur n’est pas valable.

C’est bien la portée générale du Règlement Intérieur de la crèche BABY LOUP qui est sanctionnée par la Haute juridiction, et rien d’autre. Soit l’application stricte d’un principe juridique énoncé de longue date.

En effet, le licenciement de la salariée portant un voile islamique était motivé par le non respect de la clause du règlement intérieur de la crèche érigeant une règle générale de laïcité et neutralité applicable à tous les salariés de l’entreprise. Interdiction générale et imprécise donc invalide pour les Hauts Magistrats.

L’employeur doit ainsi, à la lumière de ces arrêts, vérifier et (faire) valider que les clauses de son règlement intérieur ou contrat de travail correspondent effectivement aux exigences lui permettant de restreinte la liberté de ses salariés.

Il devra pouvoir justifier que cette restriction est bien proportionnée au but poursuivi, ce qui implique de prendre en compte la nature de la tâche à accomplir par le salarié (L 1121-1 et L 1321-3 du code du travail).

L’employeur devra également porter une attention toute particulière à la rédaction de la lettre de licenciement, qui ne manquera pas de préciser ces aspects et leurs conséquences au cas d’espèce.

Actualités

LE CALCUL DE LA PARTICIPATION EST AFFECTÉ PAR LE CRÉDIT D’IMPÔT COMPÉTITIVITÉ ET EMPLOI

L’administration fiscale a précisé, le 15 mars 2013, les conséquences du nouveau crédit d’impôt pour la compétitivité et l’emploi (CICE), instauré par la dernière loi de finances rectificative pour 2012.

L’imputation ou le remboursement du CICE augmentera le bénéfice pris en compte pour le calcul du montant de la réserve de participation en cas de bénéfice imposable, dans le cas contraire, le remboursement du CICE n’aura aucun impact sur la réserve de participation, puisqu’aucune participation n’est due dans ce cas en application de la formule légale de participation.

Le CICE bénéficiera donc indirectement aux salariés par une augmentation de la part de la participation versée.

Par contre le CICE n’aura aucun impact sur la valeur ajoutée de l’entreprise, puisqu’il diminue la part «charge de personnel » mais augmente le résultat courant avant impôt, soit deux paramètres pris en compte dans le calcul légal pour la détermination de la réserve spéciale.
BOI-BIC-PTP-10-10-20-10-20130315 et BOI-BICPTP-10-10-20-30-20130315

BARÈME INDEMNITÉS KILOMÉTRIQUES 2013

Le barème des indemnités kilométriques publié par l’administration fiscale le 19 mars est identique à celui de l’année précédente. Ce barème est donc gelé depuis maintenant trois ans.

Ce barème est désormais plafonné à 7 CV au lieu de 13 CV précédemment, en application de la loi de finances pour 2013 (n°2012-1509 du 29 décembre 2012).

Il convient d’en tenir compte pour la détermination de la part exonérée de cotisations sociales des indemnités forfaitaires kilométriques versées par l’employeur, puisque le barème fiscal constitue la limite d’exonération pour le remboursement forfaitaire.

Jurisprudence

LA COUR DE CASSATION VALIDE LES AVANTAGES CATÉGORIELS DE PRÉVOYANCE

La Cour de cassation a jugé qu’en raison des particularités des régimes de prévoyance couvrant les risques maladie, incapacité, invalidité, décès et retraite, l’égalité de traitement ne s’applique qu’entre les salariés relevant d’une même catégorie professionnelle.

Ce principe a été clairement posé dans trois arrêts portant sur la réclamation de salariés non cadres se prévalant des avantages accordés aux cadres en matière de mutuelle d’entreprise qui bénéficiaient d’une prise en charge plus avantageuse de leur participation au dispositif et d’autres se prévalant d’un régime de prévoyance complémentaire maladie-invalidité institué au profit des seuls cadres de l’entreprise.

La Haute juridiction estime qu’il n’y a pas violation du principe d’égalité de traitement puisqu’il convient en la matière d’analyser la situation des salariés à l’intérieur d’une même catégorie professionnelle. L’employeur doit s’assurer que, au sein d’une même catégorie professionnelle, tous les salariés placés dans une situation identique bénéficient du même avantage.

La Cour rappelle cependant qu’en matière de préavis et d’indemnité de rupture, une différence de régime entre les travailleurs relevant de catégories distinctes mais se trouvant dans la même situation doit reposer sur des raisons objectives et pertinentes, tenant notamment à la spécificité de la situation des salariés relevant de chacune des catégories, dont les conditions d’exercice des fonctions, l’évolution de carrière ou les modalités de rémunération.

La seule existence de textes conventionnels distincts ne suffit pas à le justifier, dès lors que les salariés sont placés dans une situation identique au regard de cette catégorie d’avantage.
(Cass. soc., 13 mars 2013,n° 11-20.490 FS-PBR, n 10-28.022, 11-23.761 FS-D)

DURÉE DU TRAVAIL ET PAUSE LÉGALE OBLIGATOIRE

La Cour de cassation vient de préciser les modalités de l’obligation d’accorder un temps de pause de 20 minutes dès lors que le temps de travail quotidien dépasse 6 heures, obligation issue de l’article L 3121-33 du code du travail.

– La pause légale ne se fractionne pas : il s’agit d’une seule pause d’une durée au moins égale à 20 minutes.
– Dès lors que la durée journalière de travail est d’au moins 6 heures, y compris lorsque cette durée est atteinte de manière exceptionnelle, la pause de 20 minutes doit être accordée.
– Il appartient à l’employeur de démontrer le respect de cette obligation, c’est-à-dire qu’elle doit, en présence d’horaires individualisés, apparaitre dans les décomptes journaliers de temps de travail.
(Cass Soc 20 février 2013 n°11-21.599 ; 11-26.793 ; 11-28.612)

L’ARRÊT MALADIE N’EST TOUJOURS PAS CRÉATEUR DE DROIT À CONGÉS PAYÉS EN DROIT FRANÇAIS

La Cour de cassation maintient sa position : un salarié ne peut prétendre au paiement d’une indemnité compensatrice de congés payés au titre d’une période de suspension du contrat de travail pour maladie ne relevant pas de l’article L.3141-5 du Code du travail.

La Cour de cassation estime que la directive européenne directive « temps de travail » n° 2003/88/CE du 4 novembre 2003 ne peut s’appliquer directement à un litige entre particulier, puisque la loi nationale comprend des dispositions contraires.

En effet, si la directive, à la lumière de l’arrêt Dominguez de la CJUE du 24 janvier 2012, prévoit que « tout travailleur, qu’il soit en congé de maladie pendant ladite période de référence à la suite d’un accident survenu sur le lieu du travail ou ailleurs, ou à la suite d’une maladie de quelque nature ou origine qu’elle soit, ne saurait voir affecter le droit au congé annuel payé d’au moins quatre semaines du travailleur concerné» le Code du travail français- article L. 3141-3 – ne permet pas à un salarié d’acquérir des congés payés durant une période d’arrêt maladie.

Il conviendra donc pour rendre obligatoire l’application de cette directive que le législateur modifie le texte national.
(Cass. soc., 13 mars 2013,n° 11-22.285 FS-PB)

RENONCIATION A LA CLAUSE DE NON CONCURRENCE ET DISPENSE DE PRÉAVIS.

La Cour de cassation vient de préciser que l’employeur qui entend renoncer à une clause de non concurrence doit notifier sa décision au plus tard à la date de départ effectif du salarié lorsqu’il dispense celui-ci de l’exécution de son préavis, et ce nonobstant des stipulations ou dispositions contraires.

Ainsi, lorsque l’employeur accède à la demande d’un salarié démissionnaire de le dispenser d’exécuter une partie de son préavis, il doit renoncer à la clause de non concurrence au plus tard le dernier jour d’exécution du contrat de travail. S’il y renonce postérieurement y compris avant la fin du préavis, cette renonciation tardive ouvre droit pour le salarié au paiement de la contrepartie financière.
(Cass. soc., 13 mars 2013, n° 11-20.490 FS-PBR, n 10-28.022, 11-23.761 FS-D)

Bulletin rédigé par Maître Annette PAUL
10 avenue Alsace Lorraine 38000 GRENOBLE