Bulletin JSA – Mars 2013

Bulletin rédigé par
Maître SCHWACH Jean-Christophe
SCP LEXOCIA
5 rue de Berne
67300 SCHILTIGHEIM


Éditorial

INAPTITUDE DU SALARIÉ : UNE NOUVELLE INCERTITUDE

Lorsque le reclassement d’un salarié reconnu inapte est impossible, le contrat peut être rompu.
Cependant, le chemin qui mène à cette rupture est long et semé d’embuches.

Il convient bien évidemment de respecter la procédure et de s’assurer que les visites médicales ont bien eu lieu dans les formes et les délais requis.

Dans le cadre de la procédure de constatation de l’inaptitude, l’employeur doit souvent se heurter à des avis du Médecin du Travail qui nécessitent des précisions et qui rendent les recherches de reclassement plus difficiles.

Il est vrai que la jurisprudence a durci sa position quant aux obligations de l’employeur en matière de reclassement et de preuve de la loyauté et du sérieux de ses recherches.

Cette procédure se trouve également fragilisée par la possibilité pour le salarié de contester son inaptitude, ce qui pourrait remettre en cause la procédure de licenciement.

Depuis le 1er juillet 2012, la contestation de l’avis d’inaptitude doit être adressée par le salarié à l’Inspection du Travail dans un délai de deux mois par lettre recommandée avec accusé de réception.

Compte tenu de ce nouveau délai (aucune limite dans le temps n’existait avant), une question se pose : l’employeur doit-il attendre la décision de l’Inspecteur du Travail avant de licencier le salarié ?

La Cour de Cassation a affirmé dès 2004 que l’employeur n’était pas tenu d’attendre la réponse de l’Inspecteur du Travail pour prononcer le licenciement avec un risque : l’annulation de l’avis du Médecin du Travail privera de cause réelle et sérieuse la rupture avec versement au salarié d’une indemnité au moins égale à 6 mois ou à 12 mois si l’inaptitude est d’origine professionnelle.

Dans une réponse du 22 janvier 2013, le Ministre du Travail recommande d’attendre la décision de l’Inspecteur du Travail et de laisser s’écouler le délai de recours de deux mois avant de licencier.

En pratique, l’employeur va donc reprendre le versement du salaire à l’issue du délai d’un mois puis mettre en œuvre la procédure de licenciement.

Comme le souligne la doctrine, si cette réponse est pragmatique, elle ne résout pas tous les problèmes :
– il est rappelé que le salarié n’a pas l’obligation d’informer son employeur de son recours,
– l’Inspecteur du Travail dispose lui-même d’un délai de deux mois à compter de sa saisine pour se prononcer,
– sa décision peut faire l’objet d’un recours hiérarchique dans un délai de deux mois.

Ainsi, l’employeur qui suivrait la recommandation du Ministre du Travail ne serait toutefois pas à l’abri d’une annulation de l’avis d’inaptitude, avec pour conséquence l’absence de cause réelle et sérieuse du licenciement.

Actualités

LE CONTRAT DE GÉNÉRATION : DÉFINITIVEMENT ADOPTÉ PAR LE PARLEMENT

L’insertion des jeunes et le maintien des salariés âgés dans l’emploi sont désormais facilités grâce au contrat de génération.

Dès lors, devra être réalisé un diagnostic préalable à l’accord ou au plan d’action qui sera établi pour trois ans maximum.

Il comportera notamment des engagements en faveur de la transmission des savoirs et des compétences, des éléments relatifs à la pyramide des âges mais aussi concernant l’amélioration des conditions de travail des salariés âgés et de la prévention de la pénibilité.

Ces engagements seront associés à des objectifs chiffrés et des missions de formation.

Les modalités de mise en œuvre de ce contrat, destiné aux entreprises de droit privé, dépendent de leur effectif puisqu’une distinction est à opérer entre les entreprises d’au moins 300 salariés, les entreprises de 50 à 300 salariés et celles de moins de 50 salariés.
(Loi du 1er mars 2013, JO du 3 mars)

LOI DE FINANCEMENT DE LA SÉCURITÉ SOCIALE POUR 2013

RUPTURE CONVENTIONNELLE :
– Assujettissement des in¬demnités de rupture conven¬tionnelle au forfait social dès lors qu’elles ne sont pas soumises aux cotisations et contributions sociales (Article L 137-15 du CSS modifié)

FAUTE INEXCUSABLE :
– Article L 452-3-1 nouveau du CSS : La reconnaissance de la faute inexcusable emporte dorénavant l’obligation pour l’employeur de verser les sommes dont il est redevable même si la décision reconnaissant l’AT ou la MP lui est inopposable. (Cette mesure vise à tenir en échec la jurisprudence de la Cour de Cassation. 2ème civ. 1er juillet 25010 n° 09-14- 576)
> Dispositions applicables aux actions en reconnaissance de faute inexcusable engagées à compter du 1er janvier 2013
– Article L 452-2 modifié du CSS : Remboursement à la CPAM, en capital, des majorations de rentes et d’indemnités en capital versées à la CPAM
> Applicable pour les majorations versées à compter du 1er avril 2013
> Les modalités seront précisées par décret
> Suppression de la majoration de rente remplacée par une prestation complémentaire pour recours à tierce personne à compter du 1er mars 2013 et selon un décret à paraître.

Jurisprudence

UNE RUPTURE CONVENTIONNELLE SIGNÉE DANS UN CONTEXTE DE HARCÈLEMENT MORAL EST NULLE

La loi du 25 juin 2008 crée ce nouveau mode de rupture du contrat de travail qui est issu d’une double préoccupation : réduire les freins à l’embauche et mettre fin à l’hypocrisie du licenciement convenu par les deux parties dans le seul but de permettre au salarié de bénéficier de l’assurance chômage.

Depuis sa mise en œuvre, la rupture conventionnelle fait l’objet de divers contentieux.

Par une décision récente de la Cour de Cassation, toute signature dans un contexte de violence morale est à proscrire.

La rupture conventionnelle étant supposée intervenir d’un commun accord, elle doit être libre¬ment consentie par le salarié.

En conséquence, si la signature intervient dans une situation de troubles psychologiques la nullité est encourue.
(Cass. Soc., 30 janvier 2013, n°11-22.332 FS-PBR)

CUMUL DE L’INDEMNISATION FORFAITAIRE POUR TRAVAIL DISSIMULÉ

Dans une situation de travail dissimulé, l’indemnité forfaitaire de six mois de salaire, prévue par la loi est cumulable avec l’indemnité conventionnelle de licenciement en cas de rupture de la relation de travail.

Auparavant, l’employeur n’était redevable que de la plus élevée des deux.
(Cass. Soc., 6 février 2013, n° 11-23.738 FP-PBR)

LA CLÉ USB : OUTIL DE LICENCIEMENT

Lorsqu’elle est connectée à un outil informatique mis à la disposition du salarié par l’employeur pour l’exécution du contrat de travail, la clé USB est présumée utilisée à des fins professionnelles.

Dès lors, l’employeur peut accéder aux fichiers enregistrés sur celle-ci sans l’accord et la présence du salarié.

Il est donc valable de dire que l’employeur est dans son bon droit lorsqu’il s’en sert comme motif de licenciement si le salarié y a stocké des informations confidentielles concernant l’entreprise.

La seule exception pour le salarié, serait de nommer au préalable les fichiers comme étant personnels.
(Cass. Soc., 12 février 2013, 11- 28.649, n° 11-28.649 FS-PB)

RUPTURE DE LA PÉRIODE D’ESSAI

Tant que la rupture intervient avant le terme de l’essai, l’inobservation du délai de prévenance légal ne peut être sanctionnée par une requalification en licenciement.
(Cass. Soc., 23 janvier 2013, n° 11-23.428 FS-PB)

LE MESSAGE LAISSÉ SUR LE RÉPONDEUR D’UN SALARIÉ EST UN MODE DE PREUVE

Cette solution est une transposition de la jurisprudence sur les SMS.

En effet, qu’il s’agisse d’un SMS ou d’un message laissé sur le répondeur téléphonique personnel d’un salarié, la Cour estime que le régime est identique.

La retranscription des messages vocaux n’est pas un procédé dé¬loyal et constitue bien un mode de preuve parfaitement recevable
(Cass. Soc., 6 février 2013, n° 11-23.738 FP-PB)

REFUS DE RÉTROGRADATION

Le salarié jouit d’un droit au refus s’agissant de la rétrogradation disciplinaire, tout en permettant à l’employeur de prendre, par la suite, une sanction substitutive pouvant aller jusqu’au licencie¬ment pour faute grave.

Cependant, cette procédure disciplinaire doit impérativement prendre en compte le délai de prescription qui est de deux mois.

En effet, la convocation du salarié à un entretien préalable en vue d’une autre sanction disciplinaire doit alors intervenir dans les deux mois suivant le refus.

En 2011, la Cour de Cassation avait déjà précisé que le refus du salarié interrompt le délai de prescription de l’article L 1332- 4 du Code du Travail, de sorte qu’un nouveau délai court à compter de la date du refus.
(Cass. Soc., 15 janvier 2013, n°11-28.109 FS-PBR)

PRISE D’ACTE DE LA RUPTURE ET VIOLENCES ENTRE SALARIÉS

Tout salarié victime de violences physiques ou morales ou de harcèlement au travail est autorisé à prendre acte de la rupture de son contrat.

Cette prise d’acte sera nécessairement jugée justifiée car l’employeur est regardé comme ayant manqué, du seul fait de la survenance de ces évènements, à son obligation de sécurité de résultat ; même s’il a pris des mesures pour faire cesser les agissements en question.

Cette solution implique que l’employeur prévoit et prévienne les errements et comportements déviants de ses salariés.

Au caractère quasi impossible de cette tâche, s’ajoute le fait que l’employeur sera toujours tenu pour responsable.
(Cass. Soc., 23 janvier 2013, n° 11-18.885 FS-PB)

MANQUEMENT D’ORDRE PROFESSIONNEL

Le salarié peut désormais invoquer, à l’appui d’une prise d’acte de la rupture, des manquements d’ordre professionnel, commis à son égard par l’employeur en dehors du temps et du lieu de travail.

La preuve de ce manquement, suffisamment grave pour faire obstacle à la poursuite du contrat de travail, devra être rapportée par le salarié ; à la condition, en revanche, que les griefs invoqués à l’appui de la prise d’acte soient en lien étroit avec l’activité professionnelle.

Ce qui n’est pas autorisé dans l’entreprise ne l’est pas davantage en dehors.
(Cass. Soc.,23 janvier 2013, n° 11-20.356 FS-PB)
Bulletin rédigé par Maître Jean-Christophe SCHWACH 
SCP LEXOCIA – 5 rue de Berne – 67300 SCHILTIGHEIM